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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19C0145

Impact sans perte de contrôle
North Star Air Ltd.
Douglas DC3C Basler Turbo Conversions TP67, C-FKAL
Aéroport de Sachigo Lake (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 3 décembre 2019, un commandant de bord et un premier officier de North Star Air Ltd. (North Star Air) devaient effectuer un vol de transport de fret de jour à bord de l’aéronef Douglas DC3C Basler Turbo Conversions TP67 (DC3-TP67) (immatriculation C-FKAL, numéro de série 25285) de l’aéroport de Red Lake (CYRL) (Ontario) à destination de l’aéroport de Sachigo Lake (CZPB) (Ontario). Pendant la planification de vol, le commandant de bord a vérifié les conditions météorologiques : à 7 h (heure normale du Centre) (HNC), CYRL signalait un plafond couvert à 700 pieds au-dessus du sol (AGL). L’aéroport de Muskrat Dam (CZMD) (Ontario), situé à 30 NM au sud-est de CZPB, signalait des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) avec un plafond couvert à 500 pieds AGL. Selon les prévisions à CZMD, le plafond devait monter à 1500 pieds AGL avec une fluctuation possible jusqu’à 700 pieds AGL et une visibilité réduite vers 9 h (HNC), soit l’heure d’arrivée prévue de l’aéronef à CZPB. L’aéronef a décollé de CYRL selon les règles de vol à vue (VFR) à 8 h (HNC). Les conditions météorologiques signalées à ce moment-là étaient un plafond de nuages fragmentés à 1200 pieds AGL et un couvert nuageux à 2000 pieds AGL.

Peu après le décollage, l’aéronef a pénétré dans des couches nuageuses et est monté au-dessus de celles-ci avant d’atteindre l’altitude de croisière prévue, ce qui n’était pas conforme à la réglementation applicable aux vols VFR. Avant d’entamer la descente vers CZPB, les pilotes ont obtenu le compte rendu météorologique horaire de 8 h (HNC) à CZMD, qui était resté généralement inchangé par rapport à celui de 7 h (HNC), et ont choisi d’effectuer une approche visuelle vers la piste 10. Le commandant de bord a amorcé une descente à travers les couches nuageuses en se reportant aux instruments de vol.

Une fois l’aéronef sorti des nuages à très basse altitude, il n’était pas en position de poursuivre l’approche visuelle prévue. Le commandant de bord a effectué des manœuvres à basse altitude afin de tenter d’atterrir, y compris un large virage de 360°, à une hauteur aussi faible que 100 pieds AGL (soit environ 400 pieds au-dessous de l’altitude minimale requise), puis a effectué une manœuvre semblable à un circuit vers la gauche, ce qui a amené l’aéronef à proximité d’un obstacle important (une tour de 150 pieds de hauteur) dans des conditions inférieures aux conditions météorologiques minimales requises pour le vol VFR. Puisque le commandant de bord n’avait pas fait un exposé au premier officier, ce dernier ignorait quelles étaient les intentions du commandant de bord et a commencé à annoncer la vitesse anémométrique et l’altitude. Lors de la dernière tentative, pendant l’étape vent arrière à basse altitude, lorsque l’aéronef se trouvait par le travers du seuil de la piste 10, le commandant de bord a amorcé un virage à gauche et a commencé une descente. Environ 10 secondes plus tard, l’aéronef a percuté le relief, les ailes presque à l’horizontale, à environ 650 pieds au sud-ouest du seuil de la piste 10. Il a glissé sur le sol sur 350 pieds en direction sud avant de s’immobiliser sur un cap sud-ouest.

Le commandant de bord a probablement éprouvé un rétrécissement de l’attention alors qu’il effectuait une approche visuelle présentant une charge de travail élevée à très basse altitude en IMC. Cela a très probablement entraîné une descente involontaire, mais maîtrisée, qui n’a pas été détectée avant que l’aéronef n’entre en collision avec le relief.

Les pilotes, qui n’ont pas été blessés, ont évacué l’aéronef par la fenêtre de droite du poste de pilotage. L’aéronef a été lourdement endommagé; toutefois, il n’y a pas eu d’incendie après impact.

La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz s’est déclenchée; cependant, l’antenne fouet avait été arrachée lors de l’impact, et aucun signal n’a été détecté par le système de recherche et de sauvetage assisté par satellite. Le BST avait déjà recommandé que Transports Canada (TC) établisse de rigoureuses exigences relatives à la capacité de résister à l’écrasement pour les systèmes ELT, et TC a depuis lors mis en œuvre des règlements actualisés pour l’approbation de la conception des nouvelles ELT; toutefois, ces exigences ne s’appliquent pas aux ELT existantes comme celle qui se trouvait à bord de l’aéronef à l’étude. Si des aéronefs sont exploités avec des ELT approuvées en vertu d’anciennes normes de conception, il existe un risque que des signaux de détresse susceptibles de sauver des vies ne soient pas détectés en raison des dommages causés au système ELT lors d’un accident.

Même si la réglementation n’exigeait pas que l’aéronef à l’étude soit muni d’un enregistreur de données de vol ou d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), North Star Air avait installé un CVR. Toutefois, après des réparations, le CVR a été remis dans les stocks au lieu d’être installé de nouveau dans l’aéronef à l’étude en raison d’une erreur administrative. Au moment de l’événement, cela faisait 329 jours que le CVR avait été retiré, soit plus de 200 jours au-delà de la durée maximale autorisée indiquée dans la liste d’équipement minimal. Sans le CVR, des renseignements précieux n’étaient pas disponibles pour aider l’enquête. Si les enregistrements de données de vol et de conversations de poste de pilotage ne sont pas disponibles, il est plus difficile d’évaluer avec précision la gestion des ressources de l’équipage, l’exécution et l’efficacité des procédures d’exploitation normalisées, et la gestion de la charge de travail. Par conséquent, l’absence d’enregistrements de vol à bord peut limiter la constatation de lacunes de sécurité et l’avancement de la sécurité.

L’enquête a révélé que la sous-culture axée sur les résultats de certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 de North Star Air, qui mettait l’accent sur l’achèvement de la mission plutôt que sur la conformité réglementaire, a fait en sorte que des vols VFR, comme le vol à l’étude, étaient effectués en IMC. L’enquête a également établi que le commandant de bord avait l’habitude d’effectuer des vols VFR en IMC. La décision de décoller pour un vol VFR et de le poursuivre en IMC a été influencée par une perception déformée du risque résultant d’une expérience passée réussie dans des situations similaires. De plus, la compagnie était structurée de telle façon qu’aucune gestion des opérations et aucune supervision quotidienne directe n’était exercée sur les opérations aériennes et les équipages de conduite des aéronefs DC3-TP67 aux bases éloignées de la compagnie, ce qui n’est d’ailleurs pas exigé par la réglementation. L’absence de supervision directe signifiait que les pilotes de la compagnie disposaient d’une grande latitude pour prendre des décisions opérationnelles liées à la météo. Au fil du temps, une culture de non-conformité s’est développée sans être détectée par l’équipe de gestion de la compagnie. Si la supervision des équipages de conduite est minimale au sein des opérations aériennes d’une compagnie, il y a un risque que des pratiques dangereuses ou non conformes déjà décelées persistent.

En décembre 2017, TC a informé North Star Air qu’il avait reçu des allégations au sujet d’aéronefs DC3-TP67 de la compagnie exploités à de nombreuses occasions en vol VFR en IMC. TC a fourni l’information sur ces allégations à la compagnie pour son enquête interne. En réponse, le gestionnaire des opérations a communiqué avec tous les commandants de bord d’aéronefs DC3-TP67 verbalement et par courriel pour leur rappeler l’obligation de se conformer aux règlements, mais la compagnie n’a décrit aucune mesure supplémentaire pour surveiller l’exploitation de ses aéronefs DC3-TP67 afin d’éviter toute récidive. De plus, TC a lancé une inspection de processus réactive en février 2018 qui comprenait 3 inspections en vol, qui se sont déroulées sans incident.

North Star Air avait un système de gestion de la sécurité (SGS), même si la réglementation ne l’exigeait pas au moment des allégations. Un rapport SGS sur les dangers a été créé et saisi dans la base de données SGS de North Star Air. Toutefois, le SGS n’a pas permis de déceler les facteurs sous-jacents qui ont mené aux cas signalés d’aéronefs de la compagnie effectuant des vols VFR en IMC, et aucune mesure supplémentaire n’a été prise pour surveiller l’exploitation de ses aéronefs DC3-TP67 afin de s’assurer que les vols étaient effectués conformément à la réglementation. En outre, l’inspection de processus de novembre 2018 de TC n’a pas inclus un examen des allégations de 2017. Par conséquent, les pratiques dangereuses décelées précédemment ont persisté et ont joué un rôle direct dans l’événement à l’étude. Si TC s’en remet aux exploitants pour enquêter sur des allégations de non-conformité à la réglementation sans les surveiller, il y a un risque accru que les pratiques dangereuses qui font l’objet de l’enquête persistent.

La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance du BST et y restera jusqu’à ce que les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.

L’enquête a révélé que l’approche de TC envers la surveillance a fait en sorte que le SGS de North Star Air a été approuvé même si plusieurs éléments n’étaient pas entièrement mis en œuvre. Si TC approuve le SGS d’une compagnie sans avoir d’abord effectué un examen approfondi pour s’assurer que tous les éléments requis sont présents et efficaces, il se peut que les entreprises disposant d’un SGS n’aient pas la capacité de gérer efficacement la sécurité.

Le BST a déjà recommandé que TC effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité. Dans sa plus récente réponse, en septembre 2021, TC a indiqué qu’il prenait des mesures pour actualiser et améliorer ses procédures de surveillance.

La surveillance réglementaire figure également sur la Liste de surveillance du BST et y restera jusqu’à ce que TC démontre, au moyen d’évaluations des activités de surveillance, que les nouvelles procédures de surveillance permettent de déceler les non-conformités et que TC s’assure qu’une entreprise se conforme à nouveau à la réglementation en temps opportun et qu’elle est en mesure de gérer la sécurité de ses activités.

Après l’événement, North Star Air a mis en place un programme d’assurance de la qualité des opérations aériennes. De plus, en décembre 2020, TC a effectué une inspection de processus axée sur l’évaluation et l’efficacité du plan de mesures correctives à long terme lié aux constatations relatives aux opérations aériennes de l’inspection de processus de décembre 2019. TC a conclu que les mesures correctives à long terme prises par North Star Air étaient efficaces.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 3 décembre 2019, vers 7 h 15Note de bas de page 1, le commandant de bord et le premier officier (P/O) sont arrivés au hangar de North Star Air Ltd. (North Star Air) à l’aéroport de Red Lake (CYRL) (Ontario). Les pilotes devaient effectuer un vol de transport de fret de jour à bord de l’aéronef Douglas DC3C Basler Turbo Conversions TP67 (DC3-TP67) (immatriculation C-FKAL, numéro de série 25285) à destination de l’aéroport de Sachigo Lake (CZPB) (Ontario), à environ 180 milles marins (NM) au nord-nord-est de CYRL.

Le commandant de bord a vérifié les conditions météorologiques et a effectué la planification du vol pendant que le P/O avitaillait l’aéronef en carburant et que le personnel au sol chargeait l’aéronef. Les conditions météorologiques signalées à CYRL à 7 h étaient un plafond couvert à 700 pieds au-dessus du sol (AGL) et une visibilité de 10 milles terrestres (SM). Vu que CZPB ne disposait pas d’une station d’observation météorologique, le commandant de bord a aussi vérifié la météo à l’aéroport de Muskrat Dam (CZMD) (Ontario), situé à 30 NM au sud-est de CZPB. Les conditions météorologiques signalées à 7 h pour CZMD étaient un plafond couvert à 500 pieds AGL et une visibilité de 9 SM; toutefois, selon les prévisions, le plafond devait monter à 1500 pieds AGL avec une fluctuation possible jusqu’à 700 pieds AGL et une visibilité réduite vers 9 h, soit l’heure d’arrivée prévue de l’aéronef à CZPB.

L’aéronef a décollé de CYRL à 8 h selon les règles de vol à vue (VFR); cependant, aucun plan de vol ou itinéraire de vol n’avait été déposé. Le commandant de bord occupait le siège de gauche et était le pilote aux commandes (PF); le P/O occupait le siège de droite et exécutait les fonctions du pilote qui n’est pas aux commandes (PNF). Les conditions météorologiques signalées à ce moment-là étaient un plafond de nuages fragmentés à 1200 pieds AGL, un couvert nuageux à 2000 pieds AGL, et une visibilité de 10 SM. Peu après le décollage, l’aéronef est entré dans des nuages. Au cours de la montée jusqu’à l’altitude de croisière prévue de 5500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), l’aéronef est sorti des nuages et est resté au-dessus des couches nuageuses pendant la partie en route du vol.

Avant d’entamer la descente vers CZPB, les pilotes ont obtenu le compte rendu météorologique horaire de 8 h à CZMD, qui était resté généralement inchangé par rapport à celui de 7 h. Prévoyant que la météo s’améliorerait, les pilotes ont choisi d’effectuer une approche visuelle vers la piste 10, et d’entrer l’approche de navigation de surface (RNAV) par système mondial de navigation par satellite (GNSS) de la piste 10Note de bas de page 2 dans le GPS (système de positionnement mondial) 530W de Garmin, afin d’avoir un guidage supplémentaire pour l’approche visuelle. À 8 h 57, à environ 16 NM au sud de CZPB, le commandant de bord a amorcé une descente. Peu après, l’aéronef est entré dans des nuages, et le commandant de bord est repassé au vol aux instruments. Pendant cette période, le commandant de bord a remarqué que du givre blanc s’accumulait sur les ailes et il a activé les systèmes de protection contre le givre de l’aéronefNote de bas de page 3. Afin de faciliter l’alignement pour l’approche, le P/O a sélectionné, à la demande du commandant de bord, un azimut de 095° vers CZPB au moyen du sélecteur d’azimut (OBS)Note de bas de page 4. À 3 NM de CZPB, le commandant de bord a mis l’aéronef en palier à 350 pieds AGL, puis il a poursuivi la descente jusqu’à 200 pieds AGL et a effectué un virage d’environ 30° vers la gauche afin de positionner l’aéronef pour intégrer l’étape de base droite avant d’intercepter l’approche finale vers la piste 10. Toutefois, à environ 1,5 NM du seuil de la piste 10, et à 0,5 NM au sud de la trajectoire finale prévue, une fois que l’aéronef est sorti des nuages, le commandant de bord s’est rendu compte que l’aéronef ne se trouvait pas à une position lui permettant de poursuivre l’approche visuelle prévue. Le commandant de bord a alors amorcé un large virage de 360° vers la gauche à basse altitude, à des hauteurs allant de 100 à 350 pieds AGL, afin de repositionner l’aéronef pour un atterrissage sur la piste 10 (figure 1).

Figure 1. Carte montrant la descente initiale (ligne de petits traits) et la trajectoire de vol à basse altitude (ligne de grands traits) de l’aéronef à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST fondées sur des données de surveillance dépendante automatique en mode diffusion)
Carte montrant la descente initiale (ligne de petits traits) et la trajectoire de vol à basse altitude (ligne de grands traits) de l’aéronef à l’étude (Source : Google Earth, avec annotations du BST fondées sur des données de surveillance dépendante automatique en mode diffusion)

À un moment donné après avoir commencé le virage de 360°, le commandant de bord a désactivé le système de protection contre le givre, comme l’exige le manuel de vol de l’aéronefNote de bas de page 5. Au cours de cette manœuvre à basse altitude, les bases des nuages déchiquetées se trouvaient entre 350 et 500 pieds AGL, avec une visibilité horizontale réduite inférieure à 3 SM, dans de la neige et de la brume. Puisque le commandant de bord n’avait pas fait un exposé au P/O, ce dernier ignorait quelles étaient les intentions du commandant de bord et a commencé à annoncer la vitesse anémométrique et l’altitude.

Une fois le large virage de 360° vers la gauche terminé, l’aéronef est sorti du virage à environ 1,25 NM au sud-ouest de l’aéroport et à 0,5 NM au sud de la trajectoire d’approche finale prévue. Encore une fois, le commandant de bord s’est rendu compte que l’aéronef ne se trouvait pas à une position lui permettant d’intercepter la trajectoire d’approche finale vers la piste 10. Il a ensuite viré à droite et a volé juste au sud de la piste 10, parallèlement à celle-ci, et a survolé l’aérogare à environ 200 pieds AGL. Une fois au-delà de l’extrémité départ de la piste 10, le commandant de bord a viré à gauche et a suivi une étape vent arrière gauche vers la piste 10, à un écart latéral d’environ 0,4 NM. Au cours de l’étape vent arrière, l’altitude de l’aéronef a fluctué entre 150 et 225 pieds AGL, et l’aéronef est passé à moins de 0,12 NM d’une tour de 150 pieds de hauteur, située entre la route suivie et la piste 10.

Lorsque l’aéronef se trouvait par le travers du seuil de la piste 10, le commandant de bord a amorcé un virage à gauche et a commencé une descente. À 9 h 11, environ 10 secondes après le début du virage en finale, l’aéronef a percuté le relief, les ailes presque à l’horizontale, à environ 650 pieds au sud-ouest du seuil de la piste 10. Il a glissé sur le sol sur 350 pieds en direction sud avant de s’immobiliser sur un cap sud-ouest.

Le commandant de bord et le P/O ont évacué l’aéronef par la fenêtre du poste de pilotage, située sur le côté du P/O. Un chasseur local, qui avait entendu l’écrasement, a été le premier à arriver sur le lieu de l’accident. Le service de police Nishnawbe Aski est arrivé peu après et a transporté les pilotes, qui n’étaient pas blessés, au poste de soins infirmiers de Sachigo Lake pour être examinés. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) s’était déclenchée; cependant, aucun signal n’a été détecté par le système de recherche et de sauvetage assisté par satellite.

1.2 Personnes blessées

Aucun des deux pilotes n’a été blessé.

1.3 Dommages à l’aéronef

L’aéronef a été lourdement endommagé en raison des forces d’impact, mais il est essentiellement resté en une seule pièce.

1.4 Autres dommages

Une bande d’arbres et de sous-bois (70 pieds de largeur sur 240 pieds de longueur) a été endommagée. Plusieurs litres de liquide hydraulique et d’huile moteur se sont écoulés le long de la traînée de débris.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 1. Renseignements sur le personnel
  Commandant de bord Premier officier
Licence de pilote Licence de pilote de ligne (ATPL) Licence de pilote professionnel (CPL)
Date d’expiration du certificat médical 1er avril 2020 1er juillet 2020
Heures de vol total Environ 14 000 Environ 1100
Heures de vol sur type DC3-TP67 Environ 2900 Environ 850
Heures de vol sur type DC3 équipé de moteurs en étoile Environ 9000 0
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 29,6 27,6
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 116 56
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 269 189
Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement 269 189
Heures de service avant l’événement 2 2
Heures hors service avant la période de travail 8,5 8,5

1.5.1 Commandant de bord

Le commandant de bord a été embauché par North Star Air en 2017 en tant que commandant de bord du DC3-TP67. Avant de se joindre à North Star Air, il avait travaillé pour un autre exploitant canadien où il a piloté des aéronefs DC3 munis de moteurs en étoile. Il avait une vaste expérience des vols de transport de fret vers des aéroports éloignés et des opérations hivernales dans des conditions de givrage.

Le commandant de bord était titulaire d’un certificat médical de catégorie 1 sans restrictions. Il avait réussi son dernier contrôle de la compétence du pilote sur le DC3-TP67 le 1er mars 2019. Il en était à sa 2e semaine d’une rotation de 3 semaines. Les dossiers indiquent que le commandant de bord était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Selon un examen des horaires de travail et de repos du commandant de bord, il avait eu une période de repos de 8,5 heures avant la période de service du vol à l’étude, ce qui était conforme au minimum requis par la réglementationNote de bas de page 6. La fatigue n’a pas été considérée comme un facteur dans cet événement.

Le commandant de bord a suivi le cours initial d’un jour sur la gestion des ressources de l’équipage (CRM) de North Star Air le 15 septembre 2019. La formation a été dispensée par le gestionnaire des opérations (OM) de la compagnie. North Star Air utilise un logiciel de suivi électronique pour les exigences de maintien des compétences. Pour la formation sur la CRM, le logiciel délivre un certificat d’achèvement à la date à laquelle le pilote reconnaît avoir terminé la formation, plutôt qu’à la date réelle de la formation. Le certificat d’achèvement du commandant de bord, délivré par le logiciel de suivi, était daté du 2 novembre 2019. Selon la compagnie, certains pilotes ne signaient pas électroniquement leur formation avant que l’administrateur de la formation de la compagnie ne communique avec eux personnellement pour confirmer que la formation était terminée.

1.5.2 Premier officier

Le P/O a été initialement embauché par North Star Air en 2017 en tant que préposé d’aire de trafic. En septembre 2018, il a été promu au poste de P/O sur le DC3-TP67. Il s’agissait du premier poste de vol commercial du P/O. Le P/O était titulaire d’un certificat médical de catégorie 1 sans restrictions. Il avait réussi son dernier contrôle de la compétence du pilote sur le DC3-TP67 le 1er octobre 2019. Il en était à son dernier jour d’une rotation de 2 semaines. Les dossiers indiquent qu’il était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Selon un examen des horaires de travail et de repos du P/O, il avait eu une période de repos de 8,5 heures avant la période de service du vol à l’étude, ce qui était conforme au minimum requis par la réglementation. La fatigue n’a pas été considérée comme un facteur dans cet événement.

Le P/O a suivi le cours initial d’un jour sur la CRM de North Star Air le 29 septembre 2019. La formation a été dispensée par un des formateurs en CRM désignés de la compagnie. Selon le logiciel de suivi pour le maintien des compétences, le certificat d’achèvement du P/O était daté du 11 octobre 2019.

1.6 Renseignements sur l’aéronef

1.6.1 Généralités

L’aéronef à l’étude a été fabriqué aux États-Unis par la Douglas Aircraft Company en 1943 et était initialement équipé de 2 moteurs en étoile à pistons Twin Wasp R-1830 de Pratt & Whitney. Il s’agit d’un aéronef à aile basse équipé d’un train d’atterrissage principal escamotable et d’une roue de queue non escamotable.

En 2012, l’aéronef a été converti en DC3-TP67 par Basler Turbo Conversions Inc. conformément au certificat de type supplémentaire SA4840NMNote de bas de page 7. La conversion Basler comprenait l’installation de moteurs PT6A-67R de Pratt & Whitney, la mise à jour de la suite avionique, et la modification du fuselage et du bord d’attaque de l’extrémité d’aile. Le DC3-TP67 est certifié pour le vol de jour, de nuit et dans les conditions de vol aux instruments, et approuvé pour le vol dans des conditions de givrage connues ou prévuesNote de bas de page 8.

Pendant la conversion, l’aéronef a également été équipé des appareils suivants pertinents à l’événement :

Tableau 2. Renseignements sur l’aéronef
Constructeur Douglas Air Company
Type, modèle et immatriculation DC3-TP67, C-FKAL
Année de construction 1943
Numéro de série 25285
Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol 13 décembre 2012
Total d’heures de vol cellule 36 496,1 (2 décembre 2019)
Type de moteur (nombre) Pratt & Whitney Canada PT6A-67R (2)
Type d’hélice (nombre) Hartzell HC-B5MA-3M (2)
Masse maximale admissible au décollage 30 000 livres
Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé Jet A-1

North Star Air était propriétaire et exploitant de l’aéronef depuis le 3 mai 2017. North Star Air avait exécuté une inspection de maintenance de 150 heures de l’aéronef à l’étude le 20 novembre 2019 et l’inspection quotidienne de maintenance la plus récente avait été exécutée le 2 décembre 2019. Les dossiers indiquent que l’aéronef ne présentait aucune anomalie non corrigée au moment de l’événement. Il n’y avait aucune indication qu’un mauvais fonctionnement de composant ou de système ait joué un rôle dans cet événement.

La masse et le centre de gravité de l’aéronef se trouvaient dans les limites prescrites au moment de l’événement.

1.6.2 Décrochage aérodynamique

Selon Basler, les caractéristiques de décrochage du DC3-TP67 en vol rectiligne en palier ou dans un virage incliné coordonné à 30°, avec le train d’atterrissage sorti et les volets réglés à 1 (un quart), sont les suivantes :

1.6.3 Avertisseur de décrochage

L’avertisseur de décrochage installé dans l’aéronef à l’étude était composé d’une girouette d’angle d’attaque et d’un calculateur. La girouette d’angle d’attaque à chauffage électrique était montée sur le côté droit du fuselage, en dessous de la fenêtre coulissante du pilote de droiteNote de bas de page 9. La girouette de détection d’angle d’attaque tourne pour détecter l’angle entre le vent relatif et l’axe longitudinal du fuselage. Le calculateur d’augmentation de stabilité détecte la position de la girouette d’angle d’attaque et, le cas échéant, envoie un signal au générateur de tonalité. Le générateur de tonalité crée une tonalité audio distincte pour avertir l’équipage de conduite d’un décrochage imminent.

L’enquête n’a trouvé aucune indication que l’avertisseur de décrochage se soit déclenché pendant le vol à l’étude.

1.6.4 Systèmes de protection contre le givre

L’aéronef à l’étude était muni de systèmes de protection contre le givre, dont des tubes de Pitot et de pression statique chauffés, des boudins de dégivrage électriques pour les hélices, des pare-brise à chauffage électrique, des boudins de dégivrage pneumatiques pour les ailes et l’empennage, des boudins à chauffage électrique pour les lèvres d’entrée d’air des moteurs et des séparateurs de particules à inertie des moteurs (déflecteurs de neige). Les systèmes de protection contre le givre étaient réglés à ON pendant la descente dans les nuages, lorsque l’aéronef s’approchait de CZPB.

1.7 Renseignements météorologiques

1.7.1 Généralités

Selon la prévision de zone graphique (GFA) valide au cours du vol à l’étudeNote de bas de page 10, les prévisions météorologiques le long de la route étaient les suivantes :

Pendant la durée du vol à l’étude, du givrage mixte modéré par endroits dans les nuages était prévu entre 3000 et 9000 pieds ASL.

Selon la prévision d’aérodrome (TAF)Note de bas de page 12 pour CZMD valide à ce moment-làNote de bas de page 13, les prévisions météorologiques étaient les suivantes :

Tableau 3. Prévisions météorologiques pour l’aéroport de Muskrat Dam valides avant et après 9 h
Condition Avant 9 h Après 9 h
Vent Variable à 3 nœuds 270° vrais (V) à 10 nœuds
Visibilité 4 SM dans de la neige légère 6 SM dans de la neige légère; temporairement de 9 h à 17 h, 4 SM dans de la neige légère
Plafond couvert 500 pieds AGL 1500 pieds AGL; temporairement de 9 h à 17 h, 700 pieds AGL

À 8 h, au moment du décollage, les conditions météorologiques signalées à CYRL étaient un plafond de nuages fragmentés à 1200 pieds AGL, un couvert nuageux à 2000 pieds AGL, et une visibilité de 10 SM.

À 9 h 11, au moment de l’accident, CZMD a publié un message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI)Note de bas de page 14 qui indiquait les conditions météorologiques suivantes :

D’après les conditions météorologiques signalées, des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) existaient dans les environs de CZPB pendant la planification de vol et toute la durée du volNote de bas de page 15.

L’enquête a déterminé qu’au moment de l’événement, des employés qui se trouvaient près de l’aérogare principale de CZPB ne pouvaient pas voir la tour de 150 pieds de hauteur, qui était située à environ 0,4 NM de là où ils se trouvaient.

Au moment de l’événement, la combinaison d’un relief enneigé, d’un ciel couvert et de chutes de neige a créé des conditions de luminosité ternes à proximité de CZPB.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

L’altitude de référence de l’aéroport de CZPB est de 876 pieds ASL. Il y a 1 piste, la piste 10/28, orientée est-ouest, à surface en gravier de 3506 pieds de longueur et de 100 pieds de largeur. Au moment de l’événement, 2 approches RNAV étaient disponibles : RNAV piste 10 et RNAV piste 28, avec des altitudes de décision de 1363 pieds ASL (500 pieds AGL) et 1371 pieds ASL (500 pieds AGL), respectivementNote de bas de page 16.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion

Bien que la réglementation ne l’exige pas, l’aéronef à l’étude était équipé d’un système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion – émission (ADS-B émission). Le système ADS-B émission diffuse des renseignements comme la position, l’altitude et la vitesse sol de l’aéronef au contrôle de la circulation aérienne. Grâce à un partenariat avec NAV CANADA, Aireon reçoit ces données au moyen d’un système satellitaire et les enregistre. Le système ADS-B émission à bord de l’aéronef à l’étude a transmis des données toutes les quelques secondes. Les données ADS-B ont fourni aux enquêteurs des renseignements utiles sur la trajectoire de vol. Les résultats seront abordés en plus de détail dans la section 1.16.2 du rapport.

1.11.2 Système de communication par satellite

L’aéronef était muni d’un système de communication par satellite Sky Connect de Honeywell (numéro de pièce 1616-050-03A, numéro de série 17185) qui permettait les communications et le suivi au moyen du système par satellite Iridium. Le système, qui n’est pas exigé par la réglementation, émet automatiquement les données d’altitude, de vitesse et de position de l’aéronef, qui sont ensuite stockées dans des serveurs au sol. Le système automatisé de suivi des vols est constitué d’une technologie de suivi par satellite au sol et dans l’aéronef. À l’aide d’une interface Web, l’exploitant est en mesure de surveiller les données stockées de l’aéronef et de récupérer les données de vol des 6 mois précédents.

Le système Sky Connect enregistre et transmet des données à des intervalles déterminés par les besoins de l’utilisateur. L’intervalle par défaut de ce système est de 3 minutes; toutefois, certains exploitants ont réduit l’intervalle à 30 secondes seulement. Selon Honeywell, les exploitants réduisent parfois l’intervalle après un accident pour améliorer la capacité du système à établir une dernière position connue plus précise. Le système Sky Connect de l’aéronef à l’étude était programmé pour émettre des données à des intervalles de 1 minute.

1.11.3 Enregistreur de conversations de poste de pilotage

Bien que la réglementation ne l’exige pasNote de bas de page 17, l’aéronef à l’étude était normalement équipé d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) FA-2100 de L-3 Communications (numéro de pièce 2100-1020-00, numéro de série 000812234). Le 8 janvier 2019, le CVR a été retiré et expédié pour être réparé. La réparation du CVR a été reportée conformément à la liste d’équipement minimalNote de bas de page 18, qui stipule que les articles doivent être réparés dans les 120 jours civils consécutifs.

Conformément à la liste d’équipement minimal, le disjoncteur a été tiré et fixé, et un autocollant inopérant (INOP) a été apposé sur le panneau de commande du CVR.

Alors que le CVR était en cours de réparation, le fournisseur contractuel chargé de la tenue des dossiers techniques a, par inadvertance, signé pour attester que la réparation du CVR avait été terminée à bord de l’aéronef. Par conséquent, lorsque le CVR a été renvoyé à North Star Air, il a été mis dans les stocks au lieu d’être installé de nouveau à bord de l’aéronef à l’étude. Ainsi, les données audio du poste de pilotage pour le vol à l’étude n’étaient pas disponibles dans le cadre de l’enquête.

Au moment de l’événement, 329 jours s’étaient écoulés depuis le retrait du CVR.

1.11.4 Enregistreur de données de vol

La réglementation sur les enregistreurs de données de vol (FDR) qui s’applique aux aéronefs multimoteurs à turbomoteur se trouve à l’article 605.33 du Règlement de l’aviation canadien (RAC).

Selon Transports Canada (TC), comme l’aéronef à l’étude était exploité en vertu d’un certificat de type supplémentaire approuvé par TC qui limitait le nombre maximal de sièges passagers à 19, un FDR n’était pas requis par la réglementation et n’était pas installé à bord de l’aéronef.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’aéronef a percuté le sol sur un cap d’environ 167° magnétiques (M), en léger piqué, dans une assiette inclinée à droite et le train d’atterrissage sorti. Les volets étaient partiellement sortis, ce qui correspond à la position « flaps 1 » (volets 1) sélectionnée par le piloteNote de bas de page 19.

Après que le train d’atterrissage a heurté le bord de la route adjacente à l’aéroport, l’aile droite est entrée en contact avec la limite des arbres à une hauteur d’environ 5 pieds. L’aéronef a pivoté vers la droite, et l’aile gauche puis l’empennage ont heurté des arbres à une hauteur d’environ 20 pieds. L’aéronef a continué à pivoter vers la droite, jusqu’à environ 60° de la direction initiale de déplacement, glissant sur environ 350 pieds. L’aéronef s’est immobilisé (figure 2) sur un cap de 225°M.

Figure 2. Épave de l’aéronef à l’étude (Source : Service de police Nishnawbe Aski)
Épave de l’aéronef à l’étude (Source : Service de police Nishnawbe Aski)

Le train d’atterrissage, les ailes et l’empennage ont subi d’importants dommages et le fuselage a été déformé et endommagé par l’impact avec les arbres. Les hélices, qui se sont détachées des moteurs, présentaient des dommages correspondant à des moteurs qui produisaient une puissance élevée lors de l’impact. Il n’y avait aucun signe de fuite de carburant.

L’enquête n’a pas pu établir la quantité de givre qui s’était accumulée sur l’aéronef pendant le vol à l’étude. Cependant, l’enquête a pu déterminer, en se basant sur la forme du givre restant, que les boudins de dégivrage des ailes avaient été utilisés pendant le vol à l’étude.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Rien n’indique que des facteurs médicaux ou physiologiques aient nui au rendement du commandant de bord ou du P/O.

1.14 Incendie

Il n’y avait aucun signe d’incendie en vol ou après l’impact.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Généralités

Le poste de pilotage est resté intact et a offert un espace de survie adéquat. Les deux sièges de l’équipage sont restés fixés à la structure principale de l’aéronef. La porte du poste de pilotage a été obstruée par du fret qui s’est déplacé au cours de l’accident. Les pilotes sont donc sortis de l’aéronef par la fenêtre du poste de pilotage du P/O.

1.15.2 Ceintures de sécurité

Les sièges des pilotes de l’aéronef étaient munis de ceintures sous-abdominales et de ceintures-baudriers à enrouleur à inertie. Les ceintures-baudriers du DC3-TP67 peuvent rendre difficile, pour certains membres de l’équipage de conduite, l’accès aux commandes du train d’atterrissage et aux commutateurs du tableau de bord du poste de pilotage. Lors du vol à l’étude, l’équipage de conduite a utilisé les ceintures sous-abdominales, mais pas les ceintures-baudriers.

1.15.2.1 Recommandation antérieure du BST relativement à la définition de ceinture de sécurité

L’utilisation d’un dispositif de retenue à 3 ou 4 points (comprenant une ceinture sous-abdominale et une ceinture-baudrier) assure une meilleure répartition des forces d’impact et diminue la gravité des blessures au torse et à la tête.

Le BST a enquêté sur de nombreux accidentsNote de bas de page 20 mettant en cause des aéronefs équipés de ceintures-baudriers détachables, dans lesquels les occupants ne portaient pas les ceintures-baudriers au moment de l’accident.

À la suite d’un accident mettant en cause un hélicoptère Airbus Helicopters AS 350 B2 survenu le 14 décembre 2017 à Tweed (Ontario)Note de bas de page 21, l’enquête du BST a déterminé que les passagers n’avaient pas utilisé leurs ceintures-baudriers avec leurs ceintures sous-abdominales. Partant de la définition d’une « ceinture de sécurité » du RAC à ce moment-là, la compagnie estimait qu'elle se conformait au règlement si les occupants portaient soit la ceinture sous-abdominale seule, soit la ceinture sous-abdominale et la ceinture-baudrier ensemble. Par conséquent, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports modifie le Règlement de l’aviation canadien pour éliminer toute ambiguïté relativement à la définition de « ceinture de sécurité ».
Recommandation A19-01 du BST

Le 7 juillet 2021, TC a publié des modifications aux articles pertinents de la sous-partie 605 du RAC qui comprenaient un nouveau libellé afin d’éliminer toute ambiguïté relativement à l’utilisation des ceintures de sécurité, et qui clarifiaient que les ceintures de sécurité, y compris les ceintures-baudriers, doivent être bouclées. En mars 2022, le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation A19-01 dénotait une attention entièrement satisfaisanteNote de bas de page 22.

1.15.3 Radiobalise de repérage d’urgence

L’ELT de modèle G406-4 de 406 MHz d’Artex (numéro de pièce 455-5021-366) s’est déclenchée; cependant, l’antenne fouet, située sur le côté droit de l’aéronef et près du dessus du fuselage, sous l’arête dorsale (figure 3), a été arrachée lors de l’impact. Par conséquent, le signal de détresse de l’ELT n’a pas été détecté par le système SAR assisté par satellite.

Figure 3. Photo de l’emplacement de l’antenne émettrice de la radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef à l’étude avant l’événement (Source : BST)
Photo de l’emplacement de l’antenne émettrice de la radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef à l’étude avant l’événement (Source : BST)
1.15.3.1 Recommandation antérieure du BST sur les normes de résistance à l’impact des radiobalises de repérage d’urgence

Suite à un accident survenu le 31 mai 2013 à Moosonee (CYMO) (Ontario)Note de bas de page 23 mettant en cause un hélicoptère Sikorsky S76, le BST a reconnu que les aéronefs munis d’ELT qui sont conformes aux normes de conception actuelles continueront d’être en cause dans des événements lors desquels les services SAR susceptibles de sauver des vies pourraient être retardés à cause d’un système ELT endommagé, ce qui réduirait les chances de survie à la suite d’un accident. Dans de nombreux cas, la rupture d’une antenne ou le sectionnement du câble reliant le dispositif ELT à l’antenne ont empêché la transmission d’un signal d’ELT au système Cospas-SarsatNote de bas de page 24. Par conséquent, le BST a recommandé que

le ministère des Transports établisse de rigoureuses exigences relatives à la capacité de résister à l’écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d’urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu’un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d’impact subies durant un événement aéronautique.
Recommandation A16-05 du BST

En septembre 2020, TC a indiqué qu’il avait modifié le RAC pour exiger qu’à partir du 7 septembre 2020, les nouvelles demandes d’approbation de conception d’une ELT répondent aux dernières exigences relatives à la capacité de résister à l’écrasement.

Dans sa réévaluation de mars 2021 de la réponse de TC, le Bureau a estimé que les mesures prises par TC réduiront considérablement les risques associés à la lacune de sécurité indiquée dans la recommandation A16-05. Par conséquent, le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation A16-05 dénotait une attention entièrement satisfaisanteNote de bas de page 25. Toutefois, le BST a noté que ces nouvelles normes ne s’appliquent pas aux anciennes ELT.

1.16 Essais et recherche

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.16.2 Analyse des performances

1.16.2.1 Généralités

Pour faciliter l’enquête, une analyse des performances a été effectuée au Laboratoire d’ingénierie du BST, à Ottawa (Ontario), à l’aide des données ADS-B de NAV CANADA et d’Aireon et des renseignements météorologiques disponibles. Les données ADS-B contenaient les renseignements sur la position, l’altitude, la vitesse sol, la trajectoire et la vitesse verticale. Ceci a permis de reconstituer les 11 dernières minutes du vol à l’étude (annexe A).

1.16.2.2 Évaluation du décrochage aérodynamique

Après être passé au sud du terrain d’aviation, l’aéronef a entamé un virage à gauche afin de se positionner pour l’étape vent arrière du circuit. L’entrée dans le premier virage s’est faite à une vitesse corrigée en nœuds (KCAS) d’environ 100, qui a diminué à approximativement 86 KCAS lorsque l’altitude a augmenté d’environ 100 pieds. L’angle d’inclinaison estimé était d’environ 30° en moyenne. Pendant la brève période en palier qui a suivi le virage, alors que l’aéronef volait vers l’ouest et généralement parallèlement à la piste, la vitesse anémométrique est remontée à environ 113 KCAS et l’altitude est revenue à la valeur d’entrée.

Le dernier virage était semblable; cependant, l’angle d’inclinaison estimé était d’environ 25°, soit une inclinaison plus faible que lors du virage précédent. Lorsque l’aéronef a amorcé le virage, la vitesse anémométrique a diminué jusqu’à une valeur minimale de 87 KCAS, et l’altitude a augmenté d’environ 60 pieds. La vitesse anémométrique la plus basse et l’altitude la plus élevée ont été atteintes relativement tôt dans le virage, lorsque l’aéronef passait le cap sud-ouest. Au-delà de ce point, l’altitude a diminué à nouveau, la vitesse anémométrique a augmenté et l’angle d’inclinaison est resté stable ou a diminué.

Sur la base de la masse et de la configuration de l’aéronef et d’un virage incliné de 30° à altitude constante, la vitesse de décrochage sans moteurs a été estimée à 77 KCAS. Par conséquent, la marge de vitesse anémométrique estimée la plus faible pour le décrochage était de 10 KCAS pendant le dernier virage. Il a également été déterminé que la marge de décrochage a été plus grande pendant le dernier virage que pendant le virage vers l’étape vent arrière du circuit. Les marges auraient été plus importantes avec les moteurs en marche, comme ce fut le cas lors de cet événement. Les effets d’une contamination résiduelle par le givre sur la marge de décrochage sont inconnus. De plus, l’avertisseur de décrochage ne s’est pas déclenché pendant l’écrasement. Selon cette analyse des performances, l’enquête a permis de déterminer qu’il est peu probable que l’aéronef ait décroché pendant le dernier virage.

1.16.2.3 Contact avec les arbres

Pendant les dernières secondes où des données ADS-B ont été enregistrées, les 3 derniers points de données enregistrés indiquaient des valeurs d’altitude anormales. En particulier, les points de données indiquaient une montée et une descente soudaines de 400 pieds sur environ 7 secondes. D’après l’enquête, cela serait irréaliste et incompatible avec la nature des dommages causés par l’écrasement. Il a été déterminé, en consultation avec Aireon, le fournisseur de services d’ADS-B satellitaire de NAV CANADA, que la probabilité que les valeurs enregistrées aient été corrompues d’une manière ou d’une autre après leur transmission par l’aéronef était extrêmement faible. De plus, ces données anormales ont coïncidé avec le passage de l’aéronef au-dessus d’une zone où se trouvent de grands arbres, sur le bord nord de la zone dégagée entourant la piste; il n’y a eu aucune autre indication de données erronées à aucun autre moment du vol. Les circonstances suggèrent donc une forte probabilité que les données erronées d’altitude-pression transmises par l’aéronef par l’intermédiaire de l’ADS-B soient le résultat des dommages causés aux tubes de Pitot et de pression statique, juste avant l’impact avec le sol.

L’enquête a permis d’établir que les 11 dernières minutes du vol ont généralement été effectuées à environ 100 pieds ou moins de la cime des arbres, et à 200 pieds ou moins du sol. Au cours du dernier virage, l’altitude de l’aéronef diminuait de manière constante vers le relief pendant environ 10 secondes avant d’atteindre l’un des points les plus bas de tout le vol. Cette position coïncidait avec les dernières données d’altitude valides. À ce point-là, l’altitude barométrique corrigée plaçait l’aéronef à la hauteur estimée de la cime des arbres ou au-dessous.

Le système de données aérodynamiques de l’aéronef DC3-TP37 utilise les tubes de Pitot et de pression statique pour mesurer l’altitude. Les tubes sont montés sur de très longs supports qui pendent inhabituellement bas sous le fuselage, d’environ 2 pieds (figure 4). Ils sont vulnérables aux dommages s’il y a un contact avec la cime des arbres. Étant donné que le système de données aérodynamiques nécessite un étalonnage de précision pour mesurer correctement l’altitude, des dommages aux tubes de Pitot et de pression statique pourraient entraîner des mesures d’altitude erronées.

Figure 4. Tubes de Pitot et de pression statique sur un aéronef DC3-TP67 (Source : BST)
Tubes de Pitot et de pression statique sur un aéronef DC3-TP67 (Source : BST)

L’enquête a déterminé qu’il est très probable que les données d’altitude erronées dans les dernières secondes du vol étaient le résultat des dommages subis par les tubes de Pitot et de pression statique à la suite du contact avec la cime des arbres au nord de la zone dégagée entourant la piste. L’aéronef n’est pas remonté par la suite et a percuté le sol et la route adjacents à la clôture périphérique de la piste.

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Généralités

Dans le présent rapport, les références aux manuels, procédures et listes de vérification de la compagnie, ou à des sections de ceux-ci, renvoient aux renseignements contenus dans ces documents qui s’appliquaient à la date de l’événement.

1.17.2 North Star Air

North Star Air, fondée en 1997, détient un certificat d’exploitation pour des activités relevant des sous-parties 604 (exploitants privés), 703 (exploitation d’un taxi aérien), 704 (exploitation d’un service aérien de navette) et 705 (exploitation d’une entreprise de transport aérien) du RAC. Elle est aussi titulaire d’un certificat d’organisme de maintenance agréé (sous-partie 573 du RAC). Le siège social de la compagnie est situé à l’aéroport de Thunder Bay (CYQT) (Ontario). Elle a 5 bases éloignées : 4 en Ontario (aéroport de Sioux Lookout [CYXL], aéroport de Pickle Lake [CYPL], aéroport de Red Lake [CYRL] et aérodrome de Kapuskasing [CYYU]), et 1 au Manitoba (aéroport de Thompson [CYTH]). North Star Air offre des services de transport de passagers, d’affrètement et de fret à plus de 50 communautés nordiques éloignées en Ontario, au Manitoba et au Nunavut. Au moment de l’événement, la flotte de North Star Air comprenait 3 aéronefs DC3-TP67, 3 aéronefs Avions de Transport Régional ATR72-500 et 7 aéronefs Pilatus PC12. L’aéronef à l’étude était exploité en vertu de la sous-partie 704 du RAC. La compagnie comptait plus de 250 employés, dont 27 cadres, 75 pilotes, 10 préposés au suivi des vols, 29 employés de maintenance et 133 employés de soutien.

North Star Air était autorisée à effectuer des opérations aériennes VFR et IFR. Elle n’avait pas l’autorisation d’effectuer des opérations aériennes VFR au-dessus de la coucheNote de bas de page 26.

1.17.3 Structure organisationnelle de North Star Air

Au moment de l’accident, la structure organisationnelle de North Star Air était comme montrée à la figure 5.

Figure 5. Structure organisationnelle de North Star Air (Source : North Star Air, Company Operations Manual, révision 6 [16 janvier 2019], section 2.1, p. 2.1-1)
Structure organisationnelle de North Star Air (Source : North Star Air, Company Operations Manual, révision 6 [16 janvier 2019], section 2.1, p. 2.1-1)

À North Star Air, le [traduction] « cadre supérieur responsable a l’entière responsabilité et les pleins pouvoirs relativement à toutes les décisions liées aux ressources humaines et à toutes les principales décisions financières »Note de bas de page 27. Le cadre supérieur responsable (AE), au moment de l’événement, occupait ce poste depuis 2014 et avait occupé le poste de gestionnaire des opérations (OM) pendant 2 ans auparavant.

L’OM est responsable de la sécurité des opérations aériennes, conformément à la Norme de service aérien commercial 724Note de bas de page 28 du RAC, et relève de l’AE. Au moment de l’événement, l’OM occupait ce poste depuis 2014.

L’AE et l’OM étaient tous deux basés au siège social de North Star Air.

Il y avait un pilote en chef (CP) pour les opérations de la compagnie relevant de la sous-partie 703 du RAC et un autre pour les opérations relevant des sous-parties 704 et 705 du RAC. Selon le manuel d’exploitation de la compagnie (MEC) de North Star Air, les CP sont responsables devant l’OM des normes professionnelles des pilotes sous leur autoritéNote de bas de page 29.

Le CP pour les opérations relevant des sous-parties 704 et 705 au moment de l’événement assumait ce double rôle le 31 juillet 2019, à la suite à d’une décision de la compagnie de fusionner ces fonctions sous un seul CP. Son expérience a été acquise principalement avec les opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC. Avant de devenir le CP pour les opérations relevant des sous-parties 704 et 705, il était pilote de ligne sur l’ATR-72 de North Star Air depuis septembre 2018. Il travaillait principalement à distance depuis l’Alberta et se rendait à CYQT une fois par mois ou parfois tous les 2 mois. Il passait également du temps à Thompson (Manitoba) et à Montréal (Québec), où il s’occupait des opérations de la compagnie relevant de la sous-partie 705 du RAC. Il n’avait qu’une interaction limitée avec les équipages de conduite de la compagnie relevant de la sous-partie 704 du RAC. Rien n’indique qu’il avait visité l’une des autres bases éloignées de la compagnie avant l’accident.

L’organigramme de la compagnie montre que le gestionnaire du système de gestion de la sécurité (SGS) relève directement de l’OM. L’organigramme ne montre pas de ligne de communication directe entre le gestionnaire du SGS et l’AE; cependant, cette relation existait et était établie dans le MEC de North Star Air.

L’enquête n’a pas permis d’établir le niveau de surveillance de la gestion des bases éloignées; la compagnie n’a pas été en mesure de fournir des renseignements à propos des visites de l’équipe de direction.

1.17.4 Gestion de la sécurité à North Star Air

1.17.4.1 Généralités

Un SGS est généralement défini comme un cadre formel pour l’intégration de la sécurité dans les opérations quotidiennes d'une entreprise, y compris les structures, responsabilités, politiques et procédures organisationnelles voulues pour qu'elle fasse [traduction] « partie intégrante de la culture organisationnelle et de la manière dont les gens vaquent à leurs occupations »Note de bas de page 30. Tandis que les employés individuels prennent régulièrement des décisions au sujet du risque, un SGS se concentre sur la gestion du risque à l'échelle de l'organisation, tout en incluant et en soutenant les décideurs en première ligne. Un SGS est échelonnable et peut être conçu pour répondre aux besoins d'une entreprise donnée de manière à respecter la nature du secteur.

Selon l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’objet d’un SGS est

de donner aux prestataires de services une approche systématique pour gérer la sécurité. Un SGS est conçu pour améliorer en continu la performance de sécurité par l’identification des dangers, la collecte et l’analyse des données de sécurité et des informations de sécurité et l’évaluation continue des risques de sécurité. Le SGS tente d’atténuer proactivement les risques de sécurité avant qu’ils ne provoquent des accidents et des incidents d’aviationNote de bas de page 31.

1.17.4.2 Gestion de la sécurité à North Star Air

À la fin 2014, North Star Air a mis sur pied un système de signalement volontaire des dangers et des incidents, ainsi qu’une base de données, pour encourager la mobilisation des employés en matière de sécurité. Un tel système n’était pas exigé par la réglementation.

En février 2016, la compagnie a soumis un manuel de procédures de SGS à TC pour approbation en prévision de l’ajout des opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC à son certificat d’exploitation aérienne (CEA). Conformément à la réglementation, afin d’obtenir un CEA pour les opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC, North Star Air devait établir et maintenir un SGSNote de bas de page 32.

En février 2017, TC a fourni à la compagnie une lettre indiquant que son manuel de procédures de SGS daté du 19 février 2016 avait été [traduction] « examiné et […] approuvé conformément au paragraphe 705.152(2) du Règlement de l’aviation canadien (RAC) », et ce, malgré le fait que 6 des 17 éléments Note de bas de page 33 du SGS n’étaient pas entièrement mis en œuvre et que la compagnie n’avait pas encore reçu l’approbation pour effectuer des opérations relevant de la sous-partie 705. Il n’existe aucun mécanisme ou règlement dans le RAC qui permet au ministre d’approuver un SGS pour le titulaire d’un certificat pour les opérations relevant des sous-parties 703 ou 704.

Pendant l’année où elle attendait l’approbation de TC, North Star Air a continué à essayer de développer son SGS. Cependant, au cours de l’été 2017, le gestionnaire du SGS de North Star Air est parti en congé prolongé (environ 4 mois) et n’a pas été remplacé. Pendant ce temps, la mise en œuvre du SGS était au point mort à North Star Air, et les 6 éléments du SGS qui n’avaient pas été entièrement mis en œuvre ne l’étaient toujours pas. Dans les mois précédant juin 2018, le gestionnaire du SGS, avec l’aide de l’OM, a commencé à aborder les exigences restantes.

En mai 2018, North Star Air a obtenu son CEA pour les opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC. Au moment où ces opérations ont été ajoutées au CEA de North Star Air, TC n’a pas revu le manuel SGS de la compagnie, mais s’est fié à l’approbation délivrée en 2017.

Quelques mois après que North Star Air a obtenu son CEA pour les opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC, l’OM s’est rendu compte que certaines des exigences du SGS de la compagnie n’avaient pas été entièrement mises en œuvre. Pour mieux comprendre les lacunes existantes, North Star Air a engagé une société externe d’experts-conseils pour examiner son SGS et formuler des recommandations, le cas échéant. La société d’experts-conseils a constaté que, même si le SGS fonctionnait, il ne répondait pas aux exigences de TC en matière de SGS. Le rapport de la société d’experts-conseils indiquait que North Star Air devait revoir ses politiques en matière de SGS en fonction des attentes réglementaires établies et que toutes les procédures devraient être transférées dans un manuel distinct, ce qui en ferait 2 manuels : 1 manuel pour les politiques en matière de SGS et 1 manuel pour les procédures en matière de SGS. Elle a également déterminé que le SGS de North Star Air devrait inclure un cheminement montrant ce qui se passe entre l’émission d’un rapport de sécurité et la clôture de ce rapport. Le rapport a mis en évidence des cas où les évaluations des risques étaient incomplètes, où les analyses des causes profondes n’étaient pas effectuées, où les plans de mesures correctives à court et à long terme étaient absents et où les échéances des vérifications de suivi n’étaient pas fixées.

À la suite de ces constatations, North Star Air a pris des mesures pour résoudre les problèmes décelés, notamment en embauchant plus de personnel pour aider à gérer son SGS et en demandant à la société d’experts-conseils de réécrire le manuel SGS de la compagnie.

1.17.4.3 Rapport antérieur d’opérations selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

En décembre 2017, TC a informé l’OM de North Star Air que des allégations avaient été reçues au sujet d’aéronefs DC3-TP67 de la compagnie exploités à de nombreuses occasions en vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) et évoluant à des altitudes inappropriées pour la direction du volNote de bas de page 34 dans les environs de CYMO. TC a informé North Star Air pour lui donner l’occasion de mener une enquête interne. Les allégations ont été consignées dans le SGS de la compagnie sous la forme du rapport 4301 intitulé NSA Aircraft Not Remaining VFR. L’OM a mené l’enquête, ce qui a compris des entretiens avec les pilotes. Dans la section de l’analyse des causes profondes du rapport, l’OM a indiqué [traduction] « impossible à déterminer en l’absence de preuves concluantes ». Le plan de mesures correctives à court terme indiquait que l’OM avait communiqué avec tous les commandants de bord d’aéronefs DC3-TP67 verbalement et par courriel au sujet des préoccupations soulevées dans les allégations et leur avait rappelé l’obligation de se conformer aux règlements. Les P/O ont été exclus de cette mesure corrective. Le plan de mesures correctives à long terme indiquait que la compagnie effectuerait des suivis afin de prévenir toute récurrence du problème; toutefois, le rapport ne précisait pas comment ces suivis seraient effectués. En mars 2021, la base de données du SGS de la compagnie indiquait que l’enquête sur ces allégations était en cours.

1.17.4.4 Examen du système de gestion de la sécurité de North Star Air

Au cours de la présente enquête, le BST a examiné la base de données du SGS de North Star Air. L’enquête a relevé une analyse des causes profondes incomplète à la suite d’un rapport de 2017, ainsi que ce qui suit relativement à des rapports de 2019 :

1.17.5 Système de contrôle d’exploitation

North Star Air utilise un système de régulation par le pilote de type C, au moyen duquel « [l]e gestionnaire des opérations délègue au commandant de bord le contrôle d’exploitation d’un vol, mais il demeure responsable de l’exploitation de l’ensemble des vols »Note de bas de page 35. Cette délégation inclut, pour le commandant de bord, la décision de retarder un vol lorsque les conditions ne sont pas favorables, et de modifier un plan de vol, lorsque, à son avis, cela est nécessaire.

Selon le MEC, [traduction] « chaque vol doit être effectué selon un plan de vol IFR, un plan de vol VFR ou un itinéraire de vol, selon le casNote de bas de page 36 ». Le dépôt d’un plan de vol ou d’un itinéraire de vol a pour but de garantir que, si l’aéronef est en retard, l’organisme de contrôle ou le centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage compétent sera informé afin que les services d’alerte SAR puissent être déclenchés. Le MEC stipule aussi que les vols VFR [traduction] « doivent être effectués conformément à un plan de vol VFR ou à un itinéraire de vol VFR, selon le cas, sauf si le vol est effectué à moins de 25 milles marins de l’aérodrome de départNote de bas de page 37 ». Cela reflète les exigences du RAC selon lesquelles il faut déposer un plan de vol ou un itinéraire de volNote de bas de page 38.

Pour qu’un vol réponde aux exigences d’un itinéraire de vol de la compagnie, l’équipage de conduite doit fournir aux préposés de suivi des vols de la compagnie tous les détails du vol indiqués dans le Supplément de vol – CanadaNote de bas de page 39. Les préposés au suivi des vols reçoivent ces renseignements par l’entremise d’un plan de vol exploitation (PVE) de la compagnie.

La compagnie a désigné des préposés au suivi des vols, qui surveillent le déroulement des vols. Les tâches des préposés au suivi des vols comprennent la vérification des conditions météorologiques, des NOTAM et de l’état de la surface des pistes à différentes stations; la vérification du statut de maintenance des aéronefs; et l’envoi du manifeste des passagers/de la cargaison pour le vol aux équipages de conduiteNote de bas de page 40. Il n’incombe pas aux préposés au suivi des vols d’aider les pilotes à se préparer avant le vol, par exemple à remplir le plan de vol exploitation.

Selon les exigences du système de régulation par le pilote de type C, il incombe au commandant de bord de faire suivre les messages relatifs aux départs, aux escales en route et aux arrivées à destination aux préposés au suivi des volsNote de bas de page 41. Selon le MEC de North Star Air, le suivi électronique des vols peut être utilisé par les préposés au suivi des vols, comme il l’a été pour le vol à l’étude, comme méthode de remplacement pour suivre les départs, la progression, les escales en route et les arrivées à destinationNote de bas de page 42. Ces données étaient utilisées par la compagnie uniquement pour le suivi des vols, et pas pour un processus d’assurance de la qualité des opérations ou d’enquête SGS.

Le jour de l’événement, le commandant de bord n’a pas envoyé le PVE aux préposés au suivi des vols de la compagnie.

1.17.6 Plans de vol exploitation

Selon le paragraphe 704.17(1) du RAC, un PVE doit être préparé conformément au MEC de l’exploitant approuvé par TC. Selon le MEC de North Star Air, un PVE doit être rempli pour chacun des vols.

Le PVE à l’étude indiquait qu’à un taux de consommation de carburant estimé à 950 livres par heure, un total de 1420 livres de carburant était nécessaire pour se rendre à CZPB en vol VFRNote de bas de page 43. Cela comprenait une réserve de carburant de 30 minutes, comme l’exige la réglementation pour les vols VFR. Selon le PVE, il y avait 2500 livres de carburant à bord et la masse au décollage de l’aéronef était de 29 647 livres, environ 350 livres sous la masse maximale admissible au décollageNote de bas de page 44. Le PVE n’indiquait pas de valeurs pour le vent en altitude et indiquait une durée prévue en route de 56 minutes jusqu’à CZPB, selon une vitesse vraie de 190 nœuds, sans vent. L’enquête a permis d’établir que certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 de la compagnie, dont le pilote du vol à l’étude, omettaient régulièrement d’inscrire les renseignements relatifs au vent dans le PVE lors de la planification des vols.

L’enquête s’est penchée sur les options IFR le jour de l’événement. Compte tenu des conditions météorologiques du moment, l’aéroport de Gillam (CYGX) (Manitoba), était l’aérodrome convenable le plus proche qui répondait aux exigences d’un aérodrome de dégagement IFR pour CZPB. Étant donné les prévisions de vent le long de la route, un vol IFR vers CZPB, avec CYGX comme aérodrome de dégagement, aurait nécessité 2733 livres de carburant pour répondre aux exigences réglementaires en la matièreNote de bas de page 45.

L’enquête a déterminé que les options IFR étaient souvent très limitées en raison de l’éloignement de la région et du manque d’aérodromes de dégagement disponibles. Certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 choisissaient de déposer un plan de vol VFR étant donné que la quantité de carburant exigée est moins importante pour un vol VFR que pour un vol IFR. Cela permettait d’augmenter considérablement la charge utile (c.-à-d. le fret) et offrait un avantage opérationnel en réduisant la charge de travail dans le poste de pilotage.

1.17.7 Minimums opérationnels selon les règles de vol à vue

Lors d’un vol VFR, les pilotes sont responsables de l’espacement entre aéronefs et du franchissement des obstacles. Selon l’article 602.115 du RAC, dans l’espace aérien non contrôlé, comme l’espace aérien autour de CZPB, les conditions de vol à vue minimales pour un vol VFR de jour à moins de 1000 pieds AGL sont les suivantes :

  1. L’aéronef est exploité avec des repères visuels à la surface.
  2. La visibilité en vol est d’au moins 2 milles (sauf autorisation contraire aux termes d’un CEA).
  3. L’aéronef est exploité hors des nuages.

Ces exigences sont reprises dans le MEC de North Star Air. En ce qui concerne l’obligation d’exploitation avec des repères visuels à la surface, le MEC stipule que [traduction] « lorsqu’ils sont exploités en VFR, les aéronefs de la compagnie ne doivent à aucun moment entrer dans les nuages et doivent être exploités avec des repères visuels à la surface de la terreNote de bas de page 46 ».

En plus des critères énumérés ci-dessus, l’article 704.23 du RAC stipule ce qui suit :

Sauf pour effectuer un décollage ou un atterrissage, il est interdit d’utiliser un aéronef en vol VFR […] le jour, à moins de 500 pieds AGL ou à une distance inférieure à 500 pieds de tout obstacle, mesurée horizontalementNote de bas de page 47.

Le MEC de North Star Air ne fait aucune référence à ces exigences minimales d’altitude et de distance horizontale. Selon le RAC, il y a IMC lorsque les conditions météorologiques sont inférieures aux minimums indiqués à la section VI de la sous-partie 602 du RAC. L’objectif des minimums opérationnels VFR est d’établir un niveau minimum de sécurité. Les humains [traduction] « croient souvent, à tort, que le changement sera facile à détecterNote de bas de page 48 ». Cependant, les recherches ont montré que la précision du jugement du pilote est diminuée dans un environnement visuel dégradéNote de bas de page 49. Par mauvais temps, les pilotes peuvent avoir de la difficulté à évaluer la hauteur, la vitesse et la distance en raison de l’absence de traits caractéristiques de terrain et de la réduction des repères visuels. De même, en l’absence de repères supplémentaires tels que l’horizon ou d’autres structures entourant la piste (c.-à-d. des repères visuels périphériques), l’évaluation de l’assiette et de la hauteur par le pilote peut également être diminuée, et les écarts verticaux ou latéraux peuvent passer inaperçusNote de bas de page 50. À mesure que les repères visuels extérieurs diminuent, la charge de travail augmente et les pilotes doivent progressivement se fier à leurs instruments de vol, en appuyant les manœuvres visuelles par une vérification croisée des instruments de vol pour s’assurer de l’exactitude de la perception visuelleNote de bas de page 51,Note de bas de page 52.

Le fait d’exploiter un aéronef en dessous des exigences minimales d’altitude et de distance horizontale prescrites pour le vol VFR peut conduire à un impact sans perte de contrôle.

1.17.8 Exposé d’approche

En ce qui concerne les exposés de l’équipage, les procédures d’exploitation normalisées (SOP) de North Star Air stipulent que [traduction] « pour chaque approche et atterrissage, l’équipage de conduite doit faire un exposé sur les aspects critiques de la manœuvreNote de bas de page 53 ». Elles stipulent aussi que [traduction] « l’exposé d’approche doit être effectué par le pilote qui effectuera la manœuvreNote de bas de page 54 ». Les SOP indiquent que l’exposé doit être conforme au format « AMORTS », où chaque lettre indique (en anglais) ce que l’exposé doit comprendre : Approach, Minima, Overshoot, Radios, Transition and Timing, Speeds and Supplementary remarks [approche, minimums, remise des gaz, radios, transition et séquence, vitesses et remarques supplémentaires]Note de bas de page 55.

Dans le cas où les pilotes doivent s’écarter de la procédure décrite lors de l’exposé, les SOP de North Star Air stipulent que [traduction] « le PF [pilote aux commandes] doit informer le PNF [pilote qui n’est pas aux commandes] du changementNote de bas de page 56 ».

Dans l’événement à l’étude, le commandant de bord a d’abord informé le P/O de son intention d’effectuer une approche visuelle vers la piste 10, en utilisant le sélecteur d’azimut (OBS) comme guide. Lorsque le commandant de bord s’est rendu compte que l’approche prévue ne fonctionnerait pas, il a commencé à manœuvrer l’aéronef sans informer le P/O de son nouveau plan. Pendant la majeure partie des manœuvres à basse altitude, le P/O ignorait la position de l’aéronef et le plan d’action prévu par le commandant de bord. Ce n’est que lorsque l’aéronef se trouvait au nord de CZPB que le P/O a pris conscience de la position de l’aéronef par rapport à l’aéroport et que le plan était d’effectuer une manœuvre semblable à un circuit vers la gauche pour atterrir sur la piste 10.

Bien qu’il y ait eu du givrage pendant la descente vers CZPB, les pilotes n’ont pas discuté des considérations potentielles liées au givrage (c.-à-d. les réglages de vitesse et l’augmentation connexe de la longueur de piste requise).

1.17.9 Culture de sécurité de l’organisation

1.17.9.1 Généralités

La culture de sécurité établie au sein d’organisations complexes est reconnue comme étant adaptative, évoluant [traduction] « graduellement en fonction des conditions locales, des événements antérieurs, du caractère du leadership, et de l’esprit de l’effectifNote de bas de page 57 ». En tant que facteur déterminant du comportement quotidien des gens, la culture de sécurité a été définie comme « le ‘moteur’ qui pousse le système vers l’objectif de maintenir une résistance maximale envers les dangers opérationnels peu importe la personnalité du leadership ou les préoccupations [économiques auxquelles est confrontée l’industrie]Note de bas de page 58 ». Sous-composante au sein d’organisations complexes, les petits groupes de personnes qui exploitent une technologie unique ou qui, de par la nature de leurs fonctions, exécutent leurs tâches indépendamment de l’organisation dans son ensemble, existent à l’intérieur d’une sous-culture, qui est typiquement caractérisée par un ensemble de croyances et d’intérêts uniques relatifs à la sécurité.

La culture de sécurité communique tacitement les attentes aux nouveaux ou anciens membres de l’organisation qui influent sur l’exécution du travail ainsi que sur le degré de participation des membres aux processus de la compagnie.

La culture de sécurité est la façon dont la sécurité est perçue, valorisée et privilégiée au sein d’une organisation. Une culture de sécurité positive et active reflète un engagement réel envers l’exploitation sécuritaire à tous les niveaux (c.-à-d. l’intégration verticale de l’information) dans une organisation. On peut également la décrire comme [traduction] « la manière dont une organisation se comporte quand personne ne l’observeNote de bas de page 59 » ou « la façon dont nous faisons les choses par iciNote de bas de page 60 ». La culture de sécurité de l’organisation est influencée par les valeurs, les attitudes et les comportements des intervenants.

La mise en place d’une culture de sécurité positiveNote de bas de page 61 présente de nombreux défis; il s’agit néanmoins d’une première étape nécessaire pour que les exploitants forgent les valeurs, les attitudes et les comportements requis pour bien gérer les risques liés à leurs activités. Ces efforts et investissements finiront par entraîner l’émergence d’une culture de sécurité positive où tous les intervenants considéreront les pratiques dangereuses comme inacceptables et où l’on gérera les risques de manière à les réduire au niveau le plus faible raisonnablement réalisable, ce qui améliorera la gestion des dangers opérationnels.

La force de la culture de sécurité d’une organisation commence au sommet et se caractérise par des processus proactifs visant à cerner, évaluer et atténuer les risques d’exploitation. Si l’exploitant ne décèle pas les conditions dangereuses, les laisse perdurer ou n’en fait pas une priorité, il peut en résulter une acceptation accrue de ces risques à tous les niveaux de l’organisation, ce qui réduit l’efficacité du SGS de l’exploitant et son rendement en matière de sécurité. La hiérarchie des influences sur la façon dont le travail est accompli au sein d’une organisation a été décrite comme les « 4 P »Note de bas de page 62 :

L’une des mesures d’une culture de sécurité positive est l’harmonisation entre les 4 P et les efforts pour déceler les lacunes et s’améliorer continuellement. Si les 4 P ne sont pas axées sur la sécurité et ne sont pas harmonisées pour atteindre l’objectif général d’une exploitation sûre, cela peut indiquer qu’une culture de sécurité négative est présente dans une organisation.

1.17.9.2 Culture de sécurité à North Star Air

L’enquête a permis d’établir que le commandant de bord et certains autres pilotes d’aéronefs DC3-TP67 avaient une attitude axée sur les résultats et qu’ils étaient très fiers d’effectuer les vols prévus et de transporter le plus de fret possible. Malgré la grande expérience du commandant de bord sur le DC3-TP67, l’enquête n’a pas pu déterminer quelle était son expérience de vol dans un environnement IFR. L’enquête a déterminé qu’au cours des 2 mois précédant l’événement, tous les vols effectués par le commandant de bord avaient été effectués en vol VFR. Toutefois, pour plus de 10 % des vols, les conditions météorologiques à destination avaient été signalées comme étant propices aux IMC. De plus, environ 35 % des vols ont été effectués dans des conditions météorologiques où les pilotes auraient perdu tout repère visuel au sol à un moment donné du vol.

Il a également été déterminé que le P/O avait déjà effectué des vols VFR en IMC avec d’autres commandants de bord de North Star Air et qu’il était à l’aise avec le vol en VFR à l’étude, estimant qu’il était acceptable en vertu de la réglementation.

Précédemment, le 21 juin 2019, vers 1 h 40, heure avancée de l’Est, un aéronef DC3-TP67 de North Star Air s’est écrasé peu après le décollage de l’aéroport de Fort Hope (CYFH) (Ontario)Note de bas de page 63. À bord se trouvaient 2 membres d’équipage de conduite, dont le commandant de bord du présent événement, qui agissait comme PNF. L’équipage de conduite a effectué un atterrissage forcé sur le lac Eabamet (Ontario). L’aéronef a subi des dommages importants. Aucun des pilotes n’a été blessé; cependant, ils ne portaient pas les ceintures-baudriers, ce qui a été signalé à la compagnie. Au moment de l’événement (A19C0145), aucune mesure n’avait été prise par la compagnie pour régler ce problème.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Surveillance exercée par Transports Canada

1.18.1.1 Généralités

L’Aviation civile de Transports Canada (TCAC), par l’intermédiaire de son programme de surveillance, vérifie « que les entreprises respectent les exigences réglementaires et disposent de systèmes efficaces afin de veiller à satisfaire en permanence aux exigences réglementairesNote de bas de page 64 ». Le programme comprend « des évaluations, des inspections de validation de programme (IVP) et des inspections de processusNote de bas de page 65 ».

Les IVP permettent de surveiller les systèmes et de procéder à un examen global de la compagnie en utilisant des méthodes d’échantillonnage afin de vérifier si l’entreprise dispose des systèmes nécessaires pour se conformer aux exigences réglementaires. Les inspections de processus portent sur un ou plusieurs processus précis. Ils vérifient si les processus sont conformes aux exigences réglementaires et fonctionnent correctement. La fréquence de ces inspections dépend de facteurs tels que le type d’activités, le roulement des employés clés de la compagnie, l’historique de conformité et la nature des constatations.

1.18.1.2 Modifications de l’approche de Transports Canada en matière de surveillance et d’approbation des systèmes de gestion de la sécurité

Au milieu des années 2000, TC a commencé à exiger la mise en œuvre de SGS dans différents segments de l’aviation commerciale. Selon TC, le SGS a été ajouté à la réglementation « comme protection supplémentaire pour aider à sauver des viesNote de bas de page 66 ». Pour garantir l’efficacité du SGS d’une entreprise, TC a établi un processus d’approbation. En 2005, TC a publié l’ouvrage intitulé Guide sur les procédures de mise en œuvre des Systèmes de gestion de la sécurité (SGS) destiné aux exploitants et aux organismes de maintenance agréés (OMA)Note de bas de page 67. Ce document, qui a été annulé en avril 2017, indiquait que :

Les organismes qui font une demande de certificat d’exploitation aérienne ou de certificat d’OMA à compter de la date d’entrée en vigueur des dispositions réglementaires sur les SGS doivent inclure la totalité des composantes et des éléments des SGS dans leur demande initiale de certification. Les titulaires de certificat actuels ou les nouveaux venus dont la demande a été acceptée par un représentant de Transports Canada avant la date d’entrée en vigueur de la réglementation sur les SGS auront la possibilité de se prévaloir de l’exemption.

Des vérifications après certification des nouveaux venus seront programmées par le Centre de Transports Canada ou le bureau de première responsabilité pertinent et comporteront une évaluation des SGSNote de bas de page 68.

De plus, en octobre 2007, TC a publié l’Instruction visant le personnel (IP) 107-002 intitulée Procédures de certification du système de gestion de la sécurité (SGS) d’un nouvel organisme. En juin 2009, TC a publié l’édition 02 de cette IP, qui définissait une évaluation comme « un processus composé de l’étude des documents et d’un examen sur le site de l’organisme complet afin de déterminer si le système de gestion de la sécurité est documenté, en place et efficaceNote de bas de page 69 ». Elle indiquait également : « Douze mois après la certification initiale, le SGS d’un nouvel organisme doit faire l’objet d’une évaluation complète à l’aide des procédures d’évaluation contenues dans l’IP SUR-001Note de bas de page 70 ».

L’IP 107-002 a été annulée en 2015, et TC a cessé d’effectuer les évaluations qui étaient auparavant nécessaires pour les exploitants nouvellement certifiés dans les 12 mois suivant la certification initiale.

À compter du 1er avril 2018, TC a mis en œuvre des changements dans son approche en matière de surveillance par le lancement de son programme Surveillance 2.0. L’un des changements les plus importants associés à Surveillance 2.0 était que TC a cessé d’utiliser les activités de surveillance au niveau des systèmes (c.-à-d. les évaluations et les IVP) comme principal moyen de surveillance. Au lieu de cela, l’inspection de processus est devenue la principale activité de surveillance utilisée pour déterminer la conformité et le risque. Dans le cadre de Surveillance 2.0, les évaluations ne seraient plus utilisées comme une activité de surveillance planifiéeNote de bas de page 71. TC a jugé que les inspections de processus servent d’indicateur efficace du rendement qui peut être utilisé pour détecter les défaillances systémiques, et a indiqué que si une défaillance systémique est décelée pendant la surveillance au niveau des processus, une surveillance réactive peut être amorcée pour étudier davantage ces préoccupations et les régler. Selon l’IP SUR-001 (édition 08), « [l]es évaluations seront effectuées à titre d’activités de surveillance réactive seulement si le CCS [Comité consultatif de surveillance] le demandeNote de bas de page 72,Note de bas de page 73 ».

1.18.1.3 Surveillance de North Star Air

En septembre 2016, TC a effectué une IVP de North Star Air qui, à ce moment, exerçait ses activités uniquement en vertu de la sous-partie 703 du RAC. L’IVP a permis de faire 5 constatations de non-conformité liées au programme d’assurance de la qualité et au contrôle opérationnel de la compagnie. North Star Air a donné suite aux constatations, et TC a fermé le dossier de l’IVP en décembre 2017. À la suite de cette IVP, la compagnie a été sujette à un intervalle de surveillance planifiée de 2 ansNote de bas de page 74,Note de bas de page 75.

Le 14 décembre 2017, TC a reçu des allégations selon lesquelles des aéronefs DC3-TP67 de North Star Air avaient évolué à plusieurs occasions en IMC sans autorisation IFR autour de CYMO. Les détails des allégations ont été fournis à North Star Air pour une enquête interne.

En février 2018, TC a effectué une inspection de processus réactive de North Star Air en réponse aux problèmes de dégivrage liés à un accident en mars 2017 ainsi qu’aux allégations reçues concernant les vols en partance et à destination de Moosonee. Dans le cadre de cette inspection, TC a également effectué 3 inspections en volNote de bas de page 76 des aéronefs DC3-TP67. Ces inspections en vol, qui avaient été annoncées à l’avance à la compagnie, ont été jugées « s’être déroulées sans incident » par les inspecteurs de TC. L’inspection de processus de février 2018 n’a donné lieu à aucune constatation de non-conformité, et aucune autre mesure n’a été prise par TC en réponse aux allégations de non-conformité reçues en décembre 2017.

En mai 2018, North Star Air a été approuvée pour effectuer des opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC. Toutefois, comme il n’était plus tenu d’évaluer les exploitants nouvellement certifiés dans les 12 mois suivant la certification initiale, TC n’a pas procédé à une évaluation du SGS de North Star Air pour déterminer si la compagnie était en mesure de gérer efficacement les risques associés à l’ajout d’opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC à ses activités existantes.

En novembre 2018, North Star Air a fait l’objet d’une autre inspection de processus par TC, qui a examiné le processus de régulation des vols relevant des sous-parties 703, 704 et 705 du RAC et le processus réactif du SGS de la compagnie. Cette inspection de processus a donné lieu à 1 constatation d’exploitation liée au MEC de North Star Air. Le SGS de North Star Air n’a fait l’objet d’aucune constatation. Selon les feuilles de travail de l’inspection de processus de TC, le processus de rapport et les rapports réactifs, y compris la mise en œuvre des plans de mesures correctives, ont été examinés et vérifiés, et aucun problème ou lacune n’a été constaté.

Au moment de l’inspection de processus de novembre 2018, le rapport du SGS relatif aux allégations de vols VFR en IMC de 2017 soumis à TC était toujours ouvert depuis près d’un an. Toutefois, selon TC, l’enquête SGS de North Star Air datant d’avant l’approbation des opérations relevant de la sous-partie 705 de North Star Air n’a pas fait l’objet de mesures par TC puisque l’enquête a été amorcée avant l’entrée en vigueur de l’exigence réglementaire du SGS.

Le jour de l’événement, TC effectuait une inspection de processus programméeNote de bas de page 77 à la base de Thunder Bay de la compagnie. La lettre que TC avait envoyée à North Star Air, datée du 1er novembre 2019, pour l’informer que l’inspection de processus qui allait avoir lieu comprendrait une évaluation des secteurs d’exploitation suivants :

À la suite de l’événement, le champ d’application de l’inspection de processus de décembre 2019 a été élargi, et l’inspection s’est terminée début janvier 2020. L’inspection de processus a fait 6 constatations de non-conformité liées aux aspects suivants des activités de North Star Air :

À l’exception de la constatation liée à la question du CVR, aucune constatation n’était directement liée aux opérations de North Star Air relevant des sous-parties 703 ou 704. En outre, il n’y a pas eu de constatations particulières liées au SGS de la compagnie.

Selon les notes après inspection de TC, l’inspection de processus de janvier 2020 a relevé les éléments suivants :

1.18.1.4 Recommandation A16-13 du BST

Il incombe aux entreprises de transport de gérer les risques pour la sécurité liés à leurs activités. La conformité à la réglementation n’offre qu’un niveau de sécurité de base à tous les exploitants d’un secteur donné. Puisque les exigences réglementaires ne peuvent prévoir tous les risques liés à une activité particulière, les entreprises doivent pouvoir cerner les dangers et atténuer les risques connexes propres à leurs activités. Cependant, les organismes de réglementation doivent avoir l’assurance que les compagnies possèdent la capacité de gérer efficacement la sécurité.

À la suite d’un impact sans perte de contrôle mettant en cause un hélicoptère Sikorsky S-76 effectuant un départ de nuit le 31 mai 2013 à CYMONote de bas de page 79, le BST a recommandé que

le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
Recommandation A16-13 du BST

Dans sa plus récente réponse, en septembre 2021, TC indiquait qu’il :

Dans sa réévaluation de mars 2022 de la réponse de TC, le Bureau indiquait qu’il voyait d’un bon œil les efforts déployés par TC pour mettre à jour et améliorer sa méthodologie de surveillance. Toutefois, le Bureau est préoccupé par le fait que, selon la planification et les procédures de surveillance de TC, les évaluations des SGS ne sont effectuées que comme outil de surveillance réactif. Selon l’Instruction visant le personnel (IP) SUR-001 — Procédures de surveillance, les évaluations « seront effectuées à titre d’activités de surveillance réactive seulement si le Comité consultatif de surveillance (CCS) le demandeNote de bas de page 80 ». En plus des 4 catégories d’activités de surveillance de TC (au niveau des systèmes et des processus ainsi que les inspections ciblées et les inspections de conformité), le Bureau continue de recommander l’utilisation d’évaluations régulières des SGS en tant que partie des activités de surveillance planifiées (et réactives) de TC pour s’assurer que les SGS sont évalués régulièrement et mis à jour en fonction de résultats d’évaluations intégrées et approfondies, et pour s’assurer qu’un exploitant a la capacité de gérer efficacement la sécurité. Comme TC a indiqué qu’il n’effectuera pas d’évaluations régulières des SGS, les risques liés à la lacune de sécurité décrite dans la recommandation A16-13 demeureront. Par conséquent, le Bureau estimait que la réponse à la recommandation A16-13 dénotait une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 81.

1.18.2 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Les enjeux suivants inscrits à la Liste de surveillance 2020 sont pertinents à l’événement à l’étude.

1.18.2.1 Gestion de la sécurité

Un SGS est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux entreprises de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités, idéalement avant que ne survienne un accident. Bien que l’enjeu de la gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance depuis 2010, les rapports d’enquête du BST continuent de faire état de diverses lacunes et préoccupations.

Il n’y a eu que peu de progrès pour étendre l’utilisation des SGS au-delà des exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC. Les exigences en matière d’utilisation de SGS ne s’appliquent toujours pas aux exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC, aux unités de formation au pilotage (assujettis à la sous-partie 406 du RAC) ou aux exploitants d’aérodromes non certifiés, bien que certains ont volontairement mis en œuvre un SGS. Ensemble, les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC représentent plus de 90 % de tous les exploitants aériens commerciaux au Canada. Ainsi, TC n’a aucune assurance que ces exploitants peuvent gérer efficacement la sécurité. Bon nombre d’entre eux sont de petites entreprises et, sans l’aide d’un SGS, elles continuent de manquer des occasions d’améliorer la sécurité de leurs activités. Par conséquent, la probabilité d’un plus grand nombre de morts et de blessures graves demeure élevée Note de bas de page 82.

Bien que des progrès aient été réalisés pour régler cet enjeu, ces progrès ont été sporadiques. Lors de son Canadian Aviation Safety Collaboration Forum en mars 2022, TC a indiqué qu’il prévoit commencer des consultations sur l’intégration des SGS pour les exploitants assujettis aux sous-parties 406, 702, 703, 704 et 573 du RAC qui ne sont pas actuellement tenus d’avoir un SGS. TC prévoit publier les modifications dans la partie II de la Gazette du Canada vers la fin de 2025.

MESURES À PRENDRE

La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport aérien jusqu’à ce que :

  • TC mette en œuvre de la réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;
  • les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.
1.18.2.2 Surveillance réglementaire

Tous les transporteurs sont responsables de gérer les risques en matière de sécurité au sein de leur organisation et dans le cadre de leurs activités. La réglementation aide les exploitants en leur fournissant un cadre directeur et en stipulant certaines exigences minimales et certains niveaux minimaux de sécurité. Toutefois, il incombe aux exploitants de satisfaire à ces exigences. TC est tenu d’inspecter les exploitants et d’effectuer des vérifications auprès d’eux afin de s’assurer qu’ils se conforment à cette réglementation et qu’ils respectent les niveaux minimaux de sécurité.

Cependant, la surveillance exercée par TC n’a pas toujours été efficace, et le BST a relevé diverses lacunes et préoccupations au fil des ans.

TC ne parvient pas toujours efficacement à cerner les lacunes dans les processus de gestion de la sécurité au sein des entreprises et à intervenir à temps. De plus, on a relevé à certaines occasions un déséquilibre entre l’utilisation d’inspections classiques pour vérifier la conformité aux règlements et la vérification des processus de sécurité des entreprises pour déterminer leur bon fonctionnement.

La population canadienne qui voyage au moyen des services de transport et qui utilise les services fournis par des transporteurs inspectés et approuvés par TC s’attend à ce que les activités de ces transporteurs soient sécuritaires et qu’elles respectent les exigences réglementaires de base. Dans le cas contraire, la population canadienne s’attend à ce que TC prenne des mesures proactives afin d’assurer que ces exploitants se conforment à nouveau à la réglementation en temps opportun.

Toutefois, lorsque cela ne se produit pas et que les mesures de surveillance ne sont pas suffisantes pour déceler les lacunes de sécurité, ou si TC n’est pas en mesure d’intervenir pour s’assurer que les exploitants prennent les mesures correctives appropriées, des pratiques d’exploitation dangereuses ou non conformes peuvent persister. Par conséquent, il se peut que les niveaux minimaux de sécurité ne soient pas atteints, ce qui compromet la sécurité des gens, des biens et de l’environnement.

En 2019, TC a élaboré et mis en place des lignes directrices, des outils et de la formation pour améliorer la qualité des constatations tirées des activités de surveillance, ainsi que les décisions prises relativement à la surveillance de l’aviation commerciale et sa méthodologie de planification axée sur les risques.

MESURES À PRENDRE

La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport aérien jusqu’à ce que TC démontre, au moyen d’évaluations des activités de surveillance, que les nouvelles procédures de surveillance permettent de déceler et de corriger les non-conformités et que TC s’assure qu’une entreprise se conforme à nouveau à la réglementation en temps opportun et qu’elle est en mesure de gérer la sécurité de ses activités.

1.18.3 Pratiques exemplaires en matière de gestion des ressources de l’équipage

1.18.3.1 Généralités

Cette section mettra en évidence certaines des pratiques exemplaires en matière de gestions des ressources de l’équipage (CRM) acceptées par l’industrie qui s’appliquent à la prise de décisions par les pilotes, à la conscience situationnelle et à la communication entre les membres de l’équipage.

1.18.3.2 Prise de décisions par les pilotes

Une prise de décisions efficace suppose que l’on ait une compréhension exacte de la situation, que l’on reconnaisse les répercussions de cette situation, que l’on élabore un ou des plans ainsi que des solutions de rechange, et que l’on mette en œuvre un plan d’action. Il est tout aussi important que l’équipage puisse reconnaître les changements éventuels dans la situation, et de renouveler le processus de prise de décisions pour s’assurer que les changements en question sont pris en compte et que les plans sont modifiés en conséquence. Le fait de ne pas tenir compte adéquatement des répercussions possibles d’une situation augmente le risque qu’une décision entraîne des conséquences défavorables aboutissant à un état indésirable de l’aéronef. Un certain nombre de facteurs influent sur ce processus.

Un aspect important du processus de prise de décisions est le concept de modèles mentauxNote de bas de page 83. Le modèle mental d’une personne dépend énormément de la compréhension qu’elle a des circonstances, de ses attentes concernant l’avenir et de son expérience passée. Les gens utilisent leur expérience passée et leurs connaissances pour catégoriser rapidement la situation qu’ils vivent et porter des jugementsNote de bas de page 84. À mesure qu’une personne acquiert de l’expérience dans des situations nouvelles, ces situations et la ligne de conduite choisie créent des correspondances potentielles pour les décisions futures. Cela peut être à la fois positif et négatif, selon le contexte situationnel. Tout comme les comportements positifs réussis auront un effet de renforcement, si une décision à haut risque aboutit à un résultat positif, cela peut amener une personne à être plus détendue vis-à-vis des comportements à haut risque, ce qui rend plus probable la répétition de ces comportements à l’avenirNote de bas de page 85,Note de bas de page 86. Dans certaines circonstances, cette tendance peut conduire à des décisions fondées sur une compréhension inexacte ou incomplète de la situation, des conséquences de la situation ou des autres plans d’action possibles.

Des études montrent que [traduction] « les pilotes ont tendance à sous-estimer la probabilité d’une perte de maîtrise et à surestimer leur capacité à continuer à maîtriser l’aéronef en cas de perte des repères visuelsNote de bas de page 87 ». De même, les pilotes qui acceptent délibérément un risque accru (p. ex., évoluer dans un environnement visuel dégradé) ont tendance à avoir une plus grande tolérance au risque, à éprouver moins d’anxiété dans cette situation et à percevoir le risque comme étant relativement faibleNote de bas de page 88. Une mauvaise appréciation du risque peut conduire à des décisions inappropriées et à un comportement à risque.

Les facteurs organisationnels peuvent également influer directement ou indirectement sur la prise de décisions par les pilotes. Les SOP soutiennent directement la prise de décisions par les pilotes en leur fournissant ce que leur compagnie considère comme des solutions réussies prédéterminées pour des situations particulières. Les SOP établissent les attentes concernant les niveaux de risque acceptables que les pilotes peuvent utiliser comme cadre de référence lorsqu’ils doivent prendre une décision opérationnelle.

Les normes qui peuvent se développer au sein d’une organisation peuvent également influer sur la prise de décisions par les pilotes. Dans le but d’atteindre des objectifs organisationnels, des comportements bien intentionnés qui augmentent progressivement le risque peuvent apparaître au fil du temps. Pour cette raison, il est important que les organisations renforcent l’importance du respect des SOP et indiquent, par l’intermédiaire de leur SGS, les pratiques informelles qui font augmenter le niveau de risqueNote de bas de page 89.

Dans le cas d’un équipage, il faut s’efforcer d’harmoniser les modèles mentaux. Si l’équipage ne parvient pas à harmoniser les modèles mentaux en raison des différences de personnalité, du style de communication ou des rapports d’autorité, il se peut que des renseignements importants ne soient pas pris en compte au moment de déterminer les conséquences possibles d’une situation et d’élaborer des plans et des solutions de rechange. Cela donnera lieu à une prise de décisions sous-optimale, et pourrait produire un niveau de risque inacceptable.

1.18.3.3 Conscience situationnelle

La conscience situationnelle est un composant essentiel de la prise de décisions. En tant que concept, la conscience situationnelle est définie comme [traduction] « la perception des éléments de l’environnement dans un volume de temps et d’espace donné, la compréhension de leur signification et la projection de leur état dans un avenir procheNote de bas de page 90 ». Les 3 processus comprennent des étapes de traitement de l’information au cours desquelles des lacunes peuvent survenir, ce qui peut entraîner une conscience situationnelle incomplète ou inadéquate. Plusieurs facteurs et préjugés tels que le contexte, les connaissances, l’expérience, la formation et la physiologie individuelle peuvent influer sur la conscience situationnelle.

Les mesures prises par l’équipage de conduite doivent être basées sur une compréhension commune de l’état actuel de l’aéronef, du plan de vol prévu et des menaces qui pèsent sur ces activités, afin d’agir de manière coordonnée, efficace et sûre. Cette compréhension commune entre les membres de l’équipage est appelée la conscience situationnelle de l’équipe ou communeNote de bas de page 91,Note de bas de page 92. Lorsque la conscience situationnelle de l’équipe est élevée, les équipages sont mieux à même d’anticiper et de coordonner efficacement les mesures qu’elles prennent en vue d’atteindre leur objectif commun.

La conscience situationnelle commune est développée et maintenue par un équipage grâce à un certain nombre de comportements discrets et continus. Les comportements discrets comprennent la planification de vol, les exposés en vol et l’établissement des points clés d’un vol, comme l’atteinte des altitudes minimales. Ces activités sont des points de contrôle planifiés pour décrire l’état actuel et les plans futurs et pour fournir une occasion d’établir la même compréhension et de vérifier que tous les membres de l’équipage ont cette même compréhension.

Les comportements continus comprennent la gestion des menaces et des erreurs, l’annonce des changements d’état de l’aéronef et du réglage ou du mode des instruments, et la communication des modifications apportées aux plans. Ces comportements permettent de s’assurer que les renseignements et les changements d’état sont communiqués à tous les membres de l’équipage pour actualiser en permanence la conscience situationnelle commune. Tous ces éléments sont des aspects de la CRM qui permettent des interactions efficaces entre les membres de l’équipage. La formation et l’approche opérationnelle adoptées par les exploitants influent sur ces comportements continus.

1.18.3.4 Rétrécissement de l’attention

Les pilotes travaillent dans un environnement complexe qui compte plusieurs sources et types de renseignements à surveiller. L’attention humaine étant limitée, les pilotes doivent hiérarchiser les différents renseignements avec soin afin de ne pas négliger des renseignements pertinents.

La charge de travail dépend du nombre de tâches à accomplir dans un laps de temps donné. Si le nombre de tâches à accomplir augmente, ou si le temps disponible pour les accomplir diminue, la charge de travail augmente. Lorsque la charge de travail augmente, la charge cognitive du pilote augmente également, ce qui peut nuire à la capacité d’un pilote à percevoir et à évaluer les indices dans son environnement et peut entraîner un rétrécissement de l’attentionNote de bas de page 93,Note de bas de page 94.

Le rétrécissement de l’attention se produit quand

[traduction] la personne concentre toute son attention consciente sur un nombre limité d’indices environnementaux, à l’exclusion d’autres indices dont la détectabilité est subjectivement égale ou supérieure, ou dont la priorité est plus immédiateNote de bas de page 95.

Les indices pertinents peuvent être présents; cependant, les personnes ayant une charge de travail élevée ont tendance à limiter leur attention aux stimuli qu’elles perçoivent comme étant les plus importants ou les plus pertinents pour la tâche à accomplirNote de bas de page 96. De même, le rétrécissement de l’attention est plus susceptible de se produire lorsque l’intensité de la motivation est élevée ou lorsque l’état d’excitation ou de stress est importantNote de bas de page 97. Si un pilote accorde une plus grande importance aux indices externes, cela peut détourner son attention des instruments de vol, ce qui entraîne une dégradation de la conscience situationnelle et peut permettre à des écarts de passer inaperçusNote de bas de page 98,Note de bas de page 99.

Dans une étude portant sur 15 accidents, une perception inexacte était à l’origine de 72 % des défaillances de la conscience situationnelleNote de bas de page 100. Comme le rétrécissement de l’attention peut conduire à une perception inexacte, il représente un risque important dans des domaines complexes et à risque élevé comme l’aviationNote de bas de page 101.

Pour réduire la probabilité d’un rétrécissement de l’attention, les pilotes doivent continuellement évaluer leur situation. Cela implique de balayer du regard les sources de renseignements pertinentes, telles que les affichages du poste de pilotage, afin de s’assurer d’une perception précise de la situation et de déterminer si le plan fonctionne comme prévu ou s’il doit être modifié. À bord d’un aéronef multipilote, la communication avec les autres membres de l’équipage peut être essentielle pour reconnaître et surmonter les effets du rétrécissement de l’attention.

1.18.3.5 Communications entre les membres d’équipage

Pour faire concorder les modèles mentaux, améliorer la conscience situationnelle de l’équipage et optimiser le processus de prise de décisions, les membres d’équipage doivent être des communicateurs très efficaces et être à l’aise pour donner et recevoir de la rétroaction. Toutefois, ces compétences en communication nécessitent de l’exercice et du renforcement pour être efficaces, en particulier lorsque les marges de sécurité sont réduites ou qu’il existe un écart important entre les niveaux d’expérience. Dans le cas d’un P/O moins expérimenté, jumelé à un commandant de bord expérimenté, il peut y avoir une tendance naturelle pour le P/O à être réticent à s’exprimer, de quelque manière que ce soit, de peur d’avoir tort ou de donner l’impression qu’il remet en question d’une manière ou d’une autre les actions du commandant de bord beaucoup plus expérimenté. C’est ce qu’on appelle parfois un rapport d’autorité fort dans le poste de pilotage. Un rapport d’autorité est attribuable aux différences qui existent entre les pilotes, comme l’âge, l’expérience, le rang des membres d’équipage, et la façon dont un des membres ou les deux membres d’équipage insistent ouvertement ou tacitement sur ces différencesNote de bas de page 102.

Les programmes modernes de CRM mettent en évidence les obstacles à une communication efficace, tels que le rapport d’autorité dans le poste de pilotage, et fournissent plusieurs stratégies de communication qui peuvent être utilisées en fonction de la gravité de la situation, du temps disponible et des autres personnes qui prennent part au processus de communication. En particulier, ils fournissent aux P/O des stratégies pour essayer de faire part d’une préoccupation à un commandant de bord, et ils fournissent aux commandants de bord des stratégies pour reconnaître si un P/O est mal à l’aise ou essaie de faire part d’une préoccupation. Pour que ces stratégies soient efficaces, les équipages de conduite doivent avoir des occasions réalistes de mettre en pratique ces compétences et de recevoir de la rétroaction, afin que la théorie puisse être mise en pratique. Sinon, les équipages de conduite pourraient avoir des difficultés à utiliser ces compétences en CRM au moment où elles sont le plus nécessaires dans l’aéronef. Une stratégie courante souvent utilisée pendant les exposés avant vol par les commandants de bord expérimentés pour contrer le rapport d’autorité dans le poste de pilotage consiste à encourager explicitement un P/O moins expérimenté à parler lorsqu’il se sent mal à l’aise ou qu’il n’est pas sûr du plan. Si l’on définit des attentes claires et que l’on fait comprendre au P/O que ses commentaires sont bienvenus et encouragés, il est plus probable que la personne moins expérimentée se sente à l’aise de s’exprimer.

1.18.3.6 Formation en gestion des ressources de l’équipage à North Star Air

Les enquêteurs du BST ont examiné le cours initial d’un jour sur la CRM de North Star Air. La formation s’échelonne sur 8 heures et comprend tous les éléments requis indiqués au paragraphe 724.115(38) de la Norme de service aérien commercial 724.

Une grande partie du cours initial sur la CRM de North Star Air provenait de la trousse de formation sur la CRM de TCNote de bas de page 103, instaurée dans les années 1990. Le programme initial sur la CRM de North Star Air est principalement axé sur la sensibilisation, plutôt que sur l’enseignement de compétences pratiques de CRM dans un cadre d’exploitation. Ceci est cohérent avec les programmes sur la CRM de la génération précédente qui visaient principalement à changer les attitudes envers la CRM. Le programme initial sur la CRM de North Star Air comprend certains éléments modernes de CRM, comme les discussions relatives à la gestion des menaces et des erreurs ou à l’effet de surprise et de sursaut, qui sont couverts dans la circulaire d’information (CI) 700-042Note de bas de page 104.

L’examen du programme initial de formation sur la CRM de North Star Air a permis de repérer les éléments suivants, compte tenu de leur importance potentielle relativement à l’événement :

Le cours initial sur la CRM de North Star Air se termine par une étude de cas, soit le rapport d’enquête aéronautique A11H0002 du BST, qui porte sur un Boeing 737-210C qui s’est écrasé pendant l’approche finale à l’aéroport de Resolute Bay (CYRB) (Nunavut).

Selon North Star Air, la compagnie n’a pas de programme de formation distinct sur la CRM. La formation périodique sur la CRM de 4 heures de la compagnie est menée conformément à la CI 700-042 et utilise le matériel de formation du cours initial sur la CRM de la compagnie.

North Star Air fait appel à des formateurs sur la CRM désignés par la compagnie, choisis en fonction de leur expérience en matière de formation. Aucun des formateurs sur la CRM de la compagnie n’a suivi une formation officielle d’animateur sur la CRM, et la réglementation ne l’exige pas.

1.18.4 Adaptations

Les adaptations sont des écarts intentionnels aux règles ou aux procédures formalisées. Elles résultent souvent d’une compréhension partielle de l’objectif d’une règle ou d’une procédure, de l’incapacité à prévoir les conséquences potentielles d’une adaptation, ou de la perception que les procédures existantes sont inutiles, difficiles, chronophages, inapplicables ou simplement que personne ne les fait appliquer. Lorsque les adaptations sont réalisées sans conséquences négatives, elles peuvent persister et devenir une pratique courante. Ce faisant, l’adaptation devient un comportement normal et peut éroder les marges de sécurité créées par les règles et les procédures.

Les gens suivent rarement les règles ou les instructions avec précision, pour des raisons et d’une manière qui ont du sens pour eux compte tenu de leurs circonstances, de leurs connaissances et de leurs objectifsNote de bas de page 105.

Même si une compagnie prescrit des politiques et des procédures qui servent à fixer des limites qui assurent la sécurité des opérations, des personnes peuvent repousser ces limites afin d’être plus productives ou d’obtenir d’autres avantages. Il peut en résulter des adaptations en matière de procédures et un écart par rapport aux limites prescrites, ce qui peut mener à des pratiques dangereusesNote de bas de page 106. S’il n’y a pas d’intervention, les membres d’équipage se communiquent entre eux les adaptations qui ont du succès et celles-ci se répandent dans toute la compagnie.

Ces adaptations ont peu de chances d’être reconnues comme des écarts par les membres du groupe qui les emploie. Les adaptations deviennent peu à peu un comportement normal, et il est peu probable que le risque qui leur est associé soit reconnuNote de bas de page 107.

1.18.5 Impact sans perte de contrôle

1.18.5.1 Généralités

Un impact sans perte de contrôle (CFIT) se produit [traduction] « lorsqu’un aéronef en état de navigabilité, sous la commande de l’équipage, percute par inadvertance le relief, un obstacle ou un plan d’eau, habituellement sans que l’équipage ait conscience de l’imminence de la collisionNote de bas de page 108 ».

Au début des années 1990, les CFIT étaient la principale cause d’accidents mortels d’aéronefs dans le monde. Au cours des décennies suivantes, les exploitants et les organismes de réglementation ont réalisé de grands progrès pour réduire ce type d’accidents. De nombreuses nouvelles technologies ont été adoptées, notamment les systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact, les dispositifs avertisseurs de proximité du sol améliorés, les systèmes mondiaux de navigation par satellite, les bases de données numériques sur le relief et les affichages de cartes mobiles illustrant la position de l’aéronef par rapport au relief. De plus, de meilleures formations sont offertes, comme la formation de sensibilisation aux CFIT, la formation sur les manœuvres d’évitement des CFIT et la CRM améliorée avec gestion des menaces et des erreurs. Combinées, ces avancées ont réduit le nombre d’accidents de type CFIT, au point où la perte de contrôle en vol a dépassé la CFIT en tant que principale cause d’accidents mortels pour les aéronefs de plus de 5700 kgNote de bas de page 109.

Au Canada, il y a également eu réduction du nombre d’accidents liés aux CFIT. Le BST a effectué un examen statistique des accidents de type CFIT au pays pour la période allant de 1992 à 2019Note de bas de page 110. L’examen a porté sur des accidents où des aéronefs immatriculés au Canada effectuant des vols commerciaux en VFR ont pénétré dans des IMC et un accident de type CFIT s’est produit.

Au cours de la période de 28 ans examinée, les données suivantes ont été relevées :

Un test de corrélationNote de bas de page 111 a été employé pour déterminer s’il y avait une tendance en ce qui a trait à ce type d’accidents. Sur cette période, on constate une tendance à la baisse du nombre d’accidents mettant en cause des avions commerciaux, tandis que le nombre d’accidents mettant en cause des hélicoptères commerciaux n’a pas révélé de tendances statistiquement significatives. La plus grande partie de la diminution globale du nombre d’accidents s’est produite au cours des 14 premières années de cette période (de 1992 à 2005); on ne relève aucune tendance pour la période allant de 2006 à 2019.

1.18.5.2 Formation sur les impacts sans perte de contrôle à North Star Air

Les normes de Transports Canada exigent que les entreprises qui exploitent des vols en vertu de la sous-partie 704 du RAC et qui effectuent des vols IFR fournissent une formation sur la façon d’éviter les CFITNote de bas de page 112. Cette formation englobe les aspects suivants :

Le programme de formation sur les aéronefs DC3-TP67 de North Star Air répondait à cette exigence en offrant aux pilotes d’aéronefs DC3-TP67 une formation en ligneNote de bas de page 113. Le commandant de bord avait suivi sa plus récente formation de sensibilisation aux CFIT en février 2019, et le P/O, en avril 2019.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Il n’y avait aucune indication qu’un mauvais fonctionnement d’un système d’aéronef ait joué un rôle dans cet événement. Par conséquent, l’analyse portera sur les facteurs humains, opérationnels et organisationnels qui ont contribué à l’événement.

L’analyse se concentrera sur la prise de décisions par les pilotes et sur la séquence des événements qui ont conduit à la collision avec le relief durant un vol à basse altitude. Elle examinera également la culture de sécurité, la supervision et la gestion de la sécurité à North Star Air Ltd. (North Star Air). En outre, elle abordera des questions liées à la gestion des ressources de l’équipage (CRM), à la surveillance réglementaire, à la planification des vols, à l’utilisation des systèmes de retenue dans le poste de pilotage, aux enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) et aux normes de conception des radiobalises de repérage d’urgence (ELT).

2.2 Prise de décisions par les pilotes

Les renseignements météorologiques avant vol à la disposition du commandant de bord indiquaient des plafonds bas et des visibilités réduites dans de la neige légère en route de l’aéroport de Red Lake (CYRL) (Ontario) jusqu’à l’aéroport de Sachigo Lake (CZPB) (Ontario). Un vol selon les règles de vol à vue (VFR) dans de telles conditions, surtout pour un aéronef multimoteur à voilure fixe, laisserait très peu de marge de sécurité pour faire face à des défis en vol comme l’évitement du relief et des obstacles, les déroutements ou une urgence. Toutefois, les risques inhérents au vol VFR le long de cette route dans de telles conditions peuvent être atténués en effectuant un vol selon les règles de vol aux instruments (IFR), et en augmentant ainsi considérablement les marges de sécurité.

L’enquête a permis d’établir que, compte tenu de la charge de carburant et de fret de l’aéronef, un aérodrome de dégagement convenable aurait été disponible pour effectuer le vol à l’étude en IFR si 233 livres de carburant supplémentaires avaient été chargées dans l’aéronef. Toutefois, comme le commandant de bord avait l’habitude de voler en VFR, il n’a pas envisagé d’établir si des options IFR existaient avant de quitter CYRL. Au lieu de chercher des options IFR, les pilotes ont décollé en vol VFR sans avoir déposé le plan de vol ou l’itinéraire de vol requis par les règlements et le manuel d’exploitation de la compagnie.

Peu après le décollage de CYRL, l’aéronef a pénétré dans des couches nuageuses et est monté au-dessus de celles-ci avant d’atteindre l’altitude de croisière prévue jusqu’à CZPB. Cette façon de faire n’était pas conforme à la réglementation régissant le vol VFR, qui exige que l’aéronef soit utilisé hors des nuages et en contact visuel avec la surface en tout temps. Alors que l’aéronef s’approchait de CZPB, les pilotes ont amorcé une descente à travers les couches nuageuses en se reportant à leurs instruments de vol.

Une fois l’aéronef sorti des nuages à très basse altitude, il n’était pas en position d’atterrir et le commandant de bord a effectué un large virage de 360° à basse altitude, à une hauteur aussi faible que 100 pieds au-dessus du sol (AGL), afin de rester hors des nuages. Cette manœuvre à basse altitude s’est produite à environ 400 pieds au-dessous de l’altitude minimale requise pour un vol de la catégorie navette effectué en VFR dans un espace aérien non contrôlé.

Après avoir terminé le virage de 360°, l’aéronef ne se trouvait toujours pas dans une position lui permettant de joindre l’approche finale et d’atterrir sur la piste 10. Encore une fois, le commandant de bord a continué de voler à vue, en effectuant une manœuvre à basse altitude semblable à un circuit vers la gauche, ce qui a amené l’aéronef à proximité d’un obstacle important (une tour de 150 pieds de hauteur) dans des conditions inférieures aux conditions météorologiques minimales requises pour le vol VFR.

Comme indiqué ci-dessus, une série de décisions opérationnelles prises au cours de cet événement a entraîné une augmentation des niveaux de risque. L’enquête a établi que le commandant de bord avait l’habitude d’effectuer des vols VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Avec le temps, les succès répétés du pilote dans ce type d’opérations ont réduit sa perception du risque, ce qui a contribué à sa disposition à déroger aux règlements, malgré les risques bien documentés associés aux vols VFR en IMC.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La décision de décoller pour un vol VFR et de le poursuivre en IMC a été influencée par une perception déformée du risque résultant d’une expérience passée réussie dans des situations similaires.

2.3 Impact sans perte de contrôle en vol à basse altitude

En l’absence de renseignements provenant du CVR et de l’enregistreur de données de vol, l’enquête s’est concentrée sur les conditions météorologiques présentes et le profil de vol de l’aéronef pendant les derniers instants du vol. L’enquête a envisagé la possibilité que l’aéronef, qui évoluait à des altitudes extrêmement basses, ait subi un décrochage aérodynamique, potentiellement aggravé par la présence de givre. Une analyse approfondie des performances a permis de conclure que, bien que la marge de décrochage ait diminué immédiatement après le virage depuis l’étape vent arrière, elle s’est améliorée lorsque l’aéronef est descendu jusqu’au niveau de la cime des arbres dans les derniers instants avant l’impact. Cette probabilité réduite d’un décrochage dans les derniers instants est confirmée par l’absence d’avertissements sonores de décrochage pendant le vol. Puisqu’il est peu probable qu’un décrochage se soit produit, le reste de cette section décrira donc le scénario le plus probable de ce qui s’est produit.

Après la descente de l’aéronef depuis l’altitude en route, le commandant de bord a effectué un large virage visuel de 360° à basse altitude en IMC à des altitudes considérablement plus basses que l’altitude minimale en route pour le vol VFR en vertu de la sous-partie 704 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) et que l’altitude minimale de descente pour une approche aux instruments vers la piste 10. Ensuite, à des hauteurs qui variaient entre 150 et 225 pieds AGL, le commandant de bord a effectué une manœuvre de type circuit pour atterrir sur la piste 10. Par conséquent, à partir du moment où l’aéronef est descendu sous les nuages en prévision d’une approche visuelle, le vol s’est déroulé à un niveau de risque considérablement élevé, en dehors de l’enveloppe de sécurité établie par la réglementation. L’exploitation d’un aéronef en dessous des exigences minimales d’altitude et de distance horizontale prescrites pour le vol VFR peut conduire à un impact sans perte de contrôle (CFIT). À ces basses altitudes, en IMC, les pilotes auraient eu très peu de temps pour réagir à tout obstacle inattendu.

Au cours de la manœuvre improvisée, sans exposé, de type circuit vers la piste 10, l’aéronef est resté à moins de 0,4 mille marin (NM) de la piste, passant à moins de 0,12 NM d’une tour de 150 pieds de hauteur. Par conséquent, l’aéronef, qui avait évolué à basse altitude pendant une longue période, était manœuvré à une hauteur et à une distance horizontale des obstacles qui représentaient un risque important de collision.

À la hauteur du seuil de la piste 10, le commandant de bord, qui occupait le siège de gauche, a commencé un virage à basse altitude pour l’approche finale. Après 2 tentatives infructueuses de positionner l’aéronef en vue d’atterrir sur la piste 10, il est probable que le commandant de bord, qui avait l’habitude d’effectuer des vols VFR par mauvais temps, était très motivé pour effectuer l’approche à l’atterrissage. Le commandant de bord fixait probablement son attention sur les repères extérieurs, et essayait de localiser la piste 10 et de positionner l’aéronef pour y atterrir. La charge de travail élevée découlant de l’absence de repères visuels pendant le virage depuis l’étape vent arrière en raison de la faible visibilité, des nuages bas et du relief enneigé a pu contribuer à un rétrécissement de l’attention et à ainsi rendre difficile l’évaluation précise de la hauteur, de la vitesse et de la distance par le commandant de bord. Toutefois, en raison de l’expérience antérieure dans des conditions météorologiques similaires, la réduction des marges de sécurité n’a pas été détectée, et le commandant de bord a poursuivi sa tentative d’approche visuelle.

Les données du système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) laissent croire que le commandant de bord ne connaissait pas la position exacte de l’aéronef par rapport à la piste 10, croyant peut-être que l’aéronef était aligné pour l’approche. À l’insu du commandant de bord, l’aéronef, qui évoluait à basse altitude depuis plusieurs minutes, a continué à descendre et a percuté les arbres et le relief, dans une assiette plus ou moins horizontale, glissant sur environ 350 pieds. Pendant cette séquence d’écrasement, les tubes de Pitot et de pression statique, qui alimentent le signal ADS-B, ont été compromis en raison de l’impact avec les arbres.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Le commandant de bord a probablement éprouvé un rétrécissement de l’attention alors qu’il effectuait une approche visuelle présentant une charge de travail élevée à très basse altitude en IMC. Cela a très probablement entraîné une descente involontaire, mais maîtrisée, qui n’a pas été détectée avant que l’aéronef n’entre en collision avec le relief.

2.4 North Star Air Ltd.

2.4.1 Culture de sécurité à North Star Air Ltd.

L’enquête a permis de recueillir des renseignements qui pourraient signaler une incohérence dans la culture de sécurité à North Star Air. Par exemple, le jour de l’événement, le commandant de bord n’a pas déposé de plan de vol ou d’itinéraire de vol, ce qui est contraire au RAC et aux procédures d’exploitation de North Star Air.

Plus important, l’enquête a également déterminé que certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 à North Star Air avaient adopté une attitude désinvolte à l’égard de la conformité réglementaire qui se traduisait par des adaptations persistantes érodant les marges de sécurité, et qu’ils effectuaient régulièrement des vols VFR en IMC étant donné que :

Cette pratique du vol VFR en IMC a érodé les marges de sécurité. En particulier, elle faisait courir des risques importants aux pilotes en raison :

De plus, en 2017, les allégations concernant les aéronefs DC3-TP67 de North Star Air exploités à plusieurs occasions en vol VFR en IMC avaient été portées à l’attention de Transports Canada (TC), et la compagnie avait rappelé, verbalement et par courriel, aux pilotes de DC3-TP67 la réglementation VFR. Toutefois, certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 ont continué à effectuer des vols VFR en IMC.

En tant que groupe opérationnel avec sa propre sous-culture, certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 ont adopté des pratiques dangereuses qui offraient des avantages sur le plan de l’exploitation, comme les vols VFR en IMC. La réussite régulière de ces pratiques a conduit à la perception qu’elles étaient sécuritaires.

Comme on l’a vu dans l’événement à l’étude, après avoir vérifié les conditions météorologiques, les pilotes ont décidé d’effectuer un vol VFR en IMC, même si les deux pilotes étaient qualifiés pour le vol IFR et que le vol aurait pu être effectué avec la charge de fret prévue, en IFR. Au moment de l’événement, la persistance de cette pratique dangereuse, qui s’écartait des exigences réglementaires et qui avait déjà été décelée, était une indication d’une culture de sécurité négative au sein de l’équipe d’exploitation des aéronefs DC3-TP67 de North Star Air.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La sous-culture axée sur les résultats de certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 de North Star Air, qui mettait l’accent sur l’achèvement de la mission plutôt que sur la conformité réglementaire, a fait en sorte que des vols VFR, comme le vol à l’étude, étaient effectués en IMC.

2.4.2 Supervision à North Star Air

À North Star Air, le gestionnaire des opérations (OM) est responsable de la supervision des opérations aériennes. Les pilotes en chef (CP), qui relèvent de l’OM, sont responsables de la supervision des équipages de conduite. Au moment de l’événement, l’OM se trouvait au siège social de North Star Air à Thunder Bay (Ontario). Le CP des opérations relevant des sous-parties 704 et 705 travaillait à distance depuis l’Alberta et se rendait à Thunder Bay une fois par mois ou tous les 2 mois. Il passait également du temps à Thompson (Manitoba) et à Montréal (Québec), où il s’occupait des opérations de la compagnie relevant de la sous-partie 705 du RAC. Il n’avait qu’une interaction limitée avec les équipages de conduite de la compagnie relevant de la sous-partie 704 du RAC. Rien n’indique qu’il avait visité l’une des autres bases éloignées de la compagnie avant l’accident.

Aucune gestion des opérations et aucune supervision quotidienne directe n’était exercée sur les opérations aériennes et les équipages de conduite des aéronefs DC3-TP67 aux bases éloignées de la compagnie, ce qui n’est d’ailleurs pas exigé par la réglementation.

L’absence de supervision sur place augmente le risque que des écarts par rapport aux procédures de la compagnie et/ou à la réglementation passent inaperçus. Par conséquent, les compagnies qui n’exercent pas de supervision directe sur place sur les opérations aériennes doivent prendre des mesures adéquates pour s’assurer que les opérations sont menées en toute sécurité et conformément à la réglementation. À North Star Air, la compagnie utilisait un système de régulation par le pilote de type C, qui reposait uniquement sur l’expérience de l’équipage de conduite pour assurer la sécurité des opérations et la conformité réglementaire. Bien que le manuel d’exploitation de la compagnie décrive les exigences relatives au vol VFR, l’absence de supervision directe signifiait que les pilotes de la compagnie disposaient d’une grande latitude pour prendre des décisions opérationnelles liées à la météo. Au fil du temps, une sous-culture qui comprenait la non-conformité à la réglementation VFR s’est développée parmi certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67, sans être détectée par l’équipe de gestion de la compagnie.

Fait établi quant aux risques

Si la supervision des équipages de conduite est minimale au sein des opérations aériennes d’une compagnie, il y a un risque que des pratiques dangereuses ou non conformes déjà décelées persistent.

2.4.3 Gestion de la sécurité

North Star Air exerce ses activités en vertu de la sous-partie 705 du RAC et est donc tenue par la réglementation d’avoir un système de gestion de la sécurité (SGS). Il est attendu que les compagnies qui doivent se doter d’un SGS aient, ou mettent en place, des systèmes pour gérer les risques de façon proactive. Il peut s’agir de divers moyens, notamment l’élaboration de nouvelles procédures, le renforcement de la supervision et de la communication ou l’utilisation de la technologie. Dans le cas de North Star Air, par exemple, la compagnie disposait de données électroniques de suivi des vols facilement accessibles, qui fournissaient des renseignements détaillés sur les itinéraires et les altitudes empruntés lors des vols précédents. Ces données permettaient à la direction de la compagnie de déceler de manière proactive et réactive les problèmes liés au respect de la réglementation et des procédures de la compagnie, comme dans le cas des allégations de 2017 concernant les vols VFR en IMC et du présent événement. Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’une entreprise disposant d’un SGS, North Star Air n’a pas utilisé ces renseignements comme moyen de surveiller l’exploitation de ses aéronefs DC3-TP67 afin de s’assurer que les vols étaient effectués conformément à la réglementation. Cela représente une occasion manquée de déceler des opérations aériennes potentiellement dangereuses, ce qui donnerait également une indication de l’état de la culture de sécurité de la compagnie.

En plus de l’occasion manquée de déceler les pratiques de vol dangereuses, l’enquête a trouvé des exemples d’enquêtes SGS qui comportaient des analyses incomplètes des facteurs sous-jacents, des plans de mesures correctives incohérents et/ou incomplets, des délais de mesures correctives mal gérés et des suivis inadéquats. La compagnie a également exclu les premiers officiers (P/O) de certaines discussions sur la sécurité, comme les attentes communiquées à la suite des allégations formulées en 2017 de vols VFR en IMC. Par conséquent, les P/O n’avaient pas reçu de message clair de la part de la direction de la compagnie sur le fait que les opérations aériennes effectuées dans ces conditions étaient interdites, et sur les mesures à prendre si ces conditions se présentaient pendant un vol. En l’absence de directives claires de la part de la direction, le P/O de l’aéronef à l’étude ne s’inquiétait pas outre mesure d’évoluer à vue dans des conditions inférieures aux limites météorologiques VFR.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Le SGS de North Star Air n’a pas permis de déceler les facteurs sous-jacents qui ont mené aux cas signalés d’aéronefs de la compagnie effectuant des vols VFR en IMC, et aucune mesure supplémentaire n’a été prise pour surveiller l’exploitation de ses aéronefs DC3-TP67 afin de s’assurer que les vols étaient effectués conformément à la réglementation. Par conséquent, les pratiques dangereuses décelées précédemment ont persisté et ont joué un rôle direct dans l’événement à l’étude.

2.5 Gestion des ressources de l’équipage

La formation sur la CRM moderne repose sur la gestion des menaces et des erreurs. Les composants essentiels de la gestion des menaces et des erreurs comprennent des sujets tels que la prise de décisions, la conscience situationnelle et la communication au sein de l’équipage. Il faut enseigner aux équipages de conduite des stratégies pratiques qui contribuent à assurer des communications efficaces entre les membres de l’équipage, ce qui permet d’harmoniser les modèles mentaux de l’équipe, afin d’optimiser la prise de décisions par l’équipage de conduite. Cela les aidera à éviter les pièges ou à atténuer les menaces et les erreurs qui peuvent survenir.

Comme on l’a vu dans l’événement à l’étude, à partir du moment où le commandant de bord a décidé d’effectuer le large virage de 360° jusqu’à peu avant l’atterrissage, le P/O ne connaissait ni la position de l’aéronef ni le plan du commandant de bord. À aucun moment le P/O n’a tenté de s’affirmer ni ressenti le besoin de le faire, même s’il ne connaissait pas le plan et que l’aéronef était manœuvré visuellement à très basse altitude en IMC. Au lieu de demander des renseignements supplémentaires (pour rétablir la conscience situationnelle) au commandant de bord plus expérimenté ou de proposer un plan d’action différent, le P/O a commencé à annoncer l’altitude et la vitesse anémométrique.

Lorsque le commandant de bord a amorcé le virage de 360°, il n’a pas fait part de son intention et n’a pas cherché activement à obtenir l’opinion du P/O pour s’assurer qu’ils avaient le même modèle mental de la situation. Au lieu de cela, le commandant de bord, qui avait une grande expérience de l’aéronef et de ce rôle, a adopté une mentalité de type monopilote pour le reste du vol. Cela est probablement dû, en partie, à un rétrécissement de l’attention en raison de l’augmentation de la charge de travail qui se serait produite lorsque l’aéronef a été manœuvré à basse altitude par très mauvais temps. Par conséquent, le manque de communication entre le commandant de bord et le P/O a entraîné une dégradation de la conscience situationnelle, ce qui a conduit à des décisions sous-optimales qui ont considérablement augmenté le risque d’un accident de type CFIT.

À partir du moment où l’aéronef a commencé le large virage de 360°, l’équipage de conduite a cessé d’agir comme une équipe soudée. Chacun des membres de l’équipage avait un modèle mental différent et tous deux n’avaient pas les compétences et/ou les stratégies de CRM nécessaires pour réharmoniser leurs modèles mentaux et choisir un plan d’action plus sûr. La formation initiale sur la CRM fournie par North Star Air répondait aux exigences du paragraphe 724.115(38) de la Norme de service aérien commercial 724; cependant, la formation était fondée sur les normes de CRM de la génération précédente qui visaient principalement à changer les attitudes envers la CRM. Elle n’incluait pas plusieurs des stratégies modernes de CRM, comme la mise en évidence des obstacles à une communication efficace, notamment le rapport d’autorité dans le poste de pilotage, et plusieurs stratégies de communication qui peuvent être utilisées en fonction de la gravité de la situation, du temps disponible et des autres personnes qui prennent part au processus de communication. Par conséquent, le programme de North Star Air n’a pas réussi à fournir aux P/O une formation adéquate sur les stratégies pratiques de CRM à utiliser lorsqu’ils doivent intervenir parce qu’ils sont préoccupés par la sécurité du vol ou qu’ils ne sont pas certains du plan. De même, le programme de CRM de North Star Air n’a pas fourni aux commandants de bord des stratégies pratiques adéquates pour créer une atmosphère où les commentaires d’un P/O sont bienvenus et encouragés, ce qui augmenterait la probabilité qu’une personne moins expérimentée se sente en confiance pour s’exprimer.

Fait établi quant aux risques

Si les pilotes d’aéronefs multipilote ne reçoivent pas de stratégies modernes de CRM et n’ont pas l’occasion de les mettre en pratique, il y a un risque accru que les marges de sécurité soient compromises en raison de rupture de la coordination entre les membres d’équipage.

2.6 Surveillance exercée par Transports Canada

Lorsque les SGS ont été mis en place, ils étaient destinés à assurer une couche supplémentaire de sécurité au-delà de la surveillance réglementaire traditionnelle. Avant 2015, TC exigeait que toutes les entreprises disposant d’un SGS se soumettent à une évaluation afin de vérifier que les systèmes en place étaient efficaces pour assurer la conformité réglementaire continue et gérer la sécurité. Toutefois, au cours des dernières années, l’approche de TC en matière de planification de la surveillance s’est éloignée des activités de surveillance au niveau des systèmes, telles que les évaluations et les inspections de validation de programme (IVP), au profit des inspections de processus, plus étroitement ciblées.

En 2015, TC a cessé d’effectuer les évaluations qui étaient auparavant nécessaires pour les exploitants nouvellement certifiés dans les 12 mois suivant la certification initiale. Par conséquent, TC a commencé à approuver le SGS d’une compagnie sans avoir l’assurance que les éléments, qui sont décrits dans le manuel SGS de l’entreprise, sont réellement mis en place et efficaces. TC a approuvé le manuel SGS de North Star Air en 2017 lorsque la compagnie avait un certificat d’exploitation aérienne pour les opérations relevant des sous-parties 703 et 704 du RAC. À ce moment-là, 6 des 17 éléments du SGS n’étaient pas entièrement mis en œuvre. Lorsque les opérations relevant de la sous-partie 705 du RAC, qui exigent un SGS, ont été approuvées en 2018, TC n’a pas réexaminé l’approbation du manuel SGS de North Star Air de 2017.

Ce n’est pas la première fois que des problèmes liés à la capacité de TC d’assurer une surveillance adéquate sont décelés dans le cadre d’enquêtes du BST. L’une de ces enquêtes a donné lieu à plusieurs recommandations liées à l’approche de TC en matière de surveillance, y compris la recommandation A16-13, qui demande expressément à TC de procéder à des évaluations régulières. Toutefois, au cours des dernières années, TC semble aller dans le sens contraire : d’abord en supprimant l’obligation de procéder à une évaluation dans le cadre du processus d’approbation du SGS, et plus récemment, avec la décision de se fier aux inspections de processus comme principale activité de surveillance.

Au moment de la rédaction du présent rapport, les évaluations des SGS ne sont désormais utilisées comme activité de surveillance réactive que lorsque le Comité consultatif de surveillance le demandeNote de bas de page 114. Le passage des évaluations régulières et des IVP aux inspections de processus plus étroitement ciblées représente un changement dans la nature des activités de surveillance réglementaire qui, comme on l’a vu dans l’événement à l’étude, fait qu’il est difficile pour TC d’avoir l’assurance qu’une entreprise disposant d’un SGS a la capacité de gérer efficacement la sécurité. La gestion de la sécurité et la surveillance réglementaire figurent sur la Liste de surveillance du BST. Tant que la recommandation A16-13 ne sera pas abordée, les lacunes de sécurité liées au SGS et à la surveillance réglementaire relevées dans l’événement à l’étude persisteront, ce qui augmentera le risque que des conditions dangereuses ne soient pas détectées et persistent.

Fait établi quant aux risques

Si TC approuve le SGS d’une compagnie sans avoir d’abord effectué un examen approfondi pour s’assurer que tous les éléments requis sont présents et efficaces, il se peut que les entreprises disposant d’un SGS n’aient pas la capacité de gérer efficacement la sécurité.

En plus de la réduction des activités de surveillance au niveau des systèmes, cette enquête a également mis en lumière des problèmes déjà décelés concernant la vérification par TC des mesures correctives prises par les entreprises pour assurer un retour rapide à un état de conformité. En réponse aux allégations de décembre 2017 selon lesquelles des aéronefs DC3-TP67 de North Star Air ont été exploités à plusieurs occasions en vol VFR en IMC, ce qui s’est également passé dans l’événement à l’étude, TC a fourni l’information sur ces allégations à la compagnie pour son enquête interne. De plus, TC a lancé une inspection de processus réactive en février 2018 qui comprenait 3 inspections en vol. Ces inspections en vol se sont déroulées sans incident; cependant, il est irréaliste de penser que les pilotes adopteraient sciemment un comportement contraire aux règles lorsqu’ils savent que le vol est surveillé par l’organisme de réglementation.

Dans son inspection de processus de novembre 2018, TC n’a pas inclus les allégations selon lesquelles des pilotes effectuaient des vols VFR en IMC. Par conséquent, TC n’a pas constaté que l’enquête de la compagnie n’avait pas permis de déterminer une cause profonde, qu’elle avait donné lieu à des mesures correctives visant uniquement les commandants de bord et que, au moment de l’événement, l’enquête était toujours en cours après presque 2 ans. Comme on l’a vu dans cet événement, la pratique dangereuse consistant à effectuer des vols VFR en IMC a persisté à l’insu de l’organisme de réglementation.

Fait établi quant aux risques

Si TC s’en remet aux exploitants pour enquêter sur des allégations de non-conformité à la réglementation sans les surveiller, il y a un risque accru que les pratiques dangereuses qui font l’objet de l’enquête persistent.

2.7 Planification des vols selon les règles de vol à vue

Les plans de vol et les itinéraires de vol sont conçus pour que les services d’alerte de recherche et de sauvetage (SAR) soient déclenchés en cas de retard d’un aéronef. Les plans de vol fournissent des renseignements essentiels qui aident le personnel SAR à intervenir en temps opportun et de manière appropriée. Dans l’événement à l’étude, les pilotes ont décollé sans avoir déposé de plan de vol ou d’itinéraire de vol, contrairement aux exigences réglementaires. Par conséquent, le vol à l’étude n’a pas bénéficié de la protection offerte par un plan de vol ou un itinéraire de vol. Heureusement, en raison de la nature de l’écrasement et de la proximité de l’aéroport, l’équipage de conduite a pu facilement se mettre en sécurité et obtenir de l’aide du personnel des services de police à proximité.

Fait établi quant aux risques

Si les pilotes ne déposent pas de plan de vol ou d’itinéraire de vol, comme l’exige la réglementation, les services SAR risquent d’être retardés à la suite d’un accident, ce qui réduit les chances de survie des occupants de l’aéronef.

2.8 Systèmes de retenue dans le poste de pilotage

Dans cet événement, et comme c’était le cas dans l’événement du 21 juin 2019 mettant en cause un autre aéronef DC3-TP67 de North Star Air, les pilotes ne portaient pas les ceintures-baudriers à enrouleur à inertie fournies. Les ceintures-baudriers permettent d’assurer une répartition plus égale des forces d’impact. On sait que le port d’une ceinture sous-abdominale et d’une ceinture-baudrier réduit la gravité des blessures au haut du corps en cas d’accident, par rapport au port de la ceinture sous-abdominale seulement. Les ceintures-baudriers permettent une certaine liberté de mouvement afin de réduire la probabilité que les pilotes les détachent pendant le vol ou ne les portent pas du tout.

Toutefois, sur le type d’aéronef à l’étude, la disposition des commutateurs du tableau de bord et l’emplacement des commandes du train d’atterrissage peuvent rendre difficile pour les pilotes de les atteindre lorsqu’ils portent une ceinture-baudrier. Néanmoins, si les pilotes n’utilisent pas les ceintures-baudriers offertes, le risque de blessure en cas d’accident est accru. Les risques liés au fait de ne pas porter une ceinture-baudrier ont été largement documentés. Ces risques ont également été communiqués à North Star Air.

Fait établi quant aux risques

Si les systèmes de retenue dans le poste de pilotage ne permettent pas aux pilotes d’atteindre librement les commandes ou s’ils ne sont pas utilisés correctement, il existe un risque accru de blessure lors d’un accident.

2.9 Absence d’enregistrement de conversations de poste de pilotage

Bien que la réglementation ne l’exige pas, l’aéronef à l’étude était normalement muni d’un CVR. Toutefois, après des réparations, le CVR a été remis dans les stocks au lieu d’être installé de nouveau dans l’aéronef à l’étude en raison d’une erreur administrative. Au moment de l’événement, cela faisait 329 jours que le CVR avait été retiré, soit plus de 200 jours au-delà de la durée maximale autorisée indiquée dans la liste d’équipement minimal. Comme le CVR n’avait pas été installé de nouveau dans l’aéronef à l’étude, des renseignements précieux n’étaient pas disponibles pour aider l’enquête.

Fait établi quant aux risques

Si les enregistrements de données de vol et de conversations de poste de pilotage ne sont pas disponibles, il est plus difficile d’évaluer avec précision la CRM, l’exécution et l’efficacité des procédures d’exploitation normalisées, et la gestion de la charge de travail. Par conséquent, l’absence d’enregistrements de vol à bord peut limiter la constatation de lacunes de sécurité et l’avancement de la sécurité.

2.10 Radiobalise de repérage d’urgence

L’ELT de l’aéronef s’est déclenchée au cours de l’événement à l’étude; cependant, comme l’antenne fouet a été arrachée pendant la séquence d’écrasement, aucun signal n’a été détecté par les satellites SAR. Bien que cette situation n’ait pas joué un rôle dans le dénouement de cet événement, elle met en évidence les risques déjà cernés associés aux normes de conception des ELT. Par conséquent, le BST a émis la recommandation A16-05 demandant à TC d’établir de rigoureuses exigences relatives à la capacité de résister à l’écrasement pour les systèmes ELT. Le Bureau a estimé que la recommandation était entièrement satisfaisante lorsque TC a mis en œuvre des règlements actualisés pour l’approbation de la conception des nouvelles ELT. Bien que les récentes modifications réglementaires comprennent des exigences plus rigoureuses pour les approbations de la conception de nouvelles ELT, elles ne s’appliquent pas aux ELT existantes.

Fait établi quant aux risques

Si des aéronefs sont exploités avec des ELT approuvées en vertu d’anciennes normes de conception, il existe un risque que des signaux de détresse susceptibles de sauver des vies ne soient pas détectés en raison des dommages causés au système ELT lors d’un accident.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. La décision de décoller pour un vol selon les règles de vol à vue et de le poursuivre dans des conditions météorologiques de vol aux instruments a été influencée par une perception déformée du risque résultant d’une expérience passée réussie dans des situations similaires.
  2. Le commandant de bord a probablement éprouvé un rétrécissement de l’attention alors qu’il effectuait une approche visuelle présentant une charge de travail élevée à très basse altitude dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. Cela a très probablement entraîné une descente involontaire, mais maîtrisée, qui n’a pas été détectée avant que l’aéronef n’entre en collision avec le relief.
  3. La sous-culture axée sur les résultats de certains pilotes d’aéronefs DC3-TP67 de North Star Air, qui mettait l’accent sur l’achèvement de la mission plutôt que sur la conformité réglementaire, a fait en sorte que des vols selon les règles de vol à vue, comme le vol à l’étude, étaient effectués dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
  4. Le système de gestion de la sécurité de North Star Air n’a pas permis de déceler les facteurs sous-jacents qui ont mené aux cas signalés d’aéronefs de la compagnie effectuant des vols selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, et aucune mesure supplémentaire n’a été prise pour surveiller l’exploitation de ses aéronefs DC3-TP67 afin de s’assurer que les vols étaient effectués conformément à la réglementation. Par conséquent, les pratiques dangereuses décelées précédemment ont persisté et ont joué un rôle direct dans l’événement à l’étude.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si la supervision des équipages de conduite est minimale au sein des opérations aériennes d’une compagnie, il y a un risque que des pratiques dangereuses ou non conformes déjà décelées persistent.
  2. Si les pilotes d’aéronefs multipilote ne reçoivent pas de stratégies modernes de gestion des ressources de l’équipage et n’ont pas l’occasion de les mettre en pratique, il y a un risque accru que les marges de sécurité soient compromises en raison de rupture de la coordination entre les membres d’équipage.
  3. Si Transports Canada approuve le système de gestion de la sécurité d’une compagnie sans avoir d’abord effectué un examen approfondi pour s’assurer que tous les éléments requis sont présents et efficaces, il se peut que les entreprises disposant d’un système de gestion de la sécurité n’aient pas la capacité de gérer efficacement la sécurité.
  4. Si Transports Canada s’en remet aux exploitants pour enquêter sur des allégations de non-conformité à la réglementation sans les surveiller, il y a un risque accru que les pratiques dangereuses qui font l’objet de l’enquête persistent.
  5. Si les pilotes ne déposent pas de plan de vol ou d’itinéraire de vol, comme l’exige la réglementation, les services de recherche et de sauvetage risquent d’être retardés à la suite d’un accident, ce qui réduit les chances de survie des occupants de l’aéronef.
  6. Si les systèmes de retenue dans le poste de pilotage ne permettent pas aux pilotes d’atteindre librement les commandes ou s’ils ne sont pas utilisés correctement, il existe un risque accru de blessure lors d’un accident.
  7. Si les enregistrements de données de vol et de conversations de poste de pilotage ne sont pas disponibles, il est plus difficile d’évaluer avec précision la gestion des ressources de l’équipage, l’exécution et l’efficacité des procédures d’exploitation normalisées, et la gestion de la charge de travail. Par conséquent, l’absence d’enregistrements de vol à bord peut limiter la constatation de lacunes de sécurité et l’avancement de la sécurité.
  8. Si des aéronefs sont exploités avec des radiobalises de repérage d’urgence approuvées en vertu d’anciennes normes de conception, il existe un risque que des signaux de détresse susceptibles de sauver des vies ne soient pas détectés en raison des dommages causés au système de radiobalise de repérage d’urgence lors d’un accident.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 North Star Air Ltd.

Après l’événement, North Star Air Ltd. a mis en place un programme d’assurance de la qualité des opérations aériennes.

4.1.2 Transports Canada

En décembre 2020, Transports Canada a effectué une inspection de processus axée sur l’évaluation et l’efficacité du plan de mesures correctives à long terme lié aux constatations relatives aux opérations aériennes de l’inspection de processus de décembre 2019. Transports Canada a conclu que les mesures correctives à long terme prises par North Star Air Ltd. étaient efficaces.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Tracés des paramètres de vol

Figure A1. Paramètres de vol des 2 derniers virages du vol à l’étude
Paramètres de vol des 2 derniers virages du vol à l’étude

Source : BST

Figure A2. Paramètres de vol des 11 dernières minutes du vol à l’étude
Paramètres de vol des 11 dernières minutes du vol à l’étude

Source : BST