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Rapport d'enquête aéronautique A94Q0038

Vol dans des conditions météorologiques défavorables
Fleet 80 Canuck C-FEBF
Lac Holden (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'appareil sur skis effectuait un vol voyage entre le lac Watabeag (Ontario) et Mallorytown (Ontario) avec le pilote et son chien à bord. Des riverains du lac Holden (Québec) ont aperçu l'épave d'un aéronef qui s'était écrasé sur la surface gelée du lac. Les services de police ont été prévenus et des secours ont été dépêchés sur les lieux, mais les secouristes n'ont pu que constater le décès du pilote. Le chien avait cependant survécu à l'impact malgré ses blessures graves.

Le Bureau a déterminé que le pilote a rencontré des conditions météorologiques favorables au phénomène de voile blanc et a perdu toute référence visuelle avec le sol, ce qui a réduit l'habileté du pilote à évaluer sa hauteur par rapport au sol. L'aéronef est descendu en virage jusqu'à ce qu'il percute la surface gelée du lac.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

L'avion sur skis, immatriculé C-FEBF, a décollé du lac Watabeag (Ontario) à 7 h 45, heure normale de l'Est (HNE) pour un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de Mallorytown (Ontario). Le pilote et son chien se trouvaient à bord de l'appareil.

Figure 1 - Route de vol
Route de vol

Le pilote avait prévu effectuer un arrêt à Temagami (Ontario); il devait ensuite continuer sa route en suivant la rivière des Outaouais via Mattawa (Ontario), Pembroke (Ontario), et le lac Golden (Ontario) jusqu'à sa destination, Mallorytown, village situé au sud de Brockville (Ontario). L'avion a été aperçu quand il a fait escale à Temagami. Lorsqu'il a décollé de Temagami, les conditions étaient propices au vol VFR. Il a été impossible de déterminer si l'avion s'était posé à d'autres endroits en route.

Toute la matinée, un épais brouillard recouvrait la surface gelée du lac Holden (Québec), situé le long de la route prévue. Entre 12 h et 13 h HNE, le brouillard a commencé à se dissiper. C'est alors que l'épave a été aperçue sur la surface gelée du lac. La police de Rolphton (Ontario) a aussitôt été prévenue et des secours ont été dépêchés sur les lieux.

Le pilote est mort sur le coup; le chien a subi des blessures graves mais a survécu à l'impact. L'aéronef a été lourdement endommagé.

L'accident est survenu de jour vers 11 h 30 HNE, par 46°12′ de latitude Nord et 77°47′ de longitude Ouest.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués 1 - - 1
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes - - - -
Total 1 - - 1

1.3 Dommages à l'aéronef

L'avion a été lourdement endommagé. L'impact a surtout causé des dommages à l'aile droite et à la partie située au-dessous du fuselage, y compris les skis, l'hélice et la partie inférieure du carénage moteur.

1.4 Autres dommages

Aucun.

1.5 Renseignements sur le personnel

Commandant de bord
Âge 86 ans
Licence pilote privé
Date d'expiration du certificat de validation 1er novembre 1994
Nombre d'heures de vol 3 500 (app.)
Nombre d'heures de vol sur type en cause 600 (app.)
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours 15 (app.)
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 15 (app.)
Nombre d'heures de service avant l'événement 5
Nombre d'heures libres avant la prise de service 10

Le pilote était en place gauche au moment de l'accident. Il possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol VFR et en vertu de la réglementation en vigueur. Le pilote ne possédait pas la qualification de vol aux instruments. Les heures de vol du pilote ne sont qu'une approximation car son carnet de vol n'a pas été retrouvé.

1.5.1 Préparation du vol

Le pilote n'avait pas l'habitude d'obtenir des renseignements météorologiques auprès des services d'Environnement Canada ni de déposer de plan de vol. Le matin de l'accident, le pilote avait pris connaissance des conditions météorologiques locales en écoutant la radio.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur Fleet Manufacturing Ltd.
Type 80-1012 Canuck
Année de construction 1948
Numéro de série 150
Certificat de navigabilité valide
Nombre total d'heures de vol cellule 4 700
Type de moteur (nombre) Teledyne Continental C-90-12F (1)
Type d'hélice (nombre) McCauley lA90 (1)
Masse maximale autorisée au décollage 1 480 lb
Types de carburant recommandés essence automobile ordinaire
Type de carburant utilisé essence automobile ordinaire

L'appareil appartenait au pilote qui l'avait acheté le 17 août 1988. L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'aéronef n'était pas équipé pour le vol aux instruments. Il était muni de skis. Sa masse et son centrage se trouvaient dans les limites prescrites au moment de l'accident.

1.7 Renseignements météorologiques

Selon l'étude faite par Environnement Canada, le sud du Québec et l'est de l'Ontario étaient couverts d'un épais brouillard le matin du 14 mars 1994, sous l'influence d'une très faible crête de haute pression s'étendant de Chibougamau (Québec) à Petawawa (Ontario) à 7 h HNE. Selon la carte de surface, l'ensemble des stations météorologiques du sud de l'Ontario et du sud-ouest du Québec signalaient des visibilités réduites dans le brouillard.

Avec l'approche d'un important système dépressionnaire en provenance du nord-ouest de l'Ontario, des vents du sud-est se sont formés dans la vallée de l'Outaouais, ce qui a favorisé un certain brassage de la masse d'air dans les bas niveaux. Ces vents ont permis au brouillard de se dissiper graduellement, comme l'a indiqué la station de Petawawa, entre 11 h et 13 h HNE. À 11 h 9 HNE, la station de Petawawa, située près de Pembroke (Ontario), faisait état d'une bonne visibilité avec des vents du sud-est à sept noeuds. Cependant, il est fort probable que des bancs de brouillard aient persisté un peu plus longtemps sur la rivière des Outaouais et dans les environs.

Les conditions de vol au départ du lac Watabeag étaient favorables au vol VFR; cependant, jusqu'à 12 h HNE, le lac Holden était recouvert d'une couche de brouillard qui réduisait la visibilité à environ un demi-mille, ce qui est inférieur aux minima VFR; ce n'est que par la suite que le brouillard a commencé à se dissiper.

1.8 Aides à la navigation

Aucune aide à la navigation n'a été utilisée. L'aéronef était équipé d'un système de positionnement mondial ( Global Positioning System. (GPS) qui fonctionnait bien. Cependant, aucune donnée n'a été extraite dans le cadre de l'enquête sur cet accident.

Le pilote avait mentionné qu'il éprouvait certaines difficultés à utiliser le GPS adéquatement et qu'il préférait voler à basse altitude tout en suivant les cours d'eau sur lesquels il pouvait se poser en cas d'urgence.

1.9 Télécommunications

Aucune communication radio n'a été établie entre l'aéronef et une station au sol ou vice-versa. L'avion était équipé d'une radio, mais le pilote n'avait pas l'habitude d'utiliser la radio de l'appareil.

1.10 Renseignements sur le site

Le lac Holden s'est formé par suite de la construction d'un barrage en aval sur la rivière des Outaouais. Ce lac a une longueur d'environ 13 000 pieds sur une largeur variant entre 1 500 et 4 000 pieds. À l'endroit où l'épave reposait, le lac mesure 4 000 pieds de largeur. Ce lac est situé le long de la route de vol prévue. La surface gelée du lac était recouverte de neige toute blanche et se prêtait à un atterrissage sur skis.

1.11 Enregistreurs de bord

L'aéronef n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) ni d'un enregistreur phonique (CVR). La réglementation en vigueur n'imposait par l'emport d'enregistreurs de bord pour ce type d'aéronef.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.12.1 Séquence d'impact

Le cap de l'appareil le long de la route proposée devait être de 110 degrés magnétique environ. Au moment du premier impact, l'appareil avait un cap de 360 degrés magnétique et présentait une inclinaison vers la gauche d'environ 30 degrés. Les premières marques d'impact relevées sur la surface gelée du lac provenaient du bout de l'aile gauche. L'appareil a presque simultanément heurté la glace avec le ski gauche pour continuer sur une trajectoire de 337 degrés magnétique. Environ 80 pieds plus loin, l'ensemble complet des haubans de l'aile droite, la partie supérieure et la semelle du ski droit se sont détachés de l'avion. L'appareil a finalement effectué une rotation à droite sur la glace, pour s'arrêter sur le ventre environ 105 pieds plus loin, au cap de 195 degrés magnétique.

Peu avant l'immobilisation de l'appareil, l'aile droite, retenue au fuselage par sa fixation arrière, s'est repliée contre la partie supérieure du fuselage, à un angle de 45 degrés vers la queue.

La déformation de la tubulure de la cabine, des sièges, de la partie inférieure (avant) du fuselage, des deux skis et surtout le cisaillement des rivets retenant la semelle du ski droit indiquent que les forces d'impact ont été absorbées surtout verticalement malgré une vitesse induite vers l'avant. La décélération de l'avion sur la surface gelée et enneigée a été rapidement absorbée à travers le transfert des forces, de l'axe longitudinal vers l'axe latéral.

En comparant la partie avant du fuselage avec les trois quarts de sa partie arrière (entre la soute à bagages et la queue), on peut conclure que l'avion avait le nez légèrement abaissé au moment de l'impact avec la glace. Par contre, les dommages minimes au bout de l'aile gauche indiquent que l'aéronef était dans un virage très prononcé vers la gauche lors de l'impact initial avec la surface gelée du lac. Il aurait alors rebondi, puis heurté du nez la surface gelée avant de retomber violemment sur le côté droit.

1.12.2 Examen de l'avion

L'examen détaillé de l'épave a permis de déterminer que l'aéronef ni aucun de ses systèmes ne présentaient d'anomalie avant l'accident. Rien n'indique qu'il y ait eu un incendie, que ce soit avant ou après l'accident.

1.12.3 Le groupe motopropulseur et l'hélice

Le bâti moteur était plié et retenu à la cloison pare-feu uniquement par un point de fixation. La position de la manette des gaz semble indiquer que cette manette aurait pu être déplacée de la position vol de croisière à la position ralenti sous l'action des forces d'impact. Le vilebrequin du moteur tournait normalement à la main, ce qui permet d'écarter l'hypothèse d'une défaillance métallurgique interne. La déformation moyenne vers l'arrière des deux pales de l'hélice révèle un régime moteur faible à l'impact.

Le filtre à essence installé contre la cloison pare-feu et alimentant le moteur avait éclaté, ce qui permettait au carburant du réservoir de fuir complètement à l'extérieur; cependant, tout indiquait que l'essence s'était répandue sur la surface gelée, sans qu'il soit possible d'en déterminer la quantité.

1.13 Renseignements médicaux

Rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques ou psychologiques aient pu perturber les capacités du pilote.

1.14 Questions relatives à la survie des occupants

1.14.1 Ceinture de sécurité

Le pilote ne portait pas sa ceinture de sécurité au moment de l'impact. Le port de la ceinture de sécurité aurait vraisemblablement diminué la gravité des blessures subies par le pilote.

1.14.2 Recherches et sauvetage

La radiobalise de détresse (ELT), fabriquée par Canadian Airmotive Ltd. (modèle EBC-102A), était entretenue conformément à la réglementation aérienne. Selon le Centre de coordination de sauvetage (RCC), la radiobalise a émis un signal et a fonctionné normalement durant et après l'impact. Après avoir capté le signal, le RCC a dépêché un hélicoptère de la base de Petawawa sur les lieux de l'accident.

1.15 Voile blanc

Selon la Publication d'information aéronautique.(A.I.P. Canada, section Air 2.12.7), le voile blanc est une situation dangereuse. Le voile blanc se produit lorsque la couche de neige au sol est intacte et que le ciel au-dessus est uniformément couvert. À cause de l'extrême diffusion de la lumière, le terrain et le ciel se confondent, faisant disparaître l'horizon. Le pilote ne peut discerner l'horizon, ni les ombres, ni les nuages; il perd le sens de la profondeur et de l'orientation, et ne peut voir que les objets très sombres situés tout près.

Le vrai danger du voile blanc est que le pilote ne soupçonne pas le phénomène, car il vole en air clair. Dans de nombreux accidents dus au voile blanc, le pilote a percuté la surface recouverte de neige sans se douter qu'il avait descendu, confiant qu'il pouvait voir le sol. Par conséquent, chaque fois qu'un pilote se trouve en présence de conditions de voile blanc ou qu'il soupçonne qu'il est en présence de ces conditions, il devrait immédiatement monter s'il se trouve à basse altitude, ou se mettre en palier et se diriger vers un endroit où le terrain est très accidenté. Le pilote ne doit pas continuer le vol sauf s'il est préparé à traverser la zone de voile blanc aux instruments et s'il a la compétence voulue pour le faire.

2.0 Analyse

Rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance de la cellule de l'aéronef ou un mauvais fonctionnement d'un système, que ce soit avant ou pendant le vol. Le pilote n'avait aucune expérience du vol aux instruments et ne possédait pas la qualification de vol aux instruments; de plus, l'avion n'était pas équipé pour le vol aux instruments.

Lorsque le pilote a quitté Temagami, les conditions météorologiques étaient favorables au vol VFR. Cependant, sur la route prévue le long de la rivière des Outaouais, les conditions se sont détériorées et sont devenues favorables au phénomène de voile blanc. Comme le pilote préférait généralement suivre les cours d'eau à faible altitude, il est probable qu'il a perdu toute référence visuelle lorsqu'il a survolé le milieu du lac Holden dont la surface était enneigée et recouverte de brouillard.

L'assiette inclinée vers la gauche de 30 degrés et la différence entre la route et le cap de l'avion à l'impact suggèrent que le pilote tentait d'effectuer un virage, vraisemblablement pour retrouver des conditions météorologiques plus favorables. La visibilité d'environ un demi-mille et les conditions de voile blanc ne permettant pas au pilote de bien évaluer sa hauteur par rapport à la surface gelée du lac, l'avion est probablement descendu en virage jusqu'à ce qu'il percute la surface du lac.

Le port de la ceinture de sécurité aurait vraisemblablement diminué la gravité des blessures subies par le pilote.

3.0 Faits établis

  1. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  2. Le pilote n'avait aucune expérience du vol aux instruments et ne possédait pas la qualification de vol aux instruments.
  3. L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  4. Rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance de la cellule ou un mauvais fonctionement d'un système, que ce soit avant ou pendant le vol.
  5. La masse et le centrage de l'appareil se trouvaient dans les limites prescrites au moment de l'accident.
  6. Les conditions météorologiques au point de départ étaient favorables au vol à vue.
  7. Les conditions météorologiques se sont détériorées en route et étaient favorables au phénomène de voile blanc.
  8. La surface enneigée du lac était recouverte de brouillard, ce qui rendait la visibilité inférieure aux minima VFR.
  9. La visibilité d'environ un demi-mille et les conditions de voile blanc n'ont pas permis au pilote de bien évaluer la hauteur de l'avion par rapport à la surface du lac, et l'avion est descendu en virage jusqu'à ce qu'il percute la surface gelée du lac.
  10. Le port de la ceinture de sécurité aurait vraisemblablement diminué la gravité des blessures subies par le pilote.

3.1 Causes

Le pilote a rencontré des conditions météorologiques favorables au phénomène de voile blanc et a perdu toute référence visuelle avec le sol, ce qui a réduit l'habileté du pilote à évaluer sa hauteur par rapport au sol. L'aéronef est descendu en virage jusqu'à ce qu'il percute la surface gelée du lac.

4.0 Mesures de sécurité

Le Bureau n'a, jusqu'ici, recommandé aucune mesure de sécurité.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Gerald E. Bennett, Zita Brunet, l'hon. Wilfred R. DuPont et Hugh MacNeil.