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Rapport d'enquête aéronautique A05P0154

Perte de puissance
de l'hélicoptère Robinson R22 Beta C-FQDQ
à 10 nm au nord de Courtenay (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote de l'hélicoptère Robinson R22 Beta (numéro de série 1398, immatriculation C-FQDQ) assure le transport de stagiaires volontaires d'une société locale de protection de la faune aviaire dans une zone se trouvant à environ 10 milles marins au nord de Courtenay (Colombie-Britannique). Il a déjà fait quatre voyages, puis il a effectué un arrêt complet de son hélicoptère et l'a préparé en prévision d'un vol vers l'aéroparc de Courtenay, où il doit faire le plein de carburant avant de revenir à son héliport d'attache qui se trouve à Boundary Bay. Au démarrage, il fait tourner le moteur au sol pendant environ deux minutes après avoir réembrayé le rotor.

Aux environs de 16 h 30, heure avancée du Pacifique, le pilote décolle, fait pivoter son hélicoptère de 180° afin de l'aligner sur sa trajectoire de départ, puis tire sur le collectif afin d'effectuer un décollage en espace confiné. L'hélicoptère monte jusqu'à une hauteur d'environ 60 pieds au-dessus du niveau du sol, puis le moteur fait entendre un bruit anormal suivi de ce qui ressemble à une détonation. Le bruit du moteur cesse et les pales du rotor principal s'immobilisent presque complètement. L'hélicoptère effectue une descente rapide accompagnée d'une rotation de 270° vers la gauche et heurte violemment le sol avec une vitesse de translation vers l'avant quasi nulle ou nulle. Le pilote est grièvement blessé. L'hélicoptère est lourdement endommagé, mais aucun incendie ne se déclare après l'écrasement.

Renseignements de base

Le pilote était titulaire d'une licence de pilote professionnel en cours de validité avec des annotations de type sur avion et sur hélicoptère, la dernière ayant été obtenue en janvier 1987. Il était propriétaire de l'hélicoptère depuis 1993 et l'avait piloté les 1660,6 heures de vol accumulées par l'appareil, à l'exception de 245,9 heures de vol accumulées aux États-Unis avant que l'hélicoptère ne soit importé au Canada et remis en état après un capotage. Le pilote comptait 32 ans d'expérience en tant que pilote professionnel.

Les conditions météorologiques au moment de l'accident permettaient un vol selon les règles de vol à vue. Les conditions météorologiques observées à 16 h, heure avancée du PacifiqueNote de bas de page 1, à Comox (à 10 milles au sud-est) étaient les suivantes : vent du 020 degrés vrais à 4 noeuds, visibilité de 20 milles terrestres, plafond de 7000 pieds, température de 19 °C et point de rosée de 12 °C. Des averses sont tombées peu après l'accident sur le site de l'écrasement qui se trouvait à une altitude d'environ 300 pieds au-dessus du niveau de la mer.

L'hélicoptère était propulsé par un moteur Avco Lycoming O-320 B2C de 160 horsepower (hp) détaré à une puissance maximale continue de 124 hp. Le moteur fonctionnait avec de l'essence d'aviation (AVGAS) 100LL. Ce moteur est muni d'un régulateur qui maintient le régime constant lorsque la puissance est modifiée par le déplacement du levier de collectif. Le pilote doit vérifier l'indicateur de pression d'admission du moteur afin de surveiller la puissance produite. Le pilote avait vérifié la puissance disponible avant et durant les voyages précédents et l'avait jugée normale. Le pilote a utilisé une pression d'admission de 24 pouces de mercure pour son décollage en espace confiné.

Le pilote ne se souvient pas d'avoir utilisé le réchauffage du carburateur avant le départ ou durant le décollage. L'hélicoptère était équipé d'une jauge de température du carburateur. Cette jauge comporte une bande jaune entre −15 °C et 5 °C. Une affichette, sur la jauge, conseille au pilote de régler le réchauffage du carburateur au maximum et d'ignorer la jauge au-dessous de 18 pouces de mercure. Le manuel d'utilisation de l'hélicoptère préparé par la Robinson Helicopter Company indique qu'il faut éviter de faire voler l'hélicoptère sans utiliser le réchauffage du carburateur lorsque la température de ce dernier est dans la plage jaune, et ce, quel que soit le réglage de la puissance.

Selon le diagramme de givrage du carburateur se trouvant à la section AIR 2.3 de la Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada), une température de l'air de 19 °C et un point de rosé de 12 °C correspondent à la plage « Givrage modéré - régime de croisière ou givrage intense - gaz réduits (en descente) » (voir l'annexe A). Les symptômes d'un givrage du carburateur sont généralement une chute de la pression d'admission et du régime du moteur. Un givrage important peut entraîner l'arrêt du moteur. Le manuel d'utilisation de l'hélicoptère de la Robinson Helicopter Company indique que [Traduction] « le pilote risque de ne pas s'apercevoir de la formation de givre dans le carburateur, car le régulateur va automatiquement augmenter les gaz afin de maintenir la pression d'admission et le régime constants ».

L'hélicoptère est équipé d'un rotor à faible inertie dont le régime peut chuter rapidement s'il est mal contrôlé. Si le régime du rotor connaît une baisse importante alors que la vitesse indiquée est faible, un décrochage du rotor risque d'être inévitable. Le manuel d'utilisation de l'hélicoptère de la Robinson Helicopter Company comporte des avis de sécurité relatifs au décrochage du rotor à bas régime et au givrage du carburateurNote de bas de page 2.

L'hélicoptère accidenté a été examiné dans les installations régionales du BST. L'examen a révélé les faits suivants :

Durant l'inspection aux 12 ans, qui a été entamée le 25 avril 2005 et achevée le 16 mai 2005, soit environ 32,5 heures de vol avant l'accident, on avait constaté que le manchon de protection collé de la bielle de commande gauche du collectif (référence A143-1) et la bague de guidage (référence C439-9) étaient usés. La bielle et le support de guidage (référence A432-1) se sont usés de façon excessive lorsque la bague de guidage (référence C439-9) a été expulsée, en fonctionnement, du support de guidage. Le montage d'origine consiste en une bague de guidage (référence C439-9) insérée entre les deux plaquettes de métal du support de guidage. Durant l'inspection aux 12 ans, la bague de guidage a été remplacée et une bielle de rechange en état de navigabilité a été installée. Le jour de l'accident, soit à 1659,5 heures de vol cellule, on a également installé un ensemble de mise à niveau de guidage de la biellette de commande du collectif (référence KI-130) ainsi qu'une nouvelle pompe à carburant (référence A550-1) à la suite de mesures erronées de la quantité de carburant. La jauge de carburant avait été étalonnée avant que le pilote ne fasse son plein de carburant en prévision de son voyage vers la zone de protection aviaire.

Analyse

Les conditions météorologiques au moment de l'accident pouvaient entraîner un givrage du carburateur. Cependant, si le pilote n'a pas surveillé les instruments du moteur avec suffisamment de vigilance, il est possible que la formation de givre dans le carburateur soit tout d'abord passée inaperçue, car le régulateur maintenait la pression d'admission constante et le régime du moteur constant. C'est pourquoi, lorsque des conditions de givrage sont présentes, le pilote doit procéder au réchauffage du carburateur conformément aux instructions applicables. Le pilote ne se souvient pas d'avoir utilisé le réchauffage du carburateur avant le départ ou durant le décollage. Aucun indice ne permet de penser qu'un défaut ou qu'une défaillance mécanique aurait pu avoir des répercussions négatives sur le fonctionnement du moteur. Bien que rien ne prouve que le givrage du carburateur ait pu avoir des répercussions négatives sur le fonctionnement du moteur, il est probable que tel a été le cas. Le moteur avait fonctionné durant quelques minutes au sol, puis dans les airs, dans des conditions pouvant entraîner un givrage du carburateur. Il est probable que la présence de givre a eu des répercussions négatives sur le rendement du moteur et a entraîné l'arrêt de ce dernier.

Le rotor à faible inertie de l'hélicoptère Robinson R22B peut entraîner une chute brutale du régime du rotor si le rotor est mal contrôlé, et le pilote doit alors immédiatement prendre des mesures de rétablissement. Dans ce cas-ci, la vitesse indiquée et l'altitude étaient trop faibles au moment où le moteur s'est arrêté pour qu'il y ait un transfert d'énergie au rotor. Si le régime du rotor connaît une baisse importante alors que la vitesse est faible, le décrochage du rotor est inévitable. Le régime du rotor principal privé de la puissance du moteur a connu une chute brutale, et le pilote n'a pas été en mesure de rétablir le régime du rotor ou d'arrêter la descente de l'hélicoptère.

Durant l'inspection aux 12 ans, on a constaté que la bague de guidage de la bielle de commande du collectif avait été expulsée du support de guidage et que la bielle, frottant contre le manchon de protection jusqu'à le transpercer, était excessivement usée. La défaillance de cette commande de vol principale pourrait avoir rendu l'hélicoptère ingouvernable.

Il y avait un fusible de 5 A là où un fusible de 1,5 A servant de protection contre les surintensités aurait dû se trouver afin d'éviter que l'actionneur de tension des courroies d'entraînement n'applique une charge trop élevée sur ces dernières. Une surcharge semblable peut se produire si les microrupteurs de tension et le disjoncteur d'extension ne parviennent pas à limiter l'extension de l'actionneur et la tension grandissante exercée sur les courroies d'entraînement.

Le pilote avait installé, de façon temporaire au moyen d'agrafes d'épinglage, un support pour un récepteur GPS portatif sur le côté du tableau de bord. Ce récepteur GPS était alimenté en permanence par un raccord à une borne du commutateur de l'actionneur de tension d'embrayage. Une défaillance du support temporaire aurait pu entraîner un incendie d'origine électrique en créant un arc électrique dans le circuit d'alimentation du GPS.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote ne se rappelle pas avoir utilisé le réchauffage du carburateur avant le départ ou durant le décollage. Il est probable que la présence de givrage du carburateur a eu des répercussions négatives sur le rendement du moteur et a entraîné l'arrêt de ce dernier.
  2. À la suite de la baisse de puissance du moteur, le régime du rotor principal a connu une chute brutale à une vitesse trop faible pour que le pilote puisse arrêter la descente de l'hélicoptère.

Faits établis quant aux risques

  1. La bielle, au moment de son remplacement, présentait des signes d'usure excessive. La défaillance de cette commande de vol principale aurait pu rendre l'hélicoptère ingouvernable.
  2. Une protection par fusible inadéquate contre les surintensités de l'actionneur de tension des courroies peut entraîner une charge trop importante sur les courroies d'entraînement.
  3. Un système de positionnement mondial (GPS) avait été installé au moyen d'agrafes d'épinglage sur le côté du tableau de bord. La défaillance de ce support temporaire aurait pu entraîner un incendie d'origine électrique.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Givrage du carburateur

Extrait de la section AIR 2.3 de la Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) :

Le givrage du carburateur est une cause courante d'accidents d'aviation. Il est évident que les moteurs à injection ont très peu d'accidents dus au givrage du système d'admission d'air mais, autrement, aucune combinaison moteur et avion n'est favorisée. La plupart des accidents dus au givrage du carburateur sont causés par la formation de glace en croisière normale. Il est possible que ce fait provienne d'un relâchement de la vigilance du pilote qui pense moins au givrage aux régimes élevés que lors d'une descente à puissance réduite.

Dans la plupart des accidents où le givrage du carburateur est en cause, le pilote n'a pas bien compris le mécanisme de la formation du givre et ce qui se passe lorsqu'il met en marche le réchauffage du carburateur. Par ailleurs, il lui est difficile de comprendre les mesures correctives s'il ne connaît pas le processus de givrage du carburateur. On trouvera une description de ce processus dans la plupart des bons ouvrages aéronautiques de référence et tout mécanicien travaillant sur le type d'aéronef peut expliquer le système de réchauffage du carburateur. Les explications du mécanicien sont particulièrement utiles à cause des différences entre les divers appareils. Le pilote doit apprendre à accepter de voir son moteur tourner de façon irrégulière pendant une minute environ lorsque le réchauffeur fait fondre la glace dont les morceaux se détachent et passent dans le moteur.

Le tableau suivant décrit les différentes température et humidité relative qui peuvent produire le givrage du carburateur.