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Rapport d'enquête aéronautique A01F0101

Incendie moteur
Boeing 737-200 C-FRYG
exploité par Canada 3000 Ltée
Fort Lauderdale, Floride
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Boeing 737-200, immatriculé C-FRYG, des lignes aériennes Canada 3000 Ltée, avec à son bord 107 passagers et 6 membres d'équipage, effectuait la liaison entre Cayo Largo Del Sur (Cuba) et l'aéroport international de Montréal/Mirabel (Québec) selon les règles de vol aux instruments. Environ 20 minutes après le décollage, l'équipage de conduite a observé une fluctuation de la pression d'huile du moteur droit (P&W JT8D-9A) et une indication de basse quantité d'huile. Par mesure de précaution, l'équipage a coupé le moteur, déclaré une urgence et demandé à être dirigé vers l'aéroport de Fort Lauderdale (Floride). Alors que l'appareil était établi dans un circuit d'attente, l'alarme incendie du moteur s'est déclenchée. Le contenu des deux extincteurs a été déchargé dans la nacelle du moteur droit, mais le feu ne s'est pas éteint. Le pilote a informé le contrôle de la circulation aérienne de la situation et a dirigé l'appareil sur la piste 27 droite (27R) de Fort Lauderdale. Après l'atterrissage, l'appareil s'est immobilisé sur la piste où tous les occupants ont été évacués. Le moteur droit était toujours en feu. Les services d'urgence sont intervenus pour éteindre l'incendie. Personne n'a été blessé.

Renseignements de base

Vers 23 h 20, temps universel coordonné (UTC)Footnote 1, le Boeing 737-200, exploité sous l'indicatif de vol CMM2226, est parti de Cayo Largo Del Sur (Cuba) à destination de l'aéroport international de Montréal/Mirabel (Québec). Le premier officier était aux commandes (PF) en place droite alors que le commandant de bord assumait les tâches du pilote non aux commandes (PNF). Vers 23 h 40, alors que l'appareil franchissait 20 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), l'équipage de conduite a noté une fluctuation de la pression d'huile du moteur droit et que l'indicateur affichait 0,5 gallon américain d'huile. La température de l'huile était élevée, mais elle était inférieure à la limite maximale de 165 °C. Au départ de Cayo Largo, l'indicateur affichait entre 3,5 et 4 gallons américains d'huile.

À 23 h 40, par mesure de précaution, le moteur a été coupé et a continué à tourner en moulinetFootnote 2, en suivant la liste de vérification Engine Failure/Shutdown publiée dans le Quick Reference Handbook. Le régime du compresseur basse pression (N1) indiquait 10 % et le régime du compresseur haute pression (N2) indiquait 20 %. L'appareil se trouvait alors dans l'espace aérien de Cuba, à environ 20 milles nautiques (nm) à l'ouest de l'aéroport de Varadero/Juan Gualberto Gomez (Cuba). L'équipage de conduite a déclaré une urgence auprès du centre de contrôle de La Havane (Cuba) et a demandé à maintenir l'altitude de 16 000 pieds, ce qui lui a été accordé.

Vers 23 h 50, le contact radio avec le centre de contrôle régional de Miami (Floride) a été établi. L'appareil a été identifié au radar à environ six nm au sud de l'intersection TADPO qui délimite l'espace aérien de Cuba et des États-Unis sur la voie aérienne UG448. Vers 23 h 57, après s'être informé des conditions météorologiques, l'équipage de conduite a décidé de continuer le vol vers Fort Lauderdale (Floride) et a demandé que les services d'urgence se tiennent prêts à intervenir à l'atterrissage.

À la demande du commandant de bord, le vol CMM2226 a été autorisé à faire un circuit d'attente. Le circuit s'effectuait à une distance de 20 nm à l'est du repère JUMAR situé à 11,3 nm à l'est du seuil de la piste 27 droite (27R) de Fort Lauderdale. Alors que l'appareil était sur le point d'intégrer le circuit d'attente, un des agents de bord s'est rendu dans le poste de pilotage afin de prévenir l'équipage de conduite que des passagers apercevaient des étincelles sous la nacelle du moteur droit. Le commandant a demandé au directeur de vol de corroborer l'information. Quelques minutes plus tard, il est revenu et a confirmé au commandant de bord qu'il y avait des étincelles.

Tout à coup, les voyants lumineux Dual Bleed, Oil Filter Bypass et Start Valve Open du moteur droit se sont allumés. À ce moment-là, aucun instrument dans le poste de pilotage n'indiquait une surchauffe ou un incendie moteur. Le voyant d'alarme Dual Bleed était allumé, mais les listes de vérification applicables à l'illumination des voyants lumineux Oil Filter Bypass et Start Valve Open amenaient l'équipage de conduite à effectuer la liste de vérification Engine Failure/Shutdown. Toutefois, cette liste avait été exécutée à 23 h 40. Le commandant de bord a demandé au directeur de vol de préparer la cabine pour un atterrissage d'urgence qu'il prévoyait effectuer dans les 20 prochaines minutes.

Alors que l'appareil était établi dans le circuit d'attente, le voyant lumineux Engine Overheat s'est allumé. Pendant que le commandant s'affairait à exécuter la liste de vérification applicable, le voyant lumineux Engine Fire Warning Switch s'est allumé, accompagné de la sonnerie d'alarme d'incendie. Le commandant de bord a effectué la liste de vérification Engine Fire, Severe Damage or Separation. Le contenu d'un des deux extincteurs a été déchargé à l'intérieur de la nacelle du moteur. Le voyant lumineux Engine Fire Warning étant toujours allumé, le deuxième extincteur a également été déchargé. Il n'a pu être déterminé à quelle heure l'indication de feu est apparue, mais à 0 h 43, le commandant avisait le contrôleur des arrivées de Fort Lauderdale qu'il demandait la priorité d'atterrissage parce que le moteur droit était en feu et que l'incendie était incontrôlable. Pendant ce temps, le premier officier a dirigé l'appareil vers l'aéroport, a débuté la descente et augmenté la vitesse jusqu'à environ 324 noeuds.

Durant l'approche, à environ 3 000 pieds asl, le commandant a pris les commandes et a exécuté l'atterrissage sur la piste 27R. Après l'immobilisation de l'avion sur la piste, l'évacuation de l'appareil a débuté. La majorité des passagers ont évacué l'appareil par les trois sorties d'urgence du côté gauche (L1, WE1 et L2). Comme la porte avant droite (R1) avait été ouverte, des passagers sont sortis par cette porte malgré la présence de feu de ce côté. Les services d'urgence sont intervenus afin d'éteindre l'incendie, qui a été maîtrisé difficilement; l'incendie provenait de la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires qui est composée d'un alliage de magnésium. Ce matériel est très difficile à éteindre, à moins d'utiliser le bon produit d'extinction.

Les membres de l'équipage de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord totalisait 4 485 heures de vol dont 2 735 heures en tant que commandant de bord, incluant 87 heures à titre de commandant de bord sur le Boeing 737. Le premier officier totalisait 4 000 heures de vol, dont 605 heures sur le Boeing 737 à titre de premier officier.

La configuration de l'appareil pour l'atterrissage avec un moteur en moins exige le maintien d'une vitesse d'approche plus élevée que d'habitude. Lorsque le moteur a été coupé, la masse de l'appareil était d'environ 114 000 livres, soit 11 000 livres de plus que la masse maximale homologuée à l'atterrissage par le constructeur. Vu que le C-FRYG n'était pas équipé d'un système de délestage de carburant, il aurait fallu que l'appareil vole pendant plus de deux heures avec un moteur en moins pour atteindre une masse inférieure à la masse maximale homologuée à l'atterrissage. Il est à noter qu'en cas d'urgence, rien n'interdit un atterrissage à une masse supérieure à la masse maximale homologuée à l'atterrissage. Même si les membres de l'équipage de conduite ne s'étaient pas fixés une masse précise pour effectuer l'atterrissage, ils s'étaient entendus pour effectuer un circuit d'attente d'environ une heure. L'objectif était de s'assurer que toutes les vérifications avant l'atterrissage soient complétées tout en réduisant le poids de l'appareil.

Les prévisions météorologiques pour Varadero et La Havane annonçaient une possibilité d'averses de pluie associées à des orages réduisant la visibilité à 3 kilomètres pour la période comprise entre 19 h et 2 h. Les prévisions pour Miami et Fort Lauderdale annonçaient des averses de pluie, mais aucun orage.

La liste de vérification Engine Failure/Shutdown stipule qu'il faut planifier atterrir à un aéroport convenable le plus près possible. Le Quick Reference Handbook, tout comme le manuel d'utilisation du Boeing 737 (Boeing 737 Operations Manual), ne spécifie pas ce qu'on entend par « aéroport convenable ». Il existe une définition de l'expression « aéroport convenable », toutefois, cette définition ne s'applique qu'aux opérations bimoteurs avec distance de vol prolongée (ETOPS), ce qui n'était pas le cas du vol CMM2226. L'annexe B du manuel TP 6327F de Transports Canada intitulé Critères de sécurité pour l'approbation des opérations de bimoteurs avec distance de vol prolongée (ETOPS) stipule que pour qu'un aéroport soit jugé convenable, il doit posséder les capacités, les services et les installations nécessaires à sa désignation comme aéroport adéquat et présenter des conditions météorologiques et des conditions de surface qui offrent une grande assurance qu'une approche et un atterrissage peuvent être effectués en toute sécurité lorsqu'un moteur ou des systèmes sont inopérants et qu'ils rendent nécessaires un déroutement vers un aéroport de dégagement en route.

L'équipage de conduite du vol CMM2226 a jugé que l'aéroport de Fort Lauderdale, même s'il n'était pas le plus près, était le plus convenable. Les raisons invoquées pour le choix de l'aéroport étaient les suivantes : la confiance d'obtenir de meilleurs services de la part du contrôle de la circulation aérienne, les meilleurs prévisions météorologiques signalées, la familiarité de l'équipage avec l'aéroport, ainsi que le meilleur service aux passagers. Le fait de poursuivre le vol permettait de consommer plus de carburant et de réduire la masse de l'appareil avant l'atterrissage. Ceci donnait plus de temps pour effectuer toutes les vérifications associées à un atterrissage avec un moteur en moins. L'équipage de conduite n'avait pas de raison de croire que l'état du moteur droit s'aggraverait puisque le moteur avait été mis en moulinet.

Le système de détection d'incendie moteur est composé d'un détecteur double inséré dans une gaine recouverte d'une enveloppe métallique perforée. Le système couvre la partie supérieure et inférieure du moteur et est branché en série. L'un des détecteurs sert à détecter une température élevée et l'autre un incendie. En cas de surchauffe, un voyant de couleur ambre identifié Engine Overheat s'allume lorsque le capteur de température détecte une température élevée de l'ordre de 400 °F. En cas d'incendie, un voyant rouge s'allume sur la manette 1 pour le moteur gauche, et sur la manette 2 pour le moteur droit. Les deux voyants principaux d'alarme s'allument également suivi d'une sonnerie d'alarme incendie.

Le système d'extinction d'incendie moteur est un système d'étouffement gazeux conçu pour inonder l'une ou l'autre des parties du capot moteur par un gaz inerte. Le système d'extinction d'incendie est contrôlé électriquement par un interrupteur dans le poste de pilotage. Chaque moteur utilise deux bouteilles contenant 3,5 livres de halon, pressurisé avec de l'azote sec. L'équipage de conduite a la possibilité d'utiliser une ou deux bouteilles, en effectuant la sélection appropriée. Le produit d'extinction est libéré par un diffuseur de décharge qui se trouve au-dessus et au centre du moteur.

Les étincelles que les passagers ont aperçues sont typiques d'un feu alimenté par le magnésium. Le magnésium enflammé produit sa propre oxygène, et il est très difficile d'éteindre ce type de feu à l'aide d'extincteurs au halon. Une fois allumés, ces alliages dégagent une chaleur intense et l'incendie est difficilement contrôlable.

Le système de lubrification d'huile à moteur est composé d'un système de distribution de l'huile à haute pression fournissant la lubrification aux roulements principaux et aux différents accessoires. L'huile s'écoule par gravité du réservoir d'huile vers la pompe moteur qui se trouve à l'intérieur du logement de la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires. L'huile sous pression traverse un filtre à huile jusqu'au radiateur d'huile refroidi par le carburant. À partir de cette unité, elle passe aux divers roulements du moteur. Des clapets de dérivation sont fournis dans le filtre et dans le radiateur d'huile. Ces valves s'ouvrent et permettent à l'huile de poursuivre son chemin à travers le système au cas où l'une ou l'autre unité deviendrait obstruée. Une valve réglable de régulation de pression, installée dans la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires du côté pression de la pompe, maintient la pression et l'écoulement du système en retournant l'huile de nouveau à l'orifice d'admission de la pompe.

Quatre pompes de récupération renvoient l'huile des cavités de roulements à un carter de vidange dans la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires. L'huile est alors retournée de nouveau au réservoir d'huile. Un système de pompes de reniflard d'huile relie les cavités de roulements du moteur, la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires et le réservoir d'huile assurant un écoulement proportionné d'huile et empêchant de ce fait la cavitation de la pompe pendant le fonctionnement du moteur.

Selon l'information obtenue de Canada 3000, les niveaux d'huile des moteurs avaient été ajustés lors d'une escale à Toronto le jour même. L'avion a fait le vol de Toronto à Cayo Largo en passant par Montréal sans avoir à ajouter d'huile. Le transporteur utilisait depuis quelque temps l'huile Shell 560 recommandée par le constructeur du moteur. La quantité d'huile moteur au départ de Cayo Largo était sensiblement au même niveau des deux côtés, soit entre 3,5 et 4 gallons américains. Le carnet de route fait également mention de l'ajout d'un litre d'huile dans la transmission à vitesse constante du moteur droit, à trois reprises, soit le 6 juin 2001, le 12 juin 2001 et le 24 juillet 2001.

L'avion a été construit selon les normes de la Partie 25 des Federal Aviation Regulations (FAR 25). La FAR 25.1203 (a) stipule que [Traduction] il doit y avoir des détecteurs d'incendie ou de surchauffe à action rapide et d'un type approuvé dans chaque zone désignée « zone de feu », et dans les compartiments des installations de turbomachines contenant les chambres de combustion, la turbine et la tuyère, dont le nombre et les emplacements doivent assurer une détection rapide du feu dans ces zones. Les modèles 737-200 dont le C-FRYG ont été exemptés d'une partie de la FAR 25.1203 (a), permettant l'exemption du système de détection d'incendie dans la section tuyère. Cette exemption n'a joué aucun rôle dans le présent événement puisque l'incendie n'a pas eu lieu dans la section tuyère.

La FAR 25.1195 (b) stipule que [Traduction] le système d'extinction d'incendie, la quantité d'agent d'extinction, le taux de décharge, et la répartition de la décharge doivent être capables d'éteindre le feu. Il doit être montré par des essais en vol réel ou simulé que dans des conditions critiques d'écoulement d'air en vol, la décharge de l'agent d'extinction dans chaque zone désignée « zone de feu » spécifiée au paragraphe (a) de cette section fournira une concentration d'agent d'extinction capable d'éteindre les feux dans cette zone et de rendre minimale la probabilité d'une nouvelle inflammation.

La FAR 25.1197 (a) (1) stipule que [Traduction] les agents extincteurs doivent être capables d'éteindre des flammes émanant de toute combustion de fluides ou d'autres matériaux combustibles dans la zone protégée par le système extincteur. La FAR 25.1309 (a) (1) et (2) stipule qu'il faut [Traduction] que l'apparition de toute condition de panne qui empêcherait la poursuite du vol en toute sécurité et l'atterrissage de l'avion, soit extrêmement improbable; il faut également que l'apparition de toute autre condition de panne qui réduirait la capacité de l'avion ou l'aptitude de l'équipage à faire face à des conditions de fonctionnement défavorables, soit improbable.

La circulaire d'information AC20-135 de la Federal Aviation Administration (FAA) intitulée Powerplant Installation and Propulsion System Component Fire Protection Test Methods, Standards, and Criteria (Méthodes, normes et critères de vérification contre le feu des installations moteur et des composants de propulsion) décrit les tests effectués en vue de la certification des composants faits de magnésium. Les composants doivent être à l'épreuve du feu ou résistants au feu. Pour être à l'épreuve du feu, chacun des composants doit être en mesure de résister à une température de 2 000 °F durant une période d'au moins 15 minutes alors que pour la vérification de la résistance au feu, les matériaux doivent résister à une température de 2 000 °F pendant au moins 5 minutes.

Le C-FRYG était muni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) et d'un enregistreur de données de vol (FDR). Le CVR est un modèle Fairchild A100A, numéro de pièce 93-A100-80, portant le numéro de série 56480. Le FDR est un modèle Allied Signal 980-4100-GMUN 11, portant le numéro de série 10582. Les deux enregistreurs ont été envoyés au Laboratoire technique du BST à Ottawa. Le CVR a été analysé mais n'a fourni aucune information, le courant ayant été coupé sur l'avion après l'incident et remis plus tard, superposant les transmissions. Comme le CVR conserve les 30 dernières minutes du vol, il n'a pas été possible d'entendre les conversations qui se sont déroulées durant l'événement. Le FDR enregistre 11 paramètres de vol, dont seulement un au niveau des moteursFootnote 3. Le FDR a permis de déterminer que le moteur droit a été coupé 27 minutes après le démarrage du moteur, soit environ 20 minutes après le décollage.

Ce n'est que le 8 août 2001, soit 4 jours plus tard, conformément à l'Annexe 13 à la Convention relative à l'aviation civile internationale et suite à des discussions avec le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis que le BST prenait charge de l'enquête. Le démantèlement du moteur a eu lieu chez New Jet Engine Services à Miami du 14 au 16 août 2001 en présence de représentants du NTSB, du constructeur de l'avion Boeing, du constructeur du moteur Pratt & Whitney, de Transports Canada et d'un représentant du transporteur aérien Canada 3000. L'analyse a porté sur les causes de la perte d'huile et de l'incendie qui s'est déclaré près d'une heure après la mise en moulinet du moteur.

Le moteur droit (modèle JT8D-9A) de l'avion C-FRYG a été construit par Pratt & Whitney; il porte le numéro de série 666715. Au moment de l'événement, il totalisait 44 961 heures de fonctionnement et 36 031 cycles depuis sa construction. Il totalisait 3 817 heures de fonctionnement et 2 459 cycles depuis la dernière inspection de sa partie chaude le 20 septembre 1999. Les documents montrent que durant cette inspection, la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires ainsi que les turbines haute et basse pression ont été inspectées visuellement. Les compresseurs haute et basse pression, la section du diffuseur et de la combustion et la section d'échappement ont été réparés. Ce moteur a été importé au Canada et loué à Canada 3000. Il a été installé sur le C-FRYG le 11 décembre 2000.

Lors du démantèlement du moteur après l'accident, les constatations suivantes ont été faites :

Analyse

Le commandant de bord est responsable de l'exploitation et de la sécurité de son aéronef. Il lui appartient de prendre la décision d'atterrir à l'aéroport de son choix lorsqu'il juge que c'est plus prudent de le faire. Dans ce cas-ci, l'équipage de conduite a jugé qu'il était plus convenable de se diriger vers Fort Lauderdale plutôt que d'atterrir à l'aéroport de Varadero/Juan Gualberto Gomez qui était plus près. La décision de l'équipage de conduite de poursuivre le vol vers Fort Lauderdale a été influencée par les éléments suivants : le doute de l'équipage quant à la rapidité et la qualité des services d'urgence aux aéroports cubains en général, les meilleures prévisions météorologiques signalées pour Fort Lauderdate, la familiarité de l'équipage avec l'aéroport, ainsi que le meilleur service aux passagers. L'équipage de conduite ne pouvait pas prévoir une dégradation de l'état du moteur droit, puisque ce moteur avait été sécurisé suite à l'exécution de la liste de vérification Engine Failure/Shutdown.

La décision de poursuivre le vol vers Fort Lauderdale puis de faire le circuit d'attente pendant une heure avec un moteur inopérant, est discutable. Malgré la faible probabilité que l'autre moteur s'arrête, il demeure que le risque associé est suffisamment élevé pour vouloir exécuter l'atterrissage le plus rapidement possible.

Le démantèlement du moteur visait à déterminer les raisons pour lesquelles le moteur avait pris feu après avoir tourné en moulinet pendant plus d'une heure. Une quantité importante d'huile, soit environ 3 gallons américains, a été perdue durant les 20 premières minutes de vol. En raison des dommages considérables causés par le feu, il n'a pas été possible de déterminer la cause de la quantité d'huile perdue. Selon le constructeur du moteur, le moteur peut tourner en moulinet durant plusieurs minutes même si la quantité d'huile est minimale. Les dommages causés normalement par une insuffisance de lubrification se caractérisent par des roulements de palier endommagés, ce qui n'est pas le cas dans cet incident.

Une analyse d'incidents reliés à des boîtes de transmission construites en alliage de magnésium a été effectuée, et dans la plupart des cas, il s'est avéré que le feu avait été causé par la rupture d'une conduite d'essence ou d'huile, ou par une fissure dans la boîte de transmission. Dans le cas qui nous occupe, l'enquête n'a pu établir ce qui a déclenché l'incendie. Néanmoins, une grande quantité d'huile a été perdue en relativement peu de temps. Une telle quantité d'huile qui se dépose sur des parties chaudes du moteur peut entraîner un incendie. Toutefois, en supposant que la quantité d'huile perdue ait contribué à l'incendie, il y a de fortes chances que cela se soit produit avant ou peu de temps après la mise en moulinet, alors que les parties du moteur étaient chaudes. Le système de détection d'incendie l'aurait alors détecté.

Le système de distribution de l'huile assure que la quantité d'huile sur les roulements du moteur est suffisante en tout temps. Comme le moteur tournait à vitesse réduite (en moulinet), la quantité réduite d'huile était suffisante, et la pression d'air aux roulements assurait une lubrification minimale. L'état des paliers confirme que ceux-ci n'ont pas souffert d'un manque de lubrification. De plus, l'alliage des pièces à l'intérieur du moteur interne peut supporter des températures importantes. Advenant un manque de lubrification, le moteur à la limite saisirait et arrêterait de fonctionner, sans pour autant causer de problèmes majeurs et prendre feu.

L'arbre qui assure la connexion entre le compresseur N2 et la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires était intact; on peut donc conclure que la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires était entraînée et a tourné jusqu'au moment de l'atterrissage. La boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires se compose majoritairement d'engrenages faits de matériaux comme l'acier, et ceux-ci sont contenus dans un boîtier en magnésium. Comme la quantité et l'approvisionnement en huile était limitée, la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires a souffert d'un manque de lubrification. Il est probable que la faible quantité d'huile a fait en sorte que la température est devenue assez élevée pour enflammer l'huile, et par le fait même mettre le feu au magnésium.

Même si l'avion répondait aux normes de la réglementation aérienne, les paramètres des deux enregistreurs ont fourni très peu d'information susceptible d'aider l'enquête. Le FDR a confirmé que le moteur droit avait été coupé 20 minutes après le décollage. Le FDR n'a fourni aucune indication sur la quantité, la pression et la température de l'huile, ni sur la vitesse du compresseur N2. Ces paramètres auraient peut-être permis de préciser certaines informations importantes.

Le système d'extinction d'incendie doit être capable d'éteindre le feu. Les agents extincteurs doivent être capables d'éteindre des flammes émanant de toute combustion de fluides ou d'autres matériaux combustibles dans la zone protégée par le système extincteur. La réglementation stipule qu'il faut que l'apparition de toute condition de panne qui empêcherait la poursuite du vol en toute sécurité et l'atterrissage de l'avion soit extrêmement improbable; il faut également que l'apparition de toute autre condition de panne qui réduirait la capacité de l'avion ou l'aptitude de l'équipage à faire face à des conditions de fonctionnement défavorables soit improbable.

L'enquête a démontré que le magnésium enflammé est difficile, voire impossible à éteindre; d'ailleurs, le système d'extinction a été incapable d'éteindre l'incendie.

L'équipage de conduite a choisi d'allonger son temps dans les airs, ce qui a exposé les occupants de l'appareil à une situation dangereuse. D'ailleurs, le constructeur du moteur ne précise aucune limite de temps d'utilisation après que le moteur a été mis en moulinet suite à une perte importante d'huile, et le constructeur de l'avion ne définit pas clairement l'expression « aéroport convenable le plus près ».

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La perte d'huile a eu pour effet de réduire la lubrification de la boîte d'engrenages d'entraînement des accessoires, augmentant ainsi la chaleur à l'intérieur du boîtier en magnésium, ce qui peut avoir contribué à l'enflammer.
  2. Le système d'extinction d'incendie répondait aux normes de certification, mais il n'a pas été capable d'éteindre le feu de magnésium, et il n'avait pas été conçu à cet effet.

Faits établis quant aux risques

  1. Le constructeur de l'avion ne définit pas clairement l'expression « aéroport convenable le plus près » de plus, il ne suggère aucune limite de temps de vol lorsque l'urgence requiert que l'appareil se pose sur un aéroport convenable.
  2. La décision de l'équipage de conduite de poursuivre le vol et de prévoir un circuit d'attente avec un moteur inopérant est discutable; malgré la faible probabilité que l'autre moteur s'arrête, le risque associé est suffisamment élevé pour vouloir exécuter l'atterrissage le plus rapidement possible.

Mesures de sécurité

Boeing a entrepris de revoir le conseil à ses équipages qui figure dans son manuel d'exploitation concernant l'instruction de la liste de vérifications non normales qui stipule qu'il faut « planifier atterrir à un aéroport convenable le plus près possible ». Par la suite, Boeing apportera des modifications à la section qui traite des opérations non normales (Non-Normal Operation Section) de son manuel de formation des équipages de conduite (Flight Crew Training Manual) pour tous ses avions Boeing pour que cette section fasse état des éléments de base d'« un atterrissage à l'aéroport convenable le plus près possible » et indique comment cela s'applique.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .