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Rapport d'enquête aéronautique A96A0035

Atterrissage sur la queue
Lignes aériennes Canadien International
Boeing 767-375 C-FOCA
Halifax (Nouvelle-Écosse)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Boeing 767-375 des Lignes aériennes Canadien International (LACI) effectuait le vol 48 (CDN48) entre Toronto (Ontario) et Halifax (Nouvelle-Écosse). À l'atterrissage à Halifax, l'avion a franchi le seuil de piste à quelque 20 pieds du sol et s'est posé 200 pieds environ après le seuil de piste. La section arrière de l'appareil a raclé la piste. Le sabot de queue et le fuselage arrière ont été lourdement endommagés.

La queue de l'avion a raclé la piste parce que l'équipage de conduite a réduit la puissance alors que ce n'était pas nécessaire entre l'altitude minimale de descente et le toucher des roues en réponse à des illusions visuelles. Les illusions visuelles créées par la pente de la piste ont fait croire aux deux membres de l'équipage de conduite que l'avion se trouvait plus haut qu'il ne l'était en réalité, et l'équipage de conduite n'a pas réagi aux indices visuels de l'indicateur de trajectoire de précision (PAPI) qui montraient que l'appareil était trop bas. Facteurs contributifs : l'appréhension du commandant de bord d'immobiliser l'avion sur une piste glissante; la dégradation des performances de l'avion au-dessous de 400 pieds-sol; les procédures de navigation latérale et verticale (LNAV/VNAV) utilisées; l'angle de cabré de l'avion supérieur à la normale occasionné par la faible vitesse d'approche de l'avion et le centrage avant de l'avion.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le Boeing 767-375 du vol 48 (CDN48) des Lignes aériennes Canadien International (LACI) part de Toronto (Ontario) à 16 h 55, heure normale de l'Est (HNE), à destination de Rome (Italie), avec une escale prévue à Halifax (Nouvelle-Écosse). Il s'agit normalement d'un vol direct entre Toronto et Rome, mais l'avion doit ce jour-là faire escale à Halifax pour prendre 197 personnes qui font partie d'un voyage organisé.

Le vol en croisière vers Halifax se déroule sans incident, sauf qu'une vanne d'un groupe de conditionnement d'air fonctionne mal. L'équipage règle le problème en suivant la liste de vérifications appropriée, ce qui l'oblige à isoler le groupe en question.

Le commandant de bord est le pilote aux commandes (PF). La piste en service à Halifax est la piste 06. L'équipage est autorisé à effectuer une approche de non-précision à l'aide du faisceau arrière du radiophare d'alignement de piste (LOC). On demande à l'équipage de conserver une vitesse de 170 noeuds vers le radiophare non directionnel (NDB) Golf à cause d'un autre appareil derrière lui. Pendant la descente, les pilotes remarquent que le voyant de prélèvement d'air du réacteur gauche s'allume par intermittence pendant l'approche. Les pilotes discutent des conséquences de l'absence de prélèvement d'air du réacteur gauche et de ce qui pourrait arriver s'ils utilisaient l'inversion de poussée après l'atterrissage.

À 19 h 41, heure normale de l'Atlantique (HNA), l'avion se pose 200 pieds après le seuil de piste, avec une accélération verticale de 2,2 g. Pendant la course à l'atterrissage, le premier officier remarque que le voyant du sabot de queue est allumé. Une fois arrivé à la porte d'embarquement, le commandant de bord découvre que le sabot de queue et le fuselage arrière sont lourdement endommagés. Les deux agents de bord qui occupaient les places à l'arrière de la cabine ont déclaré qu'il y avait eu un violent bruit au moment du toucher des roues et que l'atterrissage leur avait semblé très dur. Les pilotes ont déclaré que l'atterrissage avait été ferme, mais qu'ils n'avaient pas eu l'impression que l'avion était très cabré. Ils ont ajouté qu'ils avaient été surpris de voir que l'avion avait été endommagé. L'avion a été retiré du service.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/Indemnes 9 91 - 100
Total 9 91 - 100

1.3 Dommages à l'aéronef

Le Boeing 767 est équipé d'un sabot de queue qui sort et qui rentre en même temps que le train d'atterrissage. Un voyant de sabot de queue s'allume dès qu'il y a désaccord entre la position du sabot et celle du train d'atterrissage. Au moment du toucher des roues, le sabot de queue a percuté la piste avec une force telle que la goupille de fixation du vérin hydraulique du sabot de queue a été cisaillée et que le vérin a été poussé vers le haut, heurtant alors le vérin à vis du stabilisateur, ce qui explique pourquoi le voyant du sabot de queue s'est allumé. Il a fallu remplacer le vérin hydraulique ainsi que les carénages droit et gauche du sabot de queue et tous les tuyaux souples et les conduites desservant le vérin. Les contacts de position du stabilisateur et leurs ferrures de fixation ont été légèrement endommagés.

Après la défaillance du vérin du sabot de queue, le revêtement inférieur de la partie arrière de l'avion est entré en contact avec la piste, ce qui a occasionné un grand nombre d'éraflures et de déformations au revêtement entre les références 1417 et 1540 et les lisses 36 droite et 36 gauche. Il a fallu remplacer ce revêtement, cinq cadres et un grand nombre de lisses et de raidisseurs avant de remettre l'appareil en service.

1.4 Autres dommages

Il n'y a eu aucun autre dommage.

1.5 Renseignements sur le personnel

Commandant Premier officier
Âge 52 ans 49 ans
Licence pilote de ligne pilote de ligne
Date d'expiration du certificat de validation 1er juin 1996 1er avril 1996
Nombre total d'heures de vol 17 300 14 100
Nombre total d'heures de vol sur type en cause 2 215 1 846
Nombre total d'heures de vol dans les 90 derniers jours 180 197
Nombre total d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 180 197
Nombre d'heures de service avant l'événement 4 4
Nombre d'heures libres avant la prise de service 72 72

1.5.1 Le commandant de bord

Le commandant de bord possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol. Au moment de l'incident, il possédait une licence médicale de classe 1 valide qui lui imposait d'avoir des lunettes à sa disposition. Il a été décrit par certains comme une personne nerveuse qui fumait beaucoup. Le commandant n'avait jamais reçu de formation en gestion des ressources de l'équipage (CRM).

Son dossier de formation à la compagnie indique que son rendement est satisfaisant. Toutefois, trois ans avant l'incident, il avait eu de la difficulté à exécuter des approches à alignement arrière au cours de deux vérifications de compétence pilote (PPC) successives faites par des pilotes vérificateurs de la compagnie. On avait jugé qu'il s'agissait de difficultés mineures, et elles avaient été corrigées par l'instructeur de simulateur. Au cours des PPC subséquentes, la qualité de ses approches à l'aide du faisceau arrière du LOC n'avait pas été vérifiée, mais il avait dû exécuter d'autres approches de non-précision et il avait réussi à les exécuter correctement.

La dernière fois qu'il avait exécuté une approche de non-précision à l'aide d'un faisceau arrière de LOC, c'était à Montréal, plusieurs années avant l'incident. Il s'agissait d'une approche de nuit effectuée à l'aide du pilote automatique de l'avion au cours d'une tempête en plein hiver. Le commandant n'avait pas été à l'aise parce qu'après avoir établi le contact visuel avec la piste, il s'était rendu compte que l'avion était plus bas que prévu et il avait été obligé de faire des manoeuvres pour se poser sur la piste. Presque tous ses derniers vols avaient été effectués sur de grands aéroports équipés d'approches ILS et sur des pistes généralement plus longues que la piste 06 à Halifax.

1.5.2 Le premier officier

Le premier officier possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol. Il occupait ses fonctions depuis plus de 20 ans à la compagnie comme premier officier sur Boeing 737, 767 et DC10. Il a été décrit comme une personne qui parle peu et qui manque d'assurance. Il n'avait jamais reçu de formation CRM.

Au moment de l'incident, il possédait une licence médicale de classe 1 valide qui lui imposait le port de lunettes ou de lentilles cornéennes.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Constructeur Boeing Company
Type et modèle 767-375
Année de construction 1990
Numéro de série 24575
Nombre total d' heures de vol cellule 25 213,4
Type de moteur (nombre) GE CF6-80C2(2)
Masse maximale autorisée au décollage 407 000 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet A, Jet B
Type de carburant utilisé Jet A-1

D'après le manuel de formation des équipages de conduite du Boeing 767, un angle de cabré de 3 degrés est la valeur normale de l'assiette en approche à une vitesse de VREF30+5. À cette vitesse, l'angle de cabré à l'arrondi est censé être de 5 ou 6 degrés. D'après les renseignements fournis par l'avionneur, une diminution de cinq noeuds de la vitesse d'approche fait augmenter l'angle de cabré de un degré.

Le sabot de queue de l'avion touchera la piste si l'avion a un angle de cabré de 10 degrés, si les amortisseurs du train d'atterrissage principal sont détendus. Si ces mêmes amortisseurs sont comprimés, il y aura contact du sabot de queue à un angle de 8 degrés.

1.6.2 Système de gestion de vol

Le Boeing 767 est équipé d'un système de gestion de vol (FMS) qui est en fait le regroupement de sous-systèmes conçus pour aider l'équipage à maîtriser la trajectoire de vol latérale (LNAV) et verticale (VNAV) de l'avion. Ces sous-systèmes de surveillance de la trajectoire de vol offrent des sous-modes, dont un sous-mode permettant de suivre le faisceau avant d'un LOC et un sous-mode permettant de suivre le faisceau arrière d'un LOC (utilisation des deux sélecteurs B/CRS et LOC). Les boutons de commande des modes se trouvent sur le panneau de commande de mode (MCP) qui est situé sur l'auvent entre les deux pilotes. L'un ou l'autre des pilotes peut sélectionner les différents modes.

1.6.3 Masse et centrage

Au départ de Toronto, le centre de gravité (C de G) de l'avion se trouvait à 13 % environ de la corde aérodynamique moyenne (MAC), ce qui correspond à la partie avant de la plage de centrage autorisée. Le C de G s'est déplacé encore plus vers l'avant à mesure que l'avion consommait du carburant. À l'atterrissage, le C de G était à quelque 12 % de la MAC, ce qui est à l'intérieur de la limite avant fixée par la compagnie (11,1 %). La limite de centrage avant approuvée est de 7 %. La masse à l'atterrissage était de 276 000 livres. La masse maximale autorisée à l'atterrissage est de 320 000 livres.

