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Rapport d'enquête aéronautique A09W0026

Incursion de piste et risque de collision
mettant en cause NAV CANADA
à l'aéroport de Fort McMurray
à Fort McMurray (Alberta)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 21 h 11, heure normale des Rocheuses, le Beech 1900D de Sunwest Aviation Limited immatriculé C-GSWZ et portant le numéro de série UE 337 qui effectue le vol 411 sous l'indicatif CNK411 est en train de décoller à partir de la piste 25 de l'aéroport de Fort McMurray avec à son bord deux membres d'équipage et 18 passagers. La visibilité signalée à ce moment est de 5/8 de mille terrestre dans de la neige légère. Juste avant d'atteindre la vitesse de décision et de cabrage, l'équipage remarque des phares devant lui sur la piste et il cabre aussitôt l'avion. L'avion survole de 100 à 150 pieds un chasse-neige travaillant sur la piste. Le spécialiste de l'information de vol avait autorisé le conducteur du chasse-neige à continuer les opérations de déneigement sur la piste 25 après un départ précédent. Le conducteur du chasse-neige n'avait pas reçu l'ordre de quitter la piste avant le départ de CNK411 et l'équipage n'avait pas été informé de la présence du chasse-neige sur la piste. CNK411 communiquait avec la station d'information de vol sur la fréquence obligatoire de 118,1 MHz, tandis que le conducteur du chasse-neige communiquait sur la fréquence sol de 121,9 MHz.

Renseignements de base

Des opérations de déneigement avaient lieu à l'aéroport de Fort McMurray. Un camion balayeur chasse-neige appelé Truck 81 (TK81) déneigeait la piste 25. En prévision d'un départ, le spécialiste de l'information de vol (ci-après le spécialiste) avait ordonné à TK81 de quitter la piste par la voie de circulation C à 21 h 3, heure normale des Rocheuses (HNR)Footnote 1. à 21 h 5, un Bombardier CRJ2 a appelé la station d'information de vol (FSS) pour indiquer qu'il circulait pour prendre position sur la piste 25; le spécialiste lui a indiqué que le véhicule avait libéré la piste et l'avion a pu décoller. à 21 h 7, le spécialiste a autorisé TK81 à retourner sur la piste 25 pour continuer le déneigement.

Après avoir fait tous les appels radio obligatoires sur la fréquence de 118,1 MHz en circulant pour prendre position sur la piste 25, CNK411 a reçu de la FSS à 21 h 9 une autorisation de départ selon les règles de vol aux instruments (IFR) accompagnée d'une restriction comme quoi l'autorisation serait annulée si l'avion n'avait pas décollé à 21 h 11. L'autorisation a été collationnée et CNK411 a circulé pour prendre position. CNK411 a appelé à 21 h 10 pour indiquer qu'il entamait la course au décollage sur la piste 25. Alors que l'avion avait parcouru environ 3400 pieds sur la piste et approchait de la vitesse minimale en cas de panne de moteur critique (V1)Footnote 2 , le pilote aux commandes (PF) a remarqué des phares en avant sur la piste et a immédiatement cabré l'avionFootnote 3. L'avion a commencé à monter et a survolé TK81 à une altitude estimée entre 100 et 150 pieds. L'équipage de CNK411 a appelé la FSS pour signaler que l'avion était dans les airs et s'enquérir du véhicule sur la piste. Le spécialiste a répondu que le véhicule n'aurait pas dû être là.

Pendant la course au décollage, le commandant de bord de CNK411 était le pilote qui était aux commandes (PF) et il se concentrait pour rester sur l'axe de piste en prenant les feux de bord de piste comme repères. L'article 602.100 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) indique que le commandant de bord doit s'assurer, par radiocommunications et par observation visuelle, qu'il n'y a pas de risque de collision avec un autre aéronef ou véhicule au moment du décollage. Dans le cas présent, la vision avant du PF était limitée par la neige légère qui balayait la piste de droite à gauche ainsi que par le rayonnement des phares d'atterrissage se reflétant sur les flocons de neige. Le copilote était le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF) et il surveillait les instruments et les manettes de poussée. La visibilité signalée était d'environ 5/8 de mille terrestre (3300 pieds). Lorsque le PF a vu pour la première fois les phares de TK81, l'avion était près de la voie de circulation D, qui est à 3500 pieds du seuil de la piste 25. TK81 était près de la voie de circulation C, qui se trouve à environ 5400 pieds du seuil de la piste 25 (voir la figure 1). L'équipage n'a vu le gyrophare sur le chasse-neige que lorsqu'il a été directement au-dessus du camion.

Figure 1. Schéma de l'aéroport de Fort McMurray
Figure of Schéma de l'aéroport de Fort McMurray

étant donné que le spécialiste n'avait pas communiqué par radio avec le conducteur du chasse neige pour lui ordonner de libérer la piste, ce dernier a continué à circuler du côté sud de l'axe de piste en direction du seuil de la piste 25.

Les conditions météorologiques de Fort McMurray étaient fournies par un système automatisé d'observations météorologiques (AWOS), lequel indiquait les conditions suivantes à 21 h 13 : vent du 320 degrés vrai (°V) à 8 nœuds, visibilité de 5/8 mille terrestre, neige légère, visibilité verticale de 700 pieds, température de −14 °C, point de rosée de −17 °C, calage altimétrique de 29.67 pouces de mercure. Les feux de seuil de piste aux deux extrémités de la piste étaient visibles de la tour, mais ils ont été décrits comme flous en raison de la neige légère.

NAV CANADA exploite une tour de contrôle de 6 h 45 à 18 h 15 en semaine et de 6 h 45 à 15 h le samedi et le dimanche. L'organisme exploite également une FSS qui fournit des messages consultatifs de vol et des services de contrôle de véhicules (VCS)Footnote 4 de 18 h 15 à 23 h 15 en semaine et de 15 h à 23 h 15 le samedi et le dimanche. Chaque jour, entre 23 h 15 et 6 h 45, des spécialistes de Peace River (Alberta), à environ 200 miles à l'ouest de Fort McMurray, offrent un service consultatif télécommandé d'aérodrome (RAAS) et un service consultatif aux véhicules (VAS)Footnote 5.

La fréquence tour et la fréquence obligatoire (MF) de l'aéroport sont de 118,1 MHz et la fréquence sol, de 121,9 MHz. Lorsque la tour ou la FSS sur le terrain est en service, les deux fréquences sont utilisées pour les communications avec les aéronefs, la fréquence sol étant utilisé pour communiquer à la fois avec les aéronefs et les véhicules de pisteFootnote 6. NAV CANADA procède de la sorte afin de réduire l'encombrement des fréquences lorsque les mouvements des aéronefs augmentent. Les véhicules de piste sont équipés d'une seule radio à très haute fréquence (VHF) et ils ne peuvent pas capter les deux fréquences simultanément. Seule la MF (118,1 MHz) est utilisée pendant les heures d'exploitation RAAS et VAS afin de faire en sorte que les aéronefs et les véhicules de piste reçoivent toutes les communications et soient ainsi mieux au courant la situation. Cette pratique constitue également un moyen de défense dans l'éventualité où la ligne de communication entre le RAAS et l'aéroport serait interrompue.

Au moment de l'événement, le spécialiste sur le terrain était chargé de toute la circulation dans les airs et au sol, en plus d'avoir à composer avec un système automatique numérique d'information de région terminale (D-ATIS) hors service. La perte du D-ATIS alourdissait la charge de travail du spécialiste qui devait donner des comptes rendus verbaux des conditions météorologiques, de l'état de la surface de la piste (RSC) et du coefficient canadien de frottement sur piste (CRFI) aux aéronefs à l'arrivée et au départ, au lieu du message enregistré que le D-ATIS envoie aux aéronefs avant qu'ils communiquent avec la FSS.

Le spécialiste avait commencé son quart de travail normal à 15 h 30 et il était en poste dans la tour depuis environ deux heures quand l'événement est survenu. Il s'agissait de son premier quart après deux jours de congé. Le poste était occupé selon les lignes directrices de l'unité et il n'y avait aucun surveillant dans la tour au moment de l'événement, les lignes directrices de l'unité ne l'exigeant pas. Le spécialiste avait obtenu sa première qualification en octobre 2006 et il a été qualifié pour travailler à l'aéroport de Fort McMurray en janvier 2008.

Lorsqu'il y a des conditions hivernales, l'équipement de déneigement doit souvent intervenir sur la piste en service entre les mouvements des aéronefs. Entre le départ du vol précédent et celui de CNK411, il s'est passé environ cinq minutes pendant lesquelles TK81 a pu se rendre de la voie de circulation C jusqu'au seuil de la piste 07 et revenir près de la voie de circulation C, ce qui constitue une distance d'environ 4000 pieds.

Dans le présent événement, le spécialiste avait autorisé le véhicule à circuler sur la piste dans le cadre de l'écoulement normal de la circulation. Les spécialistes de Fort McMurray utilisent deux aide-mémoires pour les aider à se rappeler de la présence de véhicules sur la piste en service :

Le spécialiste avait l'habitude de se servir de ces deux techniques. Les spécialistes balaient du regard la piste pour y repérer des véhicules en tant que vérification finale, conformément à l'article 421.2 du MANOPS des FS.

Le spécialiste ne se souvenait pas d'avoir autorisé le véhicule à retourner sur la piste, donc il n'a pas utilisé les aide-mémoires. Le balayage visuel du spécialiste avant le départ de CNK411 a permis de repérer le gyrophare de TK81. Cependant, de la tour, la position du véhicule ne pouvait pas être déterminée visuellement avec précision. TK81 était dans les environs de l'intersection avec la voie de circulation C.

Une omission à la suite d'une interruption est une erreur d'exécution fondée sur les compétences qui se produit lorsque l'attention nécessaire est détournée par un événement extérieur; la séquence d'actions initiale continue, mais certaines parties en sont omises à la suite de l'interruption. Si une façon de faire bien établie est interrompue, elle peut ne jamais se terminer ou elle peut être reprise au mauvais instant.

En 1997, NAV CANADA a publié le bulletin des services de la navigation aérienne no 9701, qui indiquait que les oublis constituaient un des aspects les plus courants des incursions de piste. La vigilance et le respect des procédures obligatoires y étaient indiqués comme des techniques d'atténuation de première importance permettant d'éviter les incursions. NAV CANADA a publié le bulletin des services de la navigation aérienne no 2000 2 en mai 2000 à la suite d'une évaluation des incursions de piste. Le bulletin énumérait quelques stratégies permettant d'éviter les incursions, notamment le balayage visuel continu des aires de manœuvre et la réduction de la déconcentration par un renfort continu de la connaissance de la situation et de la discipline personnelle.

Analyse

Les conséquences d'une collision entre des véhicules de piste et un aéronef au décollage ou à l'atterrissage peuvent être catastrophiques. Par conséquent, plusieurs moyens de défense sont utilisés pour prévenir les conflits entre les aéronefs et les véhicules de piste.

Le spécialiste était relativement occupé puisqu'il devait assurer les communications avec la circulation d'aéroport et la coordination avec le centre de contrôle régional (ACC). Le spécialiste ne se rappelait pas avoir autorisé le véhicule à retourner sur la piste après le dernier départ. Il est probable que les autres tâches dont le spécialiste s'occupait au même moment ou presque où il a autorisé le véhicule à retourner sur la piste ont interrompu l'utilisation normale des aide-mémoires du spécialiste. De plus, la position du véhicule aux abords de la voie de circulation C a probablement confirmé l'impression du spécialiste comme quoi le véhicule ne s'était pas déplacé depuis le dernier départ et que ledit véhicule n'avait pas été autorisé à retourner sur la piste.

La réglementation de Transports Canada exige que les pilotes s'assurent qu'il n'y a pas d'obstacles sur la piste avant le départ, par radiocommunication ou par observation visuelle. Le présent incident s'est déroulé la nuit par une visibilité réduite dans de la neige, ce qui a limité l'efficacité de l'observation visuelle.

Si le pilote de l'avion et le conducteur du véhicule avaient utilisé la même fréquence radio, ils auraient probablement eu une meilleure connaissance de leur position respective sur la piste.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Ayant probablement été interrompu pour effectuer d'autres tâches au moment où il autorisait le véhicule à entrer sur la piste, le spécialiste de l'information de vol n'a pas utilisé d'aide-mémoires pour se rappeler que TK81 avait été autorisé sur la piste.
  2. La visibilité réduite a nui au balayage visuel du spécialiste de l'information de vol.
  3. La visibilité réduite causée par la noirceur et les précipitations de neige a fait en sorte que ni le pilote ni le conducteur du véhicule n'ont déterminé avec précision la position de l'autre sur la piste.
  4. TK81 et CNK411 utilisaient des fréquences différentes, ce qui a ainsi empêché l'équipage de conduite et le conducteur du véhicule d'être conscients de la présence de l'autre sur la piste.

Mesures de sécurité prises

Bureau de la sécurité des transports du Canada

Le 13 août 2009, le Bureau de la sécurité des transports du Canada a publié l'avis de sécurité aérienne A09W0026 D1 A1 intitulé Communication Frequency Assignment for Vehicle Advisory Services (assignation des fréquences de communication des services consultatifs aux véhicules). Selon cet avis, Transports Canada devrait peut-être travailler de concert avec NAV CANADA pour étudier la possibilité que les aéronefs et les véhicules utilisent une seule fréquence sur les aires de manœuvre.

NAV CANADA

En guise de réponse à l'avis de sécurité mentionné ci-dessus, NAV CANADA a pris les mesures suivantes :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .