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Rapport d'enquête aéronautique A94Q0198

Décrochage et perte de contrôle durant la montée initiale
Champion/7EAC C-GUHX
Ste-Marie Salome (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le passager et le pilote, qui était propriétaire de l'appareil et possédait également les qualifications d'instructeur et de vol de nuit, avaient planifié un vol de nuit local avant le lever du jour. Ils ont décollé de nuit vers 6 h, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1 de la piste non-balisée de Sainte-Marie-Salomé (Québec). Après le décollage, le pilote a effectué un virage à droite. A basse altitude, l'appareil a décroché et s'est écrasé dans un champ de maïs. Les deux occupants ont subi des blessures mortelles lors de l'impact avec le sol.

This report is also available in Eglish.

Renseignements de base

Le pilote était qualifié conformément à la réglementation en vigueur et totalisait 937 heures de vol, dont 253 heures sur l'appareil Champion C-GUHX. Son dernier vol de nuit sur cet appareil remontait au 14 juin 1994, soit quatre mois avant l'accident. Le 5 juin 1994, il avait effectué un autre vol de nuit sur cet appareil à partir de l'aérodrome de Sainte-Marie-Salomé. Il était très familier avec cet aérodrome et son environnement.

Le Champion était certifié, équipé et entrenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Le poids calculé de l'appareil au décollage dépassait de 110 livres le poids maximum autorisé, et la limite arrière du centre de gravité était légèrement dépassée. Une masse excessive et un centrage arrière favorisent le décrochage d'un avion. Les instruments de bord rencontraient le minimum requis par la réglementation pour le vol de nuit. Il n'y avait aucun horizon artificiel à bord de l'appareil et aucun n'était requis.

La casserole d'hélice (spinner) et l'hélice ne présentaient aucune marque de rotation ni de tache provenant du maïs, indiquant que le moteur produisait peu ou pas de puissance et que l'hélice tournait à peine à l'impact. L'examen complet du moteur du Champion n'a révélé aucune anomalie, et aucun corps étranger n'était présent dans le système d'alimentation. Après l'impact, l'essence s'est écoulée par les canalisations brisées et aucun échantillon n'a pu être prélevé. De la contamination, telle que de l'eau, aurait pu provoquer un arrêt soudain du moteur. Le manufacturier autorise l'utilisation de l'essence automobile (MOGAS) pour cet appareil. Le pilote avait fait le plein avec ce type d'essence la veille de l'accident. Ce carburant est plus volatile que les autres essences d'aviation (AVGAS) et plus sujet au givrage du carburateur, ce qui aurait provoqué une perte de puissance graduelle.

Selon l'expertise du Laboratoire d'ingénierie du BST, les indicateurs de vitesse, de virage et d'inclinaison latérale de l'appareil n'ont pu fournir aucune information valable. Cependant, le tachymètre indiquait que les tours/minute étaient près de zéro lors de l'écrasement. Également, l'analyse des portions pliées des tuyaux d'échappement adjacents à la sortie des cylindres indique qu'ils étaient à une température normale d'opération à l'impact.

À 6 h HAE, il n'y avait aucun nuage; la température était de moins un degré Celsius, le point de rosée était de moins trois °C, et les vents étaient légers. L'aurore nautique, où le contour des objets au sol est visible, était à 6 h 05 HAE. Le jour commençait à 6 h 40 HAE et le lever du soleil était à 7 h 05 HAE. Les conditions étaient propices à la formation de frimas et de givre sur les surfaces ainsi qu'au givrage intense au carburateur. La température a diminué jusqu'au lever du soleil et a par la suite remonté, donnant des conditions de frimas et de givre plus intenses au lever du soleil. Le frimas était léger vers 6 h HAE, et du givre était présent sur les ailes d'un autre appareil à 8 h HAE.

La piste 21 utilisée pour le décollage est une route de terre et de sable orientée 030/210 degrés magnétique. La piste mesure 3 000 pieds de long par 15 pieds de large et n'est pas balisée. Des arbres s'élèvent à environ 50 pieds sur une distance d'environ 2 000 pieds dans l'axe et de part et d'autre de la piste. Les arbres situés entre 30 et 50 degrés à droite de l'axe de piste sont beaucoup plus éloignés et les pilotes qui utilisent cette piste régulièrement effectuent de rigueur un virage à droite après le décollage.

Le Champion s'est écrasé à 800 pieds à droite de l'axe de piste et 800 pieds passé l'extrémité de la piste 21. L'appareil exhibait tous les signes d'un décrochage à basse altitude, sans aucune évidence de vrille. Selon la première personne arrivée au site de l'accident vers 8 h 45 HAE, il n'y avait aucun bruit ni craquement normalement associé au refroidissement d'un moteur, et aucun signe de givre n'apparaissait sur les ailes.

Il n'y a eu aucun témoin de l'accident. Cependant, une cédule des activités du pilote et du passager établissait l'heure de leur arrivée à l'aérodrome à 5 h 40 HAE. Puisque 15 à 20 minutes de préparation avant le décollage sont adéquates, le Champion aurait décollé vers 6 h HAE.

L'épave a été découverte vers 8 h 30 HAE par un autre pilote lors de son décollage de la même piste. Les passages des satellites de Recherches et sauvetage (SARSAT) ont déterminé que l'accident serait survenu entre 05 h 44 et 07 h 18 HAE. La lecture des bandes enregistrées du radar de surveillance (ASR 5) de Montréal a été effectuée et, selon l'information primaire, aucun mouvement de trafic aérien n'a débuté et terminé dans un rayon de cinq milles nautiques (nm) de Sainte-Marie-Salomé entre 5 h 40 et 7 h 18 HAE.

Le décollage de la piste 21 non-balisée et la montée initiale se sont effectués en direction sud-ouest vers des champs sans lumières, contrastant peu avec le ciel et rendant l'horizon difficilement discernable de nuit. Également, dès que le nez de l'appareil est cabré pour établir l'assiette de montée, le pilote perd ses références au sol devant lui.

Pour s'orienter en vol et déduire sa position par rapport au sol, le pilote se fie à la vision, l'ouie, le toucher, et les sens kinesthésiques. En vol à vue de jour, l'information nécessaire au maintien du contrôle de l'appareil est assurée par la référence visuelle avec le sol ou l'horizon. En vol à vue de nuit, le pilote doit se fier également à l'horizon, si celui-çi est visible, et sur des lumières extérieures. Il doit également se référer à quelques instruments essentiels pour conserver la bonne assiette de l'appareil. Ces instruments étaient à bord du Champion. Sans références visuelles adéquates, le pilote peut devenir désorienté et ne pas réaliser la position réelle de l'appareil par rapport au sol. La désorientation est une fausse perception et/ou interprétation de l'assiette de l'appareil par rapport à des références horizontales et gravitationnelles.

Analyse

La séquence des événements n'a pu être déterminée. Cependant, l'information factuelle permet d'établir, d'une part, qu'il y a eu décrochage et perte de contrôle à basse altitude et, d'autre part, que le moteur développait peu ou pas de puissance et que l'hélice tournait à peine lors de l'écrasement. De plus, la température normale de l'échappement indique qu'une diminution de puissance s'est produite rapidement, peu avant l'impact.

La raison de la diminution rapide de la puissance n'a pu être déterminée. Rien n'indique qu'une défaillance des composants du moteur aie pu être à l'origine de la faible puissance à l'impact. Cependant, il est peu probable que le pilote ait réduit la puissance du moteur au ralenti afin de diminuer les forces de décélération à l'impact puisque, selon les marques et l'indication du tachymètre près de zéro, l'hélice tournait à peine. Par contre, une diminution de la puissance aurait pu avoir comme origine une perte de puissance causée soit par une contamination du système d'alimentation, soit par le givrage du carburateur. Malgré que la présence de contaminants n'a pu être déterminée, la rapidité avec laquelle la puissance a diminué indique qu'il est plus probable qu'une perte de puissance aie été causée par la contamination du système d'alimentation plutôt que par le givrage du carburateur.

La cause du décrochage et de la perte de contrôle à basse altitude n'a pu être déterminée. Les conditions météorologiques ne semblent pas avoir été propices à la formation de givre sur les surfaces, avant ou pendant le vol, et n'ont probablement pas contribué à la perte de contrôle. Par contre, le centre de gravité dépassant la limite arrière et le poids excessif de l'avion favorisaient l'éventualité d'un décrochage.

Dans le cas où une perte de puissance serait survenue durant la montée initiale, le pilote se devait de réagir à cette situation d'urgence alors qu'il était très près du sol et avec des obstacles sur son trajet. Son attention, portée à ce problème, a pu diverger de sa tâche première de voler l'avion ou mener à une désorientation spatiale et donnant lieu au décrochage et à une perte de contrôle.

Le moment exact de l'accident n'a pu être déterminé. Cependant, selon la cédule du pilote et du passager et les 15 à 20 minutes de préparation normalement requises, le décollage a vraisemblablement eu lieu en conditions VFR de nuit vers 06 h 00 HAE. Le lieu de l'écrasement, situé à proximité de l'aéroport et le long de la trajectoire coutumière de décollage, indique que l'accident est survenu durant la montée initiale suivant le décollage, ce qui est corroboré par l'absence de retour radar dans la région immédiate au cours de la période concernée. De plus, l'absence de craquements liés au refroidissement moteur indique que l'écrasement s'est produit bien avant l'arrivée de la première personne sur les lieux.

Les références visuelles externes étaient vraisemblablement limitées en raison : 1- du décollage effectué de nuit à partir d'une piste non-balisée; 2- de l'horizon difficilement discernable de nuit; 3- des conditions de luminosité extérieures précaires le long de la trajectoire de départ survolant des champs non-éclairés; 4- de l'attitude cabrée masquant le sol sous le nez devant l'avion durant la montée initiale. Un manque de références visuelles externes lors de la montée initiale a pu mener au décrochage et à la perte de contrôle suite à une désorientation spatiale.

Le décrochage et la perte de contrôle se sont produits à basse altitude, alors que les références visuelles externes vraisemblablement limitées n'ont pas permis au pilote de récupérer l'appareil avant l'écrasement.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

  1. Le moteur développait peu ou pas de puissance et l'hélice tournait à peine lors de l'écrasement.
  2. La raison de la diminution rapide de puissance du moteur peu avant l'écrasement n'a pu être déterminée.
  3. Il n'a pu être déterminé si la diminution rapide de la puissance a précédé ou suivi le décrochage à basse altitude de l'avion.
  4. L'appareil était surchargé de 110 livres et son centre de gravité excédait la limite arrière, favorisant l'éventualité d'un décrochage.
  5. La faible altitude et les références visuelles externes vraisemblablement limitées n'ont pas permis au pilote de récupérer l'appareil suite au décrochage et à la perte de contrôle.

Causes et facteurs contributifs

La cause du décrochage et de la perte de contrôle à basse altitude n'a pu être déterminée. La diminution rapide de la puissance du moteur, la surcharge et le centre de gravité excédant la limite arrière ont pu contribuer à l'accident.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.