Le C de G à l'atterrissage était plus à l'avant qu'à l'accoutumée à cause du fret qui se trouvait dans la soute avant et du petit nombre de passagers. Plus le C de G de l'avion se trouve à l'avant, plus l'angle de cabré en approche est important. L'augmentation de l'angle de cabré entre un C de G à mi-plage et un C de G avant est de l'ordre de 0,75 degré.

Lorsque le C de G avoisine la limite avant, il faut braquer la gouverne de profondeur de quelque 3 degrés supplémentaires pour compenser l'effet de sol et l'arrondi. Ce braquage supplémentaire de la gouverne de profondeur et les efforts au manche qui en découlent sont peu importants et difficilement perceptibles par le pilote. Le commandant de bord a déclaré que les efforts au manche pendant l'atterrissage lui avaient semblé plus faibles que d'habitude.

1.6.4 Distance d'atterrissage

La distance d'atterrissage du Boeing 767-300 figurant dans le manuel de vol homologué par la Federal Aviation Administration (FAA) est de 5 400 pieds pour une piste mouillée, en fonction d'une hauteur de franchissement du seuil (TCH) de 50 pieds. La piste 06 de l'aéroport de Halifax mesure 8 800 pieds de longueur. L'équipage n'avait pas de table pour corriger les distances d'atterrissage en fonction de l'indice de freinage James (JBI). Autrefois, il y avait des tables pour calculer les distances d'atterrissage en fonction de l'indice JBI, mais ces tables n'étaient pas en vigueur au moment de l'incident. Des pilotes de Boeing 767-300 de la compagnie ont déclaré qu'à un indice JBI de 0,36 et d'après leur expérience, la distance d'atterrissage aurait dû être suffisante pour immobiliser l'avion. L'équipage de conduite de CDN48 a mentionné que l'avion avait bien décéléré et qu'il avait libéré la piste par la voie de circulation «D» qui se trouve à 6 500 pieds environ du seuil de piste.

L'avion est équipé d'un dispositif de freinage automatique comportant cinq intensités différentes : 1 à 4 plus MAX AUTO. Pour un atterrissage sur piste mouillée, le dispositif devrait normalement être réglé à l'intensité 3 ou 4. Pendant le vol, le commandant de bord avait demandé au premier officier de régler le dispositif sur MAX AUTO en vue de l'atterrissage. Les pilotes de Boeing 767 interrogés ont déclaré que ce réglage n'est presque jamais nécessaire, semble-t-il, pour assurer le confort des passagers. Les manuels de l'avion ne donnent aucun conseil sur le réglage des freins dans le cas d'une piste verglacée.

1.7 Renseignements météorologiques

À 13 h 30, temps universel coordonné (UTC), le 8 mars 1996, les prévisions régionales émises pour Halifax faisaient état d'un ciel couvert dû à une couche nuageuse dont la base se situait entre 1 000 et 2 000 pieds-mer et qui montait à 24 000 pieds-mer. À cause de la neige, il fallait s'attendre à de fréquents plafonds compris entre 400 et 800 pieds-mer accompagnés d'une visibilité d'un demi-mille à deux milles dans la neige, la neige légère et la poudrerie. Les prévisions mentionnaient que les précipitations allaient prendre la forme de pluie verglaçante et de cristaux de glace aux abords de Halifax, un front chaud se trouvant à proximité. Un givrage blanc modéré était prévu dans les nuages entre 7 000 et 11 000 pieds-mer ainsi qu'un givrage transparent modéré à fort au-dessous de 4 000 pieds-mer dans la pluie verglaçante et les cristaux de glace.

Au moment de l'incident, les prévisions d'aérodrome terminus pour Halifax faisaient état de nuages épars à 800 pieds-sol avec une couverture nuageuse donnant un plafond à 2 000 pieds-sol et une visibilité de quatre milles dans la neige légère. Il fallait s'attendre à l'occasion à des plafonds obscurcis à 900 pieds-sol accompagnés d'une visibilité de un mille dans une légère bruine verglaçante, une petite neige et du brouillard.

À 23 h UTC, les observations météorologiques spéciales qui sont normalement faites à cette heure étaient les suivantes : ciel partiellement obscurci, ciel couvert à 300 pieds, visibilité d'un mille et demi dans une légère bruine verglaçante et du brouillard, température de −3,7°C et point de rosée de −4,5 °C , vents du 070 degrés vrai à 7 noeuds, et calage altimétrique de 29,15 pouces de mercure.

À 23 h 28 UTC (13 minutes avant l'atterrissage de CDN48) les observations spéciales effectuées étaient les suivantes : ciel couvert à 300 pieds, visibilité d'un mille et demi dans une très légère bruine verglaçante et du brouillard, et vents du 080 degrés vrai à 7 noeuds.

À 23 h 46 UTC (quatre minutes après l'incident), les observations météorologiques spéciales effectuées étaient les suivantes : ciel couvert à 300 pieds, visibilité d'un mille et demi dans une légère bruine verglaçante et du brouillard, température de −3,7 °C , point de rosée de −4,5 °C , et vents du 090 degrés vrai à 6 noeuds.

Le message «Papa» du Service automatique d'information de région terminale (ATIS) de Halifax a été diffusé pour la première fois vers 19 h 22 HNA (19 minutes avant que CDN48 se pose). Le message était le suivant :

Message Papa de l'aéroport international de Halifax, météo à 23 h Zoulou - Ciel partiellement obscurci, plafond mesuré à 300 pieds avec ciel couvert, visibilité d'un mille et quart dans une légère bruine verglaçante et du brouillard, température de moins quatre, point de rosée de moins cinq, vents du 090 de 5 à 10 noeuds, altimètre deux neuf un trois. Approche IFR à l'aide du faisceau arrière du LOC de la piste 06, arrivées et départs piste 06. Largeur signalée de la piste 06 : 160 pieds, dont 10 % sèche et nue, 20 % de neige légère, 10 % de neige tassée, 60 % de glace; à part cela 100 % de neige sèche. A été sablée à un neuf un cinq. JBI piste 06 température moins quatre, 0,36 à 23 h 4.

On a demandé aux équipages de plusieurs appareils qui se sont posés avant et après CDN48 s'ils avaient rencontré des conditions givrantes ce soir-là dans les environs de Halifax. Les réponses étaient variées, allant d'aucun givrage jusqu'à une accumulation modérée dans les nuages. L'équipage de CDN48 a déclaré n'avoir constaté aucune accumulation de givre sur l'avion pendant la descente. Bien qu'ayant mis en marche l'antigivrage des réacteurs pendant la descente, l'équipage n'a pas eu recours au dispositif d'antigivrage des ailes. Selon les procédures des LACI, le dispositif d'antigivrage des ailes peut être utilisé comme dégivreur ou antigivreur. La principale méthode consiste à utiliser le dispositif d'antigivrage des ailes comme dégivreur, de laisser le givre s'accumuler puis de mettre le dispositif en marche. Si du givre s'accumule sur les cadres des fenêtres avant du poste de pilotage, sur le montant central du pare-brise, sur les supports des essuie-glace ou sur les vitres latérales du poste de pilotage, cela signifie que l'avion se trouve dans des conditions givrantes et qu'il faut mettre le dispositif d'antigivrage des ailes en marche.

On a demandé à plusieurs employés de piste qui travaillaient à Halifax ce soir-là s'ils avaient remarqué une accumulation de givre sur les avions à l'arrivée. La plupart n'en avaient vu aucune tandis que certains en avaient vu un petit peu sur les trains d'atterrissage et les radomes de quelques avions. Le pilote d'un Boeing 737 a déclaré avoir observé une accumulation de givre de 3/8 de pouce sur le stabilisateur de son avion au cours de la visite extérieure effectuée après son arrivée à Halifax ce soir-là.

1.8 Aides à la navigation

L'approche sur la piste 06 de l'aéroport de Halifax se fait à l'aide du signal arrière d'un LOC et du NDB Golf situé à 4,8 milles marins du seuil de piste. L'enquête a révélé que le LOC et le NDB Golf fonctionnaient correctement au moment de l'incident. (Voir l'annexe A.)

La dernière vérification en vol de l'étalonnage du LOC de la piste 06 remontait au 27 novembre 1995. La vérification avait permis d'établir que l'installation respectait toutes les exigences opérationnelles et que le signal du LOC se trouvait dans la plage des tolérances techniques approuvées.

1.9 Télécommunications

Les communications entre l'équipage de CDN48 et le contrôle de la circulation aérienne (ATC) ont été normales tout au long du vol.

Pendant l'approche, l'ATC a signalé au commandant de bord que le freinage semblait ne pas être bon et qu'un Airbus avait eu du mal à dégager la piste par la voie de circulation Delta. Le commandant de CDN48 n'a pas demandé à l'équipage du Airbus de préciser quelle était la véritable qualité du freinage à ce moment-là, parce que cela aurait, semble-t-il, augmenter la tâche de travail de l'équipage de CDN48.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

1.10.1 Généralités

L'aéroport international de Halifax est situé par 44°52 de latitude Nord et 63°30 de longitude Ouest. C'est un aérodrome agréé exploité par Transports Canada. L'altitude de l'aérodrome est de 477 pieds-mer.

Photo 1. Généralités
Généralités

La piste 06/24 est orientée aux 056/236 degrés magnétique. Elle mesure 8 800 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur. Le premier quart de la piste 06 présente une pente ascendante de 0,77 %. À partir de la voie de circulation Charlie, la piste part en pente descendante de 0,5 % jusqu'à mi-piste environ. Le reste de la piste est plat ou presque. Les publications aéronautiques ne donnent aucune indication sur la pente générale de la piste 06. La pente d'une piste est indiquée dans le Canada Air Pilot (CAP) si sa pente moyenne est d'au moins 0,3 %. Par exemple, la pente moyenne de la piste 33 à Halifax est de 0,55 % en descente, un chiffre suffisamment important pour figurer sur les cartes d'approche du CAP.

Les LACI utilisaient les cartes d'approche Jeppesen. Ces cartes ne donnent pas d'indication sur la pente des pistes. Pour calculer une pente, le membre d'équipage doit soustraire l'altitude des deux seuils (ces chiffres se trouvent sur les cartes Jeppesen s'ils sont connus) et diviser le résultat par la longueur de la piste. À l'occasion, les cartes Jeppesen donnent des renseignements descriptifs sur des faits inhabituels comme les illusions visuelles. Les cartes Jeppesen de Halifax ne donnaient pas de renseignements descriptifs de ce genre.

La norme 3.1.2.3 du document TP312 intitulé Aérodromes - Normes et pratiques recommandées précise que la pente maximale du premier quart d'une piste longue de 8 800 pieds (piste de code 4) est de 0,8 %.

1.10.2 Approche aux instruments sur la piste 06

Dans le CAP, la carte pour effectuer une approche de non-précision sur la piste 06 à l'aide du faisceau arrière du LOC indique 1 700 pieds-mer comme altitude de passage du NDB Golf, lequel sert de repère d'approche finale (FAF). L'altitude minimale de descente (MDA) est fixée à 760 pieds-mer ou 298 pieds-sol. La zone de toucher des roues se trouve à une altitude de 462 pieds-mer. Les altitudes indiquées sur les cartes d'approche Jeppesen utilisées par les LACI sont les mêmes altitudes qui figurent sur les cartes d'approche du CAP.

La façon normale d'exécuter une approche à alignement arrière de la piste 06 consiste à franchir le repère d'approche à 1 700 pieds-mer ou juste au-dessus, puis à descendre à la MDA et à se mettre en palier, avant de continuer jusqu'à ce que le contact visuel avec la piste soit établi ou jusqu'à ce que le temps prévu pour se rendre au point d'approche interrompue se soit écoulé. S'il a établi un bon contact visuel avec la piste, le pilote doit poursuivre l'approche et se servir du PAPI (indicateur de trajectoire d'approche de précision) pour surveiller la trajectoire de descente. Il est plus difficile d'utiliser cette méthode que d'effectuer la descente à un taux de descente constant fourni par une trajectoire de descente, mais cette méthode est utilisée sans danger et avec succès depuis plusieurs années. Des pilotes d'avions équipés d'un FMS ont utilisé les systèmes de bord pour générer une trajectoire de vol de 3 degrés en ajustant les altitudes de passage du FAF.

Les deux pilotes n'avaient pas atterri à Halifax depuis bien longtemps, et ni l'un ni l'autre n'ont pu se rappeler s'ils avaient déjà effectué une approche à alignement arrière sur la piste 06.

1.10.3 Aides visuelles à l'approche pour la piste 06

La piste 06 est équipé d'un balisage lumineux d'approche omnidirectionnel (ODALS). Ce système se compose d'une rangée de 1 500 pieds de feux stroboscopiques séquencés à grande luminosité et à intensité unique, un feu stroboscopique se trouvant également à chaque coin du seuil de piste. Il y a également des feux verts de seuil de piste, des feux blancs de bord de piste et des feux blancs d'axe de piste, tous d'intensité variable. L'enquête n'a pas révélé à quelle intensité les feux étaient réglés pendant l'atterrissage de CDN48; toutefois, le commandant de bord a déclaré que les autres feux lui avaient semblé moins brillants que les feux stroboscopiques de seuil de piste. Le commandant a déclaré qu'il ne se rappelait pas avoir vu les feux stroboscopiques de prise de terrain. Il n'y a pas de lumière au sol dans la zone située aux abords de la piste 06.

La piste est équipée d'un PAPI de type 3 qui convient aux avions dont la hauteur entre les yeux des pilotes et les roues peut aller jusqu'à 45 pieds (Boeing 747 et appareils plus petits). Le PAPI se compose de quatre ensembles de feux logés dans une barre de flanc située du côté gauche de la piste, à 1 307 pieds du seuil, et le dispositif permet de suivre une pente de descente de 3 degrés jusqu'à la zone de toucher des roues. Si le pilote voit deux feux blancs et deux feux rouges, c'est que l'avion est sur la bonne trajectoire. S'il voit quatre feux rouges, c'est que l'avion est trop bas.

Photo 2. Aides visuelles à l'approche pour la piste 06
Aides visuelles à l'approche pour la piste 06

Le manuel de formation des équipages de conduite de Boeing stipule que le PAPI peut être utilisé en toute sécurité quant à la hauteur au-dessus du seuil mais qu'il est possible que l'avion se pose plus loin que prévu sur la piste.

Il a été établi que toutes les aides visuelles à l'approche fonctionnaient bien au moment de l'incident. Au cours de l'automne 1994, plusieurs pilotes ont fait savoir à Transports Canada que les références verticales de la piste 06 à Halifax étaient de mauvaise qualité quand l'ODALS était en marche. Des inspecteurs de Transports Canada ont alors effectué une série d'approches de nuit sur la piste 06 dans des conditions de vol à vue le 19 octobre 1994, et ils ont estimé que les approches faites en prenant le PAPI comme référence permettaient de suivre la trajectoire de descente prévue. Dans son rapport du 10 janvier 1995 portant sur les plaintes et sur les vérifications effectuées, Transports Canada a indiqué qu'il avait cherché à obtenir les commentaires des pilotes qui utilisaient fréquemment l'aéroport. D'après le rapport de Transports Canada, les commentaires des pilotes allaient de «comparable avec n'importe quel autre ODALS» au qualificatif de «pire trou noir en approche au Canada». Le rapport du 10 janvier concluait qu'il n'y avait pas d'autre mesure à prendre.

Le commandant de bord a indiqué qu'il avait une moins grande expérience des PAPI que des VASIS (indicateurs visuels de pente d'approche) et qu'il préférait les anciens VASIS. Il a précisé qu'il s'était aperçu en approche finale que le PAPI ne comportait pratiquement que du rouge, mais qu'il s'était dit qu'il pouvait poursuivre l'atterrissage en toute sécurité. Il a également cru que s'il suivait les indications de pente d'approche données par le PAPI, l'avion allait toucher des roues au-delà des marques de 1 000 pieds sur la piste et qu'il avait l'intention de se poser à proximité de ces marques de 1 000 pieds. Le premier officier a déclaré qu'il n'avait pas observé le PAPI.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Généralités

L'enregistreur numérique de données de vol (DFDR) et l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) de l'avion ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y être analysés.

Le CVR est un appareil Loral A100 portant le numéro de série 93A100-30. Cet appareil enregistre sur une bande sans fin de 30 minutes les canaux correspondant aux microphones des pilotes et au microphone d'ambiance du poste de pilotage. Les données CVR de l'incident ont été effacées et remplacées par d'autres parce que le CVR est resté sous tension pendant plusieurs heures après l'arrivée de l'avion à la porte d'embarquement.

Le DFDR porte le numéro de série 980-4100-AXUS. Il a été fabriqué par Allied Signal. Les données DFDR ont été lues sans que la bande soit retirée. Les 25 heures d'enregistrement ont été récupérées grâce au système de dépouillement, d'analyse et de présentation (RAPS) du BST. Une animation informatisée du vol a été créée pour faciliter l'analyse des données. Les données radar du centre de contrôle régional de Moncton ont été utilisées pour vérifier l'exactitude de la trajectoire au sol tirée des données de vol enregistrées.

1.11.2 Reconstitution du vol à l'aide du DFDR

Les renseignements qui suivent ont été tirés du rapport technique LP 36/96 du BST intitulé FDR/CVR Analysis, Boeing 767-375, C-FOCA, 8 March 1996 (Analyse du FDR et du CVR du Boeing 767-375 C-FOCA, vol du 8 mars 1996).

Quand l'avion a viré pour se mettre en finale de la piste 06, il a commencé sa descente à partir de 2 200 pieds-mer et sa vitesse indiquée a été réduite à 178 noeuds (KIAS) environ. Les modes de tangage et de roulis du pilote automatique ont été mis respectivement en VNAV et en LNAV, les automanettes embrayées en mode de vitesse.

Après avoir signalé son passage en rapprochement au-dessus du NDB Golf, l'équipage a sorti le train d'atterrissage et a réglé les volets à 20 degrés, puis à 30 degrés. La vitesse a diminué aux environs de la vitesse de référence «Volets 30» plus 5 noeuds (VREF30+5) de 139 KIAS. Les volets étaient alors braqués à fond. Le taux de descente a conservé une moyenne de 560 pi/min sur une trajectoire de descente de 2,3 degrés. La puissance moyenne des réacteurs se situaient aux environs de 67 % de N1. L'avion présentait un angle de cabré moyen de 4 degrés.

Photo 3. Reconstitution du vol à l'aide du DFDR
Reconstitution du vol à l'aide du DFDR

Légende des lettres A à G de la figure 3

A - A/P Off Débrayage du pilote automatique.

B - A/T Off Débrayage des automanettes.

C - Crossing LOC right to left

L'avion franchit le LOC de droite à gauche.

D - 100 feet AGL L'avion est à 100 pieds du sol.

E - 50 feet AGL L'avion est à 50 pieds du sol.

F - 20 feet AGL L'avion est à 20 pieds du sol.

G - Tailstrike 8.1 deg nose up L'avion racle la piste en présentant un angle de cabré de 8,1 degrés.

Lexique alphabétique des autres termes anglais de la figure 3

AOA Angle d'attaque

Canadian Airlines B767-300

Tail Scrape Atterrissage sur la queue d'un B767-300 des Lignes aériennes Canadien International

Computed Airspeed (knots) Vitesse préétablie en noeuds

Derived Vertical Speed

(feet/min) Vitesse verticale en pi/min

Elevator Pos Position de la gouverne de profondeur

Elevator Psn - Left (degrees) Position de la gouverne de profondeur gauche en degrés

Eng L - N1 Actual (% rpm) Réacteur gauche - % de N1 (régime du compresseur basse pression)

Flight Path Angle (deg) Angle de la trajectoire de vol en degrés

LP 36/96-002 Rapport technique

no LP 36/96-002

Pitch Attitude (degrees) Assiette en tangage en degrés

Radio Altitude (feet) Hauteur radioaltimétrique en pieds

Revised : October 09, 1996 Modifié le 9 octobre 1996

UTC (hr:min:sec) Heure UTC en heures, minutes et secondes

Wing Angle of Attack (degrees) Angle d'attaque en degrés

L'équipage a déclaré qu'il avait établi le contact visuel avec la piste à la MDA de 760 pieds-mer. À 730 pieds-mer environ, le mode de tangage du pilote automatique a été remplacé par la fonction de capture d'altitude et, en approchant de 700 pieds, l'avion a commencé à se mettre en palier. L'angle de cabré de l'avion est passé de 4,5 degrés à 6,3 degrés, et la puissance des réacteurs a augmenté à 80 % de N1. Le pilote automatique a alors été débrayé au moment où le directeur de vol passait en mode de maintien d'altitude à quelque 700 pieds. Quatre secondes après le débrayage du pilote automatique, les automanettes ont été débrayées à leur tour.

Après le débrayage des automanettes, le nez de l'avion s'est abaissé et a pris un angle de piqué de 5,3 degrés; la puissance des réacteurs a été réduite à 70 % de N1, puis elle a été réduite de nouveau à 50 % de N1 à quelque 150 pieds-sol. Le taux de descente, qui était resté constant aux environs de 550 pi/min, a augmenté à quelque 850 pi/min. La fonction de LNAV étant utilisé, elle avait positionné l'avion légèrement à droite de l'axe du faisceau du LOC et, simultanément à l'angle de tangage réduit, l'avion a amorcé un léger virage à gauche, suivi d'un petit virage à droite.

L'avion a franchi le seuil de piste à une vingtaine de pieds du sol, la puissance des réacteurs a augmenté à plus de 58 % de N1 (jusqu'à 72 % de N1 au toucher des roues), l'angle de cabré a augmenté à plus de 5,8 degrés, l'avion descendant à 800 pi/min. Au cours des dix secondes qui ont précédé le toucher des roues, le régime NI était inférieur de 8 % environ à la valeur précédente durant l'approche, ce qui signifie que la poussée fournie était d'à peu près 20 % de moins. La vitesse avait diminué à 134 KIAS (VREF30). L'avion s'est posé sans avoir ralenti sa descente, à 200 pieds environ après le seuil de piste et à 40 pieds à gauche de l'axe, avec une pointe d'accélération verticale à 2,2 g et une pointe d'angle de cabré de 8,1 degrés.

Les données FDR révèlent que l'inversion de poussée et le circuit de freinage automatique ont cessé d'être utilisés moins de 30 secondes après le toucher des roues et que l'avion aurait pu s'immobiliser sur une distance inférieure à 4 000 pieds.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Il n'y a pas d'épave. Les renseignements sur l'impact figurent au paragraphe 1.3 intitulé «Dommages à l'aéronef».

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Sans objet.

1.14 Incendie

Rien n'indique qu'il y ait eu un incendie, que ce soit avant ou après l'incident.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Sans objet.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Évaluation des performances

Les données DFDR relatives à l'incident ont été envoyées à l'avionneur pour qu'elles soient examinées dans un simulateur technique. Les performances théoriques de l'avion et celles qui ont été observées à Halifax ont été comparées. De plus, les données de vol enregistrées plus tôt au moment d'un atterrissage à Hawaii dans des conditions météorologiques peu propices au givrage et dans un air relativement calme et stable, ont été utilisées à des fins de comparaison.

Les performances de l'avion ont été jugées normales jusqu'au passage en descente à 400 pieds-sol environ, moment à partir duquel les simulations théoriques laissent entrevoir une dégradation des performances de l'appareil (augmentation de la traînée et diminution de la portance). Il n'a pas été possible d'expliquer la cause de cette dégradation dans les derniers instants de l'approche; toutefois, une sortie partielle des aérofreins, une accumulation de glace ou un cisaillement du vent sont des explications plausibles.

La position de la commande des aérofreins et celle des déporteurs ne font pas partie des paramètres enregistrés par le DFDR de l'avion en questionNote de bas de page 1, mais la sortie et la rentrée des aérofreins étaient faciles à repérer à partir des modifications subies par d'autres données DFDR plus tôt au cours de la descente. Dans la dernière partie de l'approche, lorsque la dégradation des performances est devenue flagrante, rien n'indiquait que les aérofreins étaient complètement sortis. L'équipage a déclaré que rien ne leur indiquait que les aérofreins étaient sortis.

D'après l'avionneur, l'avion a été conçu pour pouvoir voler dans des conditions givrantes sans que son comportement, sa compensation ou sa pilotabilité en souffre. L'avion est équipé d'un empennage horizontal dont la conception favorise très peu le givrage. L'empennage horizontal est dépourvu de tout dispositif de dégivrage. Grâce à ces dimensions, l'empennage horizontal peut fonctionner à des niveaux de portance égaux ou inférieurs à ceux où la présence de givre sur le bord d'attaque pourrait l'empêcher de générer la portance nécessaire.

La procédure d'exploitation du Boeing 767 des LACI qui traite des conséquences du givre sur les ailes indique que la portance diminue et que la traînée augmente aux angles d'attaque élevés. L'avionneur précise que le givre sur les ailes ne provoque aucune perte de portance tant que l'angle d'attaque de l'aile ne dépasse pas les 15 degrés. Au cours du vol de l'incident, l'angle d'attaque a connu une pointe à 12 degrés quand l'avion est passé à 50 pieds-sol en descente. Toujours d'après la procédure d'exploitation des LACI, la présence de givre sur les ailes au décollage pourrait faire réagir l'avion comme s'il était compensé en cabré; la procédure des LACI ne donne pas d'information sur la compensation pour la phase d'approche.

Les données DFDR indiquent que l'avion a rencontré de la turbulence en approche. La tour a signalé des vents en surface du 100 degrés magnétique à cinq noeuds. Aucun cisaillement du vent au point d'atterrissage n'a été signalé par d'autres équipages.

1.16.2 Essais en simulateur

Des essais en simulateur ont été effectués dans les installations des LACI à Vancouver afin d'examiner les procédures de la compagnie, d'étudier les profils d'approche et d'évaluer les indices visuels disponibles, la dégradation des performances ainsi que les techniques de pilotage de l'avion. Les essais ont été effectués pendant deux séances de trois heures à bord du simulateur de Boeing 767-375 qui avait été réglé de façon à reproduire la masse, le centrage de l'avion ainsi que les conditions météorologiques présentes au moment du vol de l'incident.

L'aéroport de Halifax ne figure pas dans la base de données du simulateur. Il a donc fallu utiliser un aéroport générique avec une configuration de piste identique. Le simulateur n'a pas réussi à recréer la pente de l'entrée de piste ni le même éclairage; la piste affichée sur la console de simulation était équipée d'un PAPI de chaque côté de la piste alors qu'à Halifax il n'y en avait qu'un sur le côté gauche de la piste 06. Voici les observations qui ont été faites pendant les essais :

1.16.3 Point de toucher du train d'atterrissage principal

Si l'on prend l'emplacement du PAPI de la piste 06 à Halifax, mais sans tenir compte de la pente ascendante de la piste, on peut trouver le point de toucher du train principal en se servant de la différence de quelque 30 pieds qui existe sur le Boeing 767-300 entre la trajectoire au niveau des yeux et celle au niveau du train, comme on peut le voir à la figure 4. Si l'on suppose qu'il n'y a aucun arrondi, les roues du train principal devraient faire contact avec la piste à 700 pieds environ. Avec un arrondi normal, le toucher des roues devrait se produire aux environs de 1 000 pieds.

1.17 Renseignements sur l'organisation et sur la gestion

1.17.1 Généralités

Les questions relatives à la gestion de la compagnie qui auraient pu avoir une influence sur le rendement de l'équipage ainsi que les questions relatives à la régulation des vols ont fait l'objet d'un examen poussé.

Photo 4. Renseignements sur l'organisation et sur la gestion
Renseignements sur l'organisation et sur la gestion

1.17.2 Formation dispensée par la compagnie

Deux fois l'an, les pilotes de Boeing 767 des LACI reçoivent de la formation périodique dans le simulateur de la compagnie à Vancouver. Chaque séance de formation est suivie d'une PPC. La formation aborde les procédures d'urgence, la coordination entre les membres d'équipage ainsi que les procédures d'approche de précision et de non-précision. Au cours de la formation, les équipages de conduite utilisent des aérodromes situés à Vancouver, à Toronto et en Europe, ce qui leur permet d'effectuer chaque année des approches sur des aérodromes nord-américains et européens. Dans plusieurs cas, les exercises d'approche de non-précision comprennent une approche interrompue ou une panne moteur, ou les deux, de sorte que les pilotes n'ont pas l'occasion de s'exercer à la transition à l'atterrissage aussi souvent que lors des exercices d'approche de précision, comme dans le cas d'une approche ILS.

Pendant la formation, les LACI insistent pour que leurs pilotes utilisent les moyens de VNAV pour le guidage vertical pendant des approches de non-précision et pour qu'ils se servent du mode d'approche à l'aide du faisceau arrière du LOC (B/CRS et LOC) pour le guidage latéral plutôt que des moyens de LNAV. La VNAV permet aux pilotes de faire une approche ayant une trajectoire de descente constante, comme s'ils suivaient la trajectoire d'alignement de descente pendant une approche ILS (système d'atterrissage aux instruments). La LNAV offre à l'équipage un guidage latéral qui ressemble à celui du LOC d'un ILS; toutefois, la LNAV est moins précise que la procédure qui consiste à tenir l'axe à l'aide du LOC en mode LOC ou B/CRS et LOC. Les équipages ont tendance à utiliser la LNAV pour intercepter le LOC, parce que cela leur permet de faire une interception plus en douceur. La LNAV peut alors être utilisée pour suivre l'alignement de descente. Pendant la formation, on demande aux équipages d'afficher l'altitude d'approche interrompue dans la fenêtre du MCP peu après le passage du FAF.

Les LACI enseignent à leurs pilotes que s'ils suivent les procédures indiquées ci-dessus, ils devraient atteindre le point de référence visuelle à la MDA pendant une approche de non-précision si, bien entendu, la météo le permet. Le pilote doit ensuite suivre les indications visuelles de position verticale données par le PAPI ou le VASIS. Aucun renseignement formel n'est donné pour indiquer qu'il peut arriver que des corrections soient nécessaires pour aligner l'avion sur la trajectoire de vol à vue après l'exécution d'une approche VNAV. On discute avec les pilotes de l'importance de ne pas faire voler un avion gros porteur au-dessous de la bonne trajectoire de descente (dans certains documents anglais, on parle de ducking under).

1.17.3 Manuel d'exploitation des équipages de conduite

Le manuel d'exploitation à l'intention des équipages de conduite (FCOM) des LACI, en vigueur au moment de l'incident, contenait des renseignements sur l'exécution d'une approche de non-précision à l'aide du système de vol automatique. Dans le volume 1 du FCOM, à partir de la page 02.07.04, on demande au pilote aux commandes (PF) de se servir de la LNAV ou de la sélection de cap pour tenir l'axe d'approche ou de se mettre sur une trajectoire d'interception en vue de l'approche à alignement arrière. Cette section du FCOM indique ensuite que le PF doit afficher le mode B/CRS et LOC pour effectuer l'approche à alignement arrière. Au FAF, le pilote qui n'est pas aux commandes (PNF) doit afficher la MDA dans la fenêtre du MCP ou y afficher le chiffre le plus proche arrondi aux 100 pieds inférieurs. Le PF doit se servir de la VNAV (ou choisir le mode V/S et la vitesse verticale appropriée) pour descendre à la MDA. Un peu avant d'arriver à la MDA, le PF doit embrayer le mode ALT HOLD (ou choisir ALT HOLD s'il utilise le mode V/S). On demande ensuite au PNF d'afficher l'altitude d'approche interrompue au MCP. Le PF doit débrayer le pilote automatique au moment de la descente au-dessous de la MDA et il doit débrayer les automanettes avant l'atterrissage. Le manuel de formation des équipages de conduite de Boeing donne une description similaire de la procédure d'approche de non-précision et d'atterrissage.

1.17.4 Procédures d'utilisation normalisées

Le FCOM des LACI contient un encart intitulé «Procédures d'utilisation normalisées» (SOP) daté du 23 décembre 1991. Un des sujets porte sur l'approche de non-précision VNAV. La section «Généralités» des SOP des LACI stipule que l'approche peut être effectuée en LNAV/VNAV si les conditions le permettent, ou dans tout autre mode convenable de roulis et de tangage. Les SOP ne contiennent aucune instruction explicite obligeant les équipages à sélectionner le mode B/CRS et LOC pendant l'approche; une rubrique laisse entendre que la LNAV peut être utilisée sauf en cas de désaccord entre ce qui apparaît sur la carte et les données de navigation «brutes».

Une section des SOP intitulée «Approche finale» donne des conseils sur la sortie du train d'atterrissage et des volets. Il y est indiqué qu'il faut sortir le train et mettre 20 degrés de volets, une trentaine de secondes ou un mille et demi environ avant d'arriver au FAF. Il faut ensuite sortir les volets à la position d'atterrissage au FAF et réduire la vitesse à celle d'approche finale.

D'après les SOP, l'avion devrait atteindre (ou presque) le point de descente à vue à la MDA. On demande aux équipages d'afficher l'altitude d'approche interrompue dans la fenêtre du MCP un peu avant d'arriver à la MDA et d'être prêts à se poser ou à faire une remise des gaz à la MDA.

Les SOP des LACI contiennent un préambule (page 02A.07.3) qui précise que les «Procédures d'utilisation normalisées» remplacent les «Procédures normales» du manuel d'utilisation du Boeing, Volume 1, chapitre 2.

1.17.5 Préoccupations avant le vol

Avant d'entreprendre le vol, le commandant de bord avait surveillé l'évolution des systèmes météorologiques de la côte Est du Canada pendant plusieurs jours. Le jour du vol, il a pris son service une heure plus tôt que d'habitude parce que la météo l'inquiétait. Il a dit à des employés des LACI qu'il appréhendait de se poser à Halifax à cause de la piste glissante, et il a suggéré au service des opérations des LACI de faire en sorte que les passagers qui se trouvaient à Halifax soient envoyés à Toronto. De là, il les transporterait directement à Rome. À cause des problèmes de logistique que posait le transport des passagers à Toronto, il a été décidé qu'un troisième pilote embarquerait à Halifax pour permettre à l'équipage d'allonger sa journée de travail au cas où l'avion aurait à faire une escale entre Halifax et Rome. En effet, une escale risquait de s'avérer nécessaire à cause des éventuelles limitations de masse au départ imposées par la piste glissante.

L'équipage avait choisi des aéroports de dégagement plus éloignés de Halifax que d'habitude parce que les conditions météorologiques le long de la côte Est étaient inférieures aux limites des terrains de dégagement; l'avion transportait toutefois suffisamment de carburant pour se dérouter.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Procédures d'approche

C'était la première fois que les deux membres d'équipage de CDN48 volaient ensemble. Avant le vol, ils avaient discuté de la coordination entre membres d'équipage et des SOP de la compagnie.

En vertu de la politique des LACI, il revient au PF d'entreprendre la descente en approche finale. Pendant l'approche sur la piste 06, le commandant a sélectionné la VNAV, mais le système s'est mis en mode de maintien d'altitude parce que le MCP affichait 2 300 pieds. Le premier officier (le PNF) a alors affiché 700 pieds et a entrepris la descente finale à l'aide de la VNAV. La procédure normalisée consiste à sortir le train et à mettre 20 degrés de volets un mille et demi à deux milles avant d'arriver au FAF. Les données DFDR indiquent que les volets ont été braqués à 20 degrés et que le train a été sorti après le passage du NDB (FAF). Les deux pilotes ont déclaré que les volets et le train avaient été sortis tardivement parce que la vitesse annoncée par le premier officier avait dû être affichée dans la fenêtre de sélection de vitesse et parce qu'il avait fallu s'occuper des messages Left Bleed (relatif au prélèvement d'air du réacteur gauche) de l'EICAS. Le commandant avait prévu l'utilisation des fonctions B/CRS et LOC, mais c'est la LNAV qui a été utilisée.

Avec un affichage de 1 700 pieds au MCP, ce qui correspond à la hauteur minimale au FAF, la pente de la trajectoire d'approche devait être de l'ordre de 2,3 degrés entre le FAF et la zone de toucher des roues. Le commandant avait demandé au premier officier d'ajouter 10 pieds à la hauteur de 48 pieds indiquée, dans la base de données de l'avion, comme TCH en approche de la piste 06 parce qu'il avait peur de se présenter trop bas en approche.

Un autre transporteur aérien canadien utilise ses propres cartes pour effectuer les approches de non-précision, dont une pour la piste 06 à Halifax. Au moment de régler la VNAV de la piste 06, les pilotes affichent une altitude de 2 050 pieds au FAF (NDB) de façon à créer une trajectoire de descente qui coïncide avec celle de 3 degrés du PAPI. La carte d'approche contient une note qui signale que l'altitude minimale de passage du NDB est de 1 700 pieds-mer.

Après avoir survolé le FAF, l'équipage a affiché 700 pieds dans la fenêtre du MCP, ce qui correspond au chiffre arrondi aux 100 pieds inférieurs les plus proches puisque la MDA est de 760 pieds. Lorsque l'avion est arrivé aux environs de 730 pieds, le pilote automatique a commencé à commander le maintien d'altitude et les automanettes ont augmenté la puissance pour conserver la vitesse sélectionnée. À cet instant, le commandant a débrayé le pilote automatique puis les automanettes, il a réduit la puissance manuellement et il a abaissé le nez de l'avion.

En vertu de la politique des LACI, dès que le premier officier perçoit un danger quelconque, il doit le signaler immédiatement au commandant de bord, et par la force s'il le faut. Le premier officier a déclaré qu'il n'avait pas observé le PAPI et qu'il n'avait jamais eu l'impression que l'atterrissage pouvait présenter un certain danger. Le premier officier a remarqué que l'avion affichait un taux de descente de 800 à 900 pi/min dans les derniers instants de l'approche, mais il ne l'a pas signalé au commandant de bord, ce qu'il n'était pas tenu de faire d'ailleurs en vertu des SOP de la compagnie. Les taux de descente de 1 000 pi/min et plus doivent être annoncés par le pilote qui n'est pas aux commandes. Le commandant a déclaré que l'atterrissage ne lui avait jamais semblé dangereux.

1.18.2 Attention canalisée

On parle d'attention canalisée lorsqu'une personne se concentre uniquement sur une chose à l'exclusion des autres. Ce phénomène peut être aggravé par la fatigue, le manque de connaissances, une trop forte motivation ou la nouveauté de la situation.

1.18.3 Usage du tabac

Fumer peut non seulement nuire à la santé, mais peut également avoir une incidence sur le pilotage car l'inhalation de fumée a des effets sur la vue et la psychomotricité.

Il est bien connu que l'hypoxie réduit la vision nocturne. La perte de vision est de l'ordre de 5 % pour toute augmentation d'altitude de 2 000 pieds. La fumée de cigarette produit du monoxyde de carbone (CO). Le CO inhalé par le fumeur fait augmenter la carboxyhémoglobine (COHb), ce qui entraîne une forme d'hypoxie (dégradation du mécanisme de transport de l'oxygène). Chez le fumeur, 5 % à 12 % de l'hémoglobine est saturée de CO contre 1 % chez le non-fumeur; un taux de 5 % de COHb a le même effet que si la personne se trouvait à une altitude de 8 000 à 10 000 pieds-mer.

Au moins une étude effectuée dans un simulateur montre que les fumeurs et les non-fumeurs ne sont pas différents au chapitre des erreurs de précision et d'inattention. Toutefois, les fumeurs privés de tabac commettent plus d'erreurs de ce genre. On en est arrivé à la conclusion que le manque de nicotine constituait une forme de stress physiologique Note de bas de page 2. Le commandant de bord a déclaré qu'il mâchait de la gomme Nicorette en vol pour lutter contre le syndrome de sevrage à la nicotine.

1.18.4 Illusions visuelles

Il arrive que le pilote qui veut se poser le plus près possible du seuil de piste se retrouve délibérément au-dessous de la bonne trajectoire d'approche. Il arrive également que le pilote pense qu'il se trouve sur la bonne trajectoire de descente alors qu'en fait il se trouve au-dessous de la trajectoire. Moins la trajectoire de descente est prononcée, plus il est difficile de visualiser les modifications du taux de descente.

Dans certaines circonstances, le pilote (peu importe son expérience ou son acuité visuelle) peut avoir une mauvaise perception de l'assiette de son avion par rapport à la trajectoire de descente. Un phénomène obscurcissant qui réduit la luminosité des feux de seuil et de piste, des feux de seuil et de piste réglés à basse intensité ou si la piste part en pente ascendante peuvent faire croire au pilote que l'avion se trouve plus haut qu'il ne l'est en réalité. Un document de Transports Canada mentionne qu'«au cours d'une approche normale vers une piste qui possède ne serait-ce qu'une légère pente ascendante, le pilote pensera qu'il est trop haut et sera porté à descendre pour faire correspondre l'image visuelle avec celle qui lui est familière.»Note de bas de page 3 Dans de telles conditions, le pilote a fortement tendance à voler bas en approche et à retarder l'arrondi. En général, cette illusion augmente à mesure que la visibilité et le nombre de références visuelles diminuent. Lorsque l'équipage de CDN48 a établi le contact visuel avec la piste 06, la visibilité signalée était d'un mille et demi. Le document de Transports Canada mentionne qu'il est bien connu que «les illusions de piste n'épargnent même pas les pilotes les plus expérimentés.» Le document donnent des conseils aux pilotes pour les aider à contrecarrer les effets des illusions de piste. Le document mentionne également que les trois procédures suivantes peuvent être suivies :

Analyse

2.1 Introduction

L'analyse examine les événements ayant précédé l'atterrissage à Halifax, dont les points touchant l'exploitation de la compagnie, les procédures suivies par l'équipage, la trajectoire de vol suivie et les écarts sous la trajectoire normale, les mesures prises par le commandant de bord au moment de l'atterrissage et les performances de l'avion. L'analyse examine également l'environnement de la piste, les activités de l'équipage et les influences qui ont joué un rôle sur les mesures prises par les pilotes.

2.2 Le vol à destination de Halifax

Le vol vers Halifax présentait un certain défi pour l'équipage. La piste était glissante, ce qui créait des problèmes à l'atterrissage à Halifax et au départ de cet aéroport à destination de Rome. Le service des opérations de la compagnie avait tenu compte des réserves exprimées par le commandant de bord quant au départ de Halifax à une masse élevée. Le service des opérations avait alors pris les dispositions nécessaires pour qu'un troisième pilote rejoigne l'équipage au cas où il aurait été décidé d'alléger la masse de carburant, ce qui aurait obligé l'avion à faire une escale technique, l'équipage ayant alors une plus longue journée de travail. Compte tenu de l'état de la piste à Halifax, CDN48 devait théoriquement ne pas avoir besoin de toute la longueur de la piste pour se poser. La véritable longueur de piste utilisée par CDN48 à l'atterrissage (moins de 6 500 pieds) permet d'étayer la conclusion voulant que la distance disponible à l'atterrissage était suffisante.

D'après les prévisions, les conditions météorologiques à Halifax devaient être supérieures aux limites d'approche à l'heure d'arrivée prévue, et les vents en surface ne devaient jouer aucun rôle. Toutefois, on prévoyait des conditions givrantes dans les nuages et les précipitations verglaçantes. L'équipage avait choisi des aéroports de dégagement plus éloignés de Halifax que d'habitude, mais l'avion avait suffisamment de carburant pour se dérouter.

Compte tenu des conditions météorologiques, il était normal que l'équipage prenne des précautions supplémentaires pendant la préparation du vol à destination de Halifax et de Rome, mais l'enquête n'a révélé aucune raison opérationnelle pouvant justifier une annulation du vol.

2.3 L'approche

En vertu des procédures de la compagnie aérienne qui permettent d'effectuer des approches de non-précision, comme la procédure d'alignement arrière de la piste 06, le guidage en descente doit se faire à l'aide de la VNAV du FMS. La procédure a pour objet d'amener l'avion au-dessous des nuages dans une position se prêtant bien à un atterrissage à vue. Les LACI, comme les autres compagnies aériennes qui exploitent des aéronefs équipés de FMS, ont adapté leurs procédures d'approche de sorte que leurs équipages puissent exécuter leurs approches à l'aide du guidage vertical du FMS.

L'équipage a préparé son approche de la piste 06 en utilisant une altitude de passage du NDB de 1 700 pieds-mer, conformément aux procédures de la compagnie, ce qui donnait en théorie un angle de trajectoire de descente de quelque 2,3 degrés. Les 10 pieds qui ont été ajoutés à la hauteur de franchissement du seuil, à la demande du commandant de bord, ont eu un effet négligeable sur l'angle de la trajectoire de descente. L'approche, telle qu'elle a été programmée dans le FMS, a créé une situation d'instabilité à la MDA, à un moment où l'équipage devait faire la transition au vol à vue pour se poser en suivant la trajectoire de descente de 3 degrés fournie par le PAPI. Les équipages ne recevaient pas de formation qui leur aurait permis de savoir qu'il y aurait une différence entre les trajectoires de vol lors de la transition de VNAV au vol à vue à l'atterrissage. Le calcul des données nécessaires pour produire une trajectoire de descente constante de 3 degrés, quoique possible, aurait certainement constitué tout un défi pour la plupart des équipages de conduite et sortait du cadre des procédures de la compagnie et de la formation dispensée par la compagnie. D'autres exploitants ont réglé le problème en donnant à leurs équipages des altitudes de passage du NDB permettant d'obtenir un angle de trajectoire de descente de 3 degrés, ce qui réduit les problèmes au moment de la transition entre l'approche aux instruments et l'atterrissage à vue.

L'utilisation d'une altitude de passage du NDB qui produit un angle de trajectoire de descente de 3 degrés plus faible qu'à l'accoutumée (ou optimal) peut compliquer la tâche du pilote au moment où il doit faire la transition au vol à vue. Toutefois, au cours de l'approche du vol de l'incident, les réglages du pilote automatique ont amené le pilote automatique à commander une mise en palier de l'avion vers 700 pieds-mer, ce qui a modifié l'angle de trajectoire de vol de façon imprévue. Ainsi, l'angle théorique de 2,3 degrés de la trajectoire de descente n'est pas directement responsable de l'instabilité de l'approche de CDN48; quoi qu'il en soit, les procédures relatives à l'utilisation de la VNAV étaient imparfaites. En raison de ces procédures, la trajectoire de vol a subi des changements imprévus qui ont fait croire au commandant de bord qu'il était peut-être trop haut ou qu'il allait se retrouver trop haut.

2.4 Écarts par rapport aux procédures

L'enquête a révélé que l'équipage n'avait pas toujours suivi les SOP pour effectuer son approche à Halifax. Dans certains cas, il a été difficile de déterminer avec précision quelle procédure aurait dû être suivie. Certains écarts n'ont pas été faits délibérément, et le premier officier a aussitôt pris des mesures pour corriger la situation. La sortie du train et des volets à 20 degrés a été faite plus tard que prévu; les volets ont été braqués à la position d'atterrissage de 30 degrés à une altitude légèrement inférieure à celle qui figure dans le FCOM des LACI, et l'avion a été configuré convenablement en vue de l'atterrissage. La sortie tardive du train et des volets a augmenté la charge de travail de l'équipage au moment où l'avion survolait le NDB.

L'utilisation de la LNAV en approche finale à la place du mode B/CRS et LOC, qui semble ne pas avoir été intentionnelle, a fait que l'avion s'est retrouvé légèrement à droite de l'axe de piste quand le contact visuel avec la piste a été établi. L'amorce d'un virage à gauche au moment où le commandant de bord évaluait ses références visuelles a dû alourdir sa charge de travail et contribuer à l'apparition de l'instabilité en approche.

Il y a une différence entre la méthode enseignée par la compagnie aérienne pour effectuer des approches arrière à l'aide du LOC et celle qui figure dans le FCOM des LACI, les SOP des LACI, et le manuel de formation des équipages de conduite de Boeing. Si les équipages suivent les procédures des manuels, ils risquent d'avoir des difficultés, notamment de voir l'approche devenir instable ou d'avoir à composer avec une lourde charge de travail si la météo avoisine les limites d'approche.

2.5 Atterrissage et performances

Quand le commandant de bord a établi le contact visuel avec la piste à la MDA, le pilote automatique commençait à commander la mise en palier de l'avion à 700 pieds-mer environ, conséquence de la procédure de VNAV utilisée. La puissance des réacteurs a augmenté, le cabré a également augmenté, et l'angle de la trajectoire de descente a diminué. C'est pour cette raison que la puissance des réacteurs a augmenté au-dessus de la valeur utilisée en approche, ce qui a nui à la stabilité de la trajectoire d'approche et a causé des ennuis au commandant de bord à l'atterrissage. Il serait raisonnable de penser que, au moment où le commandant de bord a coupé le pilote automatique, il a senti que l'avion se mettait en palier et que la puissance des réacteurs augmentait. Cela lui aurait donné l'impression que l'avion se trouvait au-dessus de la trajectoire de descente souhaitée. C'est pourquoi il a réduit la puissance et l'angle de tangage. La réduction de puissance à une valeur inférieure à la valeur nominale d'approche dans les 10 dernières secondes du vol a donné lieu à un taux de descente supérieur à la normale. C'est ainsi que l'avion s'est retrouvé au-dessous de la trajectoire normale de descente et que l'approche est devenue instable en tangage et en puissance.

L'avion a failli se poser avant la piste, ce qui aurait pu avoir des conséquences très graves. La décision du commandant de bord de ne pas tenir compte du PAPI n'était pas justifiée et, en laissant l'avion passer au-dessous de la trajectoire de descente, il a créé la situation qui a donné lieu à l'atterrissage sur la queue. La transition aux indications de bonne trajectoire données par le PAPI et l'utilisation de ces indications auraient permis de conserver une bonne relation entre la poussée et la portance, et les risques d'un atterrissage sur la queue auraient été moins grands. L'analyse de la qualité du freinage signalée à ce moment-là ainsi que les calculs de la distance d'atterrissage montrent que, même si l'avion s'était posé 1 500 pieds au-delà du seuil de piste, il aurait encore pu s'immobiliser en toute sécurité sur la longueur de piste restante; toutefois, l'équipage n'avait pas de table ni de tableau lui indiquant que la distance était suffisante pour immobiliser l'avion compte tenu de l'indice JBI signalé.

Quelques instants avant l'atterrissage, le commandant de bord a tiré sur le manche, ce qui a fait augmenter le cabré de l'avion; il ne semble toutefois pas que le taux de descente ait diminué. Le commandant a remarqué que les commandes semblaient plus molles que d'habitude. Ce phénomène n'est peut-être qu'une perception provenant du manque apparent de réaction de l'avion; quoi qu'il en soit, compte tenu de la dégradation de performances qui a été constatée, la possibilité d'une modification des forces ressenties sur les commandes ne peut être écartée. L'avion a fait un atterrissage brutal, ce qui a comprimé les amortisseurs et fait augmenter le cabré. La queue de l'avion a percuté le sol à 8,1 degrés. Ce chiffre avoisine l'angle de contact du patin de queue de 8,0 degrés, avec les amortisseurs comprimés, qui figure dans le manuel de formation des équipages de conduite de Boeing 767.

En raison du centrage avant, de la vitesse minimale en approche et de la trajectoire de vol moins prononcée que la normale, la marge entre l'angle de tangage en approche et l'angle nécessaire pour que la queue de l'avion racle la piste a été réduite de 2 degrés environ. Compte tenu de tout ce qui s'est passé au cours des dernières secondes du vol, il n'est pas possible de conclure que si le centrage de l'avion avait été situé plus à l'arrière, la queue de l'avion n'aurait pas raclé la piste. Toutefois, l'équipage ne savait pas que l'angle de tangage augmentait.

L'analyse technique a montré que, au cours des 400 derniers pieds de l'approche, l'avion a subi une diminution de portance et une augmentation de traînée par rapport aux données théoriques. Cette dégradation de performances peut avoir contribué au fait que le commandant de bord n'est pas arrivé à ramener le taux de descente à zéro au moment de l'arrondi. Les tests de performance et les données FDR indiquent que les aérofreins n'étaient pas déployés. Il n'a pas été possible d'établir si un cisaillement du vent ou une accumulation de givre aurait pu jouer un rôle dans cette dégradation des performances. Les rapports de pilotes et les conditions de vent signalées n'indiquent pas la présence d'un cisaillement du vent. L'antigivrage des ailes n'était pas été utilisé, mais l'avionneur a précisé qu'une telle dégradation des performances ne pouvait pas être attribuée à une accumulation de givre sur le bord d'attaque dans la plage des angles d'attaque enregistrés par le FDR en approche et à l'atterrissage. L'enquête n'a révélé aucune preuve de la présence de givre sur les ailes ou sur l'empennage de l'avion après l'atterrissage. L'équipage n'a vu aucune accumulation de givre proche des fenêtres du poste de pilotage pendant l'approche. L'absence de certains paramètres (aérofreins) dans le FDR et le taux d'échantillonnage d'autres paramètres, comme l'angle d'attaque, ont contribué à l'incertitude relative à l'origine et à l'importance de la dégradation des performances.

2.6 Influences sur les mesures prises par l'équipage

À plusieurs reprises pendant l'approche et pendant l'atterrissage, l'équipage a éprouvé des difficultés; certaines venaient de l'extérieur; d'autres ont été provoquées par l'équipage même. Il convient de souligner qu'en raison de l'absence de renseignements qu'aurait pu fournir un CVR en bon état, il n'a pas été possible de faire une analyse précise des événements.

Le commandant de bord était un peu préoccupé par le vol vers Halifax à cause de l'état de la piste et des conditions météorologiques. Il avait suggéré que les passagers soient acheminés à Toronto de façon à éliminer l'escale à Halifax. Certains événements en vol ont peut-être augmenté ses inquiétudes. Les conditions météo s'étaient détériorées au-dessous des prévisions. En approche, il y a eu un problème de prélèvement d'air qui aurait pu avoir des répercussions au niveau de l'inversion de poussée. Le commandant n'avait pas souvent eu l'occasion d'exécuter des approches à alignement arrière sur des Boeing 767 ou lors de sa formation en simulateur. Il n'avait pas eu de bonnes expériences quand il avait dû effectuer de véritables approches à alignement arrière, il avait éprouvé des ennuis pendant la formation portant sur ces approches, et il lui fallait maintenant en exécuter une dans des conditions météorologiques minimales. Plusieurs indices permettent de croire que le commandant a accordé trop d'importance à l'état de la piste, qu'il a canalisé son attention et perdu conscience de la situation.

Le commandant de bord avait pris son service une heure plus tôt que d'habitude pour pouvoir commencer la planification du vol; s'il ne s'agit pas d'un problème en soi, cela dénote une certaine incohérence par rapport aux inquiétudes que le commandant avait exprimées quant à l'éventuelle journée de travail de l'équipage au cas où il faudrait faire une escale après avoir quitté Halifax. Le choix du réglage des freins à MAX AUTO, un choix presque jamais jugé nécessaire, trahit également le degré d'inquiétude du commandant. Le dernier appareil à se poser avant CDN48 avait eu du mal à libérer la piste à cause de la surface glissante aux abords de la voie de circulation Delta, et ce renseignement avait été transmis à l'équipage de CDN48. Le commandant n'a pas demandé à l'ATC d'obtenir un compte rendu de freinage de l'autre avion, ce qui lui aurait peut-être permis de se faire une meilleure idée de la véritable qualité du freinage sur la piste. Il est donc permis de croire que le pilote avait déjà une idée bien précise de son plan d'action pour composer avec ce qu'il considérait être un atterrissage sur une piste très glissante.

La première partie de la piste 06 présente une pente ascendante de 0,77 %, ce qui avoisine la limite normale indiquée dans le document TP312. Cette pente donne l'illusion que l'avion se trouve plus haut qu'il ne l'est en réalité, et la correction de ce supposé problème amène à positionner l'avion au-dessous de la bonne trajectoire. La carte d'approche n'indiquait pas que la première partie de la piste présentait une pente ascendante. De plus, il semble que l'équipage n'avait aucun moyen de déterminer que la première partie de la piste 06 présentait une pente ascendante. La pente moyenne d'une piste n'est indiquée que si elle dépasse 0,3 %. La visibilité qui prévalait au moment de l'atterrissage réduisait la longueur de piste qui pouvait être vue; par voie de conséquence, la pente ascendante sur la première partie de la piste présentait une illusion d'optique plus importante. Il semble que les deux pilotes ne se sont pas rendu compte des illusions créées par les feux de piste et d'approche et qu'ils ont été victimes de ces illusions, ce qui leur a fait croire que l'avion se trouvait plus haut qu'il ne l'était en réalité. Si la pente moyenne de la piste n'est pas indiquée sur la carte d'approche, ou s'il n'y a pas d'avertissement à cet effet sur la carte, l'équipage ne peut élaborer une stratégie pour contrecarrer les illusions de piste. Ce qui pourrait expliquer pourquoi le commandant a réduit la puissance à 50 % de NI, donnant lieu à une approche non stabilisée au moment où l'avion franchissait 150 pieds-sol en descente. Si une annonce avait été faite pour signaler que le taux de descente était entre 800 et 900 pi/min, même si cela n'était pas obligatoire en vertu des SOP des LACI, cela aurait pu aider le commandant. Étant donné que le premier officier n'a pas fait d'annonce, il est permis de penser qu'il a peut-être été victime d'une illusion d'optique et qu'il ne s'est pas rendu compte de la situation. Le PAPI a fourni des renseignements visuels qui auraient pu aider le commandant de bord à rester sur la bonne trajectoire de descente jusqu'à l'atterrissage. Toutefois, il n'a pas tenu compte de ces indices visuels. Le fait d'être passé outre aux indications du PAPI cadre bien avec le niveau d'inquiétude du commandant quant à une éventuelle sortie en bout de piste, ce qui a contribué directement à l'écart de l'avion au-dessous de la trajectoire de descente prévue.

À certains moments en approche, des écarts par rapport aux procédures ont provoqué une augmentation de la charge de travail de l'équipage. Le fait que l'avion s'est mis en palier partiellement de façon imprévue non loin de la MDA à cause des procédures de VNAV utilisées semble être un problème important. La capacité de faire face aux exigences d'une certaine charge de travail varie d'un individu à l'autre et peut même varier chez un même individu en fonction de son état d'esprit. Il ne fait aucun doute que la capacité du commandant à composer avec une charge de travail plus lourde était réduite parce qu'il avait peur que l'avion ne s'arrête pas sur la piste.

Faits établis

3.1 Faits établis

  1. Les membres de l'équipage de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  2. Les données CVR relatives à l'incident ont été remplacées par d'autres données après la mise en stationnement de l'avion parce que le CVR est resté sous tension.
  3. La charge de l'avion se trouvait dans les limites de masse et centrage approuvées, mais le centre de gravité avoisinait la limite avant, et le vol a été effectué à la vitesse minimale, ce qui s'est traduit par un cabré plus important que d'habitude en approche.
  4. Les conditions météorologiques à Halifax favorisaient la formation de givre sur l'avion pendant l'approche.
  5. L'antigivrage des ailes n'a pas été utilisé en approche, ce qui n'était pas obligatoire en vertu des SOP de la compagnie.
  6. L'avion a suivi une trajectoire de descente de 2,3 degrés pendant l'approche sur la piste 06 à cause de l'altitude de passage du NDB sélectionnée conformément aux SOP de la compagnie.
  7. Après avoir atteint la MDA dans des conditions de vol à vue, le commandant de bord a positionné son avion au-dessous de l'angle de trajectoire de descente à vue donné par le PAPI.
  8. Des simulations de vol théoriques ont montré qu'il y avait eu une dégradation des performances de l'avion au-dessous de 400 pieds-sol. L'enquête n'a pas révélé la cause de cette dégradation.
  9. Pour se guider latéralement en approche, le commandant de bord a utilisé la LNAV de l'avion au lieu du mode B/CRS et LOC.
  10. En suivant la LNAV, l'avion s'est retrouvé légèrement à droite de l'axe de piste à la MDA, ce qui a obligé le commandant de bord à faire une correction de dernière minute.
  11. L'avion a commencé à se mettre en palier de façon imprévue à la MDA à cause des procédures VNAV utilisées par l'équipage.
  12. Les procédures utilisées par l'exploitant pendant la formation relative aux approches LNAV/VNAV étaient différentes des procédures publiées par l'exploitant pour effectuer l'approche.
  13. Pendant sa formation périodique, le commandant de bord avait déjà eu de la difficulté à effectuer des approches à l'aide d'un faisceau arrière de LOC.
  14. Le commandant de bord n'avait pas effectué d'approche à l'aide d'un faisceau arrière de LOC depuis plusieurs années.
  15. Peu de formation était donnée concernant les atterrissages et les approches de non-précision VNAV, et concernant la différence entre les trajectoires de vol lors de la transition de VNAV au vol à vue, proche de la MDA.
  16. Ni le commandant de bord ni le premier officier n'avaient reçu de formation CRM officielle.
  17. Le premier officier n'a pas observé le PAPI et n'a remarqué aucune situation dangereuse pendant l'approche.
  18. Le premier officier n'a pas annoncé le taux de descente pendant l'approche (ce qu'il n'était pas tenu de faire en vertu des SOP de la compagnie) parce que le taux de descente était inférieur à 1 000 pi/min.
  19. À Halifax, le premier quart de la piste 06 présente une pente ascendante de 0,77 % qui n'est pas indiquée sur les cartes d'approche aux instruments.
  20. Des illusions visuelles en approche ont fait croire aux deux membres de l'équipage de conduite que l'avion se trouvait plus haut qu'il ne l'était en réalité, et la poussée a été réduite 10 secondes avant le toucher des roues alors que ce n'était pas nécessaire.
  21. L'équipage n'avait pas de table pour déterminer si la longueur de piste était suffisante compte tenu de l'état de la piste.

3.2 Causes

La queue de l'avion a raclé la piste parce que l'équipage de conduite a réduit la puissance alors que ce n'était pas nécessaire entre l'altitude minimale de descente et le toucher des roues en réponse à des illusions visuelles. Les illusions visuelles créées par la pente de la piste ont fait croire aux deux membres de l'équipage de conduite que l'avion se trouvait plus haut qu'il ne l'était en réalité, et l'équipage de conduite n'a pas réagi aux indices visuels de l'indicateur de trajectoire de précision (PAPI) qui montraient que l'appareil était trop bas. Facteurs contributifs : l'appréhension du commandant de bord d'immobiliser l'avion sur une piste glissante; la dégradation des performances de l'avion au-dessous de 400 pieds-sol; les procédures de navigation latérale et verticale (LNAV/VNAV) utilisées; l'angle de cabré de l'avion supérieur à la normale occasionné par la faible vitesse d'approche de l'avion et le centrage avant de l'avion.

Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Procédures VNAV relatives aux approches de non-précision

Le 14 mai 1996, les LACI ont publié un bulletin d'exploitation (B767-10-96) intitulé 3 Degree Glide Path Conversion Chart (Table permettant d'obtenir une pente de trajectoire de descente à 3 degrés). Cette table avait pour but avoué de permettre aux équipages de B767 effectuant des approches de non-précision de passer en douceur, à l'altitude minimale de descente, au système visuel de guidage vertical de l'aéroport. La table permet aux pilotes de calculer la hauteur de passage du FAF donnant une trajectoire de descente de 3 degrés en utilisant la VNAV, avec une TCH de 50 pieds. La table donne une hauteur en pieds, basée sur la distance entre le FAF et la piste, qu'il faut ajouter à la hauteur du seuil de piste pour trouver la nouvelle altitude de passage du FAF.

Par la suite, le BST a envoyé un avis de sécurité aérienne à Transports Canada concernant l'utilisation de procédures VNAV spéciales pour les approches de non-précision. L'avis suggérait à Transports Canada d'examiner la possibilité de publier des directives sur l'utilisation de la VNAV pour les approches de non-précision, et d'examiner la possibilité de modifier les cartes d'approche de non-précision pour faciliter l'utilisation des systèmes VNAV. L'avis suggérait également à Transports Canada d'encourager les exploitants qui utilisent la VNAV pour les approches de non-précision à formuler des SOP et à dispenser de la formation dans ce domaine.

Le programme de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour la prévention des accidents CFIT examine s'il faudrait fixer des exigences de conception pour les procédures d'approche de non-précision aux instruments pour tenir compte de la nécessité d'une technique d'approche stabilisée avec un angle minimal de trajectoire de descente de trois degrés.

4.1.2 Préservation des enregistrements CVR

Les LACI ont pris des mesures pour que les équipages (dont l'avion vient de subir un incident dans les derniers instants du vol) tirent les disjoncteurs du CVR immédiatement après l'arrivée de l'avion à la porte d'embarquement ou après l'immobilisation de l'avion, et ce, afin de préserver l'enregistrement des données CVR. Ce point a été abordé lors d'une réunion de la sécurité des vols de la compagnie, et le représentant syndical des pilotes a accepté de rappeler à ses collègues les mesures à prendre pour préserver les enregistrements CVR.

4.1.3 Formation CRM

Le premier officier a reçu de la formation CRM quelques semaines après l'incident. La compagnie aérienne donne actuellement deux séances de formation CRM par semaine. La formation CRM qui était offerte a été examinée, et la compagnie a l'intention de dispenser de la formation CRM qui insistera davantage sur l'importance de faire valoir son point de vue. Le Règlement de l'aviation canadien (RAC), qui est entré en vigueur le 10 octobre 1996, oblige les compagnies qui exploitent de gros aéronefs (en général ceux ayant 20 passagers ou plus) à avoir un programme de formation CRM homologué.

4.1.4 Indice JBI

Le Bureau a déterminé que l'incident est survenu, en partie, parce que l'équipage appréhendait de se poser sur une piste glissante. Après l'incident, les LACI ont émis une circulaire

d'exploitation (Flight Operations Information Circular) qui permet aux équipages de conduite de Boeing 767 de déterminer, pour une piste et un indice JBI donnés, la masse maximale à l'atterrissage pouvant permettre à l'avion de s'arrêter en toute sécurité. Cette circulaire contient une table qui aurait indiqué à l'équipage qu'il existait des performances d'atterrissage convenant à la masse existante de l'avion et à l'indice JBI de la piste.

4.1.5 Diffusion de l'information sur la déclivité de la piste

En juin 1997, le BST a envoyé un autre avis de sécurité aérienne à Transports Canada concernant l'information disponible relative aux pistes qui présentent une déclivité «anormale» en approche. L'avis mentionnait que la diffusion de cette information permettrait aux pilotes de mieux évaluer et mieux adapter leurs approches finales, et que grâce à cette information, les pilotes courraient moins de risques de suivre la mauvaise trajectoire de vol à cause d'illusions visuelles. L'avis mentionnait que Transports Canada devrait examiner la possibilité de fixer des normes pour que des renseignements ou des mises en garde concernant les pistes en pente soient insérées dans le Supplément de vol - Canada et dans le Canada Air Pilot, et que Transports Canada devrait encourager la diffusion de cette information dans les publications aéronautiques semblables utilisées par les exploitants canadiens.

Transports Canada a répondu que c'était la première fois qu'on attirait son attention sur ce point et que la manière dont l'information relative à la déclivité des pistes est diffusée ne constitue pas, en soi, une menace pour la sécurité aérienne. Transports Canada a également mentionné que la méthodologie utilisée au Canada répond aux normes de l'OACI et qu'il n'entreprendrait pas d'analyse plus poussée avant d'avoir reçu le rapport sur l'accident.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles H. Simpson et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A - Approche arrière à l'aide du LOC

(Cette carte Jeppesen n'existe pas en français)

Photo 5. Approche arrière à laide du LOC
Approche arrière à laide du LOC

Annexe B - Liste des rapports de laboratoire

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

LP 36/96 - FDR/CVR Analysis, Boeing 767-375, C-FOCA, 8 March 1996 (Analyse du FDR et du CVR du Boeing 767-375 C-FOCA, vol du 8 mars 1996).

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe C - Sigles et abréviations

ATC
Contrôle de la circulation aérienne
ATIS
Service automatique d'information de région terminale
B/CRS
alignement de piste arrière
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CAP
Canada Air Pilot
C de G
centre de gravité
CDN48
vol 48 des LACI
CFIT
impact sans perte de contrôle, de l'anglais CFIT pour Controlled flight into terrain
CO
monoxyde de carbone
COHb
carboxyhémoglibine
CRM
gestion des ressources de l'équipage
CVR
enregistreur de la parole dans le poste de pilotage
DFDR
enregistreur numérique de données de vol
FAA
Federal Aviation Administration
FAF
repère d'approche finale
FCOM
manuel d'exploitation à l'intention des équipages de conduite
FDR
enregistreur des données de vol
h
heure(s)
HNA
heure normale de l'Atlantique
HNE
heure normale de l'Est
FMS
système de gestion de vol
IFR
règles de vol aux instruments
ILS
système d'approche aux instruments
JB
I indice de freinage James
KIAS
vitesse indiquée en noeuds
LACI
Lignes aériennes Canadien International
lb
livre(s)
LNAV
navigation latérale
LOC
radiophare d'alignement de piste
MAC
corde aérodynamique moyenne
MCP
panneau de commande de mode
MDA
altitude minimale de descente
N1
régime du compresseur basse pression
N2
régime du compresseur haute pression
NDB
radiophare non directionnel
OACI
Organisation de l'aviation civile internationale
ODALS
balisage lumineux d'approche omnidirectionnel
PAPI
indicateur de trajectoire d'approche de précision
PF
pilote aux commandes
PNF
pilote qui n'est pas aux commandes
PPC
vérification de compétente pilote
RAC
Règlement de l'aviation canadien
RAPS
système de dépouillement, d'analyse et de présentation (de l'anglais Recovery, Analysis, and Presentation System)
SOP
procédures d'utilisation normalisées
TCH
hauteur de franchissement du seuil
UTC
temps universel coordonné
VNAV
navigation verticale
VREF30
vitesse de référence volets 30
minute(s)
°
degré(s)
°C
degré(s) Celsius
%
pour cent