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Rapport d'enquête aéronautique A95W0194

Panne Sèche
Canadian Helicopters Ltd.
Aérospatiale AS 350B Écureuil
(hélicoptère) C-GVMS
25 nm au sud-ouest de Canmore (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Aérospatiale AS 350B Écureuil transportait à l'élingue de l'équipement et des matériaux entre le glacier Haig (Alberta) et le camp Haig situé non loin de là, puis entre le camp et la zone de ravitaillement du ruisseau Ranger situé près de la route Smith Dorian. Lors du troisième voyage entre le glacier et le camp, le pilote voit s'allumer le voyant bas niveau de carburant. La jauge de carburant indique qu'il reste 18 % de carburant. Le pilote largue la charge au camp, retourne au glacier où il prend une autre charge et la transporte au camp. La jauge de carburant n'affiche plus que 11 %. On demande alors au pilote de déplacer une charge qui se trouve au camp. Il déplace la charge, ramasse un filet contenant 900 livres de bouteilles de propane vides et se dirige vers l'aire de ravitaillement pour faire le plein. Environ cinq minutes plus tard et à environ un mille et demi de la zone de ravitaillement, le pilote remarque que la pression de carburant fluctue et que la jauge de carburant n'indique plus que 3 %. Immédiatement après, à une hauteur d'environ 300 pieds du sol et à une vitesse indiquée de 55 mi/h, le moteur (un Turbomeca Arriel 1B) s'éteint en vol. Le pilote abaisse aussitôt le levier de pas collectif et largue la charge. Il tente d'augmenter la vitesse pour atteindre la vitesse d'autorotation recommandée de 70 mi/h et choisit un endroit sur la route pour se poser. Quand il se rend compte que l'hélicoptère ne pourra pas atteindre la route, il fait un arrondi pour se poser dans un ruisseau, mais l'hélicoptère heurte le bord du ruisseau à un taux de descente élevé et à une faible vitesse avant. Le pilote est grièvement blessé; l'hélicoptère est lourdement endommagé. Le pilote est secouru environ sept heures plus tard parce que la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a pas bien fonctionné.

Renseignements de base

Le pilote était parti de Canmore à 14 h 44, heure avancée des Rocheuses (HAR)Note de bas de page 1, et était arrivé au camp de Haig environ 15 minutes plus tard; la jauge de carburant indiquait alors qu'il restait 30 % de carburant. Le camp était situé à environ 9 000 pieds-mer. En raison de l'altitude élevée, le pilote avait l'intention de transporter des élinguées plus légères du glacier au camp jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus que le carburant minimum nécessaire pour transporter la charge dans le filet, du camp jusqu'à la zone de ravitaillement. Cette zone se trouvait à environ six milles du camp, à une altitude d'environ 6 000 pieds-mer. En arrivant au camp, le pilote a coupé le moteur, a enlevé les portes du côté droit de l'hélicoptère, et, après les avoir rangées, il a fixé l'élingue à l'hélicoptère. Il a commencé l'élingage vers 16 h. L'accident s'est produit à 17 h.

Le côté droit de l'hélicoptère et les pales du rotor principal ont heurté le bord du ruisseau. Le plancher de la cabine a été déformé, la poutre-fuselage a été sectionnée et la verrière a été fracassée. Le pilote a eu les deux jambes brisées, sept côtes fracturées et plusieurs lacérations au torse. Il n'a pas pu sortir de l'hélicoptère à cause de ses blessures, et il est resté dans son siège jusqu'à l'arrivée des secours. Le lieu de l'accident a été localisé environ sept heures après l'accident par un secouriste de l'équipe au sol qui s'est rendu à pied au bord de la route surplombant l'épave. Il faisait nuit.

De bonnes conditions météorologiques de vol à vue (VFR) prévalaient au moment de l'accident. La température était d'environ moins six degrés Celsius.

Le pilote totalisait 6 600 heures de vol, dont environ 5 000 sur des hélicoptères Bell 206B et environ 220 sur l'Aérospatiale AS 350B. Le Bell 206B est équipé uniquement d'une jauge de carburant pour indiquer la quantité de carburant. L'AS 350B est équipé d'une jauge et d'un voyant d'avertissement de bas niveau de carburant.

Le réservoir de carburant de l'hélicoptère n'a pas été endommagé dans l'accident. Après avoir récupéré l'épave, on a vidé le réservoir de carburant, ce qui a permis de constater qu'il contenait 11 litres de carburant. Le manuel de vol indique que le réservoir contient 11 litres de carburant inutilisable.

L'hélicoptère était équipé d'un transmetteur de quantité de carburant de type à résistance électrique commandé par un flotteur qui actionne aussi un voyant jaune d'avertissement de bas niveau de carburant. Des essais après l'accident du système d'indication de quantité de carburant ont permis de déterminer qu'il restait de 61 à 70 litres de carburant dans le réservoir lorsque le voyant de bas niveau s'est allumé. À ce moment-là, la jauge de carburant indiquait 18 %. On a retiré le transmetteur de quantité de carburant pour lui faire subir un examen plus poussé. Les essais ont révélé qu'il y avait un certain frottement dans l'ensemble transmetteur à flotteur; ce frottement a donné lieu à des erreurs d'affichage d'environ 6 %. Le manuel de maintenance indique que lorsque le voyant de bas niveau de carburant s'allume, l'aiguille de la jauge devrait se situer au-dessus de la marque des 10 % et qu'il devrait rester plus de 60 litres de carburant dans le réservoir. Il n'est pas possible de régler le transmetteur de quantité de carburant sur le terrain. Dans l'aviation, c'est un fait reconnu qu'on ne peut se fier aux indications des systèmes d'indication de quantité de carburant de type à résistance électrique, surtout si le niveau de carburant de l'appareil est bas.

La lettre n 867-28-88 de l'Aérospatiale signale aux exploitants que même si le système d'indication de quantité de carburant à résistance électrique donne une lecture précise du carburant qui reste dans le réservoir, ce système n'est pas infaillible. La lettre de service n 1190-28-93 d'Eurocopter indique que des exploitants ont signalé un certain nombre de cas de mauvais fonctionnement du système d'indication de quantité de carburant. Le bulletin de service n 28.12 R1 relatif à l'AS 350 d'Eurocopter précise qu'il existe un système d'indication de quantité de carburant à condensateur qui donne des mesures plus fiables et dont l'avertissement de bas niveau de carburant est indépendant de la mesure. Le bulletin ajoute que cette modification est particulièrement intéressante pour les exploitants qui doivent effectuer des vols avec de faibles niveaux de carburant, comme c'est le cas pour le transport à l'élingue, car ce système d'indication est tout à fait redondant. Le bulletin n 28.12 R1 de l'AS 350 prévoit le montage d'un nouveau réservoir de carburant qui ramène la quantité de carburant inutilisable de 11 litres à 1,25 litre. L'hélicoptère accidenté n'avait pas fait l'objet des modifications indiquées dans ces bulletins de service.

La lettre n 1215-28-94 d'Eurocopter conseille aux équipages de conduite de vérifier si les indications de quantité de carburant correspondent à la quantité de carburant versée dans le réservoir lors de chaque ravitaillement. Le pilote a indiqué qu'il avait vérifié la lecture de la jauge une fois par jour, après le premier ravitaillement, en observant le niveau de carburant dans le réservoir translucide par rapport aux marques de quantité sur le côté du réservoir.

Le manuel de vol de l'AS 350B précise que si le voyant de bas niveau de carburant s'allume, le carburant utilisable qui reste permet environ 25 minutes de vol. Le voyant peut s'allumer s'il ne reste plus que 50 litres de carburant utilisable dans le réservoir. Selon une consommation typique de 160 litres à l'heure, il resterait alors moins de 20 minutes de vol. Les pilotes s'entendent pour dire que si le voyant se met à clignoter, c'est qu'il reste du carburant pour environ 20 minutes de vol. La procédure normale consiste à se poser le plus tôt possible après que le voyant a commencé à clignoter.

Canmore est situé près du Parc national de Banff, dans les Rocheuses canadiennes. Les pilotes d'hélicoptère basés à Canmore effectuent fréquemment des vols de 20 minutes avec des touristes, et le pilote de l'hélicoptère accidenté avait déjà effectué de nombreux vols de ce genre dans les environs. Les vols de tourisme à bord de l'AS 350 se faisaient au départ avec à peine 25 % de la quantité de carburant afin de garder l'hélicoptère dans les limites de la masse brute et de l'altitude-densité.

L'hélicoptère accidenté (C-GVMS) était équipé d'un voyant d'avertissement de bas niveau de carburant qui s'allumait lorsque la jauge indiquait 18 %; le voyant de l'autre hélicoptère AS 350B basé à Canmore s'allumait à 12 %. Le pilote avait remarqué cet écart et en avait discuté avec le personnel de maintenance. On lui avait répondu que le système d'indication de quantité de carburant du C-GVMS avait été vérifié récemment et qu'il avait donné des lectures précises.

Cette vérification avait été faite en juin 1995, au moment du ravitaillement de l'hélicoptère, et alors qu'il était vide. Un technicien d'entretien d'aéronef (TEA) de la compagnie qui était là avait demandé que le carburant soit ajouté à raison de 53 litres à la fois, ce qui correspond à des paliers de 10 %, pour qu'on puisse vérifier si les indications que donnait la jauge correspondaient bien à la quantité de carburant dans le réservoir. Il a signalé que le voyant d'avertissement de bas niveau de carburant s'était allumé à 18 % et que le réservoir contenait alors 96 litres, soit 18 % de la quantité de carburant à ce moment-là.

L'enquête a révélé que la capacité totale en carburant indiquée dans l'homologation de type canadienne de l'AS 350B en vigueur, sur la fiche technique du certificat de type de la Federal Aviation Administration pour l'AS 350B, et la capacité totale indiquée dans le manuel de vol de l'AS 350B ne concordait pas. Toutefois, cela n'a pas été considéré comme un facteur contributif.

La réglementation en vigueur stipule que tout hélicoptère qui entreprend un vol VFR doit emporter suffisamment de carburant pour se rendre au lieu d'atterrissage prévu, et pouvoir ensuite voler pendant 20 minutes à la vitesse normale de croisière.

L'hélicoptère était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) NARCO 10. Plusieurs signaux de radiobalise ont été captés par le satellite de recherche et sauvetage (SARSAT) après l'accident; toutefois, les signaux étaient très brefs et n'ont pas permis de localiser le lieu de l'accident. Un hélicoptère de la compagnie a survolé l'épave environ deux heures après l'accident. Le pilote de cet hélicoptère n'a entendu aucun signal de radiobalise et n'a pas vu l'hélicoptère accidenté à cause des conditions de luminosité. Le pilote blessé a aperçu l'hélicoptère de recherche, mais a été incapable de signaler sa position. Un examen a permis de déterminer que la radiobalise de l'hélicoptère accidenté n'avait pas fonctionné correctement à cause d'un transistor défectueux.

Analyse

Le pilote a déclaré qu'il avait commencé l'élingage avec une quantité de carburant équivalant à 30%, ce qui permet normalement une heure de vol. Lorsque le voyant d'avertissement de bas niveau de carburant s'est allumé, le pilote a cru, après avoir consulté la jauge de carburant, qu'il lui restait 18 % de carburant, soit pour environ 35 minutes de vol. Il a jugé que c'était suffisant pour déplacer une ou deux autres élinguées au camp et transporter une charge dans un filet sur une distance de six milles, jusqu'à la zone de ravitaillement. Des essais après l'accident ont permis de déterminer qu'il y aurait eu en fait à peine 50 litres de carburant utilisable dans le réservoir lorsque le voyant de bas niveau s'est allumé. La jauge aurait dû indiquer cette quantité en donnant une lecture de 10 %, ce qui aurait normalement assuré moins de 20 minutes de vol pendant l'élingage. Si le pilote avait fait une vérification en vol des lectures de la jauge par rapport à la consommation et au temps de vol, il aurait pu se rendre compte qu'il y avait un écart dans les quantités.

Le pilote était habitué de piloter l'hélicoptère avec peu de carburant, car il effectuait souvent de courts vols en compagnie de touristes. Le fait que le pilote totalisait 5 000 heures de vol sur le Bell 206B, qui n'est pas équipé d'un voyant de bas niveau de carburant, l'a peut-être conditionné à considérer la jauge de carburant plus fiable que le voyant d'avertissement. Ce conditionnement aurait été renforcé par le fait que la jauge avait été vérifiée récemment par un TEA de la compagnie qui avait déclaré que la jauge était précise.

Compte tenu de la quantité d'information sur la sécurité publiée par le constructeur, il semblerait que les problèmes relatifs au système d'indication de quantité de carburant de type à résistance électrique de l'hélicoptère AS 350B étaient bien connus. Comme les hélicoptères sont souvent utilisés avec peu de carburant, les constructeurs devraient s'efforcer de s'assurer que les hélicoptères sont équipés des systèmes d'indication de quantité de carburant les plus précis possibles.

Le manuel de vol de l'AS 350 indique que si le voyant jaune de bas niveau de carburant s'allume, le carburant utilisable qui reste dans le réservoir permet environ 25 minutes de vol, alors qu'en fait il en reste pour moins de 20 minutes de vol.

Le moteur s'est éteint à basse altitude et à faible vitesse. Le pilote a aussitôt largué la charge, a d'abord choisi la route voisine comme lieu d'atterrissage forcé et a tenté d'augmenter la vitesse à la vitesse recommandée pour une autorotation. La perte rapide d'altitude qui a suivi a exclu toute possibilité d'autorotation sur la route, et l'hélicoptère s'est écrasé sur le bord du ruisseau à une vitesse verticale élevée.

Les secours ont tardé à arriver parce que la radiobalise était défectueuse.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

  1. Le moteur s'est éteint faute de carburant.
  2. Le pilote a continué à piloter l'hélicoptère après que le voyant d'avertissement de bas niveau de carburant s'est allumé.
  3. La jauge de carburant donnait une indication jusqu'à 6 % plus élevée.
  4. Le voyant d'avertissement de bas niveau de carburant de l'hélicoptère accidenté s'est allumé à 18 %, alors qu'il s'allumait à 12 % sur l'autre hélicoptère AS 350B basé à Canmore.
  5. Le pilote était habitué à piloter l'hélicoptère avec un bas niveau de carburant parce qu'il effectuait souvent de courts vols de tourisme.
  6. Le pilote transportait une charge à l'élingue à basse altitude et à une vitesse de 15 mi/h inférieure à la meilleure vitesse d'autorotation lorsque le moteur s'est éteint, ce qui a exclu toute possibilité d'autorotation.
  7. Les secours sont arrivés sur les lieux environ sept heures après l'accident parce que la radiobalise de repérage d'urgence n'a pas bien fonctionné à cause d'un transistor défectueux.
  8. Quand le voyant jaune d'avertissement de bas niveau de carburant s'allume, il est possible qu'il reste moins de 20 minutes de vol selon la quantité de carburant utilisable; toutefois, le manuel de vol de l'AS 350B indique qu'il reste du carburant pour environ 25 minutes de vol dans ce cas.

Causes et facteurs contributifs

Le moteur s'est éteint faute de carburant.

Facteurs contributifs : le pilote a décidé de se fier à la jauge de carburant même si le niveau de carburant était bas et a poursuivi le vol avec le voyant d'avertissement de bas niveau de carburant allumé.

Mesures de sécurité

Mesures prises

Immédiatement après l'accident, le personnel de maintenance de Canadian Helicopters a vérifié les systèmes d'indication de quantité de carburant des 21 autres hélicoptères Aérospatiale

AS 350 de la compagnie. L'inspection a permis de découvrir deux transmetteurs de quantité de carburant défectueux qui ont été remplacés depuis.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.