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Rapport d'enquête maritime M04W0235

Naufrage ayant entraîné des pertes de vie
du remorqueur Manson alors qu'il remorquait
la barge-grue McKenzie et
la barge-pont M.B.D. 32
dans le détroit de Géorgie (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le matin du 6 novembre 2004, le remorqueur Manson, avec un équipage de deux personnes, se rend de New Westminster (Colombie-Britannique), sur le fleuve Fraser, à Beale Cove, sur l'île Texada (Colombie-Britannique). Le Manson remorque deux barges : la barge-grue McKenzie et la barge à plate-forme M.B.D. 32. Durant le traversée du détroit de Géorgie, les attelages reliant le M.B.D. 32 à l'arrière du McKenzie se détachent. Le Manson, avec le McKenzie à sa remorque, tente de récupérer le M.B.D. 32, mais connaît des problèmes de gouverne pendant les manoeuvres. Le Manson chavire et coule, entraînant la perte des deux membres d'équipage - un matelot et le capitaine. Les deux barges seront récupérées par la suite; on n'a pas retrouvé le Manson.

Renseignements de base

Fiche technique des navires

Remorqueur
Nom du navire « MANSON »
Numéro officiel 344666
Port d'immatriculation Vancouver (Colombie-Britannique)
Pavillon Canada
Type Remorqueur
Jauge bruteNote de bas de page 1 44,29
Longueur 13,56 m
Construction 1970, New Westminster (Colombie-Britannique)
Propulsion Moteur diesel développant 550 kW, entraînant deux hélices
Cargo S.O.
Équipage 2 personnes
Propriétaires/exploitants Empire Tug Boats / Discovery Towing Ltd.
Barges
Nom du navire « M.B.D. 32 » « MCKENZIE »
Numéro officiel 313699 329425
Port d'immatriculation Vancouver (Colombie-Britannique) Vancouver (Colombie-Britannique)
Pavillon Canada Canada
Type Barge-pont Barge-grue
Jauge brute 408,73 505,38
Longueur 36,58 m 37,40 m
Construction 1960, Vancouver 1968, Vancouver
Propulsion S.O. S.O.
Cargo Matériaux de construction S.O.
Équipage Aucun Aucun
Propriétaires/exploitants Graymar Equipment Ltd. Graymar Equipment Ltd.

Description des navires

Manson

Le Manson était un petit remorqueur à deux hélices de conception classique. Un rouf renfermait la timonerie à l'avant et une aire cuisine / mess à l'arrière. À l'arrière du rouf se trouvaient les doubles conduits d'échappement du moteur. À l'arrière de ceux-ci, sur l'axe longitudinal, se trouvait le treuil de remorquage; il contenait 594 m de câble de remorquage de 28,6 mm de diamètre; ce câble était fixé par une ferrure à une pantoire de 75 m. Deux brides faites de câbles de 12 m de longueur et 25,4 mm de diamètre étaient jointes au moyen d'une cosse à l'extrémité de la pantoire. Le frein du treuil était doté d'un mécanisme hydraulique à commande manuelle.

Photo 1. Manson
Manson

De chaque côté du treuil se trouvaient des poteaux d'acier destinés à protéger le remorqueur lorsqu'il reculait contre l'avant incliné de barges à l'état lège.

Sous le pont, le remorqueur était divisé en trois compartiments étanches : à l'avant, un gaillard contenant les couchettes des membres d'équipage; au milieu du navire, l'espace machine; et à l'arrière, la cambuse. Des panneaux d'écoutille étanches situés à l'extérieur de la timonerie donnaient accès à l'espace machine et à la cambuse.

Le poste de commande principal du Manson, situé à l'intérieur de l'extrémité avant du rouf, était doté des commandes de la gouverne et des machines ainsi que d'équipement de navigation comprenant deux radars, des radios à très haute fréquence (VHF) et un échosondeur. Des postes secondaires de commande de la gouverne et des machines étaient situés à proximité du treuil sur le pont principal et au-dessus de la timonerie, respectivement aux extrémités avant et arrière. Chaque poste de commande permettait de dégager le câble de remorquage en laissant s'échapper la pression hydraulique du frein de treuil.

McKenzie

Le McKenzie est une barge-grue spécialisée dotée d'une grue de grande capacité montée sur un socle et fixée en permanence au pont. Des pilotis servant à maintenir la barge en position se trouvaient près du milieu de la barge. Dans la photo 2, les pilotis sont en position levée - ainsi qu'ils l'étaient pendant que la barge était remorqué. La grue était située près de l'avant, où les brides de remorquage étaient fixées.

Photo 2. La barge-grue McKenzie
La barge-grue McKenzie

M.B.D. 32

Le M.B.D. 32 est une barge à pont ouvert servant au transport de marchandises en pontée. Des pavois d'environ 1,8 m de hauteur sont érigés à bâbord et à tribord du pont principal. La barge était chargée de matériaux de construction et s'enfonçait fortement à l'arrière (voir la photo 3).

Photo 3. La barge à pont ouvert M.B.D. 32
La barge à pont ouvert M.B.D. 32

Déroulement du voyage

Toute la journée du 5 novembre, un équipage de deux personnes mène le Manson sur le fleuve Fraser. L'équipage amarre ensuite le remorqueur au quai de la Fraser River Pile & Dredge (FRPD) à New Westminster, sur le bras nord du fleuve Fraser, et est relevé par un second équipage de deux personnes. L'équipage de relève relie le remorqueur et les barges McKenzie et M.B.D. 32 pour la traversée d'environ 82 milles jusqu'à Beale Cove, sur l'île Texada. Le M.B.D. 32 est fixé à l'arrière du McKenzie au moyen de deux attelages en câble synthétique faisant chacun environ 7 m de longueur et 80 mm de diamètre, et comportant un oeil épissé à chaque extrémité. L'avant du McKenzie est amarré par des brides de câble jointes à l'extrémité de la pantoire du Manson.

Le Manson, avec les deux barges à sa remorque, appareille du quai de la FRPD à 17 h, heure normale du PacifiqueNote de bas de page 2. La descente du fleuve Fraser sur 20 milles, jusqu'à l'entrée du détroit de Géorgie à hauteur du phare de Sand Heads, se déroule sans incident. À partir de Sand Heads, le cap est mis sur 305° vrai (V) jusqu'au chenal Sabine à l'extrémité sud de l'île Texada. Après avoir dépassé Sand Heads, le Manson appelle les Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de Victoria, à 20 h 50, sur le canal VHF 74; l'ensemble remorqueur-barges est alors marqué dans le système radar. En raison de la proximité du Manson et des barges qu'il remorque, les échos du remorqueur et des barges se fusionnent en un seul écho à l'écran radar des SCTM. Le capitaine syntonise le canal VHF 11, désignée pour la prochaine étape du voyage.

Peu après 2 h 18 le 6 novembre, l'agent des SCTM de Victoria constate au radar que l'écho correspondant au Manson et aux barges qu'il remorque s'est séparé en deux échos distincts. Le nouvel écho, qui sera plus tard identifié comme étant celui du M.B.D. 32, est marqué. À 2 h 26, les SCTM de Victoria examinent la situation et communiquent avec le Manson pour demander s'il a perdu une barge. Le Manson répond qu'il va vérifier. Le remorqueur et les barges s'approchent maintenant de la limite île Merry-île Ballenas où les communications sont prises en charge par les SCTM de Comox (Colombie-Britannique).

Les SCTM de Victoria ne parviennent pas à communiquer de nouveau avec le Manson; à 2 h 27, ils informent les SCTM de Comox de la situation. Les SCTM de Comox tentent à plusieurs reprises de communiquer avec le Manson. Vers environ 2 h 36, le Manson confirme que les attelages se sont détachés et que la barge-grue M.B.D. 32 est à la dérive. Les observations radar enregistrées par les SCTM de Victoria indiquent qu'à 2 h 43, le Manson, remorquant le McKenzie, met le cap sur tribord vers le M.B.D. 32. Le remorqueur et la barge s'approchent alors rapidement (vitesse de remorquage) du M.B.D. 32.

Figure 1. Croquis du secteur de l'événement
Croquis du secteur de l'événement

Ci-dessous figure un résumé chronologique des données radar des SCTM de Victoria et des communications par VHF avec les SCTM de Comox.

Tableau 1 - Chronologie des données radar et des communications - SCTM
CCOS
MA
SCTM
Note :
Centre de coordination des opérations de sauvetage
Manson
Services de communications et de trafic maritimes de Comox
Le radar des SCTM est situé aux installations des SCTM de Victoria.
Heure De À Texte
3 h 1 - - Le vecteur vitesse de l'ensemble Manson/McKenzie se réduit puis disparaît lorsque les deux navires s'arrêtent. Le M.B.D. 32 se trouve à une distance estimée de 120 m à l'ouest du Manson, et le McKenzie, à environ 75 m à l'arrière du remorqueur.
3 h 2 MA SCTM Il a perdu la gouverne, l'ensemble est en dérive et la demande d'aide est limitée aux navires qui pourraient se trouver dans le secteur.
SCTM MA Le navire le plus près est le remorqueur N.A. Champion, qui remorque une barge. Le remorqueur doit passer à la voie 22A VHF.
3 h 2 à 3 h 5 - - La distance entre les échos radar du Manson et du McKenzie a augmenté.
3 h 5 MA




SCTM
SCTM de Comox



CCOS
Le remorqueur, avec deux personnes à bord, se trouve entre les barges; la demande d'aide est réitérée. Le problème de gouverne est sous enquête et les SCTM seront informés. Conditions météorologiques sur place : vent du sud-est de 25 noeuds et mer peu agitée ou agitée, de code 3 à 4.

Le CCOS est informé de la situation du Manson.
3 h 6 SCTM MA Tentatives infructueuses de communiquer avec le navire.
3 h 11 - - Dernière observation de l'écho du Manson au radar.
3 h 22 CCOS

SCTM
SCTM

JRCC
Un signal a été reçu de la radiobalise de localisation des sinistres (RLS) du Manson.

Tentatives infructueuses de communiquer avec le Manson. Le remorqueur N.A. Champion est en route vers le lieu où se trouve le Manson.

À 3 h 33, le N.A. Champion informe les SCTM de Comox qu'il a repéré deux cibles sur son radar, à une distance de 2,5 milles. Plus tôt, lorsque les cibles étaient à 3 milles, d'intenses lumières blanches avaient été observées dans les environs, mais elles ne sont plus visibles. Les SCTM de Comox transmettent cette information au Centre de coordination des opérations de sauvetage (CCOS), qui charge des ressources de recherche et sauvetage (SAR) d'intervenir. À 3 h 48, les SCTM de Comox informent le CCOS que le N.A. Champion est à 800 m des cibles et que son équipage peut voir un feu stroboscopique et une lumière constante.

Une enquête déterminera que la lumière stroboscopique provient de la radiobalise de localisation des sinistres (RLS) du Manson, et la lumière fixe, du radeau de sauvetage à quatre places. Celui-ci est gonflé, mais vide. Suivant les instructions du CCOS, le N.A. Champion libère le radeau de sauvetage pour qu'il puisse servir d'indicateur de dérive aux fins des opérations de recherche et sauvetage. Au total, une ressource aérienne et 10 ressources maritimes seront utilisées dans les opérations de recherche et de sauvetage. Le corps du matelot sera retrouvé trois jours après l'accident. L'hypothermie est consignée comme cause du décès. Le corps du capitaine n'a pas été retrouvé.

Les deux radeaux de sauvetage à quatre places, les bouées et la RLS du Manson seront retrouvés. Un des radeaux s'était gonflé, mais pas l'autre. Au sujet de ce dernier, une inspection et des essais menés après l'événement à un dépôt de service révéleront les faits suivants :

Malgré des recherches exhaustives au moyen d'un engin télécommandé, le navire n'a pas été retrouvé.

Service du trafic maritime

Le Manson naviguait dans trois secteurs de la zone du Service du trafic maritime (STM) de Vancouver. Ces secteurs sont surveillés par des agents des SCTM. Les secteurs 1 et 2 du STM sont surveillés par les SCTM de MCTS, et le secteur 4, par les SCTM de Comox. Les voies VHF utilisées sont indiquées ci-dessous.

Secteur STM Identification Secteur géographique Voie VHF
2 "Victoria Traffic" Fleuve Fraser 74
1 "Victoria Traffic" Détroit de Géorgie - sud 11
4 "Comox Traffic" Détroit de Géorgie - centre 71

Le Manson a amorcé son passage dans le secteur 2 du STM, et est passé dans le secteur 1 en entrant dans le détroit de Géorgie à Sand Heads, puis dans le secteur 4 en traversant la limite île Merry-île Ballenas. Les SCTM de Victoria disposent d'une couverture radar d'une grande partie des eaux dans les deux secteurs qu'ils surveillent. Un navire appelant les SCTM de Victoria en quittant le fleuve Fraser à Sand Heads passe de du canal VHF 74 au canal VHF 11. Les SCTM de Victoria passent de l'écoute du canal VHF 74 au canal VHF 11. Les SCTM de Victoria marquent alors cette cible radar pour faciliter le contrôle du trafic dans le secteur.

Équipement de remorquage et entretien

Il n'y avait pas de méthode structurée pour examiner l'équipement de remorquage, l'évaluer et prendre des décisions éclairées sur son entretien et son remplacement.

Radiobalise de localisation des sinistres

Les propriétaires de radiobalises de localisation des sinistres (RLS) sont tenus d'enregistrer chacune de leurs balises auprès du Registre canadien des balises de détresse, qui tient une base de données. Le registre contient de l'information sur la balise, le navire sur lequel elle se trouve et les propriétaires du navire. En septembre 2003, le Manson a changé de mains, mais le registre n'en a pas été informé et la base de données n'a pas été mise à jour.

Le Manson était doté d'une RLS 406 MHz disposée de façon à se libérer automatiquement en cas de chavirement. Dès qu'il a reçu le signal de la RLS le 6 novembre, le CCOS a consulté la base de données et communiqué avec le propriétaire précédent du navire. Celui-ci a renvoyé le CCOS au nouveau propriétaire.

Avaries aux navires

Le Manson a coulé et a été déclaré perte totale.

Il n'y avait pas d'avaries apparentes à l'un ou l'autre des barges, le M.B.D. 32 ou le McKenzie, et rien n'indique que l'un ou l'autre soit entrée en contact avec le Manson. Les attelages détachés ont été récupérés pour être examinés. Le câble de remorquage du Manson, qui était fixé au McKenzie, a été retrouvé intact. Il s'était déroulé complètement du treuil.

Dommages à l'environnement

Le Manson transportait environ 15 000 litres de carburant diesel. Une légère traînée d'huile a été observée dans le secteur pendant quelques jours après l'événement. Dans les eaux relativement libres du détroit de Géorgie, ce mazout s'est rapidement dispersé.

Certificats des navires

Le Manson avait été inspecté la dernière fois à Vancouver le 26 septembre 2001. Un certificat d'inspection SIC 22, valide pour la durée normale (quatre ans) pour les voyages de cabotage, classe III, avait été délivré. Ce certificat permettait une exploitation 24 heures par jour et prescrivait un équipage de quatre personnes, y compris le capitaine, pour deux quarts de travail de 12 heures. La plupart du temps toutefois, le Manson était utilisé dans la région de Vancouver et du fleuve Fraser comme bateau de navette, avec un équipage de deux personnes travaillant un maximum d'environ 12 heures. Dans ce contexte, après l'achèvