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Rapport d'enquête aéronautique A08C0237

Perte de maîtrise et collision avec le relief
du Beechcraft A100 C-FSNA
exploité par Sky North Air Limited
à 5 nm au nord-ouest de Gods Lake Narrows (Manitoba)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Beechcraft A100 immatriculé C-FSNA et portant le numéro de série B-227 qui est exploité par Sky North Air Ltd. sous l'indicatif SN683 décolle de la piste 32 de Gods Lake Narrows (Manitoba) à destination de Thompson (Manitoba) avec à son bord deux pilotes, un membre du personnel infirmier navigant et deux patients. Peu après le décollage, pendant un virage à gauche en montée, de la fumée puis des flammes se mettent à sortir du pylône dans le poste de pilotage. L'équipage continue à virer dans l'intention de retourner à la piste 14 de Gods Lake Narrows. L'avion percute des arbres et finit sa course dans une zone boisée à environ un demi-mille marin au nord-ouest de l'aéroport. L'accident se produit à 21 h 40, heure normale du Centre. Les cinq personnes à bord quittent l'avion, deux d'entre elles étant légèrement blessées. À environ 2 h 50, le lieu de l'accident est localisé et les occupants sont évacués. L'avion est détruit par la force de l'impact et l'incendie qui se déclare après l'écrasement. La radiobalise de repérage d'urgence est consumée par l'incendie et l'on ne sait pas si elle a émis un signal.

Renseignements de base

Environnement

Gods Lake Narrows ne possède aucun service de compte rendu météorologique. L'observation météorologique la plus proche prise peu après l'accident provenait de celle faite à 22 h, heure normale du Centre (HNC)Footnote 1, à Island Lake, quelque 50 milles marins (nm) au sud. Les conditions météorologiques signalées étaient les suivantes : vent de 160 degrés vrai (°V) à huit nœuds, visibilité de 15 milles terrestres, quelques nuages à 900 pieds, plafond avec couvert nuageux à 1600 pieds, température −7°C.

Le soleil s'était couché à 16 h 7 et la lune n'était pas visible au moment de l'accident. Le vol s'est déroulé dans l'obscurité totale. La topographie au-delà de l'extrémité départ de la piste 32 à Gods Lake Narrows est composée de la surface d'un lac et de buissons, aucun repère ni lumière ne pouvant aider à discerner l'horizon. L'obscurité, le couvert nuageux et l'absence de repères visuels sont des caractéristiques de l'illusion du trou noir, laquelle peut influer sur la perception du pilote de la position et du déplacement de l'aéronef. Dans certains cas, les pilotes peuvent penser qu'ils sont à une altitude plus élevée qu'ils ne le sont réellementFootnote 2.

Le vol

L'avion a décollé de la piste 32. Peu après le cabrage, de la fumée et des flammes sont sorties du pylône près de l'indicateur de position du compensateur du stabilisateur. L'avion était dans un virage à gauche en montée à environ 400 pieds au-dessus du sol (agl). Comme il était possible que l'incendie empire, le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes, a décidé de continuer de virer pour retourner à l'aéroport et atterrir sur la piste 14. Le copilote a annoncé l'angle d'inclinaison latérale à 30° et à près de 60°. Le commandant de bord a demandé à ce que le train d'atterrissage soit sorti et l'avertissement de décrochage s'est déclenché alors que le train sortait. Le commandant de bord a alors mis plein gaz en inclinant fortement l'avion vers la droite. L'avertissement de décrochage a retenti en permanence alors que les ailes revenaient à l'horizontale et l'avion est descendu et a percuté des arbres. L'avion s'est immobilisé à environ un demi mille marin au nord-ouest de la piste 14 de Gods Lake Narrows. Le sillon de l'épave s'étirait sur environ 240 pieds de longueur et il était aligné à 140°.

Exposés et évacuation

Il s'est écoulé 22 secondes entre l'apparition de fumée et de flammes dans le poste de pilotage et l'impact avec les arbres. Les pilotes n'ont pas eu la possibilité d'avertir le membre du personnel infirmier navigant et les passagers qu'il y avait un problème et qu'ils faisaient demi-tour afin d'atterrir.

Après que l'avion s'est immobilisé, le commandant de bord a quitté son siège puis il a dit au personnel infirmier navigant et aux passagers de sortir de l'avion. Les pilotes n'ont pas été confrontés à des flammes alors qu'ils se levaient de leur siège et qu'ils passaient par-dessus le pylône pendant l'évacuation. Le commandant de bord accompagné du patient en bas âge s'est dirigé vers la porte et l'a ouverte. La porte a buté contre des arbres et ne s'est ouverte qu'à la moitié de son débattement normal. Bien que les câbles détendus de la porte ont un peu nui à l'évacuation, les cinq occupants ont pu quitter l'avion. Personne n'a eu le temps de récupérer l'équipement de survie ou la trousse de premiers soins pendant l'évacuation. Le copilote a pu emporter un manteau d'hiver qui a par la suite servi à garder le passager en bas âge au chaud. Le groupe s'est déplacé vers l'arrière en franchissant des arbres abattus jusqu'à ce qu'il soit à une distance sécuritaire de l'avion, lequel était alors dévoré par les flammes.

Recherches et sauvetage et radiobalise de repérage d'urgence

Les opérations de recherches et de sauvetage (SAR) ont commencé peu après que le retard de l'avion à sa destination a été constaté.

La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) a été retirée de l'épave et envoyée au laboratoire technique du BST pour fins d'analyse. Le feu avait trop endommagé l'ELT pour qu'il soit possible de déterminer si elle était armée et en état de fonctionnement.

Un signal de l'ELT aurait pu être généré entre le moment de l'accident et la destruction de la radiobalise. On n'a pas pu confirmer qu'un signal avait bel et bien été généré. Si tel avait été le cas, la durée du signal n'aurait pas été assez longue pour que le système de recherche et de sauvetage assisté par satellite (SARSAT) ou des aéronefs en vol ne le reçoive. Il n'y a eu aucun signal évident pendant que l'avion militaire Hercules des SAR cherchait le lieu de l'accident.

Qualifications et expérience des pilotes

L'équipage de conduite était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord totalisait environ 3200 heures de vol, dont 1850 sur Beechcraft 100. Le copilote totalisait environ 1000 heures de vol, dont 500 sur ce type d'avion.

Le temps de vol et de service prévu de l'équipage de conduite était conforme à la réglementation en vigueur. Après avoir bénéficié d'environ 12,5 heures de repos, l'équipage était en service depuis 7 heures au moment de l'accident. On ne considère pas que les horaires de travail et de repos des membres de l'équipage de conduite sont des facteurs contributifs de l'accident.

Formation des pilotes de l'entreprise

Toutes les séances de formation en vol se déroulaient dans un appareil de l'entreprise en compagnie d'un pilote instructeur qui donnait des directives et agissait à titre de pilote qui n'est pas aux commandes (PNF). Pendant les vérifications en vol, le pilote instructeur agissait à titre de PNF tandis qu'un pilote vérificateur agréé faisait subir le test en vol à partir de la cabine. Dans le cas des urgences qui peuvent survenir à basse altitude, comme des pannes de moteur ou des incendies après le décollage, les pilotes de l'exploitant effectuaient les exercices à haute altitude où la hauteur du sol était simulée. Il était aussi possible de s'exercer aux procédures d'urgence critiques à des altitudes sécuritaires. Dans le cas d'une panne du moteur pendant le décollage, la procédure d'utilisation normalisée (SOP)Footnote 3 indique aux pilotes de monter tout droit jusqu'à 1000 pieds agl avant de s'occuper des éléments de la liste de vérifications. Il n'y avait aucune indication à cet effet en cas d'incendie d'origine électrique.

Le manuel des SOP multipilote de Sky North ne fait pas de différence entre les incendies en vol d'origine électrique se produisant à une altitude de croisière et ceux se produisant à basse altitude. Les équipages de l'exploitant n'étaient pas formés pour réagir à des incendies d'origine électrique à basse altitude. Cependant, l'entreprise formait effectivement ses équipages pour qu'ils gardent la maîtrise de l'avion et montent tout droit jusqu'à 1000 pieds agl avant de s'occuper des éléments de la liste de vérifications.

Les pilotes de Sky North n'avaient pas accès à un entraînement sur simulateur, ce qui est normal chez les exploitants de cette catégorie d'avion. Toutefois, les équipages entraînés dans un simulateur peuvent être confrontés à une gamme de situations d'urgence plus variée que ceux qui sont formés uniquement sur un avion. Le fait que les pilotes soient entraînés en tant qu'équipage, plutôt qu'avec un pilote instructeur dans l'avion, constitue un avantage additionnel de l'entraînement sur simulateur.

Procédures d'utilisation

En général, en cas d'urgence, les SOP donnent les indications suivantes au pilote :

[Traduction]

  1. piloter l'avion
  2. arrêter les avertisseurs sonores
  3. réinitialiser ou réarmer les avertisseurs sonores
  4. déterminer la nature de la situation d'urgence ou anormale
  5. confirmer que c'est bel et bien la bonne urgence
  6. prendre les mesures qui s'avèrent nécessairesFootnote 4

En ce qui a trait à la fumée ou à un incendie d'origine électrique, l'article 7.23 des SOP prévoit la liste de vérifications détaillée suivante :

[Traduction]
L'équipage peut rapidement être incommodé ou frappé d'incapacité en présence de fumée ou d'un incendie d'origine électrique. Il est essentiel de prendre sans hésiter les meures pratiquées régulièrement afin d'isoler rapidement la source de la fumée ou de l'incendie, puis d'atterrir le plus vite possible à un aérodrome convenable.

Fumée ou incendie d'origine électrique

Barrette d'accouplementFootnote 5…………………………….DOWNFootnote 6

Cette mesure ne devrait être prise que dans l'éventualité où le vol se déroule de jour, puisque toutes les sources d'éclairage du poste de pilotage s'éteindront si la barrette d'accouplement est utilisée.

Attention

La cabine se dépressurisera et les instruments de vol fonctionnant à l'électricité cesseront de fonctionner.

Contrôle d'oxygène…………………………………ON
Masque à oxygène…………………………………....MIS

Le pilote aux commandes doit garder la maîtrise de l'aéronef et indiquer au pilote qui n'est pas aux commandes de mettre son masque. Une fois que cela est fait, il peut transférer les commandes de l'aéronef au pilote qui n'est pas aux commandes afin de pouvoir mettre son masque à son tour.

Tous les interrupteurs électriques…………………OFF
Interrupteurs de batterie et de génératrice …….…ON
Équip. élec. essentiel…………………………………ON, SUR UNE BASE INDIVIDUELLE

Surveiller l'ampèremètre pour s'assurer qu'il n'y a pas de grandes fluctuations de l'aiguille qui pourrait indiquer un court-circuit dans le circuit en question.

Oxygène………………………...……………………..AU BESOIN

Note

L'ouverture de la fenêtre latérale et du robinet de décharge du système de pressurisation de la cabine (si elle est dépressurisée) facilitera l'évacuation de la fumée et des émanations.

L'AFM du constructeur comprend une liste de vérifications d'urgence. Sky North a également une liste de vérifications d'urgence à utiliser dans le poste de pilotage qui est semblable à celle du constructeur. On dénote de légères différences en comparant ces listes et la liste de vérifications détaillée des SOP. L'introduction de l'élément GANG BAR DOWN (barrette d'accouplement « DOWN ») dans l'AFM et les listes de vérifications du poste de pilotage indique que la mesure à prendre [Traduction] « doit tenir compte des conditions existantes et de l'équipement installé ».

Les SOP détaillées indiquent d'abord que [Traduction] « l'équipage peut rapidement être incommodé ou frappé d'incapacité en présence de fumée ou d'un incendie d'origine électrique. Il est essentiel de prendre sans hésiter les meures pratiquées régulièrement afin d'isoler rapidement la source de la fumée ou de l'incendie, puis d'atterrir le plus vite possible à un aérodrome convenable. » De plus, les SOP avertissent les pilotes de couper l'alimentation électrique durant le jour seulement.

Toutefois, les listes de vérifications ne comprenaient pas de procédures explicites à suivre en cas d'incendie d'origine électrique peu après le décollage, dans la noirceur.

Instruments de vol de l'aéronef

L'aéronef en question a été consruit en 1976. Comme il était courant à l'époque de la construction de l'appareil, le Beechcraft A100 était muni de deux ensembles d'instruments de vol : ceux du commandant de bord (du côté gauche) qui fonctionnaient grâce au circuit électrique et ceux du copilote qui étaient alimentés par le circuit pneumatique.

Les instruments du commandant de bord étaient alimentés en c.c. de 28 volts provenant du bus d'avionique no 1. Si l'équipage détecte de la fumée ou un incendie d'origine électrique, le premier élément de la liste de vérifications exige que l'alimentation électrique soit coupée. Cette mesure met hors tension les instruments de vol du commandant de bord ainsi que toute source d'éclairage du poste de pilotage. Dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), les commandes de l'avion auraient été transférées au copilote qui se serait référé à ses instruments de vol pneumatiques s'il y avait eu assez de lumière ambiante pour les consulter. Lors de l'événement en question, le commandant de bord n'a pas coupé l'alimentation électrique.

Masques à oxygène et lunettes de sécurité

L'avion n'était pas équipé de masque complet à mise rapide, la réglementation ne l'exigeant pas. Dans l'avion se trouvaient des masques à oxygène et des lunettes de sécurité, chacun étant fermé hermétiquement dans un sac en plastique rangé dans des pochettes situées derrière le siège de chaque pilote. Le masque et les lunettes ont été conçus pour être étanches lorsqu'ils sont portés ensemble. Afin d'activer le masque à oxygène, il faut tirer la commande du circuit oxygène à la position « ON » et brancher le connecteur du tuyau d'alimentation du masque dans une prise à oxygène située sur la paroi du poste de pilotage adjacente au tableau de bord. La fumée qui s'est dégagée pendant l'incendie en vol n'a pas réduit la visibilité et n'a pas nui à la capacité de respirer des pilotes. Aucun des pilotes n'a mis son masque à oxygène.

Extincteurs

Le poste de pilotage était équipé d'un extincteur fixé sous le siège du commandant de bord. Un deuxième extincteur était fixé à l'avant de la cabine sur la paroi gauche séparant le poste de pilotage de la cabine. L'incendie étant passager, l'équipage n'a pas jugé bon d'utiliser les extincteurs pour l'éteindre.

Système électrique redondant de l'aéronef

La distribution de l'alimentation électrique du Beechcraft A100 alimente en électricité les bus d'alimentation secondaires numéro un (no 1) et numéro deux (no 2), respectivement, à partir des bus principaux des génératrices gauche et droite.

Figure 1. Distribution simplifiée de l'alimentation électrique aux bus secondaires.
Figure of Distribution simplifiée de l'alimentation électrique aux bus secondaires.

Comme le montre la figure 1, l'électricité provenant du bus d'alimentation secondaire no 1 passe par un disjoncteur de bus secondaire de 50 ampères et une diode d'alimentation secondaire, alimentant le bus secondaire (alimentation double) no 1. Ce bus secondaire no 1 est également alimenté par une deuxième source d'électricité provenant du bus d'alimentation secondaire no 2 et passant par un circuit séparé comprenant un disjoncteur de 50 ampères et une diode. La configuration du bus secondaire no 2 est semblable.

Dans l'éventualité où l'électricité fournie par le bus d'alimentation secondaire est coupée, les deux bus secondaires à alimentation double continueront à être alimentés par le deuxième bus d'alimentation secondaire, et les composants et systèmes alimentés par le bus continueront à fonctionner normalement. Il n'y a aucun avertissement ou signe en cas de coupure simple de l'alimentation. Les quatre disjoncteurs de bus secondaire sont logés sur le tableau des disjoncteurs situé à l'arrière du pylône du poste de pilotage. Les quatre diodes d'alimentation secondaire sont installées sur des dissipateurs thermiques dans la partie droite à l'avant du pylône. Lors de l'événement, alors que la fumée et l'incendie étaient visibles, il n'y a pas eu d'avertissement ou de signes indiquant quel système ou composant avait connu une défaillance.

Inspection et analyse après l'accident des fils à l'origine des arcs électriques

Le pylône a été presque complètement détruit par l'incendie postérieur à l'accident. Dans ce qui restait du pylône, on pouvait aisément distinguer les fils principaux du faisceau de fils électriques. La partie en plastique des disjoncteurs et l'isolant des fils avaient été consumés par l'incendie. L'inspection du faisceau de fils du pylône a permis de constater que plusieurs fils dans la partie gauche à l'arrière du pylône s'étaient rompus sous l'effet d'un arc électrique. Le faisceau de fils a été déposé et envoyé au laboratoire du BST pour des analyses poussées.

Un des fils s'étant rompu sous l'effet d'un arc électrique était un fil de calibre 8, référence P73A8, qui transportait de l'électricité du disjoncteur d'alimentation secondaire gauche à la diode d'alimentation secondaire du bus secondaire (alimentation double) no 1. Un deuxième fil de calibre 8, référence P84R8, qui était également un composant du même circuit alimentant le bus secondaire (alimentation double) no 1, s'était rompu sous l'effet d'un arc électrique. Deux fils de calibre 10 présentaient des marques de dommage causés par un arc électrique à l'une de leur extrémité. On n'a pas pu identifier l'un de ces fils, mais il semblerait que l'autre soit le fil de référence P92T10 qui était fixé sur le côté des entrées du disjoncteur d'alimentation secondaire gauche no 1, lequel alimentait le circuit d'avionique no 1. Les sources des arcs électriques des trois fils identifiés étaient situées à environ la même distance (1,5 pouce) en avant du tableau des disjoncteurs du pylône. Il se pourrait que le fil P73A8 et les fils P92T10 aient été logés à proximité du disjoncteur d'alimentation secondaire gauche no 1 avant de poursuivre leur cheminement dans un endroit du pylône où il y avait une importante concentration de fils dans un petit espace. Le fil de calibre 10 non identifié, qui a également été endommagé par un arc électrique, était probablement logé au même endroit.

Les quatre fils présentant des dommages dus à un arc électrique ont été soumis à un examen métallurgique afin de déterminer la composition interne et externe des emplacements où se sont produits des arcs électriques ainsi que des globules se trouvant sur les fils. On a examiné les fils au microscope électronique à balayage (MEB) équipé d'un spectromètre par dispersion d'énergie (EDS). Les examens au MEB ont été menés en utilisant le mode rétrodiffusion des électrons (BSE), lequel permet d'établir un contraste selon le numéro atomique. Les alliages et les éléments obtenus grâce à l'analyse au MEB étaient, pour la plupart, conformes à ce qu'un arc électrique touchant les fils dans le pylône aurait produit. Des quantités de plomb, d'étain, d'antimoine et d'aluminium ont été trouvées dans certains des globules et des endroits où se sont produits les arcs électriques. On peut donc croire que des fils de cuivre étamés ont fusionné sous l'effet d'un arc électrique. La présence de plomb et d'étain peut également être due à la fusion de soudure proche de la source de l'arc. L'antimoine peut provenir de la fonte de polymères ignifuges qui se trouvent dans les isolants des fils, de la fonte de soudure contenant de l'antimoine ou du contact d'un arc électrique avec un objet composé, entre autres, d'antimoine. La présence d'aluminium indique qu'un objet composé d'aluminium est entré en contact avec les fils lorsque l'arc électrique s'est produit. En raison de l'incendie après l'accident, il a été impossible de trouver les sources précises des éléments présents aux endroits où se sont produits des arcs et dans les faisceaux fondus.

Inspection et entretien des fils

Les dossiers de l'avion indiquaient que l'aéronef était maintenu et inspecté conformément aux exigences actuelles et aux procédures approuvées. Les inspections visuelles du pylône se déroulaient conformément au processus d'inspection par phase. La phase 3 de l'inspection, laquelle comprend l'inspection des fils et de l'équipement électriques se trouvant dans le poste de pilotage, avait eu lieu 1 mois et 21 jours avant l'événement. La dernière inspection (phase 4) avait eu lieu 4 jours avant l'événement.

Câblage des aéronefs vieillissants

À mesure que les aéronefs vieillissent, les incidents liés à la présence de fumée et à des incendies d'origine électrique sont devenus plus fréquents. Ces événements ont eu lieu tant sur des gros aéronefs de transport que sur des aéronefs de l'aviation générale. En juin 1998, l'Air Transport Association (association du transport aérien) des États-Unis (É.-U.) a créé l'Aging Systems Task Force (groupe de travail sur les systèmes vieillissants) afin d'évaluer l'efficacité de la maintenance des systèmes d'interconnexion électriques ainsi que l'état des systèmes se trouvant sur les aéronefs dont le certificat de type a plus de 20 ans. Le groupe de travail a par la suite été repris par l'Aging Transport System Rulemaking Advisory Committee (comité consultatif sur l'élaboration de règlements concernant les systèmes de transport vieillissants) et il a reçu le mandat de fournir des recommandations à la Federal Aviation Administration (FAA) des É.-U. Des inspections et des tests ont été effectués sur huit modèles d'aéronef et presque cent aéronefs de compagnies aériennes de la catégorie transport. Le groupe de travail a élaboré un rapport et les conclusions et recommandations ont été présentées à la FAA. Cette évaluation a permis de relever plusieurs situations qui nuisent au câblage des aéronefs. Une inspection visuelle détaillée et des mesures de maintenance appropriées devaient pouvoir régler la plupart des problèmes. Cependant, le rapport notait que certaines situations, comme la détérioration progressive des faisceaux de fils électriques, ne pouvaient pas être facilement détectées lors d'une inspection visuelle. Des isolants fissurés, de l'usure par frottement de fils adjacents et les premières étapes des dommages dus à la chaleur causée par des arcs électriques peuvent passer inaperçus.

Système d'indication du déplacement du compensateur en tangage

L'avion était équipé d'un système qui produit des bips lorsque le compensateur en tangage est utilisé. À la lecture de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR), on n'a pu entendre de bips indiquant l'utilisation du compensateur en tangage alors que le commandant de bord l'utilisait. Les fils de l'indicateur de position du compensateur en tangage du stabilisateur faisaient partie du faisceau de fils électriques qui ont subi un arc électrique.

L'enquête sur l'accident a permis de relever que le vérin de compensateur du stabilisateur avait été déplacé lors de l'événement et qu'il y avait eu rupture de la tige qui transmet le mouvement du vérin au bras de vérin du système d'indication du déplacement du compensateur un peu avant l'extrémité de la tige. Après inspection du faciès de rupture, on a déterminé que celle-ci était due à une surcharge et qu'elle présentait des caractéristiques correspondant à la direction du déplacement du vérin de compensateur. Le système d'indication du déplacement du compensateur n'a pas pu être testé en raison des dommages causés par l'incendie. La mesure du déploiement du vérin du compensateur indique que le stabilisateur se trouvait dans sa plage de fonctionnement normal et que le tout cadrait avec l'utilisation de l'avion au moment de l'accident.

Enregistreur de la parole dans le poste de pilotage

Un CVR Universal CVR120 était installé dans l'avion. L'appareil a été déposé de l'avion et envoyé au laboratoire du BST à des fins d'analyse. Les renseignements enregistrés ont été récupérés; cependant, la fonction d'enregistrement du microphone actifFootnote 7 n'a pas enregistré les conversation des pilotes. Le microphone d'ambiance du poste de pilotage (CAM) et les canaux de transmission fonctionnaient normalement.

Huit mois avant l'événement, le fonctionnement du CVR avait été vérifié et certifié en état de service. Lorsque l'appareil a été certifié, il se pourait que l'on ait pris les communications par interphone entre les pilotes pour l'enregistrement du microphone actif. Étant donné que les paroles passant par les microphones actifs n'avaient pas été enregistrées, la seule conversation des pilotes à être enregistrée l'a été par le CAM. La conversation était grandement masquée par le bruit généré par les moteurs et les hélices, et elle était donc difficile à entendre. Cependant, on a pu distinguer la mise des gaz pour le décollage, le son du train d'atterrissage qui rentre et qui sort ainsi que certains commentaires de l'équipage. L'information fournie par le CVR a pu servir à déterminer le déroulement chronologique des événements du décollage jusqu'à l'écrasement.

Dans sa configuration d'évacuation sanitaire, l'avion transportait moins de six passagers. Ainsi, le Règlement de l'aviation canadien n'exige pas qu'il soit doté d'un CVR. Celui-ci avait été ajouté et ne faisait pas partie du certificat de type original du constructeur de l'avion. Le Manitoba n'exige pas qu'un aéronef d'évacuation médicale soit équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage.

Analyse

Système électrique du pylône

Le système de distribution de l'alimentation électrique de l'avion a fonctionné comme prévu. Lorsque la rupture causée par un arc électrique a isolé une partie du bus secondaire (alimentation double) no 1, le bus a continué à être alimenté en électricité par le système d'alimentation secondaire no 2. Le bus secondaire no 1 a continué à alimenter les composants et les systèmes de l'avion par ce bus. Il n'y a pas eu d'avertissement ou d'indication de la défaillance dans le poste de pilotage en raison de cette redondance, ce qui aurait pu être utile dans la prise de décision des pilotes.

Incendie d'origine électrique

Les flammes dans le poste de pilotage ont été passagères et cadraient avec la présence d'un arc électrique et d'étincelage. La quantité de fumée dans le poste de pilotage n'est pas allé en augmentant et les flammes ont disparu, ce qui indique que l'élément déclencheur n'existait plus, le disjoncteur ayant sauté ou la rupture des fils sous l'effet des arcs électriques ayant interrompu l'alimentation électrique.

Les inspections visuelles régulières, effectuées conformément aux calendriers d'inspection du constructeur, n'ont pas permis de découvrir des indications de problèmes électriques. L'avion, construit en 1976, avait 32 ans. Les effets néfstes du vieillissement des fils en question ont pu jouer un rôle dans l'apparition des arcs électriques.

Effets de la formation et des réactions de l'équipage de conduite

Sans entraînement sur simulateur de vol, les équipages n'avaient pas l'occasion de s'entraîner dans un contexte réaliste aux situations d'urgence, comme un incendie en vol à basse altitude immédiatement après le décollage. L'exploitant effectuait les entraînements en vol et les pilotes avaient pour instruction de monter à une altitude sécuritaire pour mener d'autres exercices d'urgence.

En cas d'incendie en vol d'origine électrique, le manuel du Beechcraft A100 indique aux équipages de fermer le commutateur principal (barrette d'accouplement) et un avertissement prévient que les instruments de vol fonctionnant à l'électricité vont cesser de fonctionner. Dans un même ordre d'idée, les SOP de l'exploitant indiquent également de fermer le commutateur principal, mais il y a un avertissement comme quoi cette opération ne doit êttre faite que de jour. Aucun des manuels ne donne de lignes directrices dans l'éventualité où un équipage devrait piloter l'avion dans la noirceur sans alimentation électrique. La coupure de l'alimentation électrique des instruments de vol du commandant de bord dans la noirceur ou dans des conditions météorologiques de vol aux instruments nécessite que les commandes de l'aéronef soient transférées au copilote.

Le commandant de bord a continué à piloter l'avion sans que le système électrique ne soit fermé. Transférer les commandes ou simplement monter tout droit lors de cette phase du vol dans la noirceur aurait été difficile, mais cela aurait permis d'atteindre une altitude sécuritaire à laquelle la gravité de l'incendie (qui, à ce moment, aurait cessé) aurait pu être mieux évaluée.

La tentative de virage à vue en pleine noirceur sans repères visuels suffisant a permis à l'angle d'inclinaison latérale d'augmenter. Il en est résulté une perte de maîtrise à une altitude à laquelle aucun rétablissement n'était possible.

Accessibilité des extincteurs

Dans sa configuration originale, l'avion était équipé d'un extincteur sous chacun des sièges des pilotes. L'article 523.851 du Règlement de l'avion canadien exige qu'il y ait un extincteur dans le poste de pilotage et un extincteur dans la cabine. Dans l'avion en question, il y avait un extincteur fixé sous le siège du commandant de bord et un autre fixé du côté cabine sur la paroi séparant le poste de pilotage de la cabine. Le copilote a difficilement accès aux extincteurs en cas d'incendie dans le pylône du poste de pilotage. Le commandant de bord aurait eu à transférer les commandes de l'aéronef au copilote afin d'accéder à l'extincteur sous son siège. Si l'incendie avait pris de l'ampleur, le copilote n'aurait pas eu accès aux extincteurs à moins de se pencher au-dessus du pylône en feu ou de passer par-dessus. Dans le cas présent, l'incendie n'était que passager et aucun des pilotes n'a eu à utiliser l'extincteur pour l'éteindre.

Masques à oxygène et lunettes de sécurité

La fumée et les émanations qui se sont dégagées n'ont pas réduit la visibilité de façon significative et aucun des pilotes n'a eu de difficulté à respirer. Ceux-ci n'ont donc pas jugé utile de porter leur masque à oxygène comme le demandent les procédures d'urgence en cas d'incendie d'origine électrique. Les masques et les lunettes avaient beau être conformes à la réglementation, pour les porter il faut transférer les commandes de l'avion, récupérer le masque à l'arrière du siège, le sortir du contenant protecteur en plastique, activer l'alimentation en oxygène, brancher le tuyau d'alimentation dans la bonne prise et mettre le masque en place. L'utilisation du masque et des lunettes aurait pris du temps à un moment critique du vol et il se peut que le commandant de bord n'ait pas utilisé la liste de vérifications en cas de fumée ou d'incendie d'origine électrique en partie pour cette raison.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Un court-circuit dans le pylône du poste de pilotage a donné naissance à des flammes et à de la fumée qui ont incité l'équipage à prendre des mesures d'urgence.
  2. Les effets néfastes du vieillissement des fils en cause ont peut-être joué un rôle dans l'apparition des arcs électriques.
  3. L'équipage a décidé de retourner à l'aéroport à basse altitude dans un environnement présentant des repères visuels insuffisants. Il s'en est suivi une perte de maîtrise de l'avion à une altitude à laquelle aucun rétablissement n'était possible.

Faits établis quant aux risques

  1. Les mesures spécifiées dans les procédures d'utilisation normalisées (SOP) ne comprennent pas de procédures en cas d'incendie d'origine électrique à basse altitude de nuit qui pourrait mener à une perte de maîtrise.
  2. Les procédures d'inspection visuelle conformes aux exigences d'inspection par phase normale peuvent ne pas suffire pour détecter les défectuosités en cours d'évolution dans les faisceaux de fils électriques, ce qui augmente le risque d'incendie d'origine électrique.
  3. Dans le cas d'un incendie du pylône du poste de pilotage en vol, le copilote n'a pas facilement accès aux extincteurs, ce qui réduit les chances de lutter avec succès contre un incendie de cette nature.
  4. Il faut du temps pour atteindre les masques à oxygène et les lunettes de sécurité, fermés hermétiquement dans un contenant en plastique et rangés derrière le siège de chaque pilote, et ils sont compliqués à mettre et à activer. Les risques de blessure ou d'incapacité après une longue exposition à la fumée s'en retrouvent peut-être augmentés, ou les équipages auront peut-être moins tendance à utiliser cet équipement, surtout lorsque la charge de travail est élevée dans le poste de pilotage.

Autre fait établi

  1. Une défaillance de la fonction d'enregistrement des microphones actifs de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) est passée inaperçue et des renseignements qui auraient pu aider l'enquête n'étaient pas disponibles.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .