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Rapport d'enquête aéronautique A04A0050

Emballement du rotor principal et maîtrise difficile
de l'Eurocopter AS350-B3 C-FMPH
exploité par la Gendarmerie royale du Canada
à 2 nm à l'est de Tabusintac (Nouveau-Brunswick)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère AS350-B3 (Astar) portant l'immatriculation C-FMPH et le numéro de série 3683 effectue la surveillance aérienne d'un conflit de pêche au homard, au large de la côte de Tabusintac (Nouveau-Brunswick), à 700 pieds au-dessus du niveau de la mer. Vers 16 h, heure avancée de l'Atlantique, l'alarme du poste de pilotage se fait entendre au cours d'un virage à droite, et le voyant d'alarme rouge GOV (régulateur) s'allume. Le pilote poursuit son virage à droite et il se dirige vers la côte en vue d'un atterrissage de précaution. Quelques secondes plus tard, le régime rotor dépasse sa limite maximale et de fortes vibrations du rotor se manifestent. Le pilote abaisse le collectif et réduit la puissance à l'aide de la poignée tournante de la manette des gaz, mais le régime rotor ne semble pas diminuer. Croyant qu'il est devenu impossible de contrôler manuellement la manette des gaz, il remet la manette sur le cran « FLIGHT », puis il tente d'atteindre le sélecteur de mode carburant supérieur pour le mettre à la position manuelle. À cause des fortes vibrations, il a cependant de la difficulté à régler le commutateur qui se trouve en position bloquée. Le pilote relève donc le collectif pour faire chuter le régime rotor, mais sans effet apparent. Puisque l'hélicoptère descend rapidement et s'approche du sol, le pilote se concentre sur l'atterrissage. Après ce dernier, une puissante résonance au sol se produit, et le pilote redécolle pour se mettre en vol stationnaire afin de la faire cesser. Puisque les vibrations persistent, le pilote atterrit une seconde fois, puis il tire sur la manette coupe-feu au plafond pour arrêter le moteur. Une fois le rotor principal immobilisé, le pilote et les deux passagers débarquent, indemnes.

Renseignements de base

Mis à part la déformation du tube de patin droit, la structure de l'hélicoptère n'a pas été endommagée. Le système de surveillance des paramètres moteur (VEMD) de l'hélicoptère a enregistré une forte survitesse des composants dynamiques d'au moins 510 tours/minute, la valeur maximale que le VEMD peut capter. À cause de cette survitesse, certains composants de la chaîne dynamique ont dû être retirés du service.

L'alimentation en carburant du moteur Turbomeca Arriel 2B est commandée automatiquement par un dispositif de régulation numérique du moteur (DECU), également appelé « régulateur automatique à pleine autorité redondante (FADEC) ». Le DECU surveille les paramètres du moteur et des commandes de vol, puis il achemine un signal au moteur pas-à-pas du régulateur hydromécanique (HMU). Le moteur pas-à-pas positionne ensuite convenablement le doseur de carburant. Si le DECU décèle la moindre anomalie dans les paramètres surveillés, il allume le voyant d'alarme rouge GOV et déclenche une alarme sonore pour annoncer que l'ensemble de dosage carburant est en panne. Ce voyant s'allume également lorsque le sélecteur de mode passe de la position automatique à la position manuelle. Dans ces deux cas, le moteur pas-à-pas bloque le débit carburant au niveau du réglage qui existait juste avant que le voyant GOV ne s'allume. Le sélecteur de mode à deux positions (automatique et manuelle) a pour seule utilité de simuler la panne de l'ensemble de dosage carburant automatique pendant la formation. Si cet ensemble tombe réellement en panne, il est inutile de mettre le sélecteur à la position manuelle pour commander manuellement la poignée tournante de la manette des gaz.

En cas d'apparition du voyant rouge GOV, la section sur les urgences du manuel de vol énonce les mesures suivantes que le pilote doit prendre :

Le HMU (numéro de série 970B) et le DECU (numéro de série 857) ont été retirés de l'aéronef et ont été envoyés chez Turbomeca-USA à Grand Prairie (Texas) où ils ont été examinés sous la surveillance d'un enquêteur du BST. Le HMU a été placé sur un banc d'essai où il a subi un essai de fonctionnement complet. Il a satisfait à tous les critères d'essai, sauf pour quatre points où il se situait légèrement en dehors des tolérances, mais sans que cela aurait pu faire allumer le voyant GOV ou empêcher le dosage manuel de carburant à l'aide de la poignée tournante de la manette des gaz. Les données du DECU ont été téléchargées, et la seule anomalie relevée était le code de défaillance 14 (moteur pas-à-pas) et le code d'emplacement connexe 45 (DECU ou moteur pas-à-pas). Le DECU a été envoyé chez Turbomeca-France pour que la cause de l'apparition du voyant rouge GOV soit déterminée. L'examen du DECU a confirmé que le fonctionnement du dispositif n'était pas conforme aux spécifications. Vers 70 °C, l'une des commandes du moteur pas-à-pas n'a pas été exécutée. D'autres essais chez le constructeur (Thales) ont confirmé que le composant interne « coupleur optique U 13 » du DECU est celui qui a fait allumer le voyant GOV. On n'a toutefois rien décelé qui aurait pu empêcher le contrôle manuel du débit carburant vers le moteur pendant l'incident.

Le pilote totalisait environ 15 000 heures de vol sur hélicoptère, la majorité sur les hélicoptères Bell 206. Il n'avait jamais piloté d'hélicoptères dotés d'un système de gestion de carburant moteur électronique (DECU ou FADEC) avant sa formation initiale sur l'AS350-B3 en septembre 2003.

Cette formation initiale comprenait une journée d'instruction au sol et deux heures d'instruction en vol chez Eurocopter-Canada, à Fort Erie (Ontario). Le programme de formation d'Eurocopter comportait des exercices de pannes du FADEC en vol, à puissances élevée, moyenne et faible. Ni le pilote en cause ni un autre pilote de la GRC qui ont suivi la même séance de formation ne se souviennent d'avoir effectué de tels exercices chez Eurocopter. Ils se sont toutefois souvenus que les pannes du FADEC avaient été abordées pendant l'instruction au sol. Il a été établi que tous les autres pilotes de B3 de la GRC avaient effectué des exercices de pannes du FADEC pendant leur formation initiale chez Eurocopter-USA.

Au début de novembre 2003, à la demande des Services de l'air de la GRC, un pilote expérimenté sur AS350-B3 appartenant à un autre détachement de la GRC a passé une semaine à Moncton pour observer la formation initiale. Le but de sa visite était de familiariser les pilotes de Moncton à l'utilisation des systèmes optionnels de l'hélicoptère. Aucun exercice d'urgence en vol n'était prévu ni n'a été effectué, mais on a discuté de tous les voyants d'avertissement pendant l'instruction au sol. Le pilote en visite était satisfait de l'efficacité opérationnelle des pilotes de Moncton. À la suite de cette visite toutefois, certaines recommandations ont fait l'objet d'une note de service qui a été présentée aux Services de l'air de la GRC le 18 novembre 2003. On y recommandait, entre autres, que tous les pilotes qui se convertissent à l'AS350-B3 suivent la formation réglementaire de trois jours d'instruction au sol et de trois heures d'instruction en vol chez Eurocopter-USA, où la plupart des autres pilotes d'AS350-B3 avaient reçu leur formation.

Plus tard en novembre 2003, le pilote en cause a suivi une formation périodique chez Canadian Helicopters à Penticton (Colombie-Britannique), dont sept heures d'instruction au sol et 2,5 heures d'instruction en vol. La formation en vol a toutefois été donnée sur AS350-B, un hélicoptère très différent du B3. En particulier, l'AS350-B n'a pas de FADEC (DECU). Pour cette raison, les procédures d'urgence du FADEC sur AS350-B3 n'ont pas pu être simulées en vol. Dans le cas des exercices d'urgence en vol sur AS350-B à Penticton, il est recommandé aux pilotes de se poser le plus tôt possible lorsqu'un voyant d'avertissement rouge s'allume.

Les Services de l'air de la GRC exploitent leurs aéronefs en vertu d'un certificat d'exploitation privée (CEP) délivré par l'Association canadienne de l'aviation d'affaires (ACAA). La vérification préalable à la délivrance du CEP a confirmé que le manuel d'exploitation des Services de l'air de la GRC était conforme aux normes de sécurité opérationnelle de l'ACAA. La rubrique 6.2.4 dudit manuel oblige tous les pilotes d'aéronefs à voilure fixe à se soumettre à un contrôle de compétence pilote (CCP) ou à une vérification de compétence pilote (VCP) tous les 24 mois. Cependant, rien n'oblige les pilotes d'hélicoptère à se soumettre à un CCP ou à une VCP, et le pilote en cause n'avait pas effectué de vol de contrôle ou de vérification de compétence sur le B3.

Analyse

Après avoir appliqué la règle générale concernant les voyants d'avertissement rouges qu'il avait apprise à Penticton, le pilote a aussitôt commencé un atterrissage de précaution. Pendant l'approche cependant, il n'a pas suivi soigneusement les procédures du manuel de vol nécessaires pour gérer une urgence concernant le voyant rouge GOV, à savoir : corriger légèrement le débit carburant et n'apporter que de petites corrections synchronisées avec le pas collectif pour maintenir Nr dans l'arc vert. La réduction initiale des gaz au moyen de la poignée tournante de la manette des gaz a été accompagnée à la fois d'un virage en descente et de la diminution du pas collectif. La combinaison du virage en descente et de la diminution du pas collectif ont masqué les effets de la diminution des gaz de sorte que le débit carburant était trop élevé compte tenu du régime de vol, ce qui s'est traduit par une augmentation du régime rotor et par la survitesse qui a suivi. En ramenant la manette au cran « FLIGHT », le pilote a augmenté le débit carburant, réglant ainsi le doseur de carburant à la position dans laquelle il était, juste avant que le voyant GOV s'allume. Cette mesure a eu pour effet d'amplifier la survitesse et de convaincre davantage le pilote que le circuit carburant n'avait pas réussi à passer au mode manuel.

La formation initiale sur type donnée en vol et au sol au pilote en question était moindre que celle qui est normalement fournie pendant la formation recommandée chez l'hélicoptériste. Puisque le pilote en cause a mal réagi devant le problème du régulateur et qu'il ne se souvenait pas avoir reçu une formation en vol à ce sujet, il est permis de penser que sa formation en vol sur les pannes de régulateur était insuffisante pour lui permettre de comprendre ce qui se passe lorsque le voyant GOV s'allume et de réagir convenablement.

Les Services de l'air de la GRC ne savaient pas que deux pilotes de Moncton n'avaient pas suivi une formation suffisante et convenable sur les urgences en vol. Puisqu'aucun contrôle ni aucune vérification de la compétence des pilotes n'avait été effectuée, les services en question n'ont eu aucun moyen de vérifier l'efficacité de la formation ou la compétence de leurs pilotes d'hélicoptère. Si le pilote en cause avait été tenu de subir une vérification de compétence en vol avant le début des opérations en ligne, les lacunes de sa formation en vol auraient sans doute pu être décelées.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote n'avait pas reçu une formation en vol convenable sur les urgences concernant le voyant rouge GOV et il ne s'est pas rendu compte que la poignée tournante de la manette des gaz commandait encore le débit carburant vers le moteur. Il a donc mal réagi devant l'urgence, ce qui a causé une importante survitesse des composants dynamiques de l'hélicoptère.
  2. L'examen du dispositif de régulation numérique du moteur (DECU) a confirmé que le voyant rouge GOV s'était allumé à cause du composant interne « coupleur optique U 13 » du DECU.

Faits établis quant aux risques

  1. Au moment de l'incident, le manuel d'exploitation des Services de l'air de la GRC n'obligeait pas les pilotes d'hélicoptère à se soumettre à un contrôle ou à une vérification de compétence pilote, ce qui aurait aidé à déceler les lacunes de la formation en vol et une compétence insuffisante.
  2. Les Services de l'air de la GRC ne savaient pas que le pilote avait reçu une formation insuffisante sur le type d'hélicoptère en cause.

Mesures de sécurité

Les Services de l'air de la GRC ont pris les mesures suivantes :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .