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Rapport d'enquête aéronautique A02O0123

Incendie dans la soute
du Boeing 767-300 C-GHML
exploité par Air Canada
à l'aéroport international de
Toronto/Lester B. Pearson (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Boeing 767-300, immatriculé C-GHML, portant le numéro de série 24948, assurant le vol 116 d'Air Canada, avec à son bord 177 passagers et 8 membres d'équipage effectue un vol régulier entre Vancouver (Colombie-Britannique) et l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson (Ontario). à 21 h 32, temps universel coordonné, pendant l'approche finale, à une dizaine de milles de l'aéroport, l'équipage de conduite reçoit une alarme incendie de la soute arrière. L'équipage de conduite exécute la liste de vérifications en cas d'urgence, déclenche les extincteurs de la soute et déclare une situation d'urgence. Le voyant d'alarme incendie s'éteint une cinquantaine de secondes après le déclenchement des extincteurs. L'avion atterrit sur la piste 06L et s'immobilise pour permettre aux pompiers de faire un examen à la recherche de signes d'incendie.

Les pompiers utilisent des caméras à infrarouges mais ne décèlent aucun signe d'incendie. Toutefois, le personnel de cabine et l'équipage de conduite perçoivent une odeur de fumée. L'avion roule en direction de l'aérogare et s'immobilise à une quarantaine de pieds de la porte d'embarquement pour permettre aux pompiers de faire une inspection minutieuse de la soute arrière. Les pompiers entrent dans la soute et découvrent une quantité importante de fumée, mais ils ne décèlent aucun autre signe d'incendie. Pendant ce temps, l'équipage de conduite prépare l'avion pour une évacuation d'urgence. Une fois la situation maîtrisée, les passagers empruntent des passerelles mobiles pour évacuer l'avion. L'appareil est ensuite remorqué jusqu'à un hangar où le personnel de maintenance de la compagnie fait une inspection plus poussée qui révèle une quantité importante de suie et des dommages causés par le feu sur le plancher de la soute.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 13 mai 2002, à 16 h 17Footnote 1, l'avion assurant le vol 116 d'Air Canada décolle de l'aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique) pour un vol régulier aux instruments (IFR)Footnote 2 à destination de l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson (Ontario). Le vol se déroule sans incident jusqu'à 21 h 32 min 7, moment où le voyant Master Warning Fire/Overheat (alarme principale incendie/surchauffe) s'allume, la sonnerie d'incendie se déclenche, et le voyant Aft Cargo Fire (incendie soute arrière) s'allume. à 21 h 32 min 9, l'alarme principale est réinitialisée. L'équipage de conduite suit les procédures en cas d'incendie dans la soute figurant dans le manuel de référence rapide (QRH) pour le Boeing 767 d'Air Canada et déclenche le système d'extinction incendie de la soute. L'équipage déclare une situation d'urgence et demande la présence des véhicules de secours. à 21 h 32 min 59, le voyant Aft Cargo Fire s'éteint. L'équipage de conduite avise les agents de bord qu'il y a eu une indication d'incendie, mais que tout est revenu à la normale.

à 21 h 38 min 31, l'équipage immobilise l'avion sur la piste. Les pompiers examinent l'extérieur de l'avion visuellement et font usage de caméras à infrarouges. Ils ne trouvent rien d'anormal; par contre, les membres de l'équipage indiquent qu'il y a une odeur âcre et une légère brumasse dans la cabine. Après avoir reçu des instructions de roulage, l'équipage roule jusqu'à la porte d'embarquement, suivi des pompiers.

Figure 1. Zones touchées par l'incendie
Figure of Zones touchées par l'incendie

Craignant que l'incendie ne reprenne, le commandant de bord immobilise l'avion à une quarantaine de pieds de la porte d'embarquement et demande aux pompiers d'examiner la soute arrière. Les portes de sortie de l'avion demeurent armées pendant que le personnel de maintenance ouvre la soute arrière. Au moment de l'ouverture des portes de soute, on observe de la fumée et des vapeurs qui s'échappent de la soute. Les pompiers entrent dans la soute, équipés d'une caméra à infrarouges portative et repèrent une seule source de chaleur derrière la paroi arrière de la soute (figure 1). Le personnel de maintenance enlève la paroi arrière et indique que la source de chaleur est un ventilateur de recirculation. Comme il n'y a pas d'autre signe d'incendie, on déclare qu'il n'y a pas de danger et l'on procède au débarquement des passagers.

Plusieurs heures plus tard, une fois l'avion remorqué à un hangar, le personnel de maintenance découvre qu'il y avait eu un incendie dans la soute, au-dessous des deux derniers conteneurs à bagages. On constate également que le ventilateur de recirculation a fonctionné et qu'il est en bon état de fonctionnement.

Le lendemain matin, on signale l'incident au BST. L'examen préliminaire révèle que le ruban chauffant B110, fabriqué par Electrofilm Manufacturing Co., posé sur la conduite d'alimentation et de vidange de l'office arrière a connu une défaillance et a causé l'incendie.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/Indemnes 8 177 - 185
Total 8 177 - 185

1.3 Dommages à l'aéronef

Photo 1. Zone endommagée par le feu.
Photo of Zone endommagée par le feu.

L'incendie s'est déclaré au-dessous du plancher de la soute arrière, dans une aire définie longitudinalement par la référence fuselage (FS) 1385 et la FS 1412, et définie transversalement par la référence transversale gaucheFootnote 3 (LBL) 6 et la référence transversale droite (RBL) 50. Le feu a perforé l'âme de la poutre de plancher porteur à la FS 1395. Le feu a également consumé le matériau d'isolation thermique et acoustique des deux côtés de la poutre de plancher. On a également relevé des dommages sur le dessous du panneau de plancher entre la RBL 22 et la RBL 44, sur des conduites d'eau potable, ainsi que sur des rubans chauffants et leur câblage électrique (photo 1).

1.4 Renseignements sur le personnel

Commandant de bord Copilote
Licence Pilote de ligne Pilote de ligne
Date d'expiration du certificat de validation 1er novembre 2002 1er janvier 2003
Heures de vol totales 21 400 12 000
Heures de vol sur type 1508 654
Heures de vol dans les 90 derniers jours 96 74
Heures de vol sur type dans les 90
derniers jours
96 74
Heures de service avant l'événement 7 7
Heures libres avant la prise de service 216 72

Le commandant de bord était aux commandes en place gauche. Les deux pilotes possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.

1.5 Renseignements sur l'aéronef

1.5.1 Généralités

Constructeur Boeing
Type and modèle 767-300
Année de construction 1991
Numéro de série 24948
Certificat de navigabilité Délivré le 12 décembre 2000
Heures de vol cellule 46 830 heures
Moteurs Deux moteurs Pratt & Whitney PW 4060
Masse maximale au décollage 184 614 kg
Type de carburant recommandé Jet A
Type de carburant utilisé Jet A

1.5.2 Historique de l'avion

L'avion a été construit par la Boeing Aircraft Company en 1991 avec le numéro de série VN532. à l'origine, il avait été commandé par la société Lan Chile Airlines, en Amérique du Sud, mais la commande a été annulée avant la livraison. L'avion a ensuite été acheté par une société de crédit-bail et loué à la société Trans Brazil Airways qui l'a exploité pendant les huit années suivantes. En 2000, Air Canada a loué l'avion à bail et l'a importé au Canada. L'avion a été importé du Brésil par l'intermédiaire des États-Unis en vertu d'un certificat de navigabilité pour exportation, délivré par les États-Unis.

L'importation a eu lieu conformément aux procédures décrites dans la Lettre de politique de la Certification des aéronefs no 50 Certificat de type canadien - Importation de produits aéronautiques, en date du 30 mai 1996, selon le processus de niveau 1, et de la Directive visant le personnel de la maintenance 26, liste des vérifications 1. Un certificat de navigabilité pour exportation a été délivré par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis le 12 décembre 2000. Le 18 décembre 2000, un certificat de navigabilité a été délivré pour l'avion, et le 19 décembre 2000, un certificat d'immatriculation a été délivré.

1.5.3 Soute arrière

Photo 2. Soute arrière
Photo of Soute arrière

Le Boeing 767 version passagers comprend deux soutes : la soute avant, située en avant de la voilure, et la soute arrière, située en arrière de la voilure. La soute arrière comprend une soute principale et une soute vrac (photo 2). La soute vrac se trouve à l'extrémité arrière de la soute arrière et son plancher en aluminium est incliné en raison de la géométrie de l'avion. La soute vrac est séparée de la soute principale au moyen d'un filet de retenue du fret, et l'on y accède séparément par une porte située du côté gauche de l'avion. Il y a six rails à galets avec des blocs d'entraînement permettant de déplacer les conteneurs de fret et à bagages longitudinalement dans les soutes. Les rails sont situés aux références transversales (BL) 44, 22 et 6 gauches et droites. Les blocs d'entraînement sont commandés au moyen de commandes accessibles de l'extérieur et situés derrière un panneau à côté de la porte de soute, du côté droit de l'avion.

Les soutes du C-GHML sont certifiées de classe C. L'alinéa 525.857 (c) du Règlement de l'aviation canadien (RAC) définit les soutes de classe C comme suit :

Un compartiment cargo ou à bagages de classe C est celui qui ne satisfait pas aux exigences de compartiment de classe A ou B, mais dans lequel :

  1. Il y a un détecteur de fumée ou un système détecteur de feu séparés et approuvés pour donner l'alarme au poste pilote ou ingénieur de vol;
  2. Il y a un système d'extinction ou de suppression d'incendie inamovible et approuvé commandé depuis le poste de pilotage;
  3. Il y a des moyens pour exclure des quantités dangereuses de fumée, de flammes ou d'agent d'extinction, de tout compartiment occupé par l'équipage ou les passagers;
  4. Il y a des moyens pour commander la ventilation et les appels d'air à l'intérieur du compartiment de sorte que l'agent d'extinction utilisé puisse maîtriser tout feu qui peut se déclarer à l'intérieur du compartiment.

Sur le C-GHML, des détecteurs de fumée installés dans le plafond des soutes alertent l'équipage de conduite en cas d'incendie. L'extinction des incendies est assurée par un système intégré d'extinction d'incendie au Halon, déclenché à distance par l'équipage de conduite.

La soute doit également répondre aux exigences du paragraphe 525.855 du RAC. Les alinéas 525.855 b) et c) du RAC stipulent que les compartiments à fret doivent comporter un revêtement intérieur et que les panneaux de plafond et de mur du revêtement doivent satisfaire aux exigences de l'appendice F du chapitre 525 du RAC. Sur le C-GHML, les revêtements de plafond et de mur sont faits de panneaux de fibre de verre ignifuges scellés au moyen de ruban ignifuge, et la cale de la soute est revêtue d'un matériau d'isolation thermique et acoustique. L'ensemble de ces éléments constitue un revêtement ignifuge qui empêche le feu de se propager au-delà du compartiment.

En outre, la consigne de navigabilité 90-NM-107-AD prescrit l'installation d'un élément coupe-feu près du bas du revêtement de la paroi inclinée de la soute, pour empêcher tout feu dans le compartiment de fret de se propager derrière le revêtement du compartiment. Les dossiers d'Air Canada indiquent que cette consigne de navigabilité avait été exécutée par Trans Brazil le 29 juin 1993 en vertu de l'instruction technique interne (EO) MDA 767-25-151, qui renvoyait au bulletin de service 767-25-0193.

Dans la soute principale de la soute arrière, il y a des panneaux de plancher d'environ 22 pouces de largeur, le long des côtés gauche et droit de la soute, entre les BL 22 et 44, mais le milieu du plancher est ouvert et permet d'accéder au revêtement du fuselage au-dessous. La soute vrac n'est pas équipée d'un plancher ouvert.

Les soutes sont climatisées et pressurisées par la modulation de l'alimentation en air chaud dans l'aire au-dessous du plancher de soute. L'air chaud est amené au moyen d'un tube piccolo de deux pouces de diamètre qui comporte de nombreux orifices pour envoyer l'air entre les cadres, qui servent également de poutres porteuses du plancher de soute. Un matériau d'isolation thermique et acoustique est utilisé pour réduire le taux de perte de chaleur vers l'extérieur.

1.5.4 Système d'extinction incendie

Le système d'extinction incendie est constitué de trois bouteilles de Halon 1301 montées dans la soute avant et de détecteurs de fumée montés dans le plafond des soutes avant et arrière. Lorsque le système d'extinction incendie de la soute arrière est armé, la sonnerie d'alarme incendie est arrêtée, la fonction d'essai de l'inflammateurFootnote 4 arrière est invalidée et les vannes de réchauffage de la soute principale et de la soute vrac de la soute arrière se ferment. De plus, l'alimentation électrique des offices, des ventilateurs de recirculation de gauche et de droite et du ventilateur d'office près des toilettes arrière 1 est coupée, mais non celle du circuit de chauffage des conduites d'eau. Une fois le système déclenché, une des bouteilles d'extinction est déchargée immédiatement dans la zone de fret concerné pour envoyer du Halon sur le feu. Après une temporisation de 30 minutes, le reste de l'agent d'extinction est dosé pour assurer 195 minutes de suppression d'incendie en continu. Au cas où l'aéronef atterrirait avant l'épuisement des bouteilles, le Halon restant est déchargé au toucher des roues.

1.5.5 Circuit de chauffage des conduites d'eau

1.5.5.1 Description

Les rubans chauffants sont très utilisés sur les avions de la catégorie transport pour empêcher les conduites d'eau de geler et d'éclater. On en trouve sur tous les Boeing. Sur les aéronefs plus récents, il est plus courant de voir des réchauffeurs d'eau sur les conduites ou des conduites d'eau avec des éléments chauffants intégrés. Ces conduites d'eau sont habituellement situées dans les zones au-dessous de la cabine. Certaines conduites sont faciles d'accès dans la soute quand l'aéronef est au sol, mais l'accès à la plupart des conduites d'eau exige le retrait de panneaux de paroi ou de plancher.

Le Boeing 767 standard compte 26 rubans chauffants; toutefois, certains exploitants demandent une protection supplémentaire contre le gel, de sorte qu'on porte le nombre total de rubans chauffants à 51. à l'origine, le C-GHML était équipé de la protection standard contre le gel fourni par des rubans chauffants de marque Cox & Company. Quand Air Canada a pris possession de l'avion, des rubans chauffants de marque Cox & Company et de marque Electrofilm ont été ajoutés à l'avion pour assurer une protection supplémentaire contre le gel.

Beaucoup de rubans chauffants sur les aéronefs ne sont pas accessibles en vol, ce qui n'est pas obligatoire en vertu de la réglementation en vigueur. De plus, ces rubans n'ont pas besoin d'être protégés par un système d'extinction incendie, peu importe que le plancher soit du type ouvert ou fermé. Les rubans chauffants fabriqués pour utilisation sur les aéronefs doivent répondre aux exigences de l'Appendice F de la Partie 25 des Federal Aviation Regulations (FAR) des États-Unis et de la FAR 25.853. Ces FAR prescrivent les caractéristiques d'inflammabilité des matériaux utilisés dans les aéronefs de transport. Les rubans chauffants sur le C-GHML répondaient à ces exigences.

Les rubans chauffants sont fabriqués par plusieurs fabricants qui utilisent des matériaux et des procédés de fabrication variés. Dans le présent rapport, il sera question du fabricant Cox & Company et du fabricant Electrofilm. Un ruban chauffant est un élément chauffant noyé dans une matrice protectrice. Cette matrice sert d'isolant électrique pour empêcher l'amorçage d'arc entre les éléments chauffants, et entre ces éléments et d'autres parties de l'aéronef. La matrice protège également le ruban chauffant contre les dommages externes causés par l'usure et le frottement. Cox & Company utilise une matrice en vinyle ou en caoutchouc de silicone. Electrofilm utilise une matrice en caoutchouc (terpolymère d'éthylène-propylène-diène (EPDM)). Ces matrices protectrices ont les températures de service continu approximatives suivantes : le vinyle, 194 °F; l'EPDM, 300 °F; et le caoutchouc de silicone, 392 °F.

Les rubans chauffants sont installés conformément aux instructions du manuel de maintenance de l'aéronef 30-71-01. Ce chapitre indique si le ruban chauffant doit être installé longitudinalement ou s'il doit être enroulé en spirale. Ce chapitre fournit également des instructions d'installation génériques et des précautions universelles pour l'installation des rubans chauffants.

Les rubans chauffants sont immobilisés au moyen de ruban en vinyle résistant au feu 3M 474. De plus, selon l'installation, la conduite d'eau peut être enveloppée d'un matériau d'isolation additionnel comme le Rubatex, qui est un ruban isolant en mousse alvéolaire d'environ un huitième de pouce d'épaisseur et de deux pouces de largeur, ou elle peut être enveloppée d'un matelas d'isolation.

Normalement, un ruban chauffant est commandé par un thermostat intégré qui détecte la température de la conduite d'eau ou par un thermostat externe monté à distance qui détecte la température de l'air ambiant. Ces thermostats ne surveillent ni ne règlent la température des rubans chauffants : ils ne font que les mettre sous tension ou hors tension. Sur le C-GHML, le thermostat du ruban chauffant B110 est du type externe monté à distance, situé à 85 pouces en arrière de la FS 1395, au-dessous du plancher de la soute vrac de la soute arrière. Le thermostat était réglé pour mettre sous tension un certain nombre de rubans chauffants lorsque la température de l'air ambiant atteindrait 50 °F, et pour les mettre hors tension à 60 °F. Lorsque la conduite d'eau et le ruban chauffant sont enveloppés de ruban de vinyle 3M et d'un matériau d'isolation additionnel comme le Rubatex, la température du ruban chauffant peut être considérablement plus élevée que les températures de la conduite d'eau et de l'air ambiant.

Les rubans chauffants sont alimentés par le réseau électrique de l'aéronef. Cette alimentation est protégée par un disjoncteur thermique réenclenchable. Habituellement, plusieurs rubans chauffants sont groupés de façon que l'alimentation passe dans un seul disjoncteur. Sur le C-GHML, le ruban chauffant B110 est alimenté par le disjoncteur 1166, situé au panneau P33, dans le compartiment d'équipement électronique avant. Ce disjoncteur alimente également les rubans chauffants B212, B213, B44, B149, B241 et B425 situés dans la soute arrière. Dans le cas qui nous occupe, le disjoncteur ne s'est pas ouvert; cependant, une anomalie électrique ne provoque pas nécessairement l'ouverture du disjoncteur. Le disjoncteur est fait pour protéger le circuit lorsque la température et la durée de la surintensité dépassent les limites de conception du disjoncteur.

1.5.5.2 Réparation de la conduite d'eau

Le 7 mars 2002, on avait constaté que la conduite d'eau (no de pièce 417T2021-131) présentait une fuite. L'eau s'accumulait dans la soute arrière. La fuite a été désignée anomalie L1204736. La conduite d'eau était un tube de Teflon avec une gaine extérieure en tresse de nylon. La conduite d'eau a été réparée en vertu de l'autorisation de réparation d'Air Canada 6-38-10/351-38-093. On a enlevé la partie endommagée de la conduite et on a inséré un tube en acier inoxydable qui a été immobilisé au moyen de deux colliers de serrage à chaque extrémité. Pendant cette réparation, on a constaté que le ruban chauffant B110 était défectueux et il a été remplacé par un ruban chauffant de marque Electrofilm (no de pièce 115529-78).

Le 18 avril 2002, on a observé que la conduite d'eau fuyait dans la zone de réparation, et elle a été réparée de nouveau en vertu de l'autorisation de réparation 6-38-10/351-38-093. Il n'y avait aucune mention du remplacement du ruban chauffant B110. Cette autorisation de réparation toutefois avait été remplacée 10 jours plus tôt par l'autorisation 6-38-10/351-38-0095, la seule différence étant que la réparation temporaire serait rendue permanente par le remplacement de la conduite d'eau réparée par une neuve au plus tard à la prochaine vérification A07. Au moment de l'incident, la vérification A07 devait être exécutée dans 243 heures de vol.

L'examen après l'incendie a révélé que la conduite d'eau qui avait été réparée était toujours en place. Il y avait trois colliers de serrage fixant chaque extrémité du tuyau au tube en acier inoxydable. Le tuyau et l'ensemble de réparation, y compris les six colliers de serrage, étaient couverts de ruban 3M 474. Le ruban chauffant Electrofilm B110 était posé longitudinalement sur la zone de réparation, du ruban 3M 474 fixant le ruban chauffant au tuyau. L'ensemble était enveloppé de ruban Rubatex.

1.5.6 Isolation thermique et acoustique

Les matériaux d'isolation thermique et acoustique sont très utilisés dans le fuselage des aéronefs pour maintenir la cabine à une température confortable et réduire le bruit qui pénètre dans la cabine et le poste de pilotage. Même si des matériaux comme des composés de polymère fluoré ou de mousse de polyéthylène ont été utilisés à cette fin, le choix le plus populaire est le matelas d'isolation. Ces matelas sont habituellement installés immédiatement à côté de la face intérieure du revêtement du fuselage, au-dessus des cadres du fuselage et autour de l'extérieur des gaines de conditionnement d'air.

Un matelas d'isolation est fait d'une couche de matériau isolant en fibre de verre encapsulé d'un mince film protecteur pare-vapeur. Ce film protecteur est un matériau composé dans lequel un mince canevas en polyester ou en nylonFootnote 5 en forme de toile est collé au matériau du film pour produire un arrêt de déchirure. Une bande adhésive pour joints peut être utilisée pour réunir plusieurs matelas d'isolation. Les ensembles de matelas sont fabriqués spécialement pour être adaptés à des endroits particuliers dans l'aéronef. Les matériaux d'isolation thermique et acoustique doivent répondre aux exigences d'inflammabilité décrites dans la FAR 25.853.

Lors de la sélection du matériau de revêtement des matelas, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, notamment la durabilité, la résistance au feu, le poids, l'imperméabilité et la facilité de fabrication du matériau. Un des matériaux couramment utilisés dans l'industrie de l'aviation et qui a été utilisé sur le C-GHML est le poly(éthylène téréphtalate) (PET), couramment appelé Mylar. Ce matériau peut ou non être métallisé et était approuvé pour l'utilisation en fonction des essais de certification pertinents de la FAA en place au moment de la certification.

L'essai d'inflammabilité utilisé pour certifier les matelas d'isolation revêtus de PET était l'essai au bec Bunsen à la verticale. Cet essai consiste à suspendre une bande du matériau isolant verticalement au-dessus d'un bec Bunsen, à y appliquer une flamme pendant 12 secondes, puis à retirer la flamme. Pour réussir l'essai, un minimum de 3 spécimens du matériau du matelas d'isolation doivent s'éteindre d'eux-mêmes à l'intérieur d'une durée de flamme moyenne de 15 secondes après le retrait de la flamme.

De plus, la longueur de combustion moyenne ne doit pas dépasser 20 cm (8 pouces), et les gouttes du matériau du matelas d'isolation ne doivent pas produire de flamme pendant plus de 5 secondes en moyenne. Lorsque les matelas d'isolation revêtus de PET ont été exposés au bec Bunsen, ils se sont recroquevillés immédiatement et se sont éloignés du bec sans s'enflammer; le matériau répondait donc aux exigences. Le C-GHML a été construit en 1991 et des matelas d'isolation revêtus de PET non métallisé ont été utilisés pour isoler son fuselage.

1.6 Notification et enregistreurs de bord

1.6.1 Notification de l'événement

Le matin suivant l'incendie, le BST a été notifié de l'événement et a dépêché du personnel sur les lieux. Le paragraphe 6. (1) du Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports stipule ce qui suit :

Sous réserve du paragraphe (5), lorsqu'un accident ou un incident aéronautique à signaler se produit, le propriétaire, l'exploitant, le commandant de bord, tout membre d'équipage de l'aéronef et, lorsque l'accident ou l'incident comporte une perte d'espacement ou un risque de collision, tout contrôleur de la circulation aérienne qui le constate personnellement doivent en faire rapport au Bureau dès que possible par le moyen le plus rapide à leur disposition, en lui communiquant tous les renseignements visés au paragraphe (2) qui sont disponibles.

Bien que les exploitants soient tenus en vertu du Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports de faire rapport des accidents ou des incidents d'aviation dès que possible, l'expérience démontre que cette exigence n'est pas respectée. Il arrive fréquemment que les exploitants aériens au Canada, qu'ils soient gros ou petits, ne signalent pas les événements dans les meilleurs délais. Il n'est pas rare qu'on attende de 2 à 14 jours avant de signaler un événement au BST.

1.6.2 Conservation des données

Lorsque les enquêteurs du BST se sont informés de l'état de l'enregistreur de données de vol (FDR), ils ont appris que l'exploitant avait récupéré le FDR après l'événement et l'avait envoyé à son centre de dépouillement à Montréal (Québec) où il se trouvait toujours. Le Laboratoire technique du BST a demandé les données brutes du FDR sur la bande d'origine ou sur la copie de bande de un quart de pouce. Cependant, les données du FDR avaient été téléchargées et le FDR avait été remis en service, à l'insu du BST, de sorte que les données de l'événement ont été écrasées.

La copie de bande de un demi-pouce produite par l'exploitant n'était pas compatible avec l'équipement de lecture du BST. Par conséquent, les données du FDR ne pouvaient pas être fournies dans le format brut requis pour le décodage. L'exploitant a toutefois fourni au Laboratoire technique un imprimé qui ne contenait que 34 paramètres, convertis en unités techniques, correspondant aux 52 dernières minutes de vol. L'imprimé ne comprenait pas tous les échantillons de données enregistrées. Par exemple, les accélérations étaient enregistrées sur le FDR à une fréquence d'échantillonnage de 8 Hz, mais l'imprimé contenait des échantillons à une fréquence de 1 Hz. Comme il était impossible de vérifier les conversions en unités techniques, il n'a pas été possible de faire une analyse poussée des données.

L'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) a été récupéré par le BST le 17 mai 2002 et expédié au Laboratoire technique du BST huit jours après l'incident. L'enregistreur était un Fairchild 93-A100-80, numéro de série 57085, d'une capacité d'enregistrement de 30 minutes. Le BST a constaté que les données de l'incident avaient été écrasées. Le CVR n'avait pas été désactivé après l'incident.

Le paragraphe 9.(1) du Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports, intitulé « Conservation des éléments de preuve des accidents et incidents à signaler » stipule ce qui suit : « Sous réserve des paragraphes (2) et (3), lorsqu'un accident ou un incident à signaler se produit, le propriétaire, l'exploitant, le capitaine et tout membre d'équipage doivent, dans la mesure du possible, sauf instructions contraires du Bureau ou obligation légale contraire, conserver et protéger les éléments de preuve relatifs à cet accident ou cet incident, y compris ceux contenus dans des documents au sens du paragraphe 19(16) de la Loi. »

Le BST a fait des recherches dans sa base de données des événements pour établir les circonstances et la fréquence des cas où les enregistrements CVR ne sont pas disponibles aux fins d'une enquête parce qu'ils ont été écrasés après l'atterrissage. Les recherches ont révélé 14 cas graves entre 1990 et 2001. Dans tous les cas, aucune tentative n'a été faite pour protéger l'enregistrement, et les pertes ont été attribuées directement à la continuité de l'alimentation électrique après l'arrêt des moteurs, ou au rétablissement ultérieur de l'alimentation électrique. La perte d'information enregistrée dans le cas d'incidents graves, causée par l'écrasement ou l'effacement prématuré des données est un problème récurrent. L'alinéa 725.135 (i) des Normes de service aérien commercial exige que le manuel d'exploitation de la compagnie contienne de l'information concernant les procédures relatives aux FDR et aux CVR. Les manuels d'exploitation, les manuels de vol des aéronefs et les listes de vérifications de plusieurs exploitants canadiens ont été examinés. Les manuels d'exploitation précisent que l'information enregistrée doit être protégée, mais il n'y a ni information ni diagramme ni marche à suivre spécifique concernant la conservation des enregistrements. De plus, il n'y a aucune exigence en matière de formation des équipages à cet égard.

Le 29 août 2002, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a publié la recommandation A-02-24 portant sur l'écrasement des données CVR (Overwritten Cockpit Voice Recordings). Le NTSB, croyant qu'il faut des procédures fiables pour protéger les données CVR, a recommandé que la Federal Aviation Administration :

[Traduction] exige que tous les exploitants d'avions équipés d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) révisent leurs procédures de façon à stipuler que le CVR soit désactivé (soit manuellement, soit automatiquement) dès la fin du vol, dans le cadre d'une procédure de liste de vérifications approuvée, à la suite d'un incident/accident à signaler. Ces procédures doivent également garantir que l'enregistrement sera conservé, peu importe l'utilisation subséquente de l'aéronef ou de ses systèmes. Tout doute quant à la notification du National Transportation Safety Board de l'événement doit être dissipé après la prise de mesures pour conserver l'enregistrement. (A-02-24)

1.7 Questions relatives à la santé

Une odeur de fumée a été perçue et des vapeurs ont été observées dans la partie arrière de la cabine, mais aucune blessure liée à l'événement n'a été signalée.

1.8 Incendie

Photo 3. Zone endommagée par le feu
Photo of Zone endommagée par le feu

Le ruban chauffant de marque Electrofilm a connu une défaillance en arrière de la FS 1395. Le ruban chauffant était posé longitudinalement le long de la conduite d'eau et sur la zone réparée. Le ruban chauffant a surchauffé et produit un amorçage d'arc au bord avant de la partie réparée, où se terminait la conduite d'eau d'origine et où commençait le tube en acier inoxydable. Résultat, le rubanchauffant a brûlé au point de traverser le ruban protecteur et le ruban isolant en mousse Rubatex. Comme le ruban chauffant était toujours sous tension, la défaillance a continué à se propager le long de la conduite d'eau vers la source d'alimentation électrique. à environ huit pouces en avant du point de défaillance, là où la conduite d'eau traverse l'âme de la poutre de plancher à la FS 1395, le matelas d'isolation thermique et acoustique monté sur les faces avant et arrière de l'âme verticale de la poutre de plancher s'est enflammé. L'incendie s'est alors propagé vers l'avant jusqu'à la FS 1385, vers l'arrière jusqu'à la FS 1412, vers la gauche jusqu'à la LBL 6 et vers la droite jusqu'à la RBL 50 (photo 3).

Le feu a brûlé des débris et a consumé partiellement les matelas d'isolation sur les faces avant et arrière de la poutre de plancher à la FS 1395 et le matelas d'isolation recouvrant le fond de la coque pressurisée. Le feu a également endommagé le dessous du panneau de plancher entre la RBL 22 et la RBL 44. Il a perforé le revêtement de la soute à la RBL 44 et s'est propagé derrière la paroi inclinée de droite jusqu'à la RBL 50. Le dessous de deux conteneurs à bagages se trouvant directement au-dessus de la zone de l'incendie a été grillé et noirci de suie, mais ne montrait aucun signe de dommages. L'enquête n'a révélé aucune réclamation pour dommages aux bagages ou au fret. à l'extérieur, la peinture du fuselage directement au-dessous de la zone de l'incendie était cloquée.

La poutre de plancher à la FS 1395, faite d'alliage d'aluminium 7075-T6511, est un élément de support structural du plancher de soute. L'âme de cette poutre est usinée chimiquement à une épaisseur de 0,020 pouce. Dans l'ensemble, la poutre de plancher était grillée et brûlée de la LBL 6 jusqu'à la RBL 42, la plus grande partie des dommages structuraux étant limité à la zone entre la BL 0 et la RBL 22. Entre la RBL 6 et la RBL 22, le feu a fait un trou de 4 pouces dans l'âme de la poutre de plancher. Les bords du trou se projetaient vers l'avant et étaient brûlés au point de former une poudre blanche de l'épaisseur d'un papier de soie. La semelle supérieure de la poutre de plancher au-dessus du trou était déformée. Entre la BL 0 et la RBL 6, l'âme de la poutre de plancher avait de nombreuses fissures, et le matériau était aminci au point qu'on pouvait voir la lumière au travers. L'examen de l'âme de la poutre de plancher et de la zone voisine n'a révélé aucun signe de gouttelettes d'aluminium fondu; cependant, le bas de l'âme au-dessous des zones endommagées était beaucoup plus épais, ce qui révèle une accumulation d'aluminium fondu.

Photo 1. Matelas d'isolation contaminés et débris
Photo of Matelas d'isolation contaminés et débris

L'incendie a été alimenté par des matelas d'isolation thermique et acoustique contaminés se trouvant à proximité du ruban chauffant. Les sources de contamination étaient variées : des matelas d'isolation salis et des débris inflammables composés de papier, d'enveloppes debonbons, de billes de calage en mousse de polystyrène, de petites billes de polyéthylène et de caoutchouc en poudre venant d'un bloc d'entraînement (photo 4). Des échantillons des matelas d'isolation revêtus de PET brûlés ont été analysés à la recherche d'accélérateurs d'incendie. Un solvant à base d'isoparaffines a été détecté. Ces produits sont souvent des liquides clairs et combustibles qui peuvent facilement constituer des mélanges inflammables. Ils servent à nettoyer et à dégraisser des pièces et sont utilisés comme solvants dans les encres, les peintures et les produits agrochimiques comme les pesticides. Ils peuvent provenir de sources diverses, comme le fret transporté à bord, les bagages, de récents travaux de réparation ou de maintenance, ou de pesticides. Le C-GHML avait été exploité en Amérique du Sud et peut avoir été exposé à des pesticides vu son exploitation en milieu tropical. Le solvant à base d'isoparaffines, une fois enflammé, dégage une chaleur intense. Les dommages localisés survenus à des températures relativement élevées observés sur l'âme de la poutre de plancher du C-GHML sont typiques des effets post-incendie du solvant à base d'isoparaffines, seul ou combiné avec des débris combustibles.

1.9 Questions relatives à la survie

Le commandant de bord a immobilisé l'avion à une certaine distance de la porte d'embarquement et des postes de ravitaillement pour réduire les risques au minimum. L'équipage de cabine était prêt pour une évacuation rapide et a attendu que le personnel de secours confirme que la situation était maîtrisée. Il a également fallu attendre que l'équipage fasse les arrangements nécessaires pour la mise en place de deux passerelles mobiles pour permettre aux passagers d'évacuer l'avion. On a procédé à l'évacuation quand on a jugé qu'il n'y avait pas de danger. Personne n'a été blessé.

1.10 Renseignements supplémentaires

1.10.1 Défaillances de rubans chauffants

1.10.1.1 Historique

Entre juin 1985 et juin 2002, les exploitants d'avions Boeing ont fait 67 rapports pour signaler à la société Boeing des défaillances de rubans chauffants où une dégradation sous l'effet de la chaleur était évidente. Une carbonisation du matériau isolant a été mentionnée dans de nombreux rapports, et des dommages structuraux causés par le feu ont été signalés dans au moins deux cas. Dans certains cas, l'eau avait fui des conduites d'eau fondues, ce qui, dans un des cas, avait provoqué la panne d'un calculateur du système d'affichage des paramètres réacteurs, de mise en garde et d'alerte de l'équipage (EICAS).

Les rapports de difficultés en service USA 1999042300717, USA 1988040800197, AUS 19990967 et AUS 19991248 faisaient tous état de rubans chauffants brûlés. Deux de ces rapports concernaient des Boeing 767, et les deux autres, des Boeing 747.

1.10.1.2 Autres défaillances de rubans chauffants sur le C-GHML
Photo 5. Ruban chauffant derrière la paroi arrière
Photo of Ruban chauffant derrière la paroi arrière

Outre les dommages liés à l'incendie sur le C-GHML, les enquêteurs du BST ont constaté la présence d'un ruban chauffant de marque Cox & Company et de ruban isolant en mousse de marque Rubatex brûlés derrière la paroi arrière de la soute arrière de l'avion (photo 5). Même si un incendie qui se propage de lui-même ne s'est pas déclenché, l'endroit est devenu suffisamment chaud pour perforer le ruban isolant en mousse de marque Rubatex et un collier de serrage en plastique à proximité.

Le 24 septembre 1992, Boeing a publié le bulletin de service 767-30-0024 qui abordait spécifiquement le problème de surchauffe du ruban chauffant B241 sur certains Boeing 767. Le ruban chauffant existant enroulé en spirale d'une puissance nominale de 24 watts/pied était activé en continu. Boeing a reconnu que si le ruban chauffant est sous tension et qu'il n'y a pas d'eau dans la conduite, il est possible que le ruban chauffant surchauffe, ce qui pourrait entraîner le grillage du ruban chauffant, des matelas d'isolation adjacents et des débris à proximité. Le bulletin de service visait le remplacement du ruban chauffant existant par un ruban chauffant de 7 watts/pied à commande par thermostat et posé longitudinalement. Le C-GHML était un des Boeing 767 visés par le bulletin de service, mais ni l'exploitant précédent ni Air Canada n'ont exécuté ce bulletin de serviceNote de bas de page 6. Après l'événement précité, un ruban chauffant de marque Cox & Company de 24 watts/pied a été installé. Le ruban chauffant a été enroulé en spirale, aucun thermostat n'a été installé, et une gaine isolante a été ajoutée. La gaine isolante, composée d'un matelas d'isolation enroulé sur la conduite d'alimentation en eau et le ruban chauffant, était maintenue en place grâce à un système de fermeture à bouclettes de nylon.

Le 20 octobre 2002, pendant la vérification des rubans chauffants du C-GHML avant la saison d'hiver, on a constaté que le ruban chauffant B241 avait surchauffé et que la gaine isolante était brûlée. La surchauffe avait complètement détruit le ruban chauffant. La gaine isolante était grillée à l'intérieur et décolorée par la chaleur à l'extérieur. Les matériaux voisins et les autres éléments de l'aéronef ne présentaient aucun dommage. Ce ruban chauffant n'était en service que depuis trois mois.

1.10.1.3 Défaillances de rubans chauffants sur d'autres aéronefs d'Air Canada

Les enquêteurs du BST ont examiné un autre Boeing 767-300 d'Air Canada et ont trouvé un ruban chauffant de marque Cox & Company brûlé à proximité de la FS 1395. Dans ce cas, la conduite d'eau était enveloppée d'une gaine composée d'un matelas d'isolation revêtu d'un côté de PET, et de l'autre, de Bradley BF-6620, un tissu enduit de polymère. La gaine était maintenue en place au moyen d'un système de fermeture à bouclettes de nylon semblable au Velcro. Le feu avait perforé la gaine. Un examen plus poussé du même avion a révélé la présence d'un autre ruban chauffant de marque Cox & Company surchauffé derrière un panneau de paroi latérale de la soute arrière, près de la FS 1460.

Air Canada a alors procédé à une inspection de ses 55 Boeing 767-200 et 767-300. De nombreux rubans chauffants surchauffés ou brûlés ont été découverts, tant dans les endroits accessibles visuellement que dans des endroits cachés, comme ceux situés derrière les panneaux des parois et du plancher. Des rubans chauffants défectueux (de marque Cox & Company et de marque Electrofilm) ont été décelés sur 30 avions, ce qui s'est traduit par la dépose ou par la mise hors tension de 66 rubans.

Le 20 décembre 2002, alors qu'on procédait à l'embarquement des passagers du Boeing 767 d'Air Canada immatriculé C-GAVA, on a observé de la fumée en provenance de l'office arrière. Il s'est avéré que le ruban chauffant B195 monté sur la conduite de vidange de l'office arrière (no de pièce 417T2004-13) était à l'origine de la fumée. On a constaté qu'il s'agissait d'un ruban chauffant de marque Cox & Company à isolant en vinyle et qu'il avait été complètement détruit sous l'effet d'une surchauffe. La gaine était grillée à l'intérieur et décolorée par la chaleur à l'extérieur. Les matériaux voisins et les autres éléments de l'avion ne présentaient aucun dommage.

1.10.2 Contamination des matelas d'isolation

1.10.2.1 Historique

Il existe peu de documents dans l'industrie permettant de quantifier les conséquences de la contamination des matelas d'isolation. D'après la documentation qui a été obtenue de diverses sources (lesquelles sont indiquées dans la présente partie du rapport), les caractéristiques d'inflammabilité des matériaux peuvent se détériorer en service si ces matériaux sont exposés à des contaminants comme la poussière, la peluche, les adhésifs, la graisse, l'huile ou les inhibiteurs de rouille. L'industrie de l'aviation n'a pas encore quantifié les conséquences de la contamination sur le maintien du bon état de navigabilité des matelas d'isolation. Cependant, comme le montre la présente partie du rapport, il y a un rapport défini entre la contamination et l'inflammabilité.

Divers types de matelas d'isolation thermique et acoustique ont alimenté des incendies d'aéronef. Ainsi, le 28 janvier 2002, à Miami, en Floride, un Boeing B767-375ER exploité par la compagnie Lan Chile a connu un incendie dans la soute avant (inférieure) alimenté par des matelas d'isolation contaminés. Ces matelas présentaient des signes importants de contamination et d'usure.

En 1991, à la suite d'un incendie à bord d'un Lockheed L1011 (rapport A91A0053 du BST), le BST a émis l'avis de sécurité A910106 concernant le risque d'incendie associé à l'accumulation de peluche. L'avis suggérait que Transports Canada notifie les inspecteurs de maintenance et les exploitants d'aéronefs de la catégorie transport du risque d'incendie et exige que les procédures de maintenance soient modifiées au besoin pour assurer l'inspection et le nettoyage des endroits où la peluche et les débris risquent de s'accumuler. En réponse, Transports Canada a émis le 10 avril 1992 l'avis de difficultés en service AV-92-04, qui recommandait entre autres que, dans la mesure où les inspections planifiées le permettent, une inspection soit effectuée à la recherche d'accumulations de peluche, de poussière et de débris de cabine et que toute accumulation visible soit nettoyée pour éliminer les risques d'incendie.

Aux États-Unis, le NTSB a émis les recommandations A-91-71 et A-91-72 visant à corriger les lacunes de sécurité cernées dans le cadre de l'enquête menée par le BST. Le NTSB a recommandé que la FAA notifie les inspecteurs principaux de la maintenance et les exploitants d'aéronefs de la catégorie transport du risque d'incendie posé par les accumulations de peluche et d'autres débris sur les faisceaux de fils. Il a également recommandé que la FAA exige que les constructeurs d'aéronefs de la catégorie transport et les lignes aériennes modifient les manuels de maintenance au besoin pour garantir l'inspection et le nettoyage exhaustifs des endroits où la peluche et autres débris peuvent s'accumuler et poser un risque d'incendie. En réponse aux recommandations, la FAA a publié un bulletin s'ajoutant au guide de l'inspecteur de navigabilité intitulé Origin and Propagation of Inaccessible Aircraft Fire Under In-flight Airflow Conditions (Origine et propagation, dans les conditions d'écoulement d'air présentes en vol, d'un incendie d'aéronef impossible à atteindre). Ce bulletin fournit de l'information sur le danger, pour tous les aéronefs de la catégorie transport, posé par l'accumulation de peluche et d'autres débris sur les faisceaux de fils. Il demande également que les inspecteurs principaux de la maintenance diffusent cette information à tous les exploitants d'aéronefs de la catégorie transport et révisent les programmes de maintenance des exploitants pour garantir que ces programmes comprennent l'examen du câblage électrique des aéronefs et l'enlèvement des contaminants, en particulier dans les endroits inaccessibles.

En mars 1998, après un incendie dans la soute d'un avion-cargo 747-200, Boeing a publié les lettres de service 767-SL-25-084 et 747-SL-25-170 couvrant tous ces modèles d'aéronefs (Multi-Model Service-Related Problem [Problème en service touchant plusieurs modèles] 25-0103). L'enquête menée par Boeing a révélé que la présence d'inhibiteurs de rouille pouvait avoir contribué à l'incendie et pourrait être la raison pour laquelle l'incendie ne s'est pas éteint de lui-même. L'enquête s'est également penchée sur l'accumulation de poussière, de peluche et d'autres débris sur les matelas d'isolation des sections extérieures de la cabine et de la soute et a conclu qu'il était concevable qu'une forte accumulation de contaminants sur ces matelas d'isolation puisse s'enflammer en présence d'une source de chaleur importante. Les lettres de service informaient les exploitants que les manuels de Boeing applicables seraient révisés pour traiter des effets des inhibiteurs de rouille et d'autres matériaux sur l'inflammabilité des matelas d'isolation des aéronefs. Cette lettre signalait également aux exploitants que Boeing allait faire des exposés sur ce sujet dans le cadre de conférences pour sensibiliser les lignes aériennes à ce problème. On a demandé aux exploitants d'enlever les matières étrangères et de redoubler de vigilance lors des inspections périodiques et de voir au bon nettoyage des aéronefs au cours des opérations de maintenance afin d'éviter toute contamination des matelas d'isolation.

Le BST a émis des recommandations dans le cadre de l'enquête sur l'accident du vol 111 de Swissair (rapport A98H0003 du BST) concernant les critères d'essai d'inflammabilité (recommandations A99-07 et A99-08) et les normes d'inflammabilité des matériaux (recommandations A01-02 à A01-04). L'enquête sur cet accident ne s'est pas penchée sur les risques d'incendie associés aux matériaux d'isolation contaminés, à la poussière, à la peluche et aux débris.

Le 28 septembre 2000, la FAA a émis le Flight Standards Information Bulletin for Airworthiness (Bulletin d'information des normes de vol portant sur la navigabilité aérienne) (FSAW 00-09) intitulé Special Emphasis Inspection on Contamination of Thermal/Acoustic Insulation (Inspection spéciale de la contamination de l'isolant thermique et acoustique). De plus, le 8 novembre 2001, Transports Canada a publié la Directive visant le personnel de la maintenance 42, intitulée « Procédures d'inspection de l'isolant thermique pour contamination au cours des révisions majeures », qui reflétaient les exigences du bulletin FSAW 00-09 de la FAA. Ayant reconnu que l'inflammabilité de la plupart des matériaux peut changer une fois ces matériaux contaminés, et que cette contamination peut prendre la forme de peluche, de poussière, de graisse, etc., et que tous ces éléments peuvent augmenter la susceptibilité de ces matériaux à l'inflammation et à la propagation de la flamme, le bulletin FSAW et la Directive visant le personnel de la maintenance exigent des mesures particulières de la part des inspecteurs principaux de la maintenance responsables des exploitants régis par les Parties 121 et 125 du Code of Federal Regulations (14 CFR). Les inspecteurs principaux de la maintenance devraient s'assurer que l'exploitant a établi dans son programme de maintenance approuvé des procédures d'inspection à la recherche de contamination des matériaux d'isolation thermique et acoustique pendant les révisions majeures. Si l'exploitant découvre que les matériaux d'isolation sont contaminés, il devrait prendre des mesures correctives en conséquence, soit nettoyer ou remplacer le matériau d'isolation, selon le cas. Comme en font foi les récents incendies en soute des Boeing 767 d'Air Canada et de Lan Chile, le problème de contamination des matelas d'isolation subsiste.

Transports Canada a soulevé la question de la contamination auprès du groupe de travail international sur les essais de tenue au feu des matériaux d'aéronef (International Aircraft Materials Fire Test Working Group), et un groupe d'étude a été formé pour se pencher sur la question.

1.10.2.2 État des matelas d'isolation sur le C-GHML

L'examen du C-GHML a révélé une contamination importante des matelas d'isolation dans les soutes, y compris dans les zones situées derrière les parois latérales et dans le ventre de l'avion. La contamination a été attribuée à la présence de matelas d'isolation salis et à de fortes accumulations de peluche, de poussière et d'autres débris inflammables. Dans la soute avant, on a constaté que de nombreux matelas d'isolation avaient été mal installés, étaient déchirés ou n'avaient tout simplement pas été installés. Dans la soute avant, on a également trouvé des ensembles de matelas non approuvés; il y avait notamment des ensembles de matelas portant des numéros de spécification de matériau de Douglas et des ensembles de matelas d'origine inconnue.

1.10.2.3 Contamination des matelas d'isolation sur d'autres aéronefs d'Air Canada
L'examen du C-GHML et d'autres Boeing 767 a révélé la présence de matelas d'isolation contaminés et de débris dans un grand nombre de soutes à plancher ouvert. Une quantité importante de poussière, de saleté et de peluche a été trouvée sous et derrière des panneaux situés dans des endroits difficiles d'accès sans dépose de ces panneaux. Air Canada a alors examiné les soutes avant et arrière à plancher ouvert de ses Boeing 767. Un nettoyage général des débris trouvés à ces endroits a été effectué. Cette mesure n'a toutefois pas entièrement réglé le problème des matelas contaminés.

1.10.3 Dispositifs de protection de circuit

La réglementation exige que les fils et les câbles électriques soient protégés contre la surintensité. On utilise normalement un dispositif de protection de circuit. Les dispositifs de protection de circuit sont conçus pour protéger le fil ou le câble; ils ne sont pas conçus pour protéger les dispositifs électriques connexes, comme les rubans chauffants ou les ensembles remplaçables en première ligne, qui peuvent exiger leur propre dispositif de protection de circuit interne.

La plupart des dispositifs de protection de circuit utilisés dans les applications aérospatiales sont des disjoncteurs thermiques réenclenchables, développés pour remplacer les fusibles. Ces disjoncteurs classiques contiennent normalement un circuit comprenant un bilame et deux plots de contact électriques, dont un à ressort. En cas de surintensité, le circuit s'échauffe en fonction de l'intensité du courant et du temps. Lorsque la chaleur dépasse une température préétablie, le bilame s'incurve, ce qui déclenche le plot de contact à ressort et ouvre le circuit. Ce type de disjoncteur est dit à déclenchement libre, car il ne peut pas être réenclenché en présence d'une surintensité. Au bout d'un intervalle de refroidissement préétabli, le disjoncteur peut être réenclenché manuellement.

Ce type de disjoncteur joue bien son rôle primaire qui est de protéger le fil et le câble contre les dommages dus à une surintensité. Notamment, ce type de disjoncteur protège le circuit efficacement lorsque les caractéristiques de température et de durée de la surintensité se trouvent à l'intérieur des limites nominales du disjoncteur.

Cependant, certaines défaillances de fils et de câbles sont dues à l'amorçage d'arc. L'amorçage d'arc peut créer des circonstances qui ne s'inscrivent pas dans les limites nominales de la courbe de protection surintensité/temps des disjoncteurs classiques. Un de ces phénomènes est un contact de métal sur métal (conducteur sur conducteur ou conducteur sur cadre) intermittent appelé « crépitement ». Ces phénomènes peuvent générer des températures extrêmement élevées là où survient la défaillance de l'isolation. Cependant, l'appel de courant peut ne pas être suffisant pour porter le bilame à la température nécessaire pour provoquer l'ouverture du disjoncteur.

Dans certains cas, le claquage de l'isolant d'un fil peut provoquer d'autres types de défaillances par amorçage d'arc, comme le cheminement d'arc. Le phénomène du cheminement d'arc implique la carbonisation de l'isolant du fil qui peut entraîner un amorçage d'arc intermittent entre les conducteurs ou entre un conducteur et un autre matériau conducteur mis à la masse ou un autre élément de l'aéronef. Bien que les risques posés par les défauts de crépitement et de cheminement d'arc soient bien connus, la technologie existante est telle qu'il n'y a pas de dispositif de protection de circuit pour utilisation sur les aéronefs permettant de détecter correctement et de façon fiable les défauts associés au claquage de l'isolant de fils. La marine des États-Unis, la FAA et les constructeurs d'aéronefs commanditent des initiatives pour combler cette lacune de la technologie des dispositifs de protection de circuit. L'objectif est de développer un disjoncteur d'amorçage d'arc pour utilisation sur les aéronefs.

1.10.4 Normes d'inflammabilité des matériaux

1.10.4.1 Élaboration

La FAA, en sa qualité d'autorité de l'aviation civile, a toujours joué un rôle de chef de file en recherche et développement en vue d'améliorer la sécurité incendie en aviation. En 1988, l'Aviation Safety Research Act des États-Unis confiait à la FAA le mandat d'effectuer des recherches fondamentales sur la sécurité incendie à bord des aéronefs. Les FAR des États-Unis sont utilisées à l'échelle internationale comme la première source des exigences de certification des aéronefs, y compris les normes d'inflammabilité des matériaux. La réglementation actuelle de la FAA reflète la philosophie adoptée au terme d'une étude effectuée de 1975 à 1976 pour déterminer la faisabilité de deux approches, ainsi que leurs avantages et inconvénients, pour améliorer la sécurité incendie du fuselage des gros porteurs modernes. Cette étude avait pour objet d'examiner les conséquences des incendies en vol sur les compartiments du fuselage et sur les aires de trafic après un écrasement et de déterminer les exigences en matière de protection contre l'incendie.

La première approche examinait le potentiel de l'application des technologies les plus récentes en matière de dispositifs d'alerte rapide d'incendie et de systèmes d'extinction d'incendie. Cette approche comprend ce qu'on appelle un système de gestion de l'incendie, c'est-à-dire un système qui intégrerait la détection, la surveillance et la suppression d'incendie dans l'ensemble de l'aéronef. La deuxième approche examinait la possibilité d'améliorer les normes d'inflammabilité des matériaux pour utilisation à l'intérieur des cabines de façon que ces matériaux soient ignifuges et produisent de faibles émanations de fumée et de gaz toxiques. L'étude a conclu que chaque approche avait ses avantages et ses inconvénients, et qu'une approche comportant un système de gestion de l'incendie ainsi que des améliorations sélectives des matériaux présentait le plus grand potentiel pour assurer une protection contre l'incendie dans tous les cas.

Par la suite, conformément aux recommandations du rapport du Special Aviation Fire and Explosion Reduction Advisory Committee de la FAA (FAA-ASF-80-4) en date de 1980, les principaux efforts de recherche et de développement de la FAA ont été axés sur ce qu'on considérait comme la plus grande menace : un incendie après un écrasement. Le scénario d'incendie après un écrasement envisagé était un fuselage intact se trouvant à côté d'un incendie alimenté par du carburéacteur non confiné. Il a été déterminé que le danger le plus grave pour les passagers survivants dans une telle situation proviendrait des matériaux en feu à l'intérieur de la cabine. La FAA a conclu que, dans une telle situation, les passagers survivants risquaient d'être frappés d'incapacité à cause des gaz toxiques générés par un phénomène appelé « embrasement général ». Par conséquent, par souci d'améliorer les chances de survie, la FAA a axé ses efforts sur l'amélioration des normes d'inflammabilité des matériaux de cabine dans le but de retarder le début de l'embrasement général.

Les incendies en vol étant considérés comme des événements rares, la FAA a conclu que la meilleure protection serait l'utilisation de matériaux de cabine ayant des propriétés de confinement supérieur des incendies et de grande résistance à l'inflammation ainsi que l'utilisation de dispositifs de détection et d'extinction d'incendie dans les zones susceptibles d'être affectées en cas d'incendie.

Une meilleure protection contre l'incendie dans les zones comme les soutes et les toilettes a vu le jour grâce à la recherche et développement sur les incendies en vol.

1.10.4.2 Procédures d'essai

Dans le cadre du processus de certification de la FAA, les matériaux destinés à être utilisés dans la construction des aéronefs doivent satisfaire à des critères ou à des normes de rendement (essais) définis lorsqu'ils sont exposés à la chaleur ou à une flamme. Les critères des essais d'inflammabilité sont établis, en principe, pour exposer un matériau donné à un environnement représentatif d'un incendie. Lorsque vient le moment de décider du type et du nombre d'essais à effectuer sur un matériau particulier, la composition du matériau, la quantité à utiliser et son emplacement dans l'aéronef sont évalués. Les essais visent à mesurer la tendance de chaque matériau à s'enflammer et à propager une flamme.

Pour la plupart des matériaux utilisés dans un fuselage pressurisé, les essais d'inflammabilité en vigueur au moment de la certification du Boeing 767 comprenaient principalement une variété d'essais au bec Bunsen. Un seul bec Bunsen était utilisé comme source d'inflammation. Chaque essai pouvait être effectué de plusieurs façons. Par exemple, l'orientation du matériau par rapport à la flamme pouvait être modifiée de l'horizontale jusqu'à la verticale. L'orientation était fonction des objectifs des essais, qui étaient eux-mêmes fondés sur la menace perçue, l'essai de combustion à la verticale étant normalement le plus rigoureux. De plus, le temps d'exposition du matériau à la flamme pouvait également varier, une exposition plus longue correspondant à un essai plus rigoureux.

Pour chaque essai au bec Bunsen, on a établi des exigences permettant de distinguer l'échec de la réussite pour le matériau testé. Les performances moyennes du matériau étant établies pour un minimum de trois spécimens d'essai. La liste ci-après présente les critères qui pouvaient être utilisés pour mesurer les caractéristiques d'inflammabilité d'un matériau :

Sauf pour les matériaux choisis pour les soutes de classe C, les normes d'inflammabilité les plus strictes ont été appliquées aux matériaux devant être utilisés dans les zones occupées de l'avion. Les grandes surfaces, comme les parois latérales, les plafonds, les porte-bagages et les cloisons, ont fait l'objet d'une attention particulière. Non seulement les matériaux utilisés dans ces parois ont-ils été soumis aux essais les plus rigoureux, mais ils devaient aussi être auto-extinguibles; c'est-à-dire qu'ils ne devaient pas propager la flamme au-delà d'une certaine distance, habituellement moins de 20 cm (8 pouces). Les matériaux de cabine étaient également soumis à des essais de dégagement de chaleur et de fumée. Aucun essai n'était prescrit pour déterminer la toxicité.

Compte tenu des exigences d'essai, des normes d'inflammabilité des matériaux moins strictes ont été appliquées aux matériaux pour utilisation à l'intérieur du fuselage pressurisé, mais qui se situaient à l'extérieur des zones occupées. Certains matériaux ne nécessitaient que l'essai au bec Bunsen à l'horizontale. Pour que l'essai soit concluant, le matériau ne devait pas excéder une certaine vitesse de combustion. Selon l'usage prévu du matériau, la vitesse de combustion ne devait pas dépasser 6 ou 10 cm (2,4 ou 4 pouces) par minute. Aucune exigence d'autoextinguibilité ne s'appliquait à ces matériaux.

En fait, les exigences des essais d'inflammabilité ci-après ont conduit à une hiérarchisation de l'inflammabilité des matériaux :

En conséquence, bien des matériaux ont été certifiés pour utilisation sur les aéronefs même s'ils étaient inflammables ou brûlaient selon des critères établis.

De nombreux matériaux sont installés sur les aéronefs en tant que partie intégrante d'un système, même si les essais d'inflammabilité sont normalement menés sur les matériaux eux-mêmes. Les matériaux d'isolation thermique et acoustique, par exemple, sont habituellement installés comme un système, ce qui comprend le matériau de revêtement, l'isolant ainsi que les matériaux connexes, comme le ruban adhésif pour joints, les attaches et les reniflards. Cependant, d'après le règlement, les essais du produit fini ne visent que l'ensemble de l'isolation et du revêtement. Par conséquent, les matériaux d'isolation thermique et acoustique tels qu'ils sont installés peuvent présenter une propension différente à l'inflammation et à la propagation des flammes de ce qu'auraient révélé les essais.

1.10.5 Certification des aéronefs importés

Le processus d'importation d'aéronefs au Canada est complexe et comprend diverses vérifications détaillées. Les deux documents utilisés pour l'importation de produits aéronautiques au Canada sont la Lettre de politique de la Certification des aéronefs no 50, Certificat de type canadien - Importation de produits aéronautiques, en date du 30 mai 1996, ainsi que la Directive visant le personnel de la maintenance 26, Importation d'aéronefs. Le niveau d'inspection d'un aéronef importé est basé sur le pays de provenance de l'aéronef et sur le type d'aéronef. Dans le cas du C-GHML, les vérifications comprenaient une inspection détaillée de l'avion par la Triad International Maintenance Corporation pendant que l'aéronef était encore aux États-Unis et un examen détaillé du dossier de l'avion pour assurer la conformité à toutes les normes de navigabilité aérienne applicables et à la définition de type.

L'inspection de l'avion a donné lieu à une liste détaillée où figurait 1959 lacunes à corriger et tâches de maintenance à effectuer. Fait à souligner, chaque zone de l'avion était indiquée comme ayant besoin de nettoyage, mais il y avait très peu de mention des matelas d'isolation contaminés. De plus, il y avait des centaines d'anomalies concernant les soutes avant et arrière, notamment des protège-lampe manquants, un appareil d'éclairage avec le mauvais type d'ampoule et des blocs d'entraînement inopérants. Toutefois, même si la liste était très détaillée, l'inspection n'a pas permis de déceler la présence des matelas d'isolation non approuvés dans la soute avant.

Analyse

2.1 Généralités

Plusieurs facteurs ont fait que le vol 116 d'Air Canada est arrivé à destination en toute sécurité. La durée du vol était d'environ 5 heures et 21 minutes. Le voyant Master Warning Fire/Overheat s'est allumé juste avant la fin du vol, soit 6 minutes et 24 secondes avant l'immobilisation de l'avion sur la piste. Le système de détection et d'extinction d'incendie de l'avion a fonctionné correctement et a permis d'éteindre l'incendie, même s'il commençait à se propager vers le haut, derrière la paroi inclinée de droite de l'avion, à l'extérieur de la soute. Le revêtement intérieur de la soute qui représentait la dernière protection contre l'incendie ayant été perforé, l'incendie s'est propagé et a augmenté d'intensité jusqu'à ce que le feu soit détecté et éteint par le système de bord. Les principaux facteurs qui ont mené à l'événement sont :

L'analyse ci-après porte sur les lacunes de sécurité et certains éléments qui, même s'ils n'ont pas contribué à l'événement, présentent un risque accru pour la sécurité aérienne.

2.2 Inflammation

On a établi dès le début de l'enquête que la source d'inflammation était le ruban chauffant B110 posé longitudinalement le long de la conduite d'alimentation en eau. Le ruban chauffant a connu une défaillance derrière la FS 1395 dans une zone de réparation récente de la conduite d'eau.

Selon toute vraisemblance, c'est la réparation temporaire de la conduite d'eau qui a donné lieu à divers puits de chaleur qui ont produit la surchauffe localisée du ruban chauffant, surchauffe qui a été accrue par la présence de multiples couches de ruban 3M 474 et de ruban isolant en mousse Rubatex. Cette surchauffe localisée a provoqué la détérioration de la matrice isolante en EPDM au point où les éléments chauffants ont produit un amorçage d'arc et ont enflammé le matériau environnant. Cette défaillance a continué jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de piste conductrice, ce qui a mis fin à l'amorçage d'arc. Les éléments qui ont agi comme puits de chaleur sont : la conduite d'eau d'origine en Teflon; les colliers de serrage en acier inoxydable utilisés pour immobiliser la pièce de réparation; le tube en acier inoxydable utilisé pour la réparation; et l'intervalle d'air créé par la différence de diamètre entre le tube en acier inoxydable et la conduite d'eau d'origine.

La conduite d'eau à laquelle le ruban chauffant était fixé était faite d'un tube en Teflon avec une gaine en tresse de Nylon; ces deux produits ne sont pas des conducteurs de chaleur efficaces. Par contre, les colliers de serrage et le tube en acier inoxydable étaient des conducteurs de chaleur très efficaces. Le conducteur de chaleur le moins efficace était l'air. La chaleur générée par le ruban chauffant est absorbée de deux manières. Une partie de la chaleur générée est absorbée uniformément sur toute la longueur de la conduite d'eau, et le reste est dissipé uniformément dans l'air ambiant. La réparation de la conduite d'eau a provoqué une répartition non uniforme de la chaleur et une surchauffe localisée. La surchauffe accrue par les couches de ruban 3M 474 et le ruban isolant en mousse Rubatex a porté la température au-delà des valeurs nominales du ruban chauffant, ce qui a permis la détérioration thermique de la matrice isolante du ruban chauffant et du matériau environnant. La détérioration de la matrice isolante a permis aux éléments chauffants de se rapprocher, ce qui a fini par produire un amorçage d'arc.

Le disjoncteur est fait pour protéger le câblage électrique de l'aéronef contre la surintensité; cependant, une anomalie électrique ne provoque pas nécessairement l'ouverture du disjoncteur. La défaillance du ruban chauffant n'a pas produit une surintensité suffisante pour compromettre le bon fonctionnement du câblage de l'avion ou provoquer l'ouverture du disjoncteur. Une fois l'incendie détecté et le système d'extinction incendie activé, on s'attendrait à ce que l'alimentation électrique de tous les systèmes sauf les systèmes essentiels soit coupée en vue d'éliminer les sources d'inflammation potentielles. Mais ce n'était pas le cas sur le Boeing 767, et ce n'est pas une exigence réglementaire. Les rubans chauffants sont restés sous tension tout au long de l'événement, et il n'y avait aucun moyen de les mettre hors tension à partir du poste de pilotage. Tant que le ruban chauffant est sous tension, le risque d'amorçage d'arc existe, ce qui constitue un danger permanent.

La recherche indique clairement que les rubans chauffants ont tendance à tomber en panne et qu'ils sont remplacés régulièrement. à noter que les rubans chauffants Cox & Company revêtus de vinyle de modèle plus ancien et à température de service plus basse tombent en panne plus fréquemment. Souvent, ces défaillances passent inaperçues pendant de longues périodes et ne sont découvertes que lors d'une inspection majeure, comme la vérification annuelle d'hivernisation. La défaillance la plus courante semble être la surchauffe, qui cause souvent la destruction complète du ruban chauffant. Certaines défaillances ont causé des incendies qui se sont éteints d'eux-mêmes. Dans la plupart des cas, les rubans chauffants défaillants ont causé des dommages faciles à réparer. Dans un des cas, un ruban chauffant a fait fondre une conduite d'eau; l'eau qui a fui de la conduite a provoqué la défaillance d'un calculateur EICAS.

L'incident du vol 116 démontre qu'un ruban chauffant claqué peut causer un incendie qui se propage. Il est également significatif que, bien que l'incendie se soit déclaré dans un compartiment scellé muni d'un système d'extinction, l'incendie a réussi à perforer le compartiment de fret et à pénétrer dans une zone inaccessible et non protégée. Si le système d'extinction incendie n'avait pas éteint l'incendie rapidement, les conséquences auraient pu être catastrophiques.

Les instructions d'installation des rubans chauffants étaient génériques et souvent ambiguës. Ceci a créé des difficultés et a prêté à confusion sur la façon d'installer les rubans. L'installation appropriée de tout ruban chauffant est critique, car une mauvaise installation risque d'entraîner une surchauffe qui peut provoquer un incendie. Les instructions d'installation se doivent donc d'être claires.

Il semble également y avoir un sentiment généralisé de complaisance dans l'industrie de l'aviation à l'égard des défaillances de rubans chauffants. Les travailleurs de cette industrie savent depuis bien des années que les défaillances de rubans chauffants sont fréquentes. La plupart des personnes les considèrent comme des systèmes non critiques, dont la défaillance cause habituellement très peu de dommages. Ce n'est que lorsqu'un incident grave survient qu'on se rend vraiment compte du risque que pose un ruban chauffant défectueux.

L'information ci-devant vient confirmer l'existence d'une condition dangereuse et du risque que présentent les installations de rubans chauffants de conduite d'eau en tant que source d'inflammation potentielle, étant donné la présence de matériaux inflammables suffisamment proches de la source d'inflammation pour qu'ils s'enflamment.

2.3 Contamination

La lacune la plus importante dont il faut tenir compte dans les événements qui ont mené à l'incendie à bord du C-GHML est la présence de matériaux inflammables qui se sont enflammés et ont permis à l'incendie de se propager. Le revêtement de PET des matelas d'isolation était contaminé et inflammable. C'est la source la plus importante de matériaux combustibles ayant contribué à l'incendie. En outre, le matelas d'isolation à revêtement de PET a fort probablement été le premier matériau à s'enflammer. Des débris combustibles qui s'étaient accumulés dans la soute (du papier, des enveloppes de bonbons, des billes de calage en mousse de polystyrène et de petites billes de polyéthylène) ont été consumés à mesure que l'incendie se propageait à travers le matelas d'isolation.

La recherche indique clairement que la contamination à bord des aéronefs est un problème permanent. Bien que de nombreuses mesures visant à réduire le risque aient été prises par les organismes de réglementation, les constructeurs, les fabricants et les exploitants, la contamination subsiste. On observe que des débris inflammables ont tendance à s'accumuler dans les soutes à plancher ouvert, toutefois ce type de plancher permet de nettoyer facilement les débris accumulés. Or, même si les débris sont faciles à enlever, des fluides d'inflammabilité inconnue peuvent fuir des bagages et du fret à l'insu du personnel. Il peut également arriver que des fluides utilisés pour le nettoyage et le graissage d'éléments de la soute pendant la maintenance périodique soient répandus sans qu'on s'en rende compte. Les zones les plus préoccupantes sont les zones qui ne sont pas facilement accessibles. C'est dans ces endroits que .de fortes accumulations de poussière, de peluche et de petits matériaux inflammables comme le papier se retrouvent sur les matelas d'isolation, le câblage de l'aéronef et les éléments électriques. Des fluides répandus dans la cabine, les toilettes et les offices peuvent également se retrouver dans ces endroits. Ces zones ne sont pas facilement accessibles, elles n'ont aucune protection contre l'incendie et l'on n'y accède habituellement qu'à quelques années d'intervalle, lors des révisions majeures.

L'examen du C-GHML et d'autres aéronefs de la flotte d'Air Canada dans le cadre de la présente enquête a révélé de fortes accumulations de poussière et de peluche sur les matelas d'isolation et les éléments électriques derrière les panneaux.

à noter qu'on sait peu de chose sur la façon dont le vieillissement et la contamination influent sur l'inflammabilité des matériaux en service. Cependant, les essais révèlent que souvent des matériaux qui, à l'époque, répondaient aux anciennes normes de certification ne respectent pas les normes en vigueur, et il n'y a aucune exigence de remplacer la plupart de ces matériaux.

2.4 Réparation de la conduite de vidange

La réparation de la conduite de vidange a fort probablement été le catalyseur qui a favorisé la défaillance du ruban chauffant B110. La conduite de vidange avait été réparée deux fois avant l'incident du vol 116, en vertu de modalités de réparation qui étaient approuvées et promulguées par le service technique d'Air Canada. La réparation était censée être une solution provisoire jusqu'à ce qu'une nouvelle conduite de vidange puisse être installée. La réparation n'avait pas été autorisée par Boeing, et il n'était pas obligatoire que Boeing autorise cette réparation.

Lors de la première réparation, on a constaté que le ruban chauffant était défectueux et on l'a remplacé. Lors de la deuxième réparation, le ruban chauffant n'a pas été remplacé. Pendant la deuxième réparation de la conduite de vidange, il se peut que le ruban chauffant ait été endommagé par inadvertance; cependant, en raison des dommages au ruban chauffant causés par l'incendie, il n'a pas été possible de déterminer si tel était le cas.

Le fait qu'une réparation mineure puisse nuire de la sorte au fonctionnement d'un élément milite en faveur d'un examen méticuleux des installations de ruban chauffant.

2.5 Certification

Avant son arrivée au Canada, l'avion a fait l'objet d'une inspection minutieuse, conformément aux procédures en vigueur, qui a donné lieu à une liste exhaustive d'anomalies et de tâches de maintenance à exécuter. L'avion a finalement reçu un certificat de navigabilité pour exportation d'un pays (les États-Unis) avec lequel le Canada a une entente bilatérale. Ce certificat a été accepté par le délégué de Transports Canada assigné au dossier.

Bien que l'avion ait fait l'objet d'une inspection minutieuse et que les rapports produits mentionnent des anomalies relatives aux matelas d'isolation dans les soutes, ces mentions ne sont pas très détaillées. Il est possible que les matelas non approuvés trouvés dans le cadre de la présente enquête n'aient pas été décelés pendant le processus d'importation ou qu'ils aient été signalés pendant le processus, mais qu'à cause du manque de détails de certaines mentions, aucune mesure n'a été prise à cet égard avant l'entrée de l'avion au pays. Quelles que soient les modalités d'importation de l'aéronef, il incombe au propriétaire de maintenir l'aéronef conforme à sa certification et à sa définition de type. Si l'aéronef était sale ou s'il était équipé de matelas d'isolation non approuvés, il appartenait à Air Canada de corriger la situation.

2.6 Notification et conservation des données

Le retard de l'exploitant à signaler l'événement au BST et la perte des renseignements qu'aurait pu fournir l'enregistreur de bord n'ont pas gêné l'enquête pour les raisons suivantes :

Toutefois, dans d'autres circonstances, le manque de données en raison de l'incendie en soute ou la notification tardive de l'événement aurait pu gêner considérablement l'enquête visant à établir les faits, les causes et les facteurs contributifs.

La recommandation A-02-24, Overwritten Cockpit Voice Recordings, du NTSB a été publiée le 29 août 2002, mais la mise en oeuvre de cette recommandation par la FAA viserait seulement les exploitants d'aéronefs autorisés à effectuer des vols aux États-Unis.

3.0 Conclusions

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le ruban chauffant B110 fixé à la conduite d'alimentation en eau a connu une défaillance dans la zone d'une récente réparation de la conduite d'eau, ce qui a permis aux éléments chauffants du ruban de produire un arc électrique, présentant une source d'inflammation aux matériaux à proximité.
  2. Le revêtement en poly(éthylène téréphtalate) (PET) des matelas d'isolation thermique et acoustique était contaminé. Le matériau contaminé présentait une source inflammable capable d'alimenter un incendie qui se propage de lui-même.
  3. Le plancher ouvert de la soute permettait aux contaminants et aux débris de s'accumuler dans la soute; les débris et les contaminants étaient du combustible capable d'alimenter un incendie.
  4. Les dispositifs de protection de circuit sont conçus pour protéger le câblage de l'aéronef et non les éléments de l'aéronef. Le manque de protection des rubans chauffants a permis au ruban chauffant défectueux de produire un amorçage d'arc.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Au contraire des soutes, beaucoup de zones dépendent exclusivement de l'intervention humaine pour la détection et l'extinction d'incendie; toutefois, aucune exigence ne stipule que la conception de l'aéronef doit assurer l'accès facile à ces zones. Le manque d'accès facile risque de retarder la détection d'un incendie et de gêner considérablement la lutte contre l'incendie.
  2. Les conséquences de la contamination d'un aéronef sur le maintien de sa navigabilité n'est pas bien comprise par l'industrie de l'aviation. Divers types de contamination peuvent endommager l'isolant des fils, modifier les propriétés d'inflammabilité des matériaux ou fournir un combustible qui permettra à un incendie de se propager. L'industrie de l'aviation n'a pas encore quantifié les conséquences de la contamination sur le maintien de la navigabilité des aéronefs et sur leur exploitation en toute sécurité.
  3. Il n'y a pas de normes industrielles visant la détection, la facilité d'accès ou le nettoyage de la contamination associée aux matériaux d'isolation thermique et acoustique.
  4. Les effets du vieillissement sur les matériaux d'isolation thermique et acoustique n'est pas bien comprise par l'industrie de l'aviation. Le vieillissement peut modifier les propriétés d'inflammabilité des matériaux, qui serviront alors de combustibles à un incendie. L'industrie de l'aviation n'a pas encore quantifié les effets du vieillissement sur les matériaux d'isolation thermique et acoustique et sur le maintien de la navigabilité des aéronefs et sur leur exploitation en toute sécurité.
  5. La réglementation n'exige pas que les aéronefs soient conçus pour permettre la mise hors tension immédiate de tous les systèmes électriques, sauf les systèmes essentiels, dans le cadre du processus d'isolement visant à éliminer les sources d'inflammation potentielles.
  6. Des dommages causés par la chaleur ont été découverts sur d'autres rubans chauffants en service. Bien qu'un incendie qui se propage de lui-même ne se soit pas déclaré dans ces cas, la conception de ces rubans chauffants et leur installation près de matériaux combustibles présentaient un risque d'incendie.
  7. Il n'y a aucun moyen de lutte contre l'incendie, au-delà de la soute, dans la zone de la paroi latérale de l'avion, et cette zone n'est pas accessible en vol; un incendie alimenté par du combustible dans cette zone pourrait se propager et devenir impossible à maîtriser, avec des conséquences catastrophiques.
  8. Les instructions d'installation du manuel de maintenance pour l'installation des rubans chauffants sont génériques et ambiguës. Du fait de cette ambiguïté, le ruban chauffant risque d'être mal installé et de connaître une défaillance.

3.3 Autres faits établis

  1. L'exploitant n'a pas notifié le BST dans les meilleurs délais; il n'a donc pas respecté les exigences du Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports.
  2. L'exploitant n'a pas pris les mesures nécessaires pour conserver toutes les données enregistrées par l'enregistreur de données de vol (FDR); il n'a donc pas respecté les exigences du Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports.
  3. L'enquête a révélé la présence de matelas d'isolation thermique et acoustique d'origine inconnue dans la soute avant de l'avion. Les caractéristiques d'inflammabilité de ces matelas étaient inconnues et pourraient constituer un risque d'incendie.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Air Canada

Air Canada a aussitôt pris des mesures visant à réduire les risques d'incendie liés aux rubans chauffants. Une inspection des zones spécifiées a été faite sur tous les avions Boeing 767 de la flotte d'Air Canada, et les rubans chauffants défectueux dans ces zones ont été enlevés ou désactivés. De plus, un nettoyage général des débris trouvés à ces endroits a été effectué. Cependant, les rubans chauffants des Boeing 767 n'ont pas tous été examinés.

Air Canada a modifié la vérification longue escale de ses Boeing 767 (intervalle maximal de 96 heures) de manière à y ajouter l'enlèvement obligatoire de tous les débris se trouvant sous le plancher des soutes avant et arrière. La compagnie a également amélioré son programme d'inspection visuelle générale par zone pour s'assurer qu'on examine les rubans chauffants au cours des vérifications « M » prévues aux 24 mois.

Air Canada a instauré une nouvelle procédure visant à assurer que les données requises des enregistreurs de bord sont fournies. Peu importe la situation, plusieurs personnes chez Air Canada peuvent demander qu'un enregistreur de données de vol (FDR) ou qu'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) soient mis en quarantaine, mais seul le directeur - Sécurité des vols, ou son délégué, ont le pouvoir de communiquer les données des enregistreurs de bord et ce, seulement au BST.

4.1.2 Boeing

à la suite de l'incendie survenu à bord du C-GHML, la société Boeing a publié le bulletin de service alerte 767-30A0037 en date du 28 mai 2002 dans le but de fournir les instructions et les mesures correctives visant à prévenir les incendies dans les soutes avant et arrière. Ce bulletin s'applique à tous les Boeing 767-200, 300 et 300F dont les soutes ne sont pas équipées d'un plancher fermé. Le bulletin demande aux exploitants de prendre les mesures suivantes pour les conduites d'alimentation en eau potable et de vidange accessibles visuellement se trouvant sous le plancher des soutes avant et arrière :

Dans une lettre datée du 31 octobre 2003, Boeing a fourni des renseignements supplémentaires relativement aux recommandations A02-04 et A02-05 du BST (voir la rubrique 4.1.3).

4.1.3 Bureau de la sécurité des transports

Le 14 novembre 2002, le BST a publié ce qui suit sur les incendies liés aux rubans chauffants des conduites d'eau :

L'usage fort répandu des rubans chauffants sur les aéronefs de la catégorie transport expose le public voyageur aux risques liés aux incendies provoqués par des rubans chauffants. Les mesures prises récemment pour réduire ces risques ne sont pas complètes et ne traitent pas des risques à long terme. Elles demeurent donc un moyen de protection insuffisant contre les dispositifs à rubans chauffants capables de déclencher un incendie. En conséquence, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports prenne des mesures pour réduire les risques d'incendie à court terme, et supprime les risques d'incendie à long terme, liés à des défaillances de dispositifs à rubans chauffants, et que le Ministère coordonne ses efforts avec les autorités réglementaires compétentes et les encourage à prendre des mesures semblables.
Recommandation A02-04 du BST

Le 14 novembre 2002, le Bureau de la sécurité des transports a publié la recommandation ci-après portant sur les matériaux d'isolation acoustique et thermique contaminés comme source de combustible :

La présence fort répandue de matériaux d'isolation acoustique et thermique contaminés et de débris à bord des aéronefs de la catégorie transport expose le public voyageur aux risques liés aux incendies qui s'auto-propagent. Les mesures prises récemment pour réduire ces risques ne sont pas complètes et ne traitent pas suffisamment des risques à long terme. Par conséquent, elles demeurent un moyen de protection insuffisant contre des matériaux isolants contaminés et des débris capables de propager un incendie. C'est pourquoi le Bureau recommande que :

le ministère des Transports prenne des mesures pour réduire les risques à court terme, et pour supprimer les risques à long terme, qu'un incendie se propage à cause de matériaux isolants contaminés ou de débris, et que le Ministère coordonne ses efforts avec les autorités réglementaires compétentes et les encourage à prendre des mesures semblables.
Recommandation A02-05 du BST

4.1.4 Federal Aviation Administration

Le 7 juin 2002, la FAA a publié la consigne de navigabilité 2002-11-11 qui reflétait le contenu du bulletin de service alerte 767-30A0037 de Boeing. La FAA indiquait que les mesures figurant dans la consigne de navigabilité étaient de nature provisoire en attendant l'identification de mesures finales, moment auquel la FAA pourrait juger à propos de prendre d'autres dispositions réglementaires.

Dans une lettre datée du 6 février 2003, le bureau de la certification des aéronefs de la FAA à Seattle a fait part de son accord partiel avec la recommandation A02-04 du BST.

4.1.5 Transports Canada

Transports Canada a pris les mesures suivantes à la suite de la recommandation A02-04 :

Mesures à court terme

Mesures à long terme

Transports Canada a pris les mesures suivantes à la suite de la recommandation A02-05 :

Mesures à court terme

Mesures à long terme

4.2 Préoccupations liées à la sécurité

Photo 6. Accumulation de poussière et de peluche sur les faisceaux de câbles derrière le panneau de paroi
Photo of Accumulation de poussière et de peluche sur les faisceaux de câbles derrière le panneau de paroi
Photo 7. Accumulation de poussière et de peluche sur l'isolant thermique et acoustique derrière le panneau de paroi
Photo of Accumulation de poussière et de peluche sur l'isolant thermique et acoustique derrière le panneau de paroi

Le Bureau s'inquiète du fait que les mesures de la FAA se limitent aux Boeing 747 et 767, parce que seuls ces appareils ont des soutes à plancher ouvert. La FAA estime qu'il n'est pas nécessaire d'enlever ou de remplacer les rubans chauffants se trouvant dans les zones fermées parce qu'il n'y a pas d'accumulation suffisante de débris et de contamination dans ces zones pour créer un risque d'incendie qui se propage de lui-même. Le Bureau n'est pas de cet avis. Le BST et le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis ont publié des documents de sécurité sur les risques d'incendie liés à l'accumulation de peluche, de poussière et de débris sur les câbles. De plus, Transports Canada et la FAA ont déjà publié des documents qui reconnaissent que la contamination, comme l'accumulation de peluche, de poussière et de graisse, peut modifier les propriétés d'inflammabilité de la plupart des matériaux et augmenter les risques qu'ils s'enflamment et facilitent la propagation des flammes. En dépit de toutes les mesures qui ont été prises à ce jour par les différents organismes concernés, le problème de contamination des zones fermées subsiste (Photos 6 et 7). Le présent rapport démontre que l'accumulation de poussière et de peluche sur les câbles est à l'origine d'incendies qui se sont propagés d'eux-mêmes dans des zones fermées et que le risque lié à ces incendies subsiste. En conséquence, l'absence de mesures de la part de la FAA concernant les zones fermées ne règle en rien les lacunes de sécurité qui existent à ce chapitre.

Les mesures prises par la FAA traitent probablement adéquatement le risque qu'un ruban chauffant cause un incendie dans une soute à plancher ouvert, mais ce n'est pas le cas pour les zones fermées. Il est vrai que le risque d'incendie dans les zones ouvertes est probablement plus grand en raison de la possibilité d'accumulation de débris et de contamination à ces endroits, mais il n'en reste pas moins que le risque d'incendie dans les zones fermées subsiste.

Même si Transports Canada a indiqué son intention de travailler avec la FAA et qu'il a fait des demandes à la FAA, le Bureau est inquiet car Transports Canada n'a pas confirmé son intention de prendre des mesures pour s'occuper directement des lacunes de sécurité, relevées par le Bureau, ailleurs que dans les zones faisant l'objet de mesures de la FAA.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Liste des rapports de laboratoire

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe B - Sigles et abréviations

BCEATST
Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports
BL
référence transversale
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CVR
enregistreur de la parole dans le poste de pilotage
EICAS
système d'affichage des paramètres réacteurs et d'alerte de l'équipage
EPDM
terpolymère d'éthylène-propylène-diène
EZAP
programme amélioré d'analyse de zones
FAA
Federal Aviation Administration
FAR
Federal Aviation Regulations
FDR
enregistreur de données de vol
FS
référence fuselage
FSAW
Flight Standards Information Bulletin for Airworthiness (Bulletin d'information des normes de vol portant sur la navigabilité aérienne)
Hz
hertz
LBL
référence transversale gauche
NTSB
National Transportation Safety Board
PET
poly(éthylène téréphtalate)
QRH
manuel de référence rapide
RBL
référence transversale de droite
°F
degrés Fahrenheit