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Rapport d'enquête aéronautique A16P0069

Perte d'efficacité du rotor de queue
Highland Helicopters Ltd.
Bell 206B Jet Ranger-III (hélicoptère) (C-GOPK)
Lac Tchentlo (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 4 mai 2016 à 7 h 26, heure avancée du Pacifique, un Bell 206B Jet Ranger-III (immatriculé C-GOPK, numéro de série 3247) exploité par Highland Helicopters Ltd. effectuait un balayage infrarouge d'une aire de coupe à environ 112 milles marins au nord ouest de Prince George (Colombie-Britannique), lorsque l'hélicoptère a amorcé une rotation intempestive vers la droite plusieurs fois et a chuté au sol. L'hélicoptère a été détruit par l'impact, et les 3 occupants à bord ont été grièvement blessés. Aucun incendie ne s'est déclaré après l'impact. La radiobalise de repérage d'urgence de 406 MHz s'est déclenchée. Les 3 occupants blessés ont été transportés à l'hôpital par un autre aéronef appartenant à Highland Helicopters Ltd. qui travaillait dans ce secteur.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Le 4 mai 2016 à 7 h 19Note de bas de page 1, un hélicoptère Bell 206B Jet Ranger-III (Bell 206B) (immatriculé C‑GOPK, numéro de série 3247) exploité par Highland Helicopters Ltd. (Highland) est arrivé au bloc de coupeNote de bas de page 2 90072‑1, adjacent au lac Tchentlo (Colombie‑Britannique). Le pilote, un opérateur de caméra de Highland et un employé de la compagnie forestière étaient à son bord. L'hélicoptère avait été nolisé par la compagnie forestière pour effectuer des balayages infrarouges de tas de broussailles brûlés durant l'hiver précédent. Ces balayages avaient pour objet de détecter tout point chaud qui pourrait révéler un feu couvant. Un des occupants, dans le siège de passager derrière celui du pilote, du côté droit de la cellule, utilisait une caméra infrarouge manuelle.

L'activité de balayage a duré environ 2,5 minutes au-dessus de la section du bloc de coupe le plus proche du lac. L'hélicoptère s'est ensuite déplacé vers la deuxième section du bloc de coupe, située à environ 0,5 mille marin (nm) au sud-est. Le balayage de la deuxième section a également duré environ 2,5 minutes; l'hélicoptère a ensuite survolé la troisième section du bloc, à environ 0,5 nm au sud. L'hélicoptère a survolé la dernière section du bloc de coupe pendant environ 26 secondes avant que le pilote perde la maîtrise du contrôle en lacet et que l'hélicoptère amorce un tournoiement vers la droite. Le pilote n'a remarqué aucun changement dans la maîtrise du rotor de queue avant la soudaine perte de maîtrise du contrôle en lacet.

La pratique habituelle à Highland consistait à effectuer les activités de balayage à une vitesse sol d'environ 30 nœuds et à une altitude d'environ 150 pieds au-dessus du sol pour obtenir de bons résultats de balayage infrarouge. La caméra pointait par la fenêtre ouverte de la porte arrière droite et elle était orientée vers le bas à un angle d'environ 30°. Pour assurer la couverture photographique la plus efficace des tas de broussaille, l'hélicoptère survolait les sections du bloc de coupe en suivant un cap approximatif est-ouest. Comme les vents soufflaient de l'ouest, l'hélicoptère devait voler vent debout en direction ouest, et vent arrière lorsqu'il volait vers l'est.

Afin de maintenir une vitesse sol constante pour la caméra infrarouge, l'hélicoptère devait maintenir une vitesse anémométrique plus élevée quand il volait vent debout, et moins élevée en vent arrière. Comme la caméra pointait vers le sol du côté droit de l'hélicoptère, l'arc de cercle saisi par la caméra était plus grand que celui que décrivait l'hélicoptère dans les virages à gauche. Afin que la caméra couvre le sol à la bonne vitesse, l'hélicoptère volait plus lentement dans les virages à gauche qu'en vol rectiligne ou dans les virages à droite.

Enfin, le pilote maintenait l'hélicoptère dans un léger mouvement de lacet nez à gauche pour offrir à la caméra un angle de vue dégagé vers l'avant. Ainsi, le pilote devait solliciter davantage le palonnier gauche en vol rectiligne et en palier, ainsi que dans les virages à gauche, qu'il ne le ferait pour un virage coordonné normal.

Les données du système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) (figure 1) montrent que la vitesse sol moyenne de l'hélicoptère durant le balayage de la première section du bloc de coupe était d'environ 41 nœuds. La vitesse sol moyenne dans la deuxième section était d'environ 34 nœuds. Lorsque l'hélicoptère est passé à la dernière section du bloc, sa vitesse sol était d'environ 27 nœuds, et elle a graduellement diminué par la suite à 19 nœuds en moyenne au cours des 22 secondes qui ont précédé la perte de maîtrise du contrôle en lacet.

Figure 1. Trajectoire de vol du C-GOPK (Source : BC Timber Sales, avec annotations du BST)
Trajectoire de vol du C-GOPK

Les vents dans la région soufflaient de l'ouest à environ 10 nœuds. L'obstacle important en amont le plus proche lorsque s'est produit le mouvement de lacet intempestif était du bois sur pied à environ 1500 pieds à l'ouest (derrière l'hélicoptère). L'aéronef a survolé la dernière section du bloc de coupe sur un cap sud-est, a effectué un virage à gauche graduel sur un arc de cercle d'environ 105° et volait en direction sud-est à une vitesse sol de 14 nœuds lorsque s'est produit le mouvement de lacet nez à droite intempestif. Aucun son inhabituel et aucune vibration étrange n'a précédé ce mouvement, et le pilote n'a observé aucun voyant lumineux ou avertisseur, ni indication de jauge inhabituelle. Le pilote a été incapable d'obtenir une vitesse avant et, quoiqu'il ait abaissé et relevé plusieurs fois le levier de pas collectif en plus de solliciter à fond le palonnier gauche, il n'a pu interrompre le tournoiement. Au cours des 10 à 15 secondes suivantes, l'aéronef a descendu abruptement, bien que lentement, au sol. L'aéronef a effectué environ 5 rotations complètes à partir du moment où le pilote a perdu le contrôle en lacet jusqu'au moment où il a percuté le relief, à 7 h 26. L'hélicoptère a alors rebondi et roulé sur le côté droit.

Les 3 occupants ont été grièvement blessés. Ils portaient tous une ceinture-baudrier et une sangle abdominale, et le pilote portait un casque. Les passagers du siège avant gauche et du siège arrière droit ont pu évacuer immédiatement l'aéronef et tirer le pilote hors de l'épave, dont la tête et les jambes étaient coincées entre l'épave et le sol. Le casque du pilote a probablement prévenu des blessures plus graves.

La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de 406 MHz s'est déclenchée durant l'écrasement. Le Centre conjoint de coordination de sauvetage à Victoria (Colombie‑Britannique) a informé l'exploitant de la transmission de l'ELT du C-GOPK. L'exploitant a redirigé un autre hélicoptère Highland dans les environs vers le lieu de l'accident pour transporter les occupants à l'hôpital.

L'élévation au lieu de l'accident était de 3170 pieds au-dessus du niveau de la mer. Il n'y a aucune station météorologique officielle à cet endroit. Au moment de l'accident, les vents soufflaient de l'ouest à environ 10 nœuds, la visibilité était illimitée sous des nuages épars, et la température était de 5 °C.

Renseignements sur l'aéronef

Les dossiers indiquaient que l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Les enquêteurs ont calculé qu'au moment de l'accident, la masse de l'hélicoptère était légèrement supérieure à 3000 livres, soit environ 94 % de sa masse maximale de 3200 livres, et son centre de gravité se situait en deçà des limites prescrites.

Les plus récents travaux de maintenance sur l'hélicoptère avaient été effectués le jour avant l'accident, dans le cadre d'une inspection périodique aux 100 heures. Ces travaux comprenaient la lubrification des cannelures à l'extrémité avant de l'arbre d'entraînement du rotor de queue et la lubrification des paliers d'appui de l'arbre d'entraînement. On a relevé aucune anomalie ni défectuosité au cours des travaux de maintenance. Le jour de l'accident, au cours des 2 heures et 26 minutes de vol qui ont précédé le mouvement de lacet intempestif, le pilote n'avait remarqué rien d'inhabituel concernant la manœuvrabilité ou les performances de l'hélicoptère.

L'hélicoptère était doté d'un système de suivi des vols Latitude S200-011 et d'un système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) Garmin 296. Les données récupérées de ces 2 systèmes ont permis de déterminer la trajectoire de vol et la vitesse sol de l'aéronef.

L'hélicoptère était muni de pales de rotor de queue fabriquées par Van Horn Aviation (Van Horn) (numéro de pièce 2062200-301). Le 10 août 2009, la Federal Aviation Administration (FAA) avait émis le certificat de type supplémentaire (STC) SR02249LA qui permettait le remplacement des pales du fabricant d'équipement d'origine par ces pièces; Transports Canada (TC) a émis le STC SH10-22 le 7 mai 2010. Les pales Van Horn avaient été installées sur le C‑GOPK le 16 novembre 2015. Depuis l'installation des pales de remplacement, l'aéronef avait effectué 28 vols et accumulé 89,5 heures de vol.

Les pales Van Horn sont fabriquées à partir d'une âme en mousse structurelle revêtue de fibre de carbone, et leur bord d'attaque est muni d'une bande d'antiabrasion en acier inoxydable. Ces pales ont presque les mêmes dimensions que les pales du fabricant d'origine, mais elles sont un peu plus légères, et la forme de leur profil et de leur bout est légèrement différente. Van Horn décrit ses pales comme étant plus minces, plus silencieuses et plus efficaces que celles du fabricant d'origine, et affirme qu'elles génèrent [traduction] « moins de pression sur les palonniersNote de bas de page 3 ». La FAA a approuvé les documents d'installation et d'entretien des pales de la compagnie, dont le document intitulé Instructions for Continued Airworthiness, selon lequel [traduction] « en vol, les pales nécessitent une sollicitation moindre des palonniersNote de bas de page 4 ». Dans la notice d'installation intitulée « READ ME FIRST! » (annexe A), on peut lire, en partie :

[traduction] Ces pales sont conçues différemment des pales du fabricant d'équipement d'origine. On doit utiliser des procédures d'installation LÉGÈREMENT DIFFÉRENTES, et il se peut que les pilotes doivent SE FAMILIARISER AVEC LEUR UTILISATION.

[…]

Expliquez à vos pilotes que la sensation des palonniers pourrait être différente. Si les pales sont correctement installées, les pilotes sollicitent LÉGÈREMENT LE PALONNIER DE DROITE OU LAISSENT LES PALONNIERS AU NEUTRE au décollageNote de bas de page 5.

Renseignements sur l'épave et sur l'impact

L'hélicoptère a été détruit à la suite de l'impact avec le relief (figure 2). Il y a eu rupture des 2 pales du rotor principal à plusieurs pieds de leurs pieds de pale. Les supports de la boîte de transmission du rotor principal se sont brisés, et l'accouplement arrière de l'arbre d'entraînement, entre le moteur et la boîte de transmission du rotor principal, s'est disloqué. La poutre de queue est demeurée attachée au fuselage, mais avec un important fléchissement vers le haut et à droite, environ 6 pouces derrière l'emplanture de la poutre de queue au fuselage. Le stabilisateur vertical (dérive) est demeuré attaché à la poutre de queue, mais une section de 10 pouces à l'extrémité de la dérive inférieure était fléchie d'environ 90° à droite. Le reste de la dérive avait subi une rotation de plusieurs degrés en sens antihoraire (vu de l'arrière de l'aéronef), ce qui avait entraîné la torsion de la poutre de queue juste devant la dérive. Une des pales du rotor principal a heurté la partie supérieure de la dérive.

Figure 2. Épave et lieu de l'accident
Épave et lieu de l'accident

La boîte de transmission du rotor de queue contenait la quantité d'huile appropriée, les composants tournaient librement, et le bouchon du détecteur magnétique de limaille était propre. Les pales du rotor de queue sont demeurées attachées au moyeu et à leurs fusées, et semblaient généralement intactes. Or, une inspection subséquente a révélé qu'elles étaient lourdement endommagées. L'inspection a permis d'établir la continuité de la tringlerie de commande du rotor de queue avant l'impact, mais n'a pas permis de vérifier le réglage des commandes, étant donné l'ampleur des dommages à la cellule. Toutefois, ni les pilotes ni le personnel de maintenance n'avaient relevé d'anomalie relative au rotor de queue avant la soudaine perte de maîtrise du contrôle en lacet.

L'arbre d'entraînement du rotor de queue s'est rompu à l'extrémité avant du deuxième segment de l'arbre (numéro de pièce 206-040-931-011), juste avant la déformation dans la poutre de queue. Une section de 8 pouces de l'arbre d'entraînement du rotor de queue s'était séparée, et un morceau de 1 ½ pouce de l'accouplement collé d'arbre d'entraînement avait été arraché. La section séparée de l'arbre d'entraînement a été retrouvée sur le sol directement sous la déformation dans la poutre de queue, et le morceau du matériau d'accouplement de l'arbre a été retrouvé sous le couvercle de l'arbre de transmission, à quelques pouces de son emplacement normal. Les tiges indicatricesNote de bas de page 6 du segment immédiatement devant la chaise de palier no 2 étaient toujours libres.

Examens du rotor de queue et de l'arbre d'entraînement du rotor de queue

Le rotor de queue ainsi que des sections de son arbre d'entraînement ont été envoyés à un bureau d'études techniques indépendantNote de bas de page 7, où ils ont fait l'objet d'examens détaillés pour déterminer l'ampleur, le type et la cause des dommages constatés.

Voici ce qu'a permis de constater l'examen réalisé par ce bureauNote de bas de page 8 :

  1. Les 2 pales du rotor de queue étaient lourdement endommagées – bandes d'antiabrasion de bord d'attaque fissurées, ouverture des bords de fuite, de nombreuses fissures dans le revêtement des pales à un angle d'environ 45° par rapport à la corde des pales et dommages à l'extrémité des bords de fuite.
  2. L'emplacement des dommages sur les pales du rotor de queue indiquait qu'elles avaient fléchi en sens opposé.
  3. Il était relativement facile de tordre ces pales à la main dans le sens des fissures dans leur revêtement (signe de dommages internes considérables).
  4. Les dommages causés aux pales du rotor de queue étaient caractéristiques d'un contact avec le sol ou un objet pendant qu'elles tournaient.
  5. La poutre de queue de l'hélicoptère a été déformée à un angle prononcé par la force d'impact contre le sol, à l'emplacement de l'arbre segmenté défaillant (numéro de pièce 206‑040‑931‑011).
  6. La ferrure de chaise de palier à la position du palier no 2 était fléchie vers l'avant, et la ferrure à la position du palier no 3 était fléchie vers l'arrière, en raison du fléchissement de la poutre de queue et de la charge de compression que ce fléchissement avait appliquée à l'arbre segmenté (numéro de pièce 206-040-931-011).
  7. La liaison arbre-accouplement collée à l'extrémité avant de l'arbre segmenté s'est rompue par cisaillement vers l'avant sous la force de compression exercée sur l'arbre par le fléchissement de la poutre de queue. L'arbre a été déplacé vers l'avant dans l'accouplement, et l'extrémité avant de l'arbre a subi un frottement prononcé et une grave déformation à cause de son contact avec la surface avant intérieure de l'accouplement.
  8. L'arbre (numéro de pièce 206-040-931-011) était toujours intact et était entraîné au moment où s'est amorcé le fléchissement de la poutre de queue, comme en témoigne une profonde incision rotatoire sur la face avant de la ferrure de chaise de palier no 3, et les dommages relativement symétriques sur l'accouplement avant de l'arbre segmenté (numéro de pièce 206‑040‑931‑009). Ces dommages ont été causés par un contact avec l'accouplement de l'ensemble de disques installé entre l'arbre comportant le numéro de pièce 206-040-931-011 et l'arbre ayant le numéro de pièce 206-040-931-009.
  9. Après la défaillance de la liaison arbre-accouplement collée sur l'arbre (numéro de pièce 206-040-931-011), l'extrémité avant de l'arbre a été endommagée sur un côté par la rotation de l'accouplement là où il avait eu défaillance de la liaison, alors que le fléchissement continu de la poutre de queue causait la déformation par compression ou le fléchissement de l'arbre. Le fléchissement continu de la poutre de queue a entraîné la rupture de l'arbre par fatigue en flexion, et la partie plus mince de l'accouplement défaillant a été arrachée de l'ensemble durant ce processus. Il n'y a aucun signe de dommage rotatoire sur l'arbre près de la rupture par fatigue en flexion, ce qui indique qu'à ce stade de l'accident, le rotor de queue ne tournait plus.
  10. L'examen au microscope de la fracture au point de flexion de l'arbre (numéro de pièce 206‑040‑931‑011) a permis de confirmer qu'il s'agissait d'une rupture par flexion ductile attribuable à une surcharge instantanée, sans aucun signe qu'une charge de torsion ait été en jeu dans la défaillance.

Le bureau d'étude a donc conclu queNote de bas de page 9 :

  1. La défaillance de la liaison arbre-accouplement collée à l'extrémité avant de l'arbre segmenté (numéro de pièce 206‑040-931-011) a été causée par le fléchissement de la poutre de queue de l'hélicoptère à la suite de son impact avec le sol durant l'accident.
  2. Le rotor de queue était entraîné lorsqu'il a percuté le sol durant l'accident, jusqu'à ce que le fléchissement de la poutre de queue entraîne la défaillance de la liaison arbre‑accouplement collée sur l'arbre segmenté (numéro de pièce 206-040-931-011).

Renseignements sur le pilote

Les dossiers indiquent que le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote était au service de Highland depuis 19 ans et avait effectué des balayages de tas de broussailles chaque année depuis son embauche par l'exploitant. En tout, il avait accumulé environ 22 000 heures de vol, dont environ 18 000 heures sur des hélicoptères Bell modèle 206. Environ 530 de ses plus récentes heures de vol avaient été effectuées aux commandes d'hélicoptères Bell 206 munis de pales de rotor de queue Van Horn.

Le fabricantNote de bas de page 10 et l'organisme de réglementationNote de bas de page 11 ont distribué de l'information pour alerter les pilotes à propos du phénomène de perte d'efficacité du rotor de queue. On avait communiqué cette information au pilote durant sa formation sur l'hélicoptère Bell 206.

Le plus récent contrôle de la compétence du pilote avait eu lieu le 16 avril 2016, moins de 3 semaines avant l'accident. Ce contrôle comprenait des exercices pour composer avec un palonnier coincé et une perte de maîtrise du rotor de queue.

L'horaire de travail et de repos du pilote respectait les limites établies par Transports Canada. Le pilote avait effectué au total 11,7 heures de vol au cours des 4 jours qui ont précédé l'accident, dont 3,4 heures le jour avant l'accident. Rien d'indique que des facteurs physiologiques auraient pu compromettre le rendement du pilote.

Perte d'efficacité du rotor de queue

D'après le manuel Helicopter Flying Handbook de la FAA [traduction], « La perte d'efficacité du rotor de queue ou un mouvement de lacet imprévu est un mouvement de lacet rapide et intempestif en direction de la pale avançante et qui ne cesse pas tout seulNote de bas de page 12 ». Ce manuel explique qu'il s'agit d'un phénomène aérodynamique, et que ce phénomène n'est pas attribuable à une défaillance mécanique. On ajoute que ce phénomène peut toucher tous les hélicoptères monorotors munis d'un rotor de queue et qu'il survient lorsque l'écoulement de l'air à travers un rotor de queue [traduction] « change d'une quelconque façon, par un changement soit d'angle, soit de vitesse d'écoulement de l'air à travers les pales en rotation du rotor de queueNote de bas de page 13 ».

Toujours d'après ce manuel [traduction], « Le dessin des pales de rotor principal et de queue ainsi que de la poutre de queue peut influer sur les caractéristiques de la perte d'efficacité du rotor de queue et la susceptibilité à celle-ci, mais ne peut entièrement contrer ce phénomèneNote de bas de page 14 » et ajoute,

[traduction] Autant que possible, les pilotes doivent apprendre à éviter les combinaisons de facteurs suivantes :

  1. Vol à basse vitesse et à basse altitude en dehors de l'effet de sol.
  2. Vents soufflant à ±15° de la position 10 h et probablement jusqu'à la position 5 h.
  3. Vents arrière qui peuvent retarder la portance de translationNote de bas de page 15 et de la poussée de translation et ainsi entraîner des demandes de puissance élevée et exiger plus d'anticouple (palonnier de gauche) que ne peut produire le rotor de queue.
  4. Virages à basse vitesse en vent arrière.
  5. Changements importants de puissance à basses vitesses anémométriques.
  6. Vol à basse vitesse à proximité d'obstacles physiques qui pourraient modifier l'écoulement stable de l'air à travers les rotors principal et de queue.

Les pilotes qui se placent dans les situations décrites ci-dessus doivent savoir qu'ils s'exposent à une perte d'efficacité du rotor de queueNote de bas de page 16.

Les hélicoptères sont faits pour voler, et sont donc souvent utilisés, dans la partie du domaine de vol qui les rend susceptibles à une perte d'efficacité du rotor de queue. Outre le décollage et l'atterrissage, le travail aérien comme l'observation, l'inspection, la photographie et l'élingage exige souvent une puissance élevée et une faible vitesse dans diverses conditions de vents. S'il n'est pas réaliste d'attendre des pilotes qu'ils évitent de voler dans cette partie du domaine de vol, en cas de perte d'efficacité du rotor de queue, le pilote ne dispose souvent que de peu de temps et d'altitude pour reconnaître le problème et prendre des mesures correctives. L'hélicoptère à l'étude était exposé à au moins 5 des facteurs contributifs indiqués ci-dessus.

La base de données du TSB compte de nombreux dossiers d'accidents d'hélicoptère attribuables à une perte d'efficacité du rotor de queueNote de bas de page 17.

Analyse

Généralités

Les dommages qu'a subis l'hélicoptère étaient caractéristiques d'une collision avec le relief alors qu'une grande puissance moteur entraînait le rotor principal et le rotor de queue. L'enquête a permis de conclure qu'il n'y avait eu aucune défaillance des circuits de commande de vol de l'hélicoptère avant qu'il percute le relief. De plus, il n'y avait aucune indication que des facteurs physiologiques, y compris la fatigue, étaient en cause dans l'accident. Par conséquent, l'analyse portera sur le phénomène aérodynamique qu'est la perte d'efficacité du rotor de queue.

Perte d'efficacité du rotor de queue

Afin d'effectuer le balayage le plus efficace possible, l'hélicoptère effectuait des trajets est‑ouest, soit des trajets vent debout (en direction ouest) et vent arrière (en direction est). Par conséquent, le pilote volait à une vitesse anémométrique plus basse quand il volait en vent arrière, de manière à maintenir une vitesse sol constante pour la caméra infrarouge. Pour la même raison, le pilote devait réduire davantage la vitesse anémométrique dans les virages à gauche. D'après les données du système mondial de positionnement pour navigation satellite, la vitesse sol de l'hélicoptère était de 14 nœuds juste avant le virage à droite intempestif. Si l'on inclut les vents arrière d'environ 10 nœuds, on obtient une vitesse anémométrique bien inférieure à celle qui produit habituellement la portance de translation.

La basse vitesse anémométrique, jumelée à la masse brute de l'hélicoptère, a entraîné une forte demande de puissance et un couple élevé. Le couple élevé exigeait une forte sollicitation du palonnier pour garder l'appareil en vol coordonné. De plus, le pilote maintenait un léger mouvement de lacet nez à gauche pour offrir à la caméra un angle de vue dégagé vers l'avant, ce qui exigeait une sollicitation encore plus grande du palonnier gauche.

La combinaison de masse brute élevée et de régime élevé alors que le pilote manœuvrait à basse vitesse, en vent arrière et en dehors de l'effet de sol, a fait que l'hélicoptère s'est trouvé dans un régime de vol qui a mené à la perte d'efficacité du rotor de queue. La perte d'efficacité du rotor de queue est survenue à une altitude au-dessus du sol qui ne permettait pas de reprendre la maîtrise de l'hélicoptère avant qu'il percute le relief.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La combinaison de masse brute élevée et de régime élevé alors que le pilote manœuvrait à basse vitesse, en vent arrière et en dehors de l'effet de sol, a fait que l'hélicoptère s'est trouvé dans un régime de vol qui a mené à la perte d'efficacité du rotor de queue.
  2. La perte d'efficacité du rotor de queue est survenue à une altitude au-dessus du sol qui ne permettait pas de reprendre la maîtrise de l'hélicoptère avant qu'il percute le relief.

Autres faits établis

  1. Le casque du pilote a probablement prévenu des blessures plus graves.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le Bureau ne sait pas si des mesures de sécurité ont été prises à la suite de cet événement.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Notice d'installation des pales de rotor de queue 206B/L de Van Horn Aviation

Source : Van Horn Aviation, READ ME FIRST! Van Horn Aviation 206B/L Tail Rotor Blades, disponible à https://www.vanhornaviation.com/documents/READ_ME_FIRST.pdf (dernière consultation le 21 août 2017).
Notice d'installation des pales de rotor de queue 206B/L de Van Horn Aviation