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Rapport d'enquête aéronautique A97H0012

Perte d'espacement entre
le Canadair CL-600-2B16 Challenger N8MC
et le Boeing 747-400 de British Airways G-BNLK
40 nm au nord-ouest d'Iqaluit
(Territoires du Nord-Ouest)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le CL-600-2B16, immatriculé N8MC et portant le numéro de série 5329, effectuait un vol entre Iqaluit (Territoires du Nord-Ouest) et Seattle (Washington). Il avait été autorisé à se diriger vers le point 63° de latitude nord (N) et 080°de longitude ouest (W) au niveau de vol (FL) 240, et à monter au FL 350. Le Boeing 747-400, immatriculé G-BNLK, du vol 279 de British Airways (BAW 279), en provenance de l'aéroport de Londres-Heathrow (Royaume-Uni) faisait route vers Los Angeles (États-Unis), via Iqaluit, au FL 350. Pour assurer l'espacement obligatoire entre les deux avions, N8MC devait être réacheminé via le point 64°N, 070°W, et ensuite jusqu'au point 63°N, 080°W, avec la restriction de rester au FL 330 ou au-dessous de cette altitude jusqu'au point 64°N, 070°W. Avant que cette révision de route et cette restriction n'aient été effectivement communiquées au N8MC, les pilotes avaient déjà dépassé le point 070°W et ils interceptaient la trajectoire d'éloignement modifiée. Le contrôleur des données responsable du secteur de Nuvilik, qui travaillait au centre de contrôle régional (ACC) de Montréal, s'était servi du système de traitement des données radar (RDPS) afin d'afficher la route de N8MC sur un écran radar voisin, en vue de déterminer les répercussions du changement de route sur le reste du trafic. Cependant, en entrant la nouvelle route, le contrôleur des données a par inadvertance entré les mauvaises coordonnées pour le deuxième point le long de la route; il était alors convaincu que N8MC se trouvait à une position beaucoup plus au nord par rapport à BAW 279 que sa position réelle. Le contrôleur ne s'est pas rendu compte de l'erreur, et la restriction d'altitude voulant que l'avion reste à une altitude inférieure au FL 330 a été annulée. L'espacement entre BAW 279 et N8MC a été réduit à 9 milles marins (nm) environ sur le plan latéral, et l'espacement vertical a été réduit à 1 500 pieds, alors que l'espacement obligatoire est de 20 nm sur le plan latéral ou 2 000 pieds sur le plan vertical.

Renseignements de base

L'ACC de Montréal comprend les sous-unités Est, Nord, Sud et Terminale qui sont elles-mêmes subdivisées en secteurs. La sous-unité Nord est une sous-unité de contrôle de l'espace aérien supérieur qui s'occupe du trafic aérien, à partir du FL 290 et au-dessus, de la plus grande partie de la province de Québec ainsi que des approches nord-est vers l'espace aérien canadien en provenance des zones de contrôle océaniques. La sous-unité Est est une sous-unité de contrôle de l'espace aérien inférieur qui s'occupe du trafic aérien de la plus grande partie de la province de Québec au nord de la latitude de 47°N, à l'exception des zones de la ville de Québec. Chaque secteur d'une sous-unité peut être contrôlé individuellement ou être combiné à un ou plusieurs autres secteurs, selon les besoins opérationnels du moment.

La sous-unité Est de l'ACC de Montréal comprend cinq secteurs. Le matin de l'incident, on avait combiné les cinq secteurs en deux secteurs, dont l'un comprenait les secteurs Baie James, Hydro et Nuvilik. Il s'agissait là d'une procédure normale et acceptée pour un dimanche matin. L'aéroport d'Iqaluit se trouve dans le secteur Nuvilik. Le secteur combiné de Nuvilik/Baie James/Hydro s'étend jusqu'au FL 280 inclusivement. Ces trois secteurs bénéficient d'un service de contrôle radar partiel. On se sert de procédures de contrôle non radar là où le service de contrôle radar n'est pas assuré. L'incident a eu lieu dans un espace aérien qui ne bénéficie pas du service de contrôle radar.

Le secteur Brevoort, l'un des secteurs de la sous-unité Nord de l'ACC de Montréal, s'occupe du trafic de l'espace aérien situé au-dessus de la partie nord du secteur Nuvilik à partir du FL 290 et au-dessus, de même que des approches océaniques du Nord du Canada. Une couverture radar est disponible pour le secteur Brevoort à partir de la limite est du secteur jusqu'à quelques milles à l'ouest d'Iqaluit. La sous-unité Nord est équipée d'un système d'affichage de l'espace aérien du Nord (NADS) qui fournit un affichage des positions prévues et (ou) confirmées des aéronefs qui transitent dans le secteur ainsi que des prévisions de conflit.

Les effectifs dans les sous-unités Est et Nord de l'ACC de Montréal au moment de l'incident étaient conformes à la politique de l'unité et, selon l'information recueillie, ils étaient suffisants pour la charge de travail. On a jugé que le volume et la complexité du trafic étaient modérés. Le poste combiné Nuvilik/Baie James/Hydro était occupé par un contrôleur des données et un contrôleur radio qui surveillait le stagiaire qui occupait le poste de contrôle radio. C'est ce dernier poste qui était en contact direct avec les avions et qui devait prendre les mesures pour assurer l'espacement entre les aéronefs; le contrôleur des données s'occupe du tableau des données de vol et coordonne l'information de vol avec les autres secteurs et unités. Le surveillant de la sous-unité Est s'occupait d'un autre poste de contrôle au moment de l'incident. Le surveillant de la sous-unité Nord exerçait une surveillance discrète et apportait au besoin son aide à la coordination de l'information de vol au sein de la sous-unité.

Quand le contrôleur de la sous-unité Nord a émis la route modifiée et la restriction d'altitude à N8MC, le contrôleur radio du secteur Baie James/Hydro/Nuvilik de la sous-unité Est (un stagiaire surveillé par un instructeur qui donne de la formation en cours d'emploi [OJI]) s'occupait d'autres aéronefs qui évoluaient dans la partie sud du secteur combiné. Le contrôleur radio se servait du radar de Chibougamau pour dispenser les services de contrôle radar dans cette zone. L'OJI a pour rôle de permettre au stagiaire d'acquérir de l'expérience de travail tout en s'assurant que les règles et les règlements relatifs à la fourniture des services de contrôle sont respectés. L'OJI doit pouvoir surveiller de près toutes les communications ATC et être en mesure de prendre la relève du stagiaire sans recevoir d'exposé du stagiaire. L'OJI reçoit au préalable de la formation sur les techniques d'instruction, sur les relations interpersonnelles et sur les techniques d'exposés conformément au programme de formation approuvé de NAV CANADA. Le contrôleur peut demander à recevoir la formation initiale d'OJI.

Le contrôleur radio de Nuvilik attendait le Beech 200 du vol 200 d'Air Baffin (BFF 200) en provenance de Puvirnituq (Québec) au FL 250 et qui devait arriver à Iqaluit à 14 h 15Note de bas de page 1. À 13 h 37, le contrôleur radio de Nuvilik a donné à BFF 200, par l'intermédiaire de la station d'information de vol (FSS) de Kuujjuaq, l'autorisation de suivre le radial 275 du radiophare omnidirectionnel (VOR) à très haute fréquence (VHF) de Frobay en rapprochement d'Iqaluit et de maintenir le FL 250. Au premier contact avec BFF 200, à 92 nm au sud-ouest d'Iqaluit au FL 250, le contrôleur radio de Nuvilik a autorisé BFF 200 à rester à 16 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). (Voir l'annexe A - Chronologie des événements.)

Au même moment, le secteur Brevoort de la sous-unité Nord contrôlait BAW 279, qui avait signalé au contrôleur du secteur Brevoort qu'il avait survolé le VOR de Frobay, situé à 2,4 nm au sud-est de l'aéroport d'Iqaluit, à 13 h 54, au FL 350, et qu'il prévoyait atteindre l'intersection BODRA, située par 62°17N, 080°W, à 14 h 33.

N8MC a décollé de la piste 18 de l'aéroport d'Iqaluit à 13 h 41 avec l'autorisation de se diriger directement d'Iqaluit jusqu'au point 63°N, 080°W (voir l'annexe B - Trajectoires relatives des aéronefs), en éloignement sur le radial 308 du VOR de Frobay, et avec l'autorisation de monter au FL 240. Au départ, N8MC a reçu la restriction de passer à 20 nm du VOR de Frobay à 15 000 pieds asl ou moins, et ce, dans le but d'assurer l'espacement requis entre N8MC et BFF 200. Cinq minutes plus tard, à 13 h 46, N8MC a signalé qu'il passait à 21 nm, après quoi le contrôleur radio de Nuvilik a transmis à N8MC l'autorisation de monter au FL 280 et lui a demandé de rappeler au moment de franchir le FL 240. Le contrôleur du poste NADS de l'Ungava de la sous-unité Nord a accepté l'heure de départ de N8MC fournie par le contrôleur des données de Nuvilik et a par la suite confirmé que le FL 350, selon la route modifiée et la restriction d'altitude, était une altitude acceptable.

À 13 h 49, soit huit minutes après le départ de N8MC d'Iqaluit et une minute après l'heure estimée de passage de BAW 279 à la verticale du VOR de Frobay, le contrôleur radio de Nuvilik a transmis une altitude et une restriction d'altitude modifiées, qu'il avait reçues du secteur Brevoort, à N8MC, lui demandant de monter au FL 350 et de franchir 64°N, 070°W au FL 330 ou à une altitude inférieure. Cette position n'était pas sur la route qui avait été donnée initialement à N8MC. Quelques instants plus tard, le contrôleur radio a donné une route modifiée à N8MC lui demandant de se diriger de sa position actuelle directement vers le point 64°N, 070°W, ensuite au 63°N, 080°W, et ensuite de reprendre la route prévue au plan de vol. Le contrôleur a également répété la restriction de rester au FL 330 ou à une altitude inférieure. Une minute et demie plus tard, le pilote de N8MC a signalé qu'il avait déjà dépassé 64°N, 070°W et qu'il virait à droite pour intercepter la trajectoire vers 63°N, 080°W. Le pilote a également demandé qu'on lui confirme que c'était bien la manoeuvre à exécuter, ce que le contrôleur radio a fait et, à 13 h 53, N8MC a demandé qu'on lui confirme qu'il était maintenant autorisé à monter au FL 350.

Le contrôleur de Nuvilik a alors réalisé que l'avion avait dépassé 070°W, et il a immédiatement approuvé la montée au FL 350. Trente secondes plus tard, le contrôleur radio de Nuvilik a demandé à N8MC si l'avion était établi sur la trajectoire entre 64°N, 070°W et 63°N, 080°W, ce à quoi le pilote a répondu qu'il se trouvait à 12 nm à l'est de la trajectoire et qu'il se dirigeait vers elle. Le contrôleur radio de Nuvilik a alors dit au pilote que l'avion devait être établi sur la trajectoire spécifiée et qu'il devait maintenir le FL 330 ou se maintenir à une altitude inférieure jusqu'à ce qu'il soit établi sur la trajectoire. Une minute plus tard, à 13 h 56, le pilote a indiqué, en réponse à une demande du contrôleur, que l'avion se trouvait maintenant à 5 nm de la trajectoire et qu'il se conformait à la restriction voulant qu'il reste au FL 330 ou à une altitude inférieure jusqu'à ce qu'il soit établi sur la trajectoire. Le contrôleur des données a presque aussitôt avisé le contrôleur radio que le secteur de l'espace aérien supérieur avait annulé toutes les restrictions pour N8MC. Le contrôleur radio de Nuvilik a informé N8MC de l'annulation et lui a demandé de rappeler lorsqu'il serait en palier au FL 350 et de lui fournir une heure estimée d'arrivée pour le point 63°N, 080°W.

Trois minutes plus tard (à 13 h 58 min 48 s), le contrôleur radio de Nuvilik a avisé le pilote de N8MC que le secteur suivant ne pouvait accepter l'avion au FL 350, et que l'avion devait descendre au FL 310. Le pilote a déclaré que l'avion franchissait le FL 335 en montée et qu'il allait redescendre au FL 310. À 14 h 2, N8MC a signalé qu'il se mettait en palier au FL 310 et, peu après, il a indiqué que l'avion se trouvait à 127 nm du VOR de Frobay. Les deux avions (N8MC et BAW 279) sont passés à moins de 9 nm l'un de l'autre avec un espacement de 1 500 pieds alors que l'espacement obligatoire est de 20 nm sur le plan latéral ou de 2 000 pieds sur le plan vertical.

En aucun moment, les contrôleurs radio de Nuvilik (qu'il s'agisse du stagiaire ou de l'OJI) n'ont demandé la position exacte de N8MC, soit en lui demandant de préciser sa position par rapport au VOR de Frobay, soit en lui demandant ses coordonnées exactes (latitude et longitude). Il y a eu une discussion entre le stagiaire et l'OJI à propos de la position de cet avion par rapport à la route prévue et à propos de la pertinence de la restriction d'altitude, mais l'OJI n'a pas spécifiquement demandé au stagiaire de confirmer la position exacte de l'avion. Puisque le stagiaire et l'OJI s'occupaient d'autres aéronefs qui se trouvaient dans le secteur sud sous contrôle radar, ils ne savaient pas que le contrôleur des données de Nuvilik s'efforçait de résoudre le conflit entre N8MC et BAW 279 avec les contrôleurs et le surveillant de la sous-unité Nord, et ils ont par conséquent laissé N8MC poursuivre sa montée sans lui demander de se mettre en palier à une altitude intermédiaire.

Le contrôleur des données de Nuvilik était chargé de coordonner les autorisations et l'information de vol concernant N8MC avec les autres secteurs de l'ACC de Montréal. Après avoir reçu l'heure de départ de N8MC de la FSS d'Iqaluit, le contrôleur des données de Nuvilik a transmis l'information au poste NADS de l'Ungava. Peu après, le contrôleur du poste NADS de l'Ungava a transmis une restriction concernant N8MC au contrôleur des données de Nuvilik. N8MC devait être réacheminé via le point 64°N, 070°W, et il devait limiter son altitude de manière à franchir ce point au FL 330 ou à une altitude inférieure pour maintenir l'espacement obligatoire avec BAW 279. Le contrôleur de NADS a inscrit ce renseignement sur la fiche de progression de vol de N8MC et a remis la fiche au contrôleur des données de Nuvilik. Ce dernier a placé la fiche de progression de vol dans la bonne section du tableau des données de vol pour le contrôleur radio. Le contrôleur des données n'a pas pu signaler verbalement cette restriction au contrôleur radio du secteur parce que ce dernier effectuait d'autres tâches de contrôle, mais il a montré la fiche à l'OJI. Le contrôleur radio stagiaire n'a cependant pas transmis cette restriction avant que N8MC soit rendu plus haut que le FL 250. Le stagiaire estimait qu'une fois que N8MC aurait franchi cette altitude, il ne serait plus en conflit avec l'aéronef en rapprochement, et il pourrait alors être réacheminé en toute sécurité vers n'importe quelle direction en poursuivant sa montée. Ni le stagiaire ni l'OJI n'ont réalisé qu'il fallait transmettre rapidement la restriction en raison de la proximité du nouveau point vers Iqaluit et de la vitesse rapide de N8MC en montée. Les contrôleurs savent que l'avion d'affaires à réaction CL600 Challenger peut prendre de l'altitude rapidement.

Les aéronefs qui quittent Iqaluit et qui montent dans l'espace aérien supérieur sont d'abord autorisés à maintenir le FL 280 ou une altitude inférieure. Après le départ de l'aéronef, la coordination se fait d'abord avec les secteurs de l'espace aérien supérieur pour ce qui est de la route et de l'approbation à une altitude plus élevée. C'est le contrôleur du poste NADS qui s'occupe de l'information de vol et qui détermine s'il y a des conflits avec les autres aéronefs. L'approbation de route et d'altitude, ainsi que toutes les restrictions nécessaires, sont ensuite transmises au secteur de l'espace aérien inférieur pour qu'il les transmette à l'aéronef concerné. Une fois que l'aéronef est à l'abri de tout conflit possible dans le secteur de l'espace aérien inférieur, le contrôle du vol est transféré au secteur de l'espace aérien supérieur. Cette méthode occasionne rarement des retards pour le trafic qui quitte Iqaluit, car le trafic est généralement faible.

Les contrôleurs qui travaillent dans le secteur inférieur de Nuvilik ne situent pas facilement les coordonnées de latitude et de longitude, car dans le cadre de leurs activités quotidiennes, ils se servent plus souvent de la position des aéroports, des points géographiques, des aides à la navigation et des intersections des routes aériennes pour faire le contrôle du trafic. Il n'y avait pas de table à tracer au poste du secteur Nuvilik/Baie James; habituellement, il y en a une. C'est au contrôleur de vérifier s'il a bien tout le matériel nécessaire. La table à tracer comprend une carte qui couvre toute la zone de responsabilité du contrôleur ainsi qu'une règle spéciale pour déterminer la route des aéronefs entre les différents points et l'espace aérien à protéger pour un aéronef donné. L'enquête n'a pas révélé pourquoi il n'y avait pas de table à tracer pour le secteur de Nuvilik.

De nombreux contrôleurs croient qu'une table à tracer indique la route des aéronefs d'une manière moins précise que la fonction droite de distance et d'azimut (RBL) du RDPS. Cette fonction permet aux contrôleurs d'entrer deux coordonnées et d'afficher à l'écran radar la route résultante entre les deux points. Étant donné que le contrôleur radio stagiaire surveillait le trafic dans le secteur sud, il était impossible de décentrer l'affichage radar pour qu'il affiche la région environnante d'Iqaluit sans perdre les données radar concernant le secteur sud. Pour lui aider, le contrôleur des données s'est rendu jusqu'à une autre console radar qui était libre et qui se trouvait de l'autre côté de la salle des opérations et il a entré dans le RDPS ce qu'il croyait être les bonnes coordonnées de la nouvelle route de N8MC. Le contrôleur des données de Nuvilik percevait l'urgence d'effectuer cette tâche, car N8MC approchait rapidement du secteur de contrôle de l'espace aérien de Brevoort et le contrôle de cet avion devait être transféré à ce secteur sous peu.

Le contrôleur des données de Nuvilik avait l'intention d'utiliser la RBL pour faire une comparaison entre la route d'origine demandée par le pilote et la route modifiée. Il a bien entré les coordonnées de la route autorisée à l'origine entre Iqaluit et le point 64°N, 080°W, mais il a mal entré la deuxième position pour la route modifiée, c'est-à-dire qu'il a entré

65°N, 080°W au lieu de 63°N, 080°W. Résultat, la route affichée était beaucoup plus au nord que la route demandée à l'origine; elle était également plus au nord que la route modifiée émise avec la restriction d'altitude. Le contrôleur des données de Nuvilik n'a pas décelé l'erreur et a jugé que N8MC se trouvait au nord de la route modifiée, et il a mentionné ce fait au surveillant de la sous-unité Nord. Le surveillant de la sous-unité Nord a ensuite informé le contrôleur des données de Nuvilik que la restriction d'altitude au FL 330 était annulée. Le contrôleur des données de Nuvilik a ensuite retransmis l'information au contrôleur radio de Nuvilik.

Le contrôleur radio de Nuvilik a gardé N8MC sur sa fréquence de manière à assurer la communication et l'espacement avec BFF 200 en rapprochement d'Iqaluit. Le secteur Nuvilik sert de station de relais pour le secteur Brevoort car ce secteur ne peut pas entrer en communication avec un aéronef qui quitte Iqaluit. Lorsque le secteur Brevoort a des restrictions ou des instructions concernant les aéronefs en montée vers l'espace aérien supérieur, le secteur Nuvilik se charge de relayer ces renseignements. On considère qu'il n'est pas toujours nécessaire que les contrôleurs de Nuvilik possèdent toute l'information sur le trafic dans l'espace aérien supérieur, lorsqu'ils servent de station de relais. Toutefois, les contrôleurs de Nuvilik doivent assurer l'espacement des aéronefs qui transitent dans leur zone de responsabilité jusqu'au FL 280. Le contrôleur radio de Nuvilik devait donc confirmer à quel endroit la route modifiée allait conduire N8MC et il devait déterminer les répercussions de cette restriction sur l'espacement avec BFF 200. Le contrôleur de la sous-unité Nord, par ailleurs, n'a pas été avisé que la route modifiée pouvait compromettre l'espacement avec un autre aéronef du secteur Nuvilik et il a par conséquent tardé à transmettre la restriction à N8MC.

Quelques années avant le présent incident, dans le cadre d'une restructuration entre les sous-unités Est et Nord, quelques-uns des contrôleurs plus expérimentés ont été mutés à la sous-unité Nord. La sous-unité Est s'est donc retrouvée avec moins de contrôleurs d'expérience. Il était généralement reconnu qu'il était plus difficile pour les contrôleurs de se qualifier pour la sous-unité Nord. Certains contrôleurs croyaient également qu'il était plus facile de se qualifier dans la sous-unité Est. Cette situation avait créé une certaine tension qui gênait les communications et les échanges d'information entre les deux sous-unités. Le manque de coopération et les relations tendues entre les deux sous-unités ont gêné les communications entre les contrôleurs des sous-unités Nord et Est au cours du quart de travail de l'incident. Par exemple, le contrôleur des données de Nuvilik n'a pas demandé au surveillant de la sous-unité Nord de plus amples renseignements concernant la route modifiée de N8MC (alors que le contrôleur des données savait que ces renseignements étaient disponibles sur l'affichage du NADS dans la sous-unité Nord), il a plutôt préféré alourdir sa propre charge de travail en traçant lui-même les routes sur une autre console. De tels problèmes de communication n'étaient pas apparents dans les autres sous-unités de l'ACC. Au moment de l'incident, un nouveau gestionnaire responsable de la sous-unité Est avait été nommé depuis peu et, selon l'information recueillie, les communications entre les deux sous-unités s'étaient améliorées.

Analyse

Le contrôleur radio de Nuvilik devait résoudre deux problèmes avant de pouvoir transmettre à l'avion la restriction émise par le contrôleur du poste NADS de l'Ungava. Il devait résoudre le problème d'espacement avec BFF 200 avant de modifier la route de N8MC. De plus, il n'avait pas une représentation mentale très claire du point 64°N, 070°W par rapport à l'avion; c'est pourquoi il hésitait à émettre cette restriction avant que l'espacement avec BFF 200 en rapprochement soit assuré. Il ne pouvait pas utiliser de table à tracer parce qu'il n'y en avait pas pour le secteur au moment de l'incident; il ne pouvait pas non plus décentrer son affichage radar, car il contrôlait à ce moment-là le trafic dans la partie sud du secteur combiné. C'est pourquoi il a tardé à transmettre l'autorisation modifiée à l'avion.

Le contrôleur de la sous-unité Nord devait savoir que le point relatif à la restriction d'altitude de N8MC était situé près d'Iqaluit et que, par conséquent, il fallait transmettre rapidement l'information à l'avion pour que l'équipage ait le temps de se conformer à la restriction. Le contrôleur de la sous-unité Nord, qui ne savait pas que le contrôleur radio de Nuvilik s'acquittait d'autres tâches de contrôle, s'attendait à ce que la restriction soit transmise dès sa réception. Le fait qu'aucun des contrôleurs du secteur Nuvilik n'avait une représentation mentale très claire de la proximité du point de restriction par rapport au point de départ a également contribué à retarder davantage la transmission de l'information à l'avion.

Le contrôleur des données de Nuvilik a commencé à s'inquiéter parce que la restriction n'avait pas encore été transmise et, en voulant aider le contrôleur radio, il a affiché la route modifiée pour N8MC sur un écran radar qui était libre en utilisant la fonction RBL pour tracer la route d'origine et la route modifiée de N8MC. Dans sa hâte de vouloir terminer le travail, le contrôleur des données s'est trompé quand il a entré les coordonnées de la route d'origine; par conséquent, la RBL affichée pour la route d'origine était incorrecte par rapport à la route modifiée.

Le contrôleur des données n'a pas entré délibérément les mauvaises coordonnées dans le calculateur RDPS, ce qui a donné des résultats imprévus. Ce type d'erreur survient lorsqu'une personne fait de façon automatique un acte appris qui nécessite très peu, sinon aucune, prise de décision consciente, par exemple l'acte essentiellement automatique qui consiste à entrer l'information requise pour générer une RBL. Des distractions ou des préoccupations par rapport à d'autres tâches favorisent ce type d'erreur. Dans le cas présent, le contrôleur des données a fait une erreur d'inattention en traçant mal la position de l'avion. En raison des contraintes de temps perçues par le contrôleur des données puisque l'avion s'approchait de l'espace aérien contrôlé par Brevoort, le contrôleur n'a pas bien vérifié les coordonnées qu'il avait entrées avant de commander l'affichage de la RBL.

Le contrôleur de la sous-unité Nord avait deux avantages sur les contrôleurs de Nuvilik en ce qui concerne la restriction d'altitude de N8MC. Premièrement, la sous-unité Nord était équipée d'un NADS qui affichait la route en fonction des coordonnées entrées par le contrôleur, ainsi que les données du plan de vol. Deuxièmement, les contrôleurs de la sous-unité Nord avaient l'habitude de travailler avec les coordonnées de latitude et de longitude; ils connaissaient donc bien les répercussions d'une modification sur la route d'un avion. Les postes de contrôle du secteur Nuvilik ne disposent pas d'un NADS. Les contrôleurs de la sous-unité Nord n'ont pas donné de renseignements supplémentaires aux contrôleurs du secteur Nuvilik concernant les répercussions de la restriction sur la route d'origine de N8MC, et le contrôleur des données de Nuvilik a choisi de tracer lui-même la nouvelle route au lieu de demander aux contrôleurs de la sous-unité Nord.

L'information de contrôle n'a pas été échangée aussi facilement qu'elle aurait dû en raison des relations tendues entre les sous-unités Nord et Est. Le problème était plus évident entre certaines personnes. Le contrôleur des données de Nuvilik n'a pas demandé d'éclaircissements au surveillant de la sous-unité Nord. Le système de contrôle de la circulation aérienne repose sur la coordination entre les unités, coordination qui doit être faite d'une manière complète et judicieuse si l'on veut que le système soit sûr et efficace. Les surveillants, dont le rôle est de surveiller les activités de l'unité et de déceler les erreurs, doivent être particulièrement attentifs aux conflits latents et doivent aussitôt prendre les mesures qui s'imposent pour minimiser les répercussions des problèmes sur les opérations. Il faut favoriser les discussions libres et ouvertes au lieu de laisser la mésentente s'installer si l'on veut que les renseignements d'une importance capitale soient transmis. Même si l'ensemble de l'ACC ne semble pas avoir été touchée par ce problème de communication, ce problème a néanmoins gêné les communications entre les sous-unités Nord et Est pendant le quart de travail où est survenue la perte d'espacement.

Le poste de contrôleur radio de Nuvilik était occupé par un stagiaire qui était surveillé par un OJI. Si l'OJI veut permettre au stagiaire d'acquérir toute l'expérience possible dans des conditions de trafic de plus en plus difficiles, il doit parfois le placer dans une situation délicate en lui laissant de plus en plus de liberté à mesure que sa formation progresse. Le stagiaire était autorisé à travailler en vertu de la licence de contrôleur de la circulation aérienne de l'OJI, et c'est ce dernier qui devait voir à ce que l'espacement minimal obligatoire soit respecté.

Quand le contrôleur des données de Nuvilik a placé la fiche de progression de vol (qui indiquait la restriction d'altitude) de N8MC sur le tableau des données de vol à côté du stagiaire, c'est l'OJI, qui était debout derrière le stagiaire, qui l'a remarquée. Toutefois, l'OJI ne s'inquiétait pas du fait que le stagiaire ne retransmette pas immédiatement la restriction, car il croyait qu'il fallait d'abord régler le conflit entre N8MC et BFF 200. L'OJI n'est pas intervenu même s'il ne connaissait pas la position exacte de l'avion par rapport à sa route assignée, et même après que le stagiaire eut annulé la restriction d'altitude de N8MC. En ne donnant pas de directives plus précises au stagiaire sur l'importance de régler l'incertitude entourant la position de l'avion, l'OJI a laissé la situation empirer, et il y a eu une perte d'espacement.

Cette perte d'espacement est classée comme un événement de proximité d'aéronefs au cours duquel la sécurité n'a pas été assurée.

Faits établis

  1. Les effectifs dans la sous-unité Est de l'ACC de Montréal au moment de l'incident étaient conformes aux normes.
  2. On a jugé que la charge de travail des contrôleurs du secteur combiné de Nuvilik était modérée.
  3. Le surveillant de la sous-unité Est occupait un poste de contrôle; le surveillant de la sous-unité Nord agissait à titre de surveillant et de coordonnateur et il exerçait une surveillance discrète.
  4. Il n'y avait pas de table à tracer au poste du secteur Nuvilik, et le contrôleur des données devait utiliser un écran radar pour afficher les routes des aéronefs.
  5. Certains contrôleurs de la sous-unité Est ne situent pas facilement les coordonnées de latitude et de longitude car ils se servent habituellement de la position des aéroports, des points géographiques, des aides à la navigation et des intersections des routes aériennes pour faire le contrôle du trafic.
  6. Le stagiaire qui occupait le poste de contrôleur radio de Nuvilik ne pouvait pas évaluer les changements de route de N8MC sans modifier le centre de l'écran radar; en modifiant le centre de l'écran, il aurait perdu l'affichage radar de la partie sud du secteur.
  7. Le secteur Nuvilik ne disposait pas d'un affichage NADS pour afficher les trajectoires relatives de N8MC et des autres aéronefs concernés.
  8. Le stagiaire qui occupait le poste de contrôleur radio de Nuvilik ne connaissait pas la position exacte de N8MC quand il a annulé la restriction d'altitude, ce qui a provoqué la perte d'espacement.
  9. L'OJI n'est pas intervenu à temps pour prévenir la perte d'espacement alors qu'il savait que le stagiaire n'était pas sûr de la position de N8MC par rapport à la route assignée.
  10. Le contrôleur des données de Nuvilik a entré les mauvaises coordonnées avant de générer une RBL sur un écran radar qui était libre; il ne s'est pas rendu compte de l'erreur et a dit au surveillant de la sous-unité Nord que N8MC était au nord de la route alors qu'il était au sud de la route.
  11. Le contrôleur des données de Nuvilik n'a pas demandé d'éclaircissement aux contrôleurs de la sous-unité Nord concernant la route modifiée de N8MC même s'il n'était pas certain de la position de la route modifiée par rapport à la route actuelle de l'avion. Les relations tendues entre certains contrôleurs des sous-unités Est et Nord ont contribué au manque de communication.

Causes et facteurs contributifs

La restriction d'altitude de N8MC a été annulée parce que le contrôleur des données avait entré par inadvertance les mauvaises coordonnées dans le calculateur RDPS, ce qui a entraîné une mauvaise interprétation de la position de N8MC par rapport à BAW 279 et a donné lieu à la perte d'espacement.

Les facteurs suivants ont contribué à la perte d'espacement : l'absence de table à tracer dans le secteur Nuvilik; le fait que les contrôleurs de la sous-unité n'ont pas l'habitude de travailler avec les coordonnées de latitude et de longitude car ils utilisent habituellement d'autres techniques de contrôle; les problèmes de communication découlant des relations tendues entre certains contrôleurs des sous-unités Est et Nord; le fait que les contrôleurs ne savaient pas exactement à quel moment ils devaient transmettre l'information à l'aéronef après avoir reçu une modification; le fait que le contrôleur du secteur Nuvilik n'a pas transmis de route modifiée ni de restriction d'altitude à N8MC en temps opportun; l'absence de système d'affichage approprié dans le secteur Nuvilik pouvant fournir aux contrôleurs une représentation plus complète du trafic; le fait que l'OJI n'est pas intervenu alors qu'il n'était pas certain de la position de N8MC par rapport à la trajectoire de rapprochement.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A— Chronologie des événements

Heure (UTC) Temps (en min.) avant/après l'incident Événement
13 h 26 −0 BAW 279 atteint 64°N, 060°W et estime atteindre le VOR de Frobay à 13 h 48.
13 h 34 −22 Le contrôleur du secteur Nuvilik délivre l'autorisation de départ IFR pour N8MC via la FSS de Frobay.
13 h 41 −15 N8MC décolle d'Iqaluit. L'heure du départ est transmise au poste NADS de l'Ungava.
13 h 43 −13 Le contrôleur radio de Nuvilik émet la restriction à N8MC de passer à 20 nm DME du VOR de Frobay à 15 000 pieds asl ou moins.
13 h 45 −11 Premier contact radio entre le contrôleur radio de Nuvilik et BFF 200.
13 h 46 −10 N8MC est autorisé à maintenir le FL 280 et doit appeler en quittant le FL 240.
13 h 46 −10 N8MC signale qu'il est à 21 nm DME d'Iqaluit.
13 h 49 −7 N8MC est autorisé à maintenir le FL 350 avec la restriction de franchir 64°N, 070°W au FL 330 ou à une altitude inférieure.
13 h 50 −6 Réacheminement émis à N8MC de se diriger directement au 64°N, 070°W, puis à 63°N, 080°W, la route prévue au plan de vol. On lui rappelle que la restriction de franchir 64°N, 070°W au FL 330 ou à une altitude inférieure est toujours en vigueur.
13 h 52 −4 N8MC signale qu'il a déjà dépassé 64°N, 070°W et qu'il est en virage pour intercepter la trajectoire entre 64°N, 070°W et 63°N, 080°W.
13 h 53 −3 Le contrôleur du secteur Nuvilik autorise N8MC à monter au FL 350 après que l'avion aura dépassé le point 070°W.
13 h 54 −2 BAW 279 survole le VOR de Frobay au FL 350.
13 h 55 −1 On avise N8MC qu'il est à 5 nm de la route et qu'il doit rester au FL 330 jusqu'à ce qu'il ait atteint la route.
13 h 56 0 On avise N8MC que toutes les restrictions sont annulées.
13 h 58 +2 Le contrôleur du secteur Nuvilik avise N8MC que le secteur suivant ne peut accepter l'avion au FL 350 et qu'il doit descendre au FL 310.
13 h 58 +2 N8MC signale qu'il est au FL 335 et qu'il commence à descendre vers le FL 310.
14 h 2 +6 N8MC signale qu'il est en palier au FL 310.

Annexe B— Trajectoires relatives des avions