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Rapport d'enquête aéronautique A03P0054

Panne moteur en vol
du Boeing 737-200 C-FTWJ
exploité par WestJet Airlines
à l'aéroport de Kelowna (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 8 h 40, heure normale du Pacifique, le Boeing 737-200 de WestJet Airlines (portant l'immatriculation C-FTWJ et le numéro de série 21767) quitte l'aéroport de Kelowna (Colombie-Britannique) à destination de l'aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique); à bord se trouvent 6 membres d'équipage et 50 passagers. Peu après le passage de l'avion à 3300 pieds au-dessus du niveau de la mer, les pilotes entendent une violente détonation semblable à celle causée par le décrochage du compresseur d'un moteur. Le régime des rotors du moteur numéro 1 diminue rapidement, tandis que la lecture de la température des gaz d'échappement de ce même moteur dépasse la valeur la plus élevée indiquée sur l'instrument. Les pilotes coupent le moteur numéro 1 (le Pratt & Whitney JT8D-17A portant le numéro de série 688489) et se mettent en palier à quelque 6000 pieds. Ils déclarent une situation d'urgence et font connaître à la tour de Kelowna leur intention de revenir à l'aéroport. L'avion, qui vole sur un seul moteur, se pose sur la piste 15 à 9 h 12 et regagne l'aérogare sans autre incident. Les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs de l'aéroport sont appelés mais n'ont pas à intervenir. Il n'y a ni blessé ni incendie.

Renseignements de base

Généralités

Les indications fournies dans le poste de pilotage ont été constamment normales entre le moment de la mise en route et le moment où la violente détonation a retenti. Une fois l'avion de retour à Kelowna, un examen visuel du moteur numéro 1 a révélé la présence de pièces de fixation fondues dans la section turbine. Un examen visuel de l'aubage directeur de la soufflante ainsi que des 1er et 2e étages du compresseur n'a révélé que des dommages anodins, mais le 3e étage du compresseur était quant à lui lourdement endommagé. Rien n'indiquait une ingestion récente d'oiseaux ou d'autres corps étrangers.

Les dossiers de maintenance indiquaient que, la veille, le moteur numéro 1 avait été aux prises avec un phénomène de pompageNote de bas de page 1 au moment du démarrage et de l'accélération à partir du régime de ralenti. Il y avait eu pompage à au moins trois reprises pendant que l'avion roulait vers la piste, et encore à deux autres reprises alors que l'avion revenait à la porte d'embarquement à des fins d'examen de maintenance et de correction du problème. Les pilotes ont qualifié le pompage de faible à modéré. L'avion a été retiré du service. Le personnel de maintenance a suivi le manuel de maintenance du JT8D-17 de Pratt & Whitney (référence 481671) et a remplacé une vanne de commande de décharge. Il n'a pas effectué d'inspection endoscopique pour s'assurer que le compresseur n'était pas endommagé, ce qui ne contrevenait pas aux instructions de dépannage de Pratt & Whitney figurant dans le manuel de maintenance. Par la suite, un point fixe moteur au régime de ralenti a indiqué que le problème de pompage avait été réglé, et l'avion a été remis en service. Le moteur a alors fonctionné normalement pendant environ 3,5 heures avant que l'incident ne se produise.

WestJet avait acheté ce moteur à All Nippon Airways le 2 août 2001. Le moteur avait été posé sur le C-FTWJ et entretenu conformément à la réglementation et aux directives en vigueur de Transports Canada. Le rendement du moteur a été tout à fait normal jusqu'aux rapports de pompage ayant précédé la panne du moteur.

Contrôle de l'état des moteurs

Pratt & Whitney a élaboré un programme de contrôle de l'état des moteurs (ECM) afin de surveiller le comportement des moteurs, le but étant de déceler les anomalies le plus tôt possible. Le respect des lignes directrices du programme ECM n'est pas obligatoire, mais Pratt & Whitney conseille à chaque exploitant d'établir ses propres procédures de compte rendu et d'analyse ainsi que ses propres niveaux d'alerte en cas de variations dans les paramètres. Pratt & Whitney ne parle pas du degré d'urgence ni du temps qu'il faut consacrer à l'analyse des données ECM.

WestJet a adopté le programme ECM de Pratt & Whitney et l'a intégré à l'exploitation de sa flotte de 737-200 en consignant des paramètres moteur pendant la partie croisière des vols. En général, les équipages de conduite font des lectures et en transcrivent les résultats sur un formulaire au moins une fois par jour. À la fin de la journée, les formulaires ainsi remplis sont télécopiés au siège social de l'exploitant, où la saisie informatique est faite à la main. Par la suite, le groupe chargé de la maintenance des installations motrices examine les données ECM de tous les moteurs JT8D de WestJet afin d'y rechercher d'éventuelles modifications à long terme des caractéristiques de fonctionnement. En cas de nécessité, les mesures de maintenance appropriées peuvent être mises en oeuvre. De plus, WestJet envoie un double des données de chaque vol à Aerothrust Corporation, une entreprise basée à Miami (Floride), laquelle effectue une surveillance et une analyse redondantes du rendement des moteurs. Les données ECM de l'avion en cause avaient été consignées par l'équipage de conduite environ trois heures avant la panne du moteur, mais les renseignements n'avaient pas encore été transmis au groupe chargé de la maintenance des installations motrices de WestJet à des fins d'entrée des données.

Les dossiers ECM du moteur numéro 1 en date du 11 mars 2003, jour de l'incident, ont été analysés après les faits. Ces dossiers montraient que la température des gaz d'échappement du moteur avait connu une hausse de 20 °C accompagnée d'une augmentation du régime du noyau central (N2) de quelque 2,5 pour cent. Même si elles se situaient dans la plage prévue, ces variations à la hausse étaient suffisamment importantes pour être qualifiées d'aberrantesNote de bas de page 2. Pour qu'elles puissent être jugées significatives d'un point de vue statistique, il aurait fallu disposer d'autres points de données. Les données enregistrées au cours des 30 jours précédents étaient typiques de la plupart des rapports de tendance des moteurs JT8D. Aucune tendance indésirable n'avait été identifiée.

Le moteur numéro 1 a été déposé de l'avion et expédié chez Aerothrust Corporation, une entreprise de révision située à Miami (Floride), pour y être examiné plus en détail. Au moment de la panne, le moteur totalisait 34 014 heures/40 551 cycles depuis sa mise en service initiale, et 4371 heures/3916 cycles depuis sa dernière visite en atelier. Des représentants du BST, de Transports Canada, de WestJet, de Pratt & Whitney et du National Transportation Safety Board ont assisté au démontage du moteur à Miami. Tous les étages du compresseur basse pression et du compresseur haute pression, ainsi qu'une boîte contenant des aubes mobiles de compresseur qui s'étaient détachées, ont été expédiés au Laboratoire technique du BST à Ottawa, au Canada, pour y faire l'objet d'analyses métallurgiques plus poussées.

Examen du moteur

Le moteur JT8D-17A comporte six sections principales, à savoir : le compresseur avant (étages 1 à 6), aussi appelé compresseur basse pression; le compresseur arrière (étages 7 à 13), aussi appelé compresseur haute pression; la chambre de combustion; la turbine haute pression; la turbine basse pression; et l'échappement.

Tous les étages des compresseurs basse pression et haute pression, à l'exception des 1er et 2e étages, présentaient une certaine forme de dommages mécaniques importants ou de défaillance. Le Laboratoire technique du BST a examiné l'ensemble des aubes du rotor du 3e étage à l'aide d'un microscope stéréo à pouvoir grossissant allant de faible à moyen. Les résultats de cet examen ont montré que 13 aubes s'étaient rompues en fatigue; la topographie de la fracture due à la fatigue variait pour couvrir entre 40 et 85 pour cent de la section transversale totale. De plus, 14 autres aubes présentaient des criques de fatigue avancées. Ces criques de fatigue se sont propagées à partir d'origines multiples situées tant sur la surface convexe que la surface concave des aubes, ce qui est le signe de charges cycliques en flexion inversée.

Le stator situé en avant du rotor du 3e étage a été inspecté afin d'y déceler d'éventuelles indications de dommages en fatigue. Toutes les aubes fixes avaient subi d'importants dommages dans le tiers extérieur de leur bord de fuite. Les dommages se présentaient généralement sous la forme de déchirures, de fentes, d'entailles et d'écaillage. Aucune indication quant à la présence d'un mécanisme de défaillance en fatigue n'a été découvert dans l'un ou l'autre des stators des divers étages du compresseur basse pression. Il se pourrait toutefois que les importants dommages mécaniques aient altéré les preuves physiques et masqué les éléments caractéristiques de la fatigue.

Les rotors des étages 7 à 13 (ceux du compresseur haute pression) ont été examinés visuellement à l'aide du microscope optique mobile à pouvoir grossissant allant de faible à moyen. Une aube du rotor du 7e étage s'était détachée près de la plate-forme. La fracture montrait de petites criques de fatigue ayant pris naissance à différents endroits sur le côté concave de l'aube fixe. Sur le rotor du 8e étage, deux aubes étaient absentes et 18 autres étaient cassées près de la plate-forme. Les 18 aubes cassées présentaient toutes des criques de fatigue ayant progressé sous l'effet d'une flexion inversée, de nature similaire à celles retrouvées sur le rotor du 3e étage.

Les deux aubes mobiles du 8e étage qui manquaient ont été retrouvées dans la boîte renfermant diverses aubes mobiles du compresseur. L'une de ces aubes était décolorée, présentait une surface rugueuse compatible avec un certain culbutage, et sa surface était maculées de particules. Une analyse aux rayons X à dispersion d'énergie des particules qui adhéraient à la surface a montré que celles-ci étaient essentiellement composées d'aluminium. À titre de comparaison, l'autre aube mobile du 8e étage qui s'était détachée présentait une surface beaucoup plus lisse d'une couleur uniforme. Le rapport LP 114/04 du Laboratoire technique du BST en est arrivé à la conclusion que l'aube mobile décolorée s'était détachée du disque et était restée coincée quelque part en aval dans les étages du compresseur haute pression. Un examen attentif des fentes du disque du 8e étage a permis d'identifier un emplacement présentant de très légères marques témoins provenant des pattes de l'aube mobile ainsi que de sa fixation; cet emplacement était probablement occupé par l'aube mobile décolorée.

L'une des conclusions du rapport LP 114/04 du Laboratoire technique du BST se lisait comme suit : [Traduction] « Il est probable que la défaillance du compresseur basse pression a été précédée de la défaillance du compresseur haute pression. Les données historiques du motoriste semblent le suggérer. »

Pratt & Whitney, le motoriste, ainsi que Boeing ont effectué leur propre analyse des éléments de preuve et ont présenté un rapport le 18 février 2005. Ce rapport concluait ceci : [Traduction] « Un morceau d'une fixation brisée provenant du stator de l'étage immédiatement en amont ou en aval du rotor du 3e étage a produit une source d'excitation qui s'est traduite par la libération d'aubes du rotor du 3e étage et, en fin de compte, par la panne du moteur. Ce scénario permet d'expliquer les autres dommages importants retrouvés dans le compresseur, notamment sur les aubes rotor des 7e, 8e, et 9e étages. »

Dépannage après pompage du compresseur

Figure 1. Profil de la surface de fracture
Figure of Profil de la surface de fracture
Photo 1. Aube mobile fracturée provenant du 3e étage du compresseur
Photo of Aube mobile fracturée provenant du 3<sup>e</sup> étage du compresseur

Le diagramme de dépannage en cas de pompage en sortie du régime de ralenti figurant dans le manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney (référence 481671) à la tâche 72-00-00-810-006, indique qu'une inspection endoscopique n'est nécessaire que si des dommages sont visibles au niveau du premier étage du compresseur ou à l'étage arrière de la turbine. De plus, le manuel ne signale pas que d'éventuelles criques de fatigue risquent d'apparaître sur les aubes mobiles du compresseur à la suite d'un décrochage ou d'un pompage du compresseur. Par conséquent, il y a tout lieu de croire que le personnel de maintenance n'a pas conscience de l'éventuelle apparition de criques de fatigue. Un autre manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney (référence 481672) renferme des reproductions (présentées à la figure 1) de profils de surface de fracture d'aubes mobiles du 8e étage du compresseur haute pression qui ressemblent à la surface de fracture provenant de l'analyse du Laboratoire technique du BST (photo 1). Ce manuel est censé servir à identifier ces surfaces de fracture seulement quand le moteur a été déposé de l'avion et démonté. Le manuel de Pratt & Whitney indique que de telles surfaces de fracture sont le signe que les aubes mobiles ont subi des contraintes excessives et que cela s'applique spécifiquement aux moteurs qui ont été déposés à la suite d'un problème de décrochage du compresseur. Si le moteur n'est pas déposé, il est probable qu'une inspection endoscopique va révéler les aubes mobiles cassées, mais les criques n'ayant pas entraîné une rupture d'aube risquent d'être difficiles à déceler. De plus, tous les étages du compresseur ne sont pas accessibles. Toutefois, une inspection des 3e et 8e étages du compresseur est possible.

La vanne de commande de décharge (portant la référence 658385 et le numéro de série 6154807), totalisait 4368 heures depuis son installation. Avant la panne moteur, la vanne en question avait été déposée du moteur au cours du dépannage d'un problème de pompage, puis elle avait été démontée et réparée. Pendant la réparation, des dommages avaient été découverts sur un bouchon-raccord ainsi que sur la membrane et le ressort. L'écran protecteur situé sur le logement était déformé. Les dommages présents sur la vanne de commande de décharge étaient typiques de ceux que l'on peut s'attendre à trouver sur une vanne qui totalise plus de 4000 heures et qui a été exposée à un changement de pression rapide et inhabituel, comme cela se produit au cours d'un pompage ou d'un décrochage du compresseur. Les vannes de commande de décharge qui sont âgées, et notamment leur membrane, ne sont pas plus aussi réactives aux changements rapides de pression d'air. Une fois que la vanne de commande de décharge endommagée a été remplacée, les points fixes moteur ont convaincu le personnel de maintenance que le problème de pompage du compresseur avait été réglé. Toutefois, les vannes de commande de décharge, notamment celles qui sont neuves ou révisées, ont des caractéristiques de fonctionnement légèrement différentes qui peuvent masquer des problèmes de compresseur sous-jacents. Le manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney renferme un diagramme pour aider au dépannage consécutif à des décrochages ou des pompages de compresseur. Ce diagramme indique que, après le remplacement de la van ne de commande de décharge, un essai de pompage du compresseur doit être effectué. Cependant, cet essai précis n'est pas mentionné dans le manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney. Dans le diagramme, ne figure pas l'instruction enjoignant de procéder à l'essai E applicable aux moteurs réparés. Cet essai E devrait être effectué après le remplacement de la vanne de commande de décharge afin de déterminer les points d'ouverture de cette vanne et, par conséquent, de s'assurer de son bon fonctionnementNote de bas de page 3.

Analyse

Les dommages constatés dans la section turbine étaient compatibles avec une perturbation de l'écoulement de l'air arrivant du compresseur qui a provoqué une augmentation de la température des gaz d'échappement au-delà des limites des composants de la turbine. Compte tenu des importants dommages mécaniques subis par le moteur et les compresseurs, il n'a pas été possible d'établir avec certitude l'origine de la panne du moteur et de faire une évaluation précise de son état avant les faits. Les conclusions d'analyses indépendantes (effectuées par Pratt & Whitney et par le Laboratoire technique du BST) diffèrent quant à l'origine des dommages, d'où l'existence de deux scénarios pouvant expliquer les anomalies du moteur et la panne qui a suivi.

Premier scénario

Dans le premier scénario, qui figure dans le rapport LP 114/04 du Laboratoire technique du BST, il est probable que la panne du moteur a débuté lorsqu'une aube du rotor du 8e étage est sortie de sa fente de retenue sur le disque et est entrée en contact avec un stator adjacent. Viennent étayer ce scénario les preuves physiques suggérant que l'aube décolorée s'est détachée du rotor du 8e étage avant la panne du moteur. Comme il n'a pas été possible de déterminer le laps de temps précis qui s'est écoulé entre le moment où l'aube s'est détachée et celui où le moteur est tombé en panne, aucune conclusion catégorique n'a pu être tirée. Toutefois, il est peu probable que l'aube mobile soit restée détachée pendant la totalité des 3,5 heures de fonctionnement du moteur ayant suivi le pompage initial du compresseur.

De plus, il n'a pas été possible de savoir pourquoi l'aube mobile s'était détachée du disque. Dans ce scénario, la raison la plus probable réside dans le bris de la goupille de retenue de l'aube en question. Une recherche dans les débris divers envoyés avec le compresseur haute pression n'a permis de retrouver aucune pièce de fixation. Cette pièce, compte tenu de sa petite taille, aurait pu suivre l'écoulement des gaz et sortir du moteur. Un élément de la taille de cette pièce de fixation aurait pu endommager les aubes mobiles situées en aval et provoquer un pompage du compresseur. Et le pompage aurait pu entraîner des charges cycliques sur les aubes des rotors des 8e et 9e étages ainsi qu'une défaillance de la vanne de commande de décharge déjà âgée. L'allure générale des dommages retrouvés aux différents étages du compresseur basse pression, y compris au 3e étage, indique que certains des étages de ce compresseur ont eux aussi été exposés à des conditions qui ont mené à l'apparition généralisée des criques de fatigue sur les aubes mobiles. Dans ce scénario, les criques de fatigue seraient secondaires et consécutives à la défaillance du rotor du 8e étage.

Deuxième scénario

Le second scénario se concentre sur le rotor du 3e étage. Le nombre des aubes du rotor du 3e étage qui présentaient des signes de fatigue est compatible avec les fortes vibrations de cet étage. Avant la panne de moteur, un morceau de matériau qui s'était détaché, soit juste en amont soit juste en aval du 3e étage, aurait pu se déplacer vers l'arrière, provoquant des dommages aux étages subséquents du compresseur et se traduisant par une stabilité réduite du compresseur. Les vibrations causées par le déplacement du morceau de matériau dans les diverses sections du compresseur auraient pu entraîner une rupture d'aube du rotor du 3e étage et, en fin de compte, la panne du moteur.

Sommaire

Les données ECM consignées le jour des faits montraient un problème d'efficacité du compresseur. Toutefois, il est peu probable que la panne imminente aurait pu être prévue, compte tenu du véritable but du programme ECM. Qui plus est, aucun changement visible dans les niveaux antérieurs des paramètres servant à établir les tendances ne laissait entrevoir un problème en cours de préparation. Il aurait fallu entrer un ou deux jours de plus de données ECM avant qu'il soit possible de savoir si les valeurs aberrantes étaient l'amorce d'une variation de certains paramètres ou simplement des écarts normaux dans les données.

Dans l'un ou l'autre des scénarios, à la suite des dommages causés par des pièces de fixation qui se seraient détachées, le fonctionnement du compresseur s'est retrouvé compromis de façon limite. Les preuves physiques dans les rotors des 3e et 8e étages indiquent que le pompage du compresseur ainsi que les vibrations ont peut-être contribué à la panne moteur qui a fini par se produire. Les décrochages du compresseur étaient, à tout le moins, les symptômes d'un problème d'efficacité existant dans la veine gazeuse. Le remplacement de la vanne de commande de décharge, laquelle avait des caractéristiques de fonctionnement légèrement différentes, ainsi que les imprécisions du diagramme de dépannage du JT8D, ont masqué le problème de fonctionnement du compresseur. Pendant le dépannage visant à déterminer la cause des pompages du compresseur, aucune inspection endoscopique n'a été effectuée, aucune n'étant par ailleurs exigée. Si une telle inspection avait eu lieu, il est possible que l'absence ou l'endommagement de pièces de fixation du compresseur aurait pu être décelé.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'écoulement dans la veine gazeuse du compresseur a été compromis, soit par le bris d'une goupille de retenue d'une aube mobile du 8e étage, soit par un stator qui se serait détaché à proximité immédiate du rotor du 3e étage.
  2. L'instabilité de l'écoulement aérodynamique s'est traduite par des vibrations dans les rotors des 3e et 8e étages, ce qui a mené à l'apparition généralisée de criques de fatigue dans les aubes de rotor.
  3. À la suite de l'apparition des criques de fatigue dans les aubes mobiles du compresseur, une aube provenant soit du 3e, soit du 8e étage, s'est détachée pendant la montée initiale, ce qui a provoqué d'importants dommages au moteur et une perte de puissance de ce dernier.

Faits établis quant aux risques

  1. Le manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney ne comporte aucun avertissement quant à l'apparition éventuelle de criques de fatigue sur les aubes mobiles du compresseur qui pourrait faire suite à un décrochage ou à un pompage de ce dernier. Par conséquent, il se pourrait que le personnel de maintenance ne sache pas que des criques de fatigue peuvent apparaître sur les aubes mobiles du compresseur à la suite d'un pompage de ce dernier.
  2. Le diagramme de dépannage du manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney ne fait aucune référence à la procédure d'essai qui devrait être suivie après le remplacement de la vanne de commande de décharge. Cette omission, combinée à la présence d'une vanne ayant des caractéristiques de fonctionnement légèrement différentes, risque de faire croire à tort à un fonctionnement stable du compresseur.
  3. Le personnel de maintenance de WestJet avait remplacé la vanne de commande de décharge ainsi que la vanne de commande de décharge au démarrage conformément au manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney. Aucune inspection endoscopique n'a été effectuée, ce qui ne contrevenait ni à la réglementation ni à la procédure et, ainsi, des anomalies dans la veine gazeuse du compresseur qui auraient pu être décelées ne l'ont pas été.

Autre fait établi

  1. Les dommages constatées dans les composants de la vanne de commande de décharge sont typiques de ceux que l'on peut s'attendre à trouver sur une vanne qui est en service depuis quelque temps déjà et qui a été exposée à un changement rapide et inhabituel de pression d'air, comme cela se produit au cours d'un pompage ou d'un décrochage de compresseur.

Mesures de sécurité

À la suite de cet incident, et plus précisément le 2 décembre 2003, le BST a envoyé l'avis de sécurité aérienne A030023-1 à Transports Canada, avec copie à Pratt & Whitney USA, Boeing Commercial Aircraft et WestJet Airlines. La lettre suggérait de revoir les pratiques et les procédures actuelles de maintenance aéronautique, et plus précisément celles portant sur le dépannage d'ennuis de moteur et sur les incidents de décrochage de compresseur, le but étant de s'assurer de ne pas faire abstraction ni de ne pas se désintéresser de tout renseignement indiquant d'éventuels dommages en fatigue des aubes mobiles du compresseur.

Transports Canada a réagi en publiant l'Avis de difficultés en service 2004-05. Cet avis tient à bien faire savoir aux personnes chargées de la maintenance ou de l'exploitation, ou encore à celles qui ont des responsabilités en la matière, que le pompage d'un compresseur devrait être traité de la même façon qu'un décrochage de compresseur. Les pompages devraient être considérés comme de petits décrochages et ne devraient pas être sous-estimés quant aux dommages qui pourraient en résulter. Cet avis indique également que les pompages et les décrochages de compresseur peuvent être à l'origine de fractures en fatigue latentes qui vont finir par provoquer une défaillance du moteur.

À la suite de cette enquête, le libellé du manuel de maintenance du JT8D de Pratt & Whitney (référence 481671), et plus précisément les généralités sur le dépannage du moteur, à la section 04, tâche 72-00-00-810-06, figure 102, feuillet 2, case 9 du diagramme, a été remanié et clarifié afin de mentionner la tenue de l'essai E dans les généralités sur le dépannage du moteur, à la partie consacrée aux réglages et aux essais, section 01, tâche 72-00-00-760-006, à la rubrique portant sur les essais des moteurs sortant de réparation. Cet essai exige de déterminer les points d'ouverture et de fermeture de la vanne de commande de décharge et va donc au-delà de la « vérification d'absence de pompage au ralenti » effectuée par WestJet après avoir remplacé la vanne de commande de décharge.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .