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Rapport d'enquête aéronautique A05P0137

Arrêt moteur en vol
du Bombardier DHC-8-402 C-FBAM
exploité par Cascade Aerospace Inc.
à 15 nm au nord d'Abbotsford (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 18 h 53, heure avancée du Pacifique, l'avion décolle de l'aéroport international d'Abbotsford (Colombie-Britannique) dans des conditions météorologiques de vol à vue, avec à son bord deux pilotes et deux ingénieurs des essais en vol de la compagnie, pour effectuer son sixième vol de la journée, et il se dirige vers l'espace aérien non contrôlé se trouvant à quelque 15 nm au nord d'Abbotsford. La firme Cascade Aerospace Inc. effectue un programme de certification des essais en vol sur le Bombardier DHC-8-402 (portant l'immatriculation C-FBAM et le numéro de série 4040) modifié pour effectuer des opérations d'avion-citerne. Vers 19 h 30, heure avancée du Pacifique, pendant un virage de taux un au cours d'un vol de croisière à 4 500 pieds, le moteur no 1 (PW150A, portant le numéro de série PCE-FA0020) s'arrêt brusquement. Le système de mise en drapeau automatique est désactivé, conformément aux procédures normales, et le système de mise en drapeau de secours est utilisé pour effectuer la mise en drapeau de l'hélice. Le vol retourne à Abbotsford à 19 h 50, heure avancée du Pacifique, avec un moteur inopérant.

Renseignements de base

L'exploitation

L'avion était exploité en vertu de l'autorité d'un permis de vol expérimental de Transports Canada (TC). Au moment de l'incident, l'avion-citerne Q400 converti à partir de la conception initiale du Bombardier DHC-8-400 subissait des essais en vol de certification en vue de l'obtention d'un certificat de type supplémentaire (CTS) pour son rôle dans la lutte contre les incendies. L'équipage de conduite était à l'emploi de Conair Group Inc. Les deux pilotes avaient suivi le cours initial de pilote du Dash 8 Q400 au centre d'apprentissage de FlightSafety International, à Toronto, en novembre 2004.

Les enregistreurs de vol

L'avion était équipé d'un enregistreur électronique de la parole dans le poste de pilotage (CVR) Honeywell et d'un enregistreur électronique de données de vol (FDR) Allied Signal. On a extrait les données du FDR, mais pas du CVR. Les données pertinentes du CVR ont été oblitérées lors de l'application d'une alimentation électrique externe à l'appareil à la suite du vol en question.

Les groupes motopropulseurs

Le moteur PW150A est constitué d'un module turbopropulseur à turbine libre entraînant une hélice Dowty Aerospace à six pales de modèle R408 par l'intermédiaire d'un module réducteur à deux étages. Le turbopropulseur comprend le compresseur basse pression (BP) et sa turbine BP, le compresseur centrifuge monoétage haute pression (HP) et sa turbine HP ainsi que la turbine de travail (TT) à deux étages et son arbre, lequel entraîne le module réducteur. Ces trois ensembles tournants ne sont pas reliés les uns aux autres et ils tournent à des réginmes différents, dans des sens opposés. Le carter du compresseur BP renferme le compresseur BP, un réservoir structural d'huile au fond et un relais d'accessoires sur le dessus. Le relais d'accessoires est entraîné par l'arbre de la turbine HP par l'intermédiaire d'un arbre de commande du relais d'accessoires et d'un boîtier de pignons coniques. Le relais d'accessoires entraîne le dispositif de dosage de carburant, lequel dispositif comprend la pompe carburant, le générateur/démarreur et d'autres accessoires.

Les dossiers de l'avion et de maintenance

D'après les dossiers de l'avion, le moteur gauche, portant le numéro de série PCE-FA0020, totalisait quelque 1978 heures de vol depuis sa mise en service initiale, et le moteur droit, portant le numéro de série PCE-FA0015, totalisait quelque 2016 heures de vol depuis sa mise en service initiale (TTSN). Pour résumer, les livrets moteurs du moteur en question dans cet incident (portant le numéro de série PCE-FA0020) ont enregistré quelque 1874 heures au cours des 19 premiers mois qui ont suivi leur construction et quelque 104 heures au cours des 35 mois qui ont suivi. Ce moteur n'avait pas été utilisé pendant deux périodes prolongées. D'octobre 2003 à juin 2004, l'avion avait été entreposé au West Virginia Air Center de Bombardier et, d'octobre 2004 à mai 2005, il avait subi des travaux de conversion en avion-citerne aux installations de la firme Cascade Aerospace Inc.

Une copie du dossier de service et maintenance des moteurs renferme une fiche de travaux de maintenance de Bombardier provenant du West Virginia Air Center en date du 30 octobre 2003. Cette fiche de travaux comporte une directive selon laquelle il faut effectuer chaque semaine des points fixes au ralenti, conformément au chapitre 71-00-00 du manuel de maintenance de l'avion DHC-8 Q-400. Une seule inscription sur cette feuille, en date du 1er mai 2004, indiquait que cette directive avait été respectée.

Une fiche de maintenance non périodique de la firme Cascade Aerospace Inc., en date du 24 novembre 2004, comportait une exigence selon laquelle il fallait effectuer une tâche figurant dans le manuel de maintenance de l'avion concernant la préparation de ce dernier en vue de son entreposage pendant 91 à 180 jours, notamment la proposition de mesures d'inspections hebdomadaires et mensuelles récurrentes. La partie sur les mesures correctives de la fiche de maintenance stipulait que l'avion était prêt pour l'entreposage et qu'il avait été remis en service conformément aux tâches pertinentes figurant dans le manuel de maintenance de l'avion, en date du 14 mai 2005. Des inscriptions sur des feuilles de travail additionnelles mentionnaient que des inspections hebdomadaires avaient été effectuées entre le 19 janvier et le 16 février 2005. Le 22 février 2005, la préparation de l'avion pour sa remise en service a commencé et elle s'est terminée le 14 mai 2005.

Rapports techniques, rapports de recherche et autres rapports du BST

Le présent incident est consigné dans le dossier CF 20050621013 de la base de données des rapports de difficultés en service (RDS) de Transports Canada. Une recherche dans cette base de données n'a permis de repérer aucun incident similaire au Canada ni aux États-Unis. Actuellement, le seul appareil civil équipé du moteur PW150A est le DHC-8-400.

Le Laboratoire technique du BST a participé au démontage du moteur et il a rédigé le rapport LP 065/2005. Pratt & Whitney Canada (P&WC) a également rédigé un rapport d'enquête. Ces deux rapports présentaient les mêmes renseignements, mais le rapport de P&WC incluait également l'analyse métallurgique qui avait été effectuée aux installations de P&WC. Ces rapports mentionnaient que le roulement no 30 s'était détérioré de façon importante et qu'il s'était brisé en de nombreux morceaux. On a retrouvé les huit billes, des parties de la bague extérieure du roulement ainsi que des parties de la cage du roulement à l'intérieur de la pompe à huile, de la crépine d'huile de récupération, du tuyau d'huile de récupération et du carter de vidange de la cavité renfermant les roulements no 3 et 4. Le roulement no 4 est le roulement de butée de l'arbre du compresseur HP. On a également retrouvé des parties du roulement sur le détecteur de limaille du relais d'accessoires ainsi que sur les deux capteurs de régime du rotor du compresseur HP. On a remarqué des piqûres et des taches de corrosion localisées sur les billes ainsi que sur les bagues intérieure et extérieure du roulement no 4, leur concentration étant plus importante à la position six heures. Au sommet de l'arbre de commande du relais d'accessoires, on a remarqué des taches localisées ressemblant à de la rouille sur la surface supérieure des rouleaux et sur la cage extérieure du roulement no 29, sur la surface inférieure du pare-huile et sur la surface extérieure de la partie axe de la roue conique spirale. Les dents de la roue conique spirale (au bas de l' arbre de commande du relais d'accessoires, près du roulement no 30) avaient été déformées avec le métal et forcées dans le sens de leur rotation. Certaines dents s'étaient brisées près de la couronne.

Le rapport du Laboratoire technique du BST renfermait les conclusions suivantes :

[Traduction]

Autres renseignements

L'unité de surveillance des moteurs (EMU) a enregistré un code d'anomalie du détecteur de limaille du module turbine du moteur no 1 le 15 juin 2005, à 15 h 59, moment qui correspond à l'heure de la fin du troisième vol de la journée. À la fin de la journée de vol précédente, on avait procédé à une interrogation des codes d'anomalies sans déceler d'anomalie. La prochaine interrogation des codes d'anomalie était prévue pour la fin de la journée de vol en cours. L'équipage de conduite ne dispose d'aucun système d'avertissement ou de détection de limaille, même si les exploitants pourraient, s'ils le voulaient, mettre ces renseignements à la disposition des équipages de conduite. La rupture du roulement no 30 est survenue environ deux heures de temps dans les airs après la défaillance du détecteur de limaille.

Pendant la période au cours de laquelle le moteur portant le numéro de série PCE-FA0020 était inopérant aux installations de la firme Cascade Aerospace Inc., il est demeuré sur l'avion portant le numéro de série 4040 avec le moteur portant le numéro de série PCE-FA0015. Comme ces deux moteurs ont été entreposés dans les mêmes conditions, le moteur portant le numéro de série PCE-FA0015 a également subi en présence des enquêteurs du BST, aux installations de P&WC, une inspection préliminaire (sans être démonté complètement) visant à déceler des signes de corrosion dans la zone de la chaîne dynamique du relais d'accessoires. On a procédé à un examen visuel des filtres à huile principal et de récupération, de la crépine du carter de la pompe à huile principale, d'un échantillon d'huile moteur, des capteurs de régime du rotor du compresseur HP et du détecteur de limaille de la turbine sans remarquer d'anomalie. On a retiré le couvercle du boîtier de pignons coniques afin d'exposer le roulement no 29, que l'on n'a pas été en mesure de voir en raison de la présence du pare-huile du roulement/de l'engrenage. On n'a cependant rien remarqué d'anormal dans ce que l'on était en mesure d'observer. P&WC a plus tard procédé à une remise à neuf complète de ce moteur, et aucune anomalie n'a été signalée au BST.

Pendant la période au cours de laquelle l'avion portant le numéro de série 4040 n'était pas au West Virginia Air Center, il était équipé des moteurs portant les numéros de série PCE-FA0020 et PCE-FA0063. Le moteur no 2, portant le numéro de série PCE-FA0063, a été déposé le 6 juin 2004 et, ce même jour, le moteur portant le numéro de série PCE-FA0015 a été installé à la place du moteur no 2. On a étudié l'état du moteur portant le numéro de série PCE-FA0063 aux fins de comparaison. On a cependant jugé que ce moteur était en bon état de service (tout comme le moteur portant le numéro de série PCE-FA0015 l'avait été), et on n'a effectué ni démontage ni inspection. On a ensuite installé le moteur portant le numéro de série PCE-FA0063 sur l'avion portant le numéro de série 4040 le 18 juin 2005, et ce moteur a depuis totalisé de nombreuses heures sans difficulté.

De plus, pendant la période au cours de laquelle l'avion se trouvait au West Virginia Air Center, le moteur no 1, portant le numéro de série PCE-FA0020, a été déposé et envoyé aux installations de P&WC, où il a subi une inspection des parties chaudes et d'autres travaux de réparation, entre février et mai 2004. Une partie de ces travaux de réparation comportait la dépose du couvercle du relais d'accesoires renfermant le roulement no 29. Il a été impossible de déterminer combien de temps le couvercle d'accès est demeuré déposé ou s'il est possible qu'il ait été reposé sans ses garnitures pendant cette période, au cours de laquelle il y a eu des fuites dans le toit du centre de service de P&WC, à l'endroit où on avait travaillé sur le moteur en question.

Analyse

D'après la nature de l'arrêt moteur en vol (IFSD) ainsi que les observations et les conclusions auxquelles ont mené le démontage du moteur et les différents rapports, on a conclu que l'arrêt moteur en vol avait en définitive été causée par un épuisement du carburant dû à une perte d'entraînement du relais d'accessoires. Ce relais entraîne le dispositif de dosage de carburant et la pompe carburant structurale.

Les roulements no 29 et 30 soutiennent l'arbre de commande du relais d'accessoires dans une cavité se trouvant au-dessus de la cavité des roulements no 3 et 4. La perte d'entraînement du relais d'accessoires a été causée par la rupture du roulement de butée no 30, à la base de l'arbre de commande du relais d'accessoires. La rupture de ce roulement a permis à l'arbre de la roue conique spirale (l'arbre de commande du relais d'accessoires) entraîné de se soulever longitudinalement et de se désengrener de la roue conique spirale d'entraînement de l'arbre du compresseur HP. Même si les billes du roulement no 30 étaient endommagées à un point tel qu'il a été impossible de procéder à l'analyse des matériaux constituant les surfaces, on a remarqué des taches et des piqûres de corrosion en plusieurs endroits le long de cette chaîne dynamique, notamment dans les trois roulements (situés à la verticale). On a conclu que le roulement no 30 avait subi des dommages importants en raison d'une instabilité due à un écaillage, lequel avait été provoqué par de la corrosion. Cette instabilité avait causé des fractures de fatigue dans la cage et dans la bague extérieure du roulement et, en définitive, elle en avait provoqué la désintégration.

Les dossiers remontant jusqu'à juillet 2002 indiquent que l'avion n'avait volé que 104 heures au cours des 35 derniers mois et qu'il y avait eu deux périodes importantes au cours desquelles il n'avait pas été en service. Pour ces périodes, les dossiers indiquent que les points fixes de ralenti moteur ou les inspections d'entreposage avaient été effectués conformément aux directives de maintenance mentionnées. À un moment donné, un contaminant s'est introduit dans le moteur, et on a conclu que le moment le plus probable de l'infiltration de ce contaminant dans le moteur se situait entre février et mai 2004, alors que le moteur subissait des réparations. On avait retiré le couvercle du boîtier de pignons coniques renfermant le roulement no 29, et il se peut qu'il soit demeuré déposé et/ou qu'il ait été reposé sans ses garnitures, ce qui aurait permis au contaminant de s'infiltrer à l'endroit où se trouve habituellement le couvercle lorsqu'il y a eu des fuites dans le toit du bâtiment. Le contaminant a migré par gravité vers le bas de cette chaîne dynamique à partir du roulement no 29, en passant par le roulement no 30, jusqu'au roulement no 4. Les mesures de maintenance effectuées n'ont pas suffi à empêcher ou à déceler la pénétration du contaminant pendant que le moteur se trouvait dans l'atelier. Le système est ensuite demeuré immobile assez longtemps pour qu'il y ait corrosion des roulements le long de la chaîne dynamique du relais d'accessoires.

Même si le détecteur de limaille de la turbine a enregistré une défaillance en raison de la présence de métal dans l'huile moteur, l'équipage de conduite n'en a pas été avisé et, par conséquent, il ne disposait d'aucune indication préalable de l'imminence d'une panne et d'un arrêt moteur en vol.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Alors que le moteur subissait des réparations, on avait retiré le couvercle du boîtier des pignons coniques renfermant le roulement no 29, et il est probable qu'un contaminant provenant du toit qui fuyait a pénétré dans le moteur, et la corrosion s'y est installée.
  2. Le roulement no 30 a subi des dommages importants en raison d'une instabilité due à un écaillage, lequel avait été provoqué par de la corrosion. Cette instabilité avait causé des fractures de fatigue dans la cage et dans la bague extérieure du roulement et, en définitive, elle en avait provoqué la désintégration.
  3. La perte d'entraînement du relais d'accessoires a été causée par la rupture du roulement de butée no 30, à la base de l'arbre de commande du relais d'accessoires. La rupture de ce roulement a permis à l'arbre de la roue conique spirale (l'arbre de commande du relais d'accessoires) entraîné de se soulever longitudinalement et de se désengrener de la roue conique spirale d'entraînement de l'arbre du compresseur haute pression.
  4. L'arrêt en vol du moteur no 1 a en définitive été causée par un épuisement de carburant dû à une perte d'entraînement du relais d'accessoires. Le relais entraîne le dispositif de dosage de carburant et la pompe carburant structurale.

Faits établis quant aux risques

  1. Les mesures de maintenance du moteur effectuées pendant les réparations prolongées en atelier n'ont pas suffi à empêcher ou à déceler l'infiltration d'un contaminant, ni la corrosion des roulements causée par ce contaminant le long de la chaîne dynamique du relais d'accessoires.
  2. Même si le détecteur de limaille du turbopropulseur a enregistré une anomalie à cause de la présence de métal dans l'huile moteur, l'équipage de conduite n'en a pas été avisé et, par conséquent, il ne disposait d'aucune indication préalable de l'imminence d'une panne et d'un arrêt moteur en vol.

Autres faits établis

  1. On n'a pas extrait les données de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage, car elles avaient été oblitérées lors de l'application d'une alimentation électrique externe à l'appareil à la suite du vol en question.
  2. L'avion n'avait volé que 104 heures au cours des 35 derniers mois, et il y avait eu deux périodes importantes au cours desquelles le moteur et l'avion n'avaient pas été en service. Pour ces périodes, les dossiers indiquent que les points fixes de ralenti moteur ou les inspections d'entreposage avaient été effectués conformément aux directives de maintenance mentionnées.

Mesures de sécurité

Mesures prises

Pratt & Whitney Canada a embauché un entrepreneur pour fournir une installation d'entreposage à ambiance contrôlée destinée aux moteurs inactifs.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .