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Rapport d'enquête maritime M00L0039

Heurt du vraquier Tecam Sea
par le vraquier Federal Fuji
dans le port de Sorel (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 27 avril 2000, le vraquier panaméen Federal Fuji fait escale au port de Sorel (Québec) pour décharger des barres d'armature au poste d'amarrage no 15. Alors qu'il amorce son approche finale vers le quai sous la conduite d'un pilote, le navire heurte le vraquier Tecam Sea amarré au poste d'amarrage no 19. L'accident n'a fait ni blessé ni pollution.

Renseignements de base

Fiches techniques des navires

Nom « FEDERAL FUJI » « TECAM SEA »
Numéro d'immatriculation 730963 730927
Port d'immatriculation Nassau, aux Bahamas Nassau, aux Bahamas
Pavillon Les Bahamas Les Bahamas
Type Vraquier Vraquier
Jauge brute 17 814 17 056
LongueurNote de bas de page 1 182,8 m 178,21 m
Tirant d'eau Avant : 10,08 m
Arrière : 10,09 m
Avant : 9.3 m
Arrière : 9.4 m
Construction 1986, Nippon Kokan Shimizu, au Japon 1984, Hitachi Innoshima, au Japon
Groupe propulseur Un moteur diesel Sulzer, 6RTA58, de 6 988 kW Un moteur diesel Sulzer, 6RTA58, de 8 474 kW
Équipage 22 personnes 21 personnes
Propriétaire enregistré Viken Lakers, Bergen, en Norvège Sea Quality, Athènes, en Grèce

Description des navires

Le Federal Fuji est un vraquier ayant un port en lourd de 29 536 tonnes. La passerelle, les emménagements et la salle des machines se trouvent derrière les cinq cales. Ces cales sont desservies par quatre grues de pont servant à la manutention de la cargaison. La machine principale entraîne une hélice à pas constant à droite. Le propulseur d'étrave développe une puissance de 660 kW.

Le Tecam Sea est un vraquier ayant un port en lourd de 27 631 tonnes. La passerelle, les emménagements et la salle des machines se trouvent derrière les cinq cales. Ces cales sont desservies par quatre grues de pont servant à la manutention de la cargaison.

Déroulement du voyage

Le 27 avril 2000 vers 15 h 2 heure avancée de l'EstNote de bas de page 2, les remorqueurs Océan Golf et La Prairie sont amarrés de l'avant respectivement sur l'épaule et la hanche tribord du Federal Fuji. Le vraquier qui est chargé de 18 813 tonnes de barres d'armature se prépare à faire route depuis l'ancrage à l'embouchure de la rivière Richelieu vers le poste d'amarrage no 15 dans le port de Sorel (Québec). Sur la passerelle, on retrouve le capitaine, l'officier de quart, le timonier, un représentant de la compagnie et un pilote qui assure la conduite du navire par observation visuelle. L'équipage a noté que le temps était clair. Le vent soufflait du secteur nord-ouest à environ 8 nœuds.

A 15 h 9 au large de la bouée d'avertissement du Bassin de Sorel, le pilote ordonne l'allure en avant lente. Le navire est gouverné vers l'embouchure de la rivière Richelieu en gardant la façade du quai no 15 visible. Quand celle du quai no 16 devient visible, le pilote ordonne de tourner la barre à gauche 20. Le remorqueur Océan Golf assiste le navire à faire un crochet sur la gauche. À 15 h 12, la machine principale est stoppée et le remorqueur La Prairie fait marche arrière pour ralentir l'erre avant du navire estimé à 2 nœuds.

Quand la vitesse de l'embardée diminue, le pilote demande au personnel navigant d'utiliser le propulseur d'étrave pour assister le remorqueur. Le navire cesse le crochet sur la gauche et, soudainement, développe une embardée vers tribord. À 15 h 13, le pilote ordonne l'allure en avant très lente et à bâbord toute. Mais la vitesse de l'embardée vers tribord augmente et le navire s'éloigne du poste d'amarrage no 15. Deux « petits coups en avant » sont ordonnés, puis l'allure en avant toute à 15 h 16. Le navire traverse la rivière et s'approche du Tecam Sea amarré au poste d'amarrage no 19.

Figure 1. Port de Sorel, position approximative des navires
Port de Sorel, position approximative des navires

Quand le personnel navigant confirme au pilote que le propulseur d'étrave est déjà actionné à plein régime et que la barre est toujours tournée à gauche toute, il ordonne de jeter les deux ancres. À 15 h 17, il ordonne une demi-vitesse arrière suivie d'en arrière toute. L'ancre bâbord est jetée à l'eau puis celle de tribord. À 15 h 18, l'épaule tribord du Federal Fuji heurte la hanche bâbord du Tecam Sea. La machine principale est aussitôt stoppée et le Federal Fuji s'éloigne du Tecam Sea.

A 15 h 24, les ancres sont remontées à bord et le Federal Fuji est manœuvré de façon à étaler de nouveau le courant au large du poste d'amarrage no 15. On demande aux deux remorqueurs de pousser le Federal Fuji vers le poste d'amarrage no 15, mais la manœuvre s'avère sans succès. À 15 h 32, le remorqueur La Prairie est largué puis on lui ordonne de pousser l'avant du Federal Fuji de concert avec l'Océan Golf. Le Federal Fuji fait un crochet vers la gauche et s'approche du quai. Vers 15 h 46, le Federal Fuji accoste sans autre incident au poste d'amarrage no 15.

Aucun blessé n'a été rapporté.

Avaries aux navires

Le Federal Fuji a subi des avaries à l'épaule tribord. Entre autres, le bordé extérieur et celui du pont de gaillard ainsi que des supports adjacents au pavois de gaillard et au magasin du maître d'équipage ont été tronqués et remplacés. Un chaumard à rouleau, un mât de débarquement, un mât de feux de navigation et la plate-forme d'accès ont également nécessité des réparations.

Le Tecam Sea a subi des avaries à la hanche bâbord. Le bordé extérieur a subi un enfoncement à la hauteur de la plage arrière.

Information sur le port

Courants

A l'embouchure de la rivière Richelieu, le vecteur courant sur le fleuve Saint-Laurent indique un courant d'une intensité de 1,5 nœud qui porte à 075°. On rapporte un courant d'une intensité d'environ 1 nœud le long de l'axe de la rivière Richelieu. À proximité du poste d'amarrage no 15, l'intensité du courant est légèrement plus faible. Le débit du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Richelieu varie d'une saison à l'autre. Notamment pendant la crue des eaux du printemps, l'intensité du courant est supérieure à la moyenne indiquée sur la carte. Le pilote a estimé que l'intensité du courant dans la rivière Richelieu était d'environ 2 à 3 nœuds au moment de l'incident.

Avis d'ensablement

L'embouchure de la rivière Richelieu est sujette à l'ensablement et on retrouve l'avis d'ensablement suivant dans le cartouche de la carte marine no 1312 Port de Sorel du Service hydrographique du Canada (SHC) :

Dû à l'ensablement continuel, la profondeur indiquée est maintenue par dragages périodiques. Les navigateurs doivent s'attendre d'y trouver différentes quantités de remplissage.

Sondage et dragage

Figure 2. Section de la carte électronique No C1312A du SHC
Section de la carte électronique No C1312A du SHC

En raison de l'ensablement, plusieurs sondages ont été effectués à l'embouchure de la rivière Richelieu en 1987, 1988, 1993, 1997, 1998, 1999 et 2000. La plupart de ces sondages ont été réalisés le long des postes d'amarrage, y compris les no 14, no 15 et no 19. À part la sédimentation naturelle que le courant de la rivière dépose à l'embouchure, on rapporte que des produits toxiques se sont déposés et qu'un lieu pour disposer des ces sédiments n'a pas été choisi. Le gouvernement du Québec a libéré des fonds pour une étude d'impact sur le dragage.

Le chenal de navigation dans le port de Sorel est dragué à une profondeur de 11,7 m, mais le centre de l'estuaire ne l'est pas aussi fréquemment. Le cartouche de la carte marine no 1312 du SHC indique la présence d'un haut-fond au large du poste d'amarrage no 15 réduisant la profondeur disponible à 9,4 m au-dessus du zéro des cartes.

Profondeur d'eau disponible

La profondeur indiquée sur le tracé du marégraphe de Sorel pour le 27 avril, vers 15 h 15, était de 1,32 m au-dessus du zéro des cartes. Ainsi, au haut-fond de 9,4 m au large du poste d'amarrage no 15, le Federal Fuji, avec un tirant d'eau de 10,9 m, disposait d'une profondeur d'eau sous quille d'au plus de 0,63 m.

Activités portuaires

Les activités principales au port de Sorel sont le transbordement de minerais, de grains et d'acier. Autrefois, les navires qui avaient chargé du grain sur les Grands Lacs complétaient leur chargement au poste d'amarrage no 15 dans le port de Sorel avant de regagner l'océan Atlantique.

Vers 1990, Fagen Dock Services Inc. a entrepris le transbordement d'acier aux postes d'amarrage no 5 et no 6 du quai no 2. À un moment donné, l'aire d'entreposage au quai no 2 est devenue restreinte et, vers 1995, Fagen Dock Services Inc. a entrepris d'exploiter le terrain à l'ouest de l'embouchure du Richelieu à Pointe-aux-Pins. Ainsi, en 1996, le poste d'amarrage no 19 a été reconstruit pour le transbordement de marchandises diverses. Actuellement, environ 95 % de la marchandise manutentionnée à ce poste est de l'acier. En raison de restrictions concernant la profondeur d'eau disponible aux postes d'amarrage no 5 et no 19, les navires à fort tirant d'eau sont allégés partiellement au poste d'amarrage no 15 avant d'être transférés au poste no 19 pour terminer le déchargement.

Statistiques sur les affectations des pilotes

Au cours d'une année, les pilotes peuvent être affectés à approximativement 140 navires. À titre d'exemple, en 1999, l'Administration de pilotage des Laurentides (APL) a relevé 787 affectations au port de Sorel. Plus particulièrement dans la rivière Richelieu, les 53 pilotes qui travaillent entre Trois-Rivières et Montréal se sont partagé 290 affectations liées à un mouvement de navire :

No du poste d'ammarage Nombre d'affectations Tirant d'eau moyen Moyenne des moyennes Profondeur disponible
zéro des cartes
arrivée départ arrivée départ
no 14 26 30 6.18 m 7.27 m 6.72 m 7.00 m (6.10 m)
no 15 57 55 9.21 m 7.67 m 8.44 m 10.9 m
no 16 3 2 5.79 m 5.18 m 5.48 m 8.60 m
no 17 1 0 4.50 m - 4.50 m 8.50 m (4.60 m)
no 18 2 1 5.72 m 7.16 m 6.44 m 8.80 m
no 19 71 65 7.19 m 8.18 m 7.68 m 9.00 m

En 1999, les pilotes ont effectué 11 affectations comprenant un transfert du poste d'amarrage no 15 au no 19. Durant la période hivernale, on peut retrouver deux pilotes à bord d'un même navire.

Remorqueurs disponibles

Le tableau 2 donne la fiche technique des remorqueurs qui sont le plus souvent utilisés dans le port de Sorel :

Tug Name Power Gross Tonnage Propulsion Bollard Pull
Océan Golf 1567 kW 159 2 propellers 27 t
La Prairie 1120 kW 109.58 2 propellers 12 t
Omni St-Laurent 896 kW 160.84 2 propellers 17 t
Omni Richelieu 672 kW 144.16 1 propeller 15 t
Jerry G. 1119 kW 201 1 propeller 18.4 t
Salvage Monarch 985 kW 219 1 propeller 21 t

L'Océan Golf et le La Prairie ont assisté le Federal Fuji durant la manœuvre d'approche. L'Omni St-Laurent et l'Omni Richelieu, les remorqueurs attitrés au port, sont parfois remplacés par le Jerry G., le La Prairie et le Salvage Monarch.

Autres événements

Plusieurs pilotes de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central rapportent avoir été impliqués dans des incidents maritimes tels que des quasi-heurts et des quasi-échouements dans le port de Sorel. D'autres ont été impliqués dans des accidents maritimes. Les renseignements suivants sont tirés de rapports sur un sinistre maritime rédigés par les pilotes à l'intention de l'Administration de pilotage des Laurentides :

Analyse

Manquements identifiés

Le Bureau, préoccupé par la fréquence et les conséquences possibles des événements rattachés au port de Sorel, a procédé à une analyse préliminaire comprenant un examen des événements précités. Le Bureau a relevé les manquements suivants :

Présence de hauts-fonds

Les eaux de la rivière Richelieu contiennent des matières en suspension qui provoquent un ensablement. Au fil des ans, les sédiments qui s'accumulent ont créé des hauts-fonds dans l'estuaire et dans le fleuve Saint-Laurent de chaque côté de l'embouchure du Richelieu.

Afin d'évaluer l'intensité de l'ensablement, des sondages et dragages ont été effectués dans ce secteur. Durant les 10 dernières années avant l'événement, un suivi régulier était fait au moyen de sondages. Cependant, les efforts pour contrer cet ensablement n'ont pas eu les résultats escomptés. Le dragage a été essentiellement fait le long des quais et le centre de l'estuaire a été rarement dragué. En l'absence d'un programme de dragage couvrant entièrement le secteur à l'embouchure de la rivière Richelieu, la sédimentation sur les hauts-fonds aura tendance à s'écouler vers les zones draguées le long des quais et l'ensablement continuera d'influer sur le comportement hydrodynamique des navires faisant escale dans ce secteur du port.

Marge de manœuvre

En limitant les opérations de dragage à l'espace au large des quais qu'ils exploitent, les exploitants des postes d'amarrage ont réduit considérablement la zone de manœuvre. Ainsi, à l'embouchure du Richelieu, le chenal d'accès dans le Saint-Laurent bifurque en deux voies qui communiquent avec le Richelieu, soit une voie à l'ouest pour accéder au poste no 19 et une autre voie pour accéder aux postes no 14 et no 15. Seuls les navires à faible tirant d'eau peuvent faire route au centre de la rivière Richelieu pour accéder aux postes no 16,no 17 et no 18.

Effet d'accroupissement

Les hauts-fonds influent sur la performance hydrodynamique des navires. L'eau qui devrait passer sous la coque rencontre de la résistance en raison de la faible profondeur sous la quille. L'eau qui passe sous l'étrave coule plus vite et crée une zone de basse pression engendrant une perte de flottabilité et l'accroupissement de l'avant du navire.

La masse d'eau qui s'accumule à l'avant du navire augmente la résistance et pousse le point de pivotementNote de bas de page 3 vers l'arrière. Conséquemment, le levier de direction est raccourci et une plus grande poussée d'hélice et(ou) un braquage prononcé du gouvernail sont nécessaires pour maintenir le cap. La manœuvrabilité des navires dans ces conditions est parfois imprévisibleNote de bas de page 4.

Dans le cas à l'étude, les vitesses additionnées du navire sur le fond et du contre-courant estimées respectivement à 2 et 3 nœuds ont produit, lors de l'approche, une vitesse-surface d'environ 5 nœuds. Ainsi, à une telle vitesse, le navire était sujet à s'accroupir sur les hauts-fonds. Les pilotes qui exercent des manœuvres d'approche dans ce secteur ont souvent observé le phénomène. Les navigateurs et les pilotes utilisent une charte d'évaluation et une fiche de calcul de dégagement sous la quille comme norme pour le passage des navires dans les eaux restreintes du Saint-LaurentNote de bas de page 5. Les régulateurs de trafic maritime utilisent cette norme de dégagement sous la quille pour évaluer l'effet d'accroupissement sur les navires.

Courants convergents

Une bonne connaissance locale des courants est de mise pour manœuvrer à bon port un navire. Il est primordial que les navigateurs évaluent la direction et l'intensité du courant en tout temps.

À l'embouchure de la rivière Richelieu, le courant de la rivière rencontre celui du fleuve Saint-Laurent. Conséquemment, un navire qui fait route vers un des postes d'amarrage à l'entrée de la rivière doit étaler simultanément ces deux courants. Le courant de la rivière exerce une poussée sur l'épaule bâbord tandis que celui du fleuve l'exerce sur la hanche tribord. L'effet combiné de ces deux forces produit un moment de lacet qui fait éviter le navire vers tribord.

L'enquête a démontré que le courant de la rivière Richelieu est utilisé par l'ensemble des pilotes pour créer un mouvement latéral vers les postes d'amarrage. En donnant de petits coups en avant ou en gardant le régime de la machine principale à faible allure, il est possible d'étaler le courant en maintenant le point de pivotement à l'avant du navire. Ceci permet de conserver un bras de levier adéquat pour gouverner et garder le contrôle du navire. En contrepartie, si le point de pivotement est déplacé d'avantage vers l'avant, les moments produits par le propulseur d'étrave et le remorqueur avant par rapport au point de pivotement seront d'autant amoindris.

Or, il est important de s'assurer que le navire n'est pas placé trop en travers du courant, car si l'angle avec le courant est trop grand, une poussée d'hélice considérable sera requise pour ramener le navire dans le courant. Si la résistance de la masse d'eau créée par le courant sur l'épaule du navire est trop grande, la machine principale ne pourra pas produire une poussée d'hélice assez grande pour contrecarrer cette résistance. À moins de bénéficier d'un vaste espace de manœuvre, le navire évitera hors de contrôle dans une direction non désirée.

Perte de manœuvrabilité

L'effet produit par la faible profondeur sous la quille peut être traître et violent. L'embardée sera accentuée si le navire est placé en travers d'un courant. Si un tel événement se produit, la tendance sera de réduire l'allure ou même de stopper la machine principale. Ceci entraînera le point de pivotement vers l'arrière. Le bras de levier sera d'autant plus raccourci et le navire répondra mal à la barre. Pour reprendre le contrôle du navire, il faudra augmenter la force pour maintenir le couple, donner un coup avant et tourner du côté désiré la barre toute. En contrepartie, si le point de pivotement est déplacé d'avantage vers l'arrière, les moments produits par le propulseur d'étrave et le remorqueur avant par rapport au point de pivotement seront d'autant plus grands.

Dans le cas qui nous intéresse, les manœuvres entreprises par le pilote n'ont pas eu l'effet désiré. Au large du poste d'amarrage no 15, la poussée conjuguée du propulseur d'étrave et de l'Océan Golf était initialement insuffisant. Or, l'allure du navire a été réduite pour compléter la dérive vers le poste d'amarrage. Un crochet vers la gauche a été amorcé mais comme le navire était trop en travers du courant, une embardée vers tribord s'ensuivit. Même la pleine poussée de l'hélice du navire conjuguée à celle du remorqueur avant et du propulseur n'ont pas permis au navire d'étaler de nouveau le courant. En d'autres mots, le moment produit par la poussée de l'hélice, le propulseur d'étrave et le remorqueur par rapport au point de pivotement était insuffisant pour contrecarrer celui exercé par la force du courant sur la coque.

Assistance des remorqueurs

En reconstruisant le poste d'amarrage no 19 à Pointe-aux-Pins afin d'exploiter le transbordement de l'acier, le port de Sorel a connu une recrudescence du trafic maritime dans le Richelieu. Parmi les 313 affectations de pilotage liées au trafic maritime dans la rivière en 1999, il y en a eu 136 liées à ce terminal. De plus, les appareillages ont été effectués avec des navires qui accusaient un tirant d'eau d'une moyenne de 8,18 m, soit la deuxième moyenne en importance.

Malgré cette recrudescence du trafic dans le Richelieu, on a conservé le même service de remorquage dans le port. Puisque plusieurs pilotes ont vécu l'expérience des embardées imprévisibles, graduellement au fil des ans, ils ont fait de plus en plus souvent appel au service de remorqueurs ayant une plus grande puissance de traction. Ce service a été offert par les remorqueurs du port de Montréal.

Sans l'assistance de remorqueurs, il est difficile de maintenir stable le cap du navire dans le courant. L'espace restreint dans l'estuaire ne permet pas une manœuvre adéquate pour regagner le contrôle du navire.

Pendant bien des années et à venir jusqu'à récemment, l'Omni St-Laurent et l'Omni Richelieu offraient le service de remorquage dans le port de Sorel. Bien que ces remorqueurs de type conventionnel et leurs remplaçants qui ont une manœuvrabilité et des performances similaires peuvent s'avérer économiques à exploiter, de nos jours leur manœuvrabilité et leur performance sont considérées comme restreintes. Ils sont lents et parfois leur mouvement est limité quand ils se repositionnent par rapport à un navire. Ainsi amarrés à l'avant d'un navire, ces remorqueurs conventionnels ont tendance à augmenter l'erre du navire en plus de pousser sur la muraille, car ils ne s'appuient que rarement perpendiculairement à celle-ci. Dans le cas présent, la poussée avant du remorqueur avant conjuguée à celle de l'hélice du navire a eu pour effet d'augmenter l'erre avant du Federal Fuji et de le diriger vers le Tecam Sea.

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Faits établis

Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. La présence de hauts-fonds dans le port a réduit la profondeur sous la quille et a eu un effet néfaste sur le comportement hydrodynamique du navire.
  2. Les manœuvres entreprises par le pilote du Federal Fuji n'ont pas eu l'effet désiré. La poussée de l'hélice, du propulseur d'étrave et du remorqueur avant n'était pas suffisante pour contrecarrer l'effet du courant sur l'épaule bâbord du Federal Fuji.
  3. La poussée avant du remorqueur avant et de l'hélice du navire a eu pour effet d'augmenter l'erre avant du Federal Fuji et de le diriger vers le Tecam Sea.

Faits établis quant aux risques

  1. L'ensablement continu à l'embouchure de la rivière Richelieu produit des hauts-fonds. Le programme de dragage en place ne couvre pas entièrement le secteur à l'embouchure de la rivière Richelieu.
  2. Les remorqueurs de type conventionnel à faible puissance de traction ne peuvent pas maintenir le cap des navires dans le courant quand ils sont placés en travers de celui-ci.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le 21 juin 2000, des représentants de l'Administration de pilotage des Laurentides, de Fednav International Limited et de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central se sont réunis afin de réexaminer les procédures d'exploitation du port de Sorel. Parmi les solutions envisagées, on retrouve le dragage de l'embouchure de la rivière Richelieu au large des postes d'amarrage no 14, no 15 et no 19, le sondage ainsi que l'utilisation d'un remorqueur plus puissant que le La Prairie.

En juin 2001, le Groupe Océan a acquis le remorqueur H-9901 à propulsion tous azimuts de 3 040 kW afin de l'exploiter de façon permanente dans le port de Sorel. Il a l'avantage d'offrir une meilleure stabilité directionnelle et, depuis son arrivée, le nombre d'événements à signaler a grandement chuté. Cependant, en août 2001, il a été vendu et remplacé par l'Océan Hercule, un remorqueur de 4 829 kW à deux hélices à pas variable.

Selon la Division de la protection des eaux navigables de Pêches et Océans Canada, il n'y a eu qu'un seul dragage approuvé par le ministère à l'embouchure de la rivière Richelieu depuis cet accident, soit un dragage d'une profondeur de 7,4 m effectué en septembre 2002 au large du poste d'amarrage no 14.

Un projet de dragage sera soumis au ministère de l'Environnement du Québec par la Société des parcs industriels Sorel-Tracy. Le fond marin à l'embouchure de la rivière Richelieu serait dragué à une profondeur de 8,5 m au large des quais et à 11 m au centre de la rivière. On estime que ce projet pourrait se réaliser à l'automne 2003.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .