Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A04A0148

Collision avec le relief
du Piper PA-28-140 Cherokee C-FYKS
exploité par Atlantic Aviation Academy Inc.
à 10 nm au sud-ouest de St. John's
(Terre-Neuve-et-Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 13 h 38, heure normale de Terre-Neuve, le Piper PA-28-140 (immatriculation C-FYKS, numéro de série 28 25719) ayant à son bord un pilote instructeur et un élève décolle de l'aéroport international de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) pour effectuer un vol d'instruction dans les environs. L'avion monte jusqu'à 2000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), en direction sud-ouest. À 13 h 43, au cours de la dernière communication radio en provenance de l'avion, le pilote signale qu'il quitte la zone de contrôle.

D'après les données du radar de contrôle de la circulation aérienne, l'avion descend ensuite progressivement en effectuant une série de virages à 90°. Pendant la descente, la vitesse sol de l'avion varie de 50 à 70 noeuds. (La précision de toutes les vitesses mesurées au radar est de ± 5 noeuds.) Après le quatrième virage, la vitesse sol de l'avion augmente jusqu'à 100 noeuds. Ensuite, à environ 600 pieds asl (200 pieds au-dessus du sol (agl)), l'avion disparaît de l'écran radar, pour réapparaître 37 secondes plus tard, à 700 pieds asl (environ 250 pieds agl). (La précision de toutes les altitudes mesurées au radar est de ± 50 pieds.) L'avion amorce alors un virage serré à gauche, puis, à 13 h 52 min 10, il disparaît définitivement de l'écran radar, alors qu'il vole en direction sud-ouest à une vitesse sol de 70 noeuds. La position du dernier écho radar coïncide avec le lieu de l'accident. L'élève-pilote meurt dans l'écrasement. L'instructeur subit des blessures graves, notamment des blessures à la tête accompagnées d'amnésie post-traumatique, et il n'est pas en mesure de fournir aux enquêteurs le moindre renseignement sur l'accident. Peu après l'accident, les occupants d'un véhicule qui passe par là repèrent l'épave de l'avion et, à 13 h 59 min 51, ils composent le 911. Il n'y a aucun témoin connu de l'accident.

Renseignements de base

Au moment du décollage, à 13 h 38, heure normale de Terre-Neuve (HNT)Note de bas de page 1, les conditions météorologiques signalées à l'aéroport étaient les suivantes : vent du 215 degrés magnétiques soufflant à 10 noeuds, visibilité de 12 milles terrestres, quelques nuages à 3000 pieds au-dessus du sol (agl), plafond avec couvert nuageux à 5500 pieds agl, température de 2 °C, point de rosée de −3 °C et calage altimétrique de 29,88.

En sortant de la zone de contrôle, l'avion aurait rencontré un plafond plus bas limitant l'altitude maximale à environ 2000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Après l'accident, des bourrasques de neige ont traversé la région, mais le personnel qui se trouvait à proximité immédiate du lieu de l'accident a signalé qu'il n'y avait eu aucune chute de neige dans cette région avant l'accident.

L'instructeur était titulaire d'une licence de pilote professionnel valide sans restriction ainsi que d'une qualification d'instructeur de classe 3; il totalisait environ 1000 heures d'enseignement et 1300 heures de vol. L'élève-pilote totalisait 21,3 heures de vol. Tout au long de sa formation, il avait fait des progrès soutenus et il avait effectué trois vols en solo, totalisant 2,3 heures de vol en solo.

L'instructeur n'avait encore jamais volé avec cet élève. L'instructeur de vol en chef était au courant de ce fait et il leur avait parlé à tous les deux avant le décollage, afin de leur expliquer l'objectif et les limites du vol et de vérifier s'ils étaient tous les deux prêts pour le vol. Avant de partir, l'instructeur et l'élève ont effectué les exposés avant vol, les vérifications et les calculs nécessaires.

Ce vol visait à enseigner à l'élève les techniques de plané sans moteur à utiliser pour effectuer un atterrissage forcé, et il semble que c'est cette séquence qui avait été amorcée. La méthode normale de simulation d'un plané sans moteur consiste à débuter la procédure à 3000 pieds. Par temps froid, on applique un réchauffage carburateur maximum, on réduit les gaz à 1500 tr/min, on sort les volets jusqu'au deuxième cran et on compense l'avion pour une vitesse de 70 noeuds (80 mi/h). Pendant la descente, on réchauffe le moteur en exerçant tous les 500 pieds de petites poussées sur la manette des gaz. On termine habituellement cet exercice à 500 pieds agl ou au-dessus, mais les instructeurs peuvent descendre plus bas. À la fin de l'exercice, on remet pleins gaz, on coupe le réchauffage carburateur, on rentre les volets de courbure et on amorce une montée. Pendant la sortie du plané, le régime moteur obtenu à pleins gaz se situe normalement entre 2400 et 2500 tr/min. Il a été impossible d'établir si la technique de plané par temps froid avait été utilisée pendant le vol en question dans cet accident.

L'avion était immatriculé pour une exploitation commerciale et il possédait un certificat de navigabilité valide. D'après les dossiers, l'avion était entretenu et exploité conformément aux procédures et à la réglementation approuvées. Il n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol ni d'un enregistreur phonique, ce qui ne contrevenait pas à la réglementation applicable à ce type d'aéronef. L'avion était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) DEFT 1, laquelle s'est déclenchée sous la force de l'impact. Un aéronef qui survolait le lieu de l'accident ainsi que le satellite de recherche et sauvetage COSPAS ont capté le signal de l'ELT. Au décollage, la masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites.

L'air qui traverse le venturi d'un carburateur est refroidi. Ce processus de refroidissement peut provoquer la précipitation de l'humidité contenue dans cet air sous forme de givre, lequel peut s'accumuler à l'intérieur du venturi à un point tel qu'il peut y avoir réduction de la puissance du moteur. Si l'on permet à l'accumulation de givre de se poursuivre, il peut y avoir arrêt accidentel du moteur. Sur un aéronef muni d'une hélice à pas fixe, le givrage du carburateur provoque une perte de puissance moteur qui se traduit par une baisse de régime et un fonctionnement irrégulier du moteur.

Le système de réchauffage du carburateur dirige vers l'intérieur du carburateur de l'air réchauffé provenant d'un manchon installé autour du collecteur d'échappement du moteur. Ce système est plus efficace comme dispositif antigivrage que comme dispositif de dégivrage. L'utilisation du réchauffage carburateur pour enlever le givre provoquera au départ une plus grande réduction du régime et de la puissance moteur. Selon la quantité de givre accumulée à l'intérieur du carburateur, cela peut prendre beaucoup de temps pour retirer tout le givre avant d'obtenir à nouveau toute la puissance moteur.

Selon l'A.I.P. CanadaNote de bas de page 2, lors du vol en question dans cet accident, la température et le point de rosée étaient propices à des effets de givrage intense à tout régime moteur (voir figure 1). Le givrage du carburateur peut se produire à tout régime, mais il risque davantage de se produire à faible régime. Il a été impossible d'établir si le réchauffage carburateur avait été utilisé pendant la procédure de simulation du plané ou pendant les manoeuvres de vol ultérieures.

Figure 1. Diagramme du givrage du carburateur tiré de la section AIR 2.3 de l'A.I.P. Canada. Remarque : Ce diagramme n'est pas valide lorsque l'appareil utilise de l'essence automobile en raison de la volatilité de cette dernière.
Figure of Diagramme du givrage du carburateur tiré de la section AIR 2.3 de l'<em>A.I.P. Canada</em>. Remarque : Ce diagramme n'est pas valide lorsque l'appareil utilise de l'essence automobile en raison de la volatilité de cette dernière.

D'après les marques d'impact retrouvées sur certains arbres, l'avion a d'abord heurté les arbres en piqué, les ailes à l'horizontale, en direction nord. Il a ensuite parcouru quelque 10 verges à travers les arbres avant de heurter le sol, l'aile gauche basse et dans un piqué de 20°, et de s'immobiliser juste à côté du chemin Cochrane Pond. L'avion s'est désintégré pendant la séquence d'accident. On a retrouvé tous les principaux composants et plans aérodynamiques à l'intérieur du sillon laissée par l'épave, et tous les dommages ont été causés par l'écrasement. Une vérification de la continuité de la tringlerie de toutes les commandes de vol a donné des résultats concluants. À l'impact, les volets de courbure étaient rentrés. L'une des pales de l'hélice était déformée, mais pas l'autre. Les commandes moteur dans le poste de pilotage étaient endommagées et s'étaient déplacées au cours de l'écrasement. Une inspection des commandes au niveau du moteur a permis d'établir qu'à l'impact, le papillon des gaz était ouvert aux deux tiers, que le mélange était sur plein riche et que le réchauffage carburateur était coupé.

L'avion, qui avait été ravitaillé en carburant AVGAS la veille du vol en question, contenait 33 gallons de carburant avant le décollage. Il y avait une forte odeur de carburant sur les lieux de l'accident, et on a prélevé du carburant provenant des deux réservoirs ainsi que de la conduite menant vers le carburateur. Ce carburant semblait clair, limpide et exempt de tout contaminant. On a trouvé le sélecteur de réservoirs de l'avion en position « réservoir carburant droit ». On n'a décelé aucune trace de givre ni d'eau à l'intérieur du carburateur, mais, comme après l'accident la température avait été supérieure au point de congélation, tout le givre qui s'y serait trouvé aurait fondu et l'eau se serait écoulée avant que l'on puisse inspecter le carburateur. Avant d'être endommagé à l'impact, le système de réchauffage carburateur était intact. On a examiné le carburateur à l'installation du constructeur, en présence de représentants du Bureau de la sécurité des transports (BST) du Canada, et aucune défaillance n'a été découverte.

On a fait tourner le moteur (un Lycoming O-320-E2A) à une installation d'essais en y fixant un carburateur de rechange, et il a généré la puissance nominale. Le Laboratoire technique du BST a examiné les instruments, le système d'échappement et les voyants d'avertissement de l'avion. On a décelé une marque d'impact laissée par l'aiguille du tachymètre sur la face avant du tachymètre moteur, à 1900 tr/min, régime qui correspond à un réglage de puissance relativement faible. Ce réglage de puissance peut permettre un vol en palier à une vitesse réduite, mais il serait insuffisant pour permettre une montée. Une analyse métallurgique des régions écrasées du système d'échappement a permis d'établir que la température des pipes d'échappement était inférieure à la température de croisière normale, ce qui laisse croire que le moteur tournait à faible régime au moment de l'impact. D'après l'étirement du filament, le voyant d'avertissement de décrochage était allumé à l'impact.

Analyse

Comme les bourrasques de neige n'ont pas commencé avant l'accident, il est peu probable que l'avion se soit trouvé dans des conditions où la visibilité en vol aurait été réduite de façon importante ou que les pilotes aient perdu leurs références visuelles à l'extérieur. Étant donné le plafond bas au sud-ouest de l'aéroport, le début de la simulation de plané aurait eu lieu 1000 pieds plus bas que la normale, ce qui aurait réduit la période d'instruction disponible pendant le plané. Il se peut que cette situation ait retardé l'amorce de la montée jusqu'à une altitude bien inférieure à l'altitude normale de sortie du plané fixée à 500 pieds. Cela n'explique cependant pas pourquoi l'avion n'est pas monté après la manoeuvre de simulation ou après le vol prolongé à basse altitude qui a suivi. Si, après la manoeuvre de simulation de plané, une puissance moteur normale avait été disponible pour monter, il est peu probable que l'instructeur aurait intentionnellement piloté l'avion à faible vitesse et à basse altitude.

Le motif le plus probable pour lequel il n'y a pas eu montée après la simulation de l'atterrissage forcé tient à l'insuffisance de la puissance moteur disponible. Il y avait suffisamment de carburant à bord et ni le carburateur ni le moteur ne semblaient comporter d'anomalie mécanique préexistante. Le motif le plus probable de la réduction de la puissance moteur est donc le givrage du carburateur. La faible puissance moteur à l'impact est corroborée par l'absence de déformation d'une hélice, le régime moteur relativement faible et la température peu élevée des pipes d'échappement. Le piqué de 20° à l'impact et le fait que le voyant d'avertissement de décrochage était allumé laissent croire qu'au moment de l'impact, l'avion avait décroché.

Si le réchauffage carburateur n'a pas été utilisé ou si la puissance moteur n'a pas été augmentée de temps à autre conformément aux recommandations, afin de générer une chaleur d'échappement suffisante pour alimenter le manchon de réchauffage du carburateur, il se peut qu'il y ait eu givrage du carburateur pendant la descente en plané. S'il y avait déjà eu givrage du carburateur avant cette descente en plané, il se peut que l'utilisation du réchauffage carburateur à basse altitude ait réduit le régime du moteur à un point tel que le vol en palier n'était plus possible. Il est probable que la réduction de la puissance a empêché la montée et a par la suite provoqué le vol à basse altitude à vitesse réduite; l'avion a ensuite heurté le sol, peut-être en raison d'un décrochage.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Ces rapports sont disponibles sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'avion volait dans des conditions propices à un givrage intense du carburateur à tout régime moteur. Il est probable qu'il y a eu givrage du carburateur et réduction de la puissance moteur disponible à un point tel que l'avion ne pouvait plus continuer de voler en palier.
  2. Par la suite, l'avion a heurté le sol, peut-être en raison d'un décrochage.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .