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Rapport d'enquête aéronautique A02A0030

Perte de maîtrise en direction et collision
avec un banc de neige
Fairchild Metro SA227-AC C-FITW
exploité par Provincial Airlines Ltd.
Goose Bay (Terre-Neuve et Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'avion effectue un vol régulier de transport de messagerie entre St. John's (Terre-Neuve et Labrador) et Goose Bay (Terre-Neuve et Labrador). L'avion se pose à 4 h 56, heure normale de l'Atlantique. Pendant la course à l'atterrissage sur la piste couverte de neige, l'avion commence à bifurquer vers la droite. Le commandant de bord tente de reprendre la maîtrise en direction en mettant du pied à fond à gauche et en utilisant la poussée inverse, mais sans succès. L'avion continue sa course à droite de l'axe de la piste, sort de piste et percute un banc de neige compactée. Aucun des deux membres d'équipage n'est blessé. L'avion subit des dommages considérables.

Renseignements de base

L'avion, un Fairchild Metro SA227-AC, exploité sous le nom de SpeedAir 905, quitte l'aéroport de St. John's à 2 h 55, heure normale de l'AtlantiqueNote de bas de page 1, pour effectuer son premier vol de la journée, soit un vol régulier de transport de messagerie à destination de Goose Bay. À bord se trouvent deux membres d'équipage et 2 000 livres de fret. Le vol se déroule sans incident jusqu'à Goose Bay, d'où il est guidé pour une approche directe au système d'atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 08. Après avoir intercepté le radiophare d'alignement de piste neuf milles avant d'arriver à l'aéroport, l'équipage effectue les vérifications avant l'atterrissage et, à 4 h 52, communique avec la tour de Goose Bay pour obtenir l'autorisation d'atterrir. Le contrôleur de la tour signale que le rapport d'état de la surface (RSC) de la piste 08 fait état d'un axe de piste de 120 pieds de large dont 90 % est couvert d'un pouce de neige et 10 % est sec et dégagé. Le balisage lumineux de la piste est réglé au maximum (six) et, selon ce qui es rapporté, la portée visuelle de piste est de plus de 6 000 pieds à ce réglage.

Selon des observations effectuées juste avant l'atterrissage, les vents de surface soufflent du 340 degrés magnétiques à 10 noeuds. Les conditions météorologiques à Goose Bay sont les suivantes à ce moment : visibilité de ½ mille dans de la neige et de la poudrerie; visibilité verticale de 400 pieds; température de moins 13°C; point de rosée de moins 15°C; calage altimétrique de 29,30. L'autorisation d'atterrir est obtenue, et l'équipage effectue une approche de la piste 08 sans incident. À environ 200 pieds au-dessus de la hauteur de décision de l'approche, l'équipage est en mesure de voir la piste et termine l'approche en vue de l'atterrissage à 4 h 56 min 4 sec.

Les données radar indiquent que l'approche de l'avion a été stable et que le toucher des roues s'est effectué à une vitesse avoisinant la vitesse de référence prescrite qui était de 111 noeuds. Peu après le contact des roues avant avec le sol, l'avion commence à bifurquer vers la droite. Le commandant de bord, alors aux commandes, tente de corriger la situation en mettant du pied à gauche. Mais même s'il finit par appuyer à fond sur la pédale gauche du palonnier, n'empêche pas l'avion de continuer à se diriger vers la droite de la piste. Le commandant de bord commande alors la poussée inverse maximale. Cependant, comme l'avion vient de toucher le sol et que les voyants Beta ne sont pas encore allumés, la poussée inverse n'est pas disponible. L'avion quitte la surface de la piste à l'ouest de la voie de circulation Charlie, soit à environ 3 900 pieds du seuil de la piste. Le train principal droit se prend dans de la neige profonde, et l'avion vire rapidement vers la droite. Onze secondes après le toucher des roues, au moment où l'avion s'approchait d'un banc de neige, le copilote coupe l'alimentation en carburant des moteurs en tirant complètement sur la commande « stop and feather » (arrêt et mise en drapeau). L'avion percute alors un banc de neige compactée et il s'immobilise subitement. L'équipage coupe l'alimentation électrique et évacue l'appareil. Après l'évacuation, le copilote communique avec le répartiteur de la compagnie à l'aide de son téléphone cellulaire et demande qu'il informe la tour de Goose Bay de la situation.

La radiobalise de repérage d'urgence n'a été déclenchée ni par les forces d'impact ni par l'équipage. En raison de la mauvaise visibilité sur le terrain d'aviation, le contrôleur de la tour n'a pas été en mesure de localiser visuellement l'appareil. Il n'a pas entendu l'avion remettre les gaz, et il n'a plus de cible sur son écran radar. Il tente de communiquer avec l'appareil peu après l'accident, et puisqu'il n'y avait pas de réponse, les véhicules de déneigement qui travaillaient alors sur le terrain d'aviation ont été envoyés vers la piste afin de trouver l'appareil. L'appareil et l'équipage ont été localisés, et une intervention d'urgence a été lancée à 5 h. Le premier véhicule d'intervention d'urgence a été autorisé à pénétrer sur la piste à 5 h 5. L'intervention a été retardée de quatre minutes parce que l'équipage n'avait pas communiqué avec la tour avant d'évacuer. Même si ce délai n'a entraîné aucune conséquence grave, une intervention rapide est primordiale en situation d'urgence.

Il n'a pas été possible de déterminer avec précision l'endroit où les roues de l'avion avaient touché le sol. Selon le personnel du terrain d'aviation, les traces laissées dans la neige par l'avion commençaient sur l'axe de la piste à 1 800 pieds après le seuil de la piste 08. Trois ensembles de traces ont été laissés dans la neige par le train tricycle. Selon la description qui en a été faite, ces traces se prolongeaient à peu près en ligne droite sur une distance d'environ 2 000 pieds à partir de l'axe de la piste jusqu'au bord de la piste. On a remarqué que la trace du milieu, soit celle laissée par les roues avant, était aussi large que les traces laissées par les roues doubles du train principal, lesquelles sont plus larges. Il s'est écoulé environ 12 secondes entre le toucher des roues du train principal et l'impact avec le banc de neige.

Le pilote et le copilote possédaient les qualifications nécessaires au vol en vertu du Règlement de l'aviation canadien et du programme de formation de l'exploitant aérien. Les deux pilotes n'avaient pas été en service au cours des 52,5 heures ayant précédé le vol et ils étaient bien reposés.

Les dossiers indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'avion ne présentait aucune anomalie connue avant le vol, et il était exploité conformément à ses limites de masse et de centrage. D'après les marques d'impact trouvées sur la came de centrage des roues avant, ces dernières se trouvaient presque complètement braquées vers la droite lorsque le train avant a percuté le banc de neige. Les pneus étaient en bon état, et il n'y avait pas de dommages causés par un dérapage. L'enregistreur de conversations de poste de pilotage a été trouvé en bon état, et 30 minutes de données audio ont été récupérées. L'avion n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol, ce qui ne contrevenait pas à la réglementation.

L'avion est équipé d'un circuit d'orientation du train avant à assistance variable. Une servo-valve hydraulique commandée électriquement sert à orienter le train avant. Le circuit est armé et peut être utilisé pendant le décollage et l'atterrissage, mais il n'est normalement pas utilisé à des vitesses supérieures à 60 noeuds. Les roues avant peuvent pivoter librement à moins que l'équipage n'ait embrayé le circuit. Le dispositif de protection contre les anomalies désarme le circuit d'orientation des roues avant si un problème électrique survient afin de laisser les roues pivoter librement. Pendant les vérifications avant le décollage à St. John's, l'équipage a vérifié que le circuit d'orientation était en bon état de marche et qu'il fonctionnait normalement. De plus, dans le cadre des vérifications avant l'atterrissage, il a constaté le bon état du circuit d'orientation, et il a armé le circuit au cours de l'approche de Goose Bay. Après l'accident, le circuit d'orientation a fait l'objet d'essais fonctionnels conformément au manuel de maintenance de l'avion. Les systèmes ont été vérifiés, et le circuit d'orientation fonctionnait normalement. L'amplificateur d'orientation et le dispositif de protection contre les anomalies ont été déposés et ils ont fait l'objet d'essais au banc. Aucun problème qui aurait pu entraîner une défaillance du circuit d'orientation n'a été découvert. Rien n'indiquait que le circuit d'orientation de l'avion en question avait subi une défaillance récemment.

Puisque l'orientation directe des roues avant est trop sensible à vitesse élevée et que les forces aérodynamiques peuvent fournir une maîtrise en direction à ce régime, il est pratique courante de recourir à une conception permettant aux roues avant de pivoter librement pendant la partie de l'atterrissage qui se déroule à haute vitesse. Comme aucune défaillance du circuit d'orientation des roues avant n'a été découverte, celles-ci auraient dû être en mesure de pivoter immédiatement après l'atterrissage. Pendant le pivotement, les forces au sol font en sorte que les roues se mettent dans l'axe du train. Normalement, la géométrie est telle que lorsque les roues subissent une perturbation, les forces de pivot ont un effet stabilisant (positif) qui ramène les roues dans l'axe de déplacement. Cependant, dans certains cas, la géométrie du mécanisme de pivot peut permettre l'amplification des perturbations subies par les roues avant, et ces dernières peuvent être projetées avec force d'un côté ou de l'autre contre la butée d'arrêt (pivot négatif). Une accumulation de neige devant les roues pendant le déplacement sur une surface couverte de neige peut contribuer au pivot négatif. L'avion Merlin II est sujet au pivot négatif. Cependant, les appareils Merlin III et les modèles Metro possèdent une géométrie améliorée qui est plus stable. Une analyse de la géométrie des roues avant du Merlin III et du Metro effectuée par le Laboratoire technique du BST a permis de révéler que le pivot négatif pouvait toujours se produire, mais dans des conditions beaucoup plus défavorables. L'équipage en question n'était pas au courant de l'existence du pivot négatif. Le BST ne connaît qu'un seul cas de pivot négatif sur un appareil Merlin III.

Aucune des publications relatives à l'avion ni aucun des documents de formation de l'exploitant ne fait mention du pivot négatif. Les seules procédures d'urgence concernant la perte de maîtrise en direction se trouvent dans la liste de vérifications à bord sous « Nosewheel steering fail » (Défaillance du circuit d'orientation du train avant). La section D, intitulée « In flight gear down landing » (Atterrissage train sorti avec contact retardé avec le sol) stipule que dans le cas d'une défaillance, le circuit d'orientation du train avant doit être désarmé avant l'atterrissage et la maîtrise en direction de l'appareil doit être assurée, pendant l'atterrissage, à l'aide de la gouverne de direction, de la puissance différentielle et des freins. L'équipage n'a eu aucune indication relative à une défaillance du circuit d'orientation des roues avant l'atterrissage et il ne lui a jamais semblé que le voyant de défaillance de ce même circuit s'était allumé pendant l'approche et l'atterrissage.

Analyse

Les données radar indiquent que l'approche en vue de l'atterrissage était stable et que, comme le prouvent les traces laissées par les roues, le toucher des roues s'est effectué sur l'axe de la piste. L'équipage a établi le contact visuel avec la piste à 200 pieds au-dessus de la hauteur de décision. Il est peu probable que l'avion ait été mal aligné ou que la technique utilisée par le pilote durant l'approche ou avant le toucher des roues ait contribué à l'accident. Même si les vents soufflaient de gauche à droite à 10 noeuds en travers de la piste, la situation ne dépassait pas les paramètres d'atterrissage prescrits et elle n'aurait pas pu, en soi, entraîner l'avion à bifurquer soudainement vers la droite de manière intempestive.

Le circuit d'orientation était armé mais pas embrayé, et les roues avant pivotaient librement. Le circuit d'orientation a fait l'objet d'essais fonctionnels après l'accident, et aucune défaillance n'a été découverte. Rien n'a laissé croire à une défaillance antérieure récente du circuit d'orientation de l'avion en question, et il est peu probable qu'une défaillance du circuit d'orientation ait contribué au fait que les roues se soient trouvées complètement braquées. Si le circuit d'orientation des roues avant avait été embrayé par inadvertance durant l'atterrissage, il aurait dû corriger la trajectoire lorsque le commandant de bord a mis progressivement du pied à gauche.

Il est probable que la neige qui se trouvait sur la piste s'est accumulée devant les roues du train avant, ce qui a contribué à obtenir les conditions nécessaires à un pivot négatif. Puis, le vent de travers combiné au contaminant sur la piste a contribué à perturber les roues avant et à déclencher le pivot négatif. Une fois les roues avant perturbées, celles-ci se seraient complètement braquées vers la droite. Le commandant de bord a tenté de corriger la situation en sollicitant la gouverne de direction et a essayé de ralentir l'appareil avec la poussée inverse. La gouverne de direction peut avoir permis de réduire l'ampleur du déport, mais la maîtrise n'était pas suffisante pour garder l'appareil sur la piste. Le fait de commander la poussée inverse n'a eu aucun effet sur la trajectoire et la vitesse de l'avion puisque celle-ci n'était pas encore disponible à ce moment. L'équipage a eu peu de temps pour étudier ou tenter d'autres mesures correctives. Si les roues avant pivotaient, le fait de mettre hors circuit l'orientation des roues avant n'aurait eu aucun effet une fois les roues braquées de façon intempestive.

La section sur les procédures anormales ne fait pas mention du pivot négatif, et le phénomène n'est pas bien connu au sein de la communauté aéronautique. Aucune autre mesure corrective n'a été tentée puisque l'équipage n'était pas en mesure d'identifier ce qui causait le déport et qu'il avait peu de temps à consacrer à la recherche de pannes.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Il ya eu perte de maîtrise en direction probablement en raison du pivot négatif des roues avant qui s'est produit lorsque de la neige s'est accumulée devant le train avant.

Faits établis quant aux risques

  1. L'équipage ne connaissait pas le pivot négatif. Le manuel de vol de l'avion et les listes de vérifications d'urgence n'en font pas mention.
  2. L'intervention d'urgence a été retardée de quatre minutes parce que la tour n'avait reçu aucun message de l'avion.

Mesures de sécurité

En mars 1990, le BST a envoyé un avis de sécurité aérienne à Transports Canada (TC) concernant la perte de maîtrise en direction des avions Swearingen Merlin IIA et IIB en raison du pivot négatif des roues avant à l'atterrissage. L'avis suggérait que les exploitants soient informés de l'existence du pivot négatif et que des modifications soient apportées aux manuels de vol et de maintenance afin de s'assurer que la notion ne s'oublie pas avec le temps. En mars 1994, le BST a envoyé un avis supplémentaire consécutif au premier avis après que l'équipage d'un Merlin III eut perdu la maîtrise en direction à l'atterrissage sur une piste en gravier couverte de neige (A93C0187). En réponse aux avis, TC a publié un article dans la publication Sécurité aérienne - Nouvelles, numéro 4/94. L'article faisait état du pivot négatif, mais l'article portait principalement sur les mauvaises conditions de piste. L'article peut avoir temporairement fait connaître davantage le pivot négatif, mais a peu contribué à réduire les risques associés à ce genre de situation.

À ce jour, le BST n'est au courant d'aucune modification majeure apportée aux documents de formation, aux manuels de vol ou aux procédures d'urgence qui pourrait servir à améliorer le niveau de connaissances que les équipages ont du pivot négatif pas plus que leur capacité à reconnaître à une situation de pivot négatif et d'y faire face. Par conséquent, le 4 avril 2003, le BST a envoyé un troisième avis de sécurité aérienne à Transports Canada pour lui suggérer d'envisager de prendre des mesures plus permanentes et systématiques afin de réduire les risques associés au pivot négatif.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .