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Rapport d'enquête aéronautique A01W0239

Perte de maîtrise après décollage
Beech UC45-J N45N
Bande d'atterrissage de Swan Lake (Yukon)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Beech UC45-J, variante du Beech de série 18 de l'US Navy exploitée par une entreprise privée, portant le numéro de série 43-51312, devait effectuer un vol à partir d'un camp de pourvoirie situé près de Swan Lake (Yukon). L'appareil a décollé de la bande en argile et gravier à destination de Mayo avec à son bord le pilote, deux passagers, des bagages et une charge estimée de 800 livres de viande d'orignal et de caribou. Il a accélèré normalement le long de la piste et l'arrière s'est soulevé en premier. L'appareil a décollé de la piste et amorcé une montée rapide suivie d'un lacet et d'une inclinaison latérale à gauche. Au moment du survol de l'extrémité de la piste, l'appareil est entré dans la vallée Pleasant Creek dans un piqué presque vertical. Il y a eu une explosion, suivie du dégagement d'un panache de fumée. Deux personnes se sont précipitées pour tenter de secourir le pilote et les passagers, mais elles n'ont pu que constater que l'appareil était partiellement submergé dans le ruisseau et enveloppé dans les flammes de l'incendie après impact. Il n'y a aucun survivant.

Renseignements de base

D'après les dossiers, l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Comme l'aéronef a été presque complètement détruit par les forces d'impact et l'incendie, il a été impossible de déterminer avec certitude si une défaillance ou un mauvais fonctionnement d'un système de bord avant l'impact avait pu contribuer à l'accident; par ailleurs, aucune défaillance ni aucun mauvais fonctionnement n'a été observé.

La bande d'atterrissage de Swan Lake est située dans une vallée comportant quelques obstacles à chacune de ses extrémités. Elle se trouve à environ 2400 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl); sa longueur est de 2300 pieds et sa largeur de 80 pieds.Footnote 1 Son cap magnétique est de 210/030 degrés. Sa surface était constituée d'un mélange relativement dur d'argile et de gravier compactés. Au centre, sur 30 pieds de largeur, la piste ne comportait aucune végétation. Des mauvaises herbes hautes de 20 à 30 pouces poussaient par endroits sur le reste de la largeur de la piste. À 1500 pieds du seuil de la piste 21, la bande comportait quelques ondulations.

Au moment de l'accident, les conditions météorologiques qui prévalaient à l'endroit où se trouve la bande étaient bonnes : quelques nuages, vent soufflant à 5 noeuds le long de la piste 21 et température de 17 degrés Celsius. Ces conditions correspondaient aux données météorologiques recueillies à Mayo et à Faro, endroits situés tous les deux à 80 milles marins (nm) des lieux de l'accident.

Le pilote, qui avait accumulé un total de 700 heures de vol, avait acheté l'appareil quelque 18 mois avant l'accident et avait effectué environ 200 heures aux commandes de cet appareil. Il était titulaire d'une licence de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis et, le 11 septembre 2001, avait obtenu un Certificat canadien de validation de licence étrangère de pilote privé - avion, auprès du bureau de Transports Canada à Whitehorse. Au cours des neuf jours précédant l'accident, il avait effectué cinq arrivées et quatre départs en utilisant la bande de Swan Lake. Lors des décollages de cette bande, le pilote avait sorti les volets à 15 degrés et avait décollé à une vitesse de 70 à 80 mi/h, ce qui était identique, selon les observations, à la situation lors du vol au cours duquel l'accident a eu lieu.

Le pilote et un passager prenaient place dans les deux sièges avant; l'autre passager prenait place dans un siège orienté vers l'arrière situé juste derrière le siège du copilote. Les bagages personnels étaient arrimés sur l'autre siège orienté vers l'arrière, à côté du passager arrière. La viande se trouvait sur une bâche en plastique qui recouvrait un panneau de contreplaqué posée sur le protège-tapis en nylon. Elle formait une pile ficelée longue de quelque trois pieds. Elle n'avait pas été pesée avant le décollage, mais sa masse avait été évaluée à quelque 800 livres. Deux courroies avaient été placées longitudinalement sur le dessus de la viande et fixées à l'armature des sièges passagers orientés vers l'arrière et à des anneaux situés dans le compartiment à fret arrière. L'appareil n'était équipé d'aucun anneau ni d'aucun ergot d'arrimage de fret près de l'endroit où avait été chargée la viande.

Le pilote avait tenu compte de la masse et du centrage de l'appareil, mais aucun calcul n'a été retrouvé. L'enquête a permis d'établir qu'au décollage, la masse de l'appareil était de quelque 9000 livres et que le centre de gravité (C de G ) se trouvait à 120,7 pouces. L'appareil comportait une modification effectuée en vertu d'un certificat de type supplémentaire qui permettait une masse brute au décollage de 10 100 livres. À 9000 livres, la plage du C de G est comprise entre 108,6 et 120,5 pouces.

D'après des données recueillies lors d'essais en vol effectués par le constructeur du Beech E18S (essentiellement identique à l'appareil en cause dans cet accident), un C de G situé à 2,3 pouces derrière la référence arrière produit un roulis excessif au décrochage et une augmentation de 3 mi/h de la vitesse de décrochage. Si la viande s'était trouvée à l'arrière de la cabine, cela aurait placé le C de G à 126,9 pouces, ce qui aurait provoqué un dépassement de 6,4 pouces de la limite arrière prévue.

L'appareil a heurté le sol à 60 pieds de l'extrémité de Pleasant Creek, à quelque 500 pieds de l'extrémité de départ de la piste, dans une vallée se trouvant 100 pieds au-dessous de l'altitude de la bande d'atterrissage. D'importantes marques d'impact ont été décelées sur un seul gros arbre. Ces marques, ainsi que les sillons au sol décelés sur la rive du ruisseau, étaient compatibles avec la trajectoire de vol presque verticale de l'appareil au moment de l'impact, le dessus de l'appareil orienté vers la bande d'atterrissage. Les deux moteurs se sont détachés de l'appareil et se sont immobilisés dans le ruisseau sans être endommagés par l'incendie. Plusieurs pales d'hélices se sont détachées des moyeux, et toutes les pales inspectées présentaient des éraflures dans le sens de la corde, des dommages aux bords d'attaque et des dommages en torsion compatibles avec une puissance considérable produite au moment de l'impact.

Analyse

La viande avait été placée sur une bâche en plastique probablement glissante et mal arrimée. Il est fort probable que les forces d'accélération et le sautillement de la charge à cause de la bande d'atterrissage accidentée a déplacé la viande vers l'arrière pendant les dernières étapes de la course au décollage et la montée initiale, ce qui a pu déplacer le C de G bien au-delà de la limite arrière et faire cabrer l'appareil qui est devenu ingouvernable une fois en vol.

Cet important cabré a provoqué un décrochage aérodynamique. Les moteurs générant la puissance de décollage, le souffle des hélices a provoqué le roulis et le lacet à gauche qui ont été décrits. L'incapacité du pilote à sortir du piqué qui a suivi peut être attribuée à la faible altitude à laquelle l'événement est survenu et au manque apparent d'efficacité de la commande en tangage.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La viande avait été placée à bord de l'aéronef sur une surface glissante et elle avait été mal arrimée.
  2. Il est fort probable que l'agencement de la viande a permis un déplacement de la charge vers l'arrière de la cabine pendant le décollage; ce déplacement a provoqué une perte de maîtrise en tangage et un décrochage aérodynamique de l'appareil duquel le pilote n'a pu sortir.

Autres faits établis

  1. Il est fort probable que le C de G de l'appareil se trouvait à la limite arrière ou derrière celle-ci avant le démarrage des moteurs.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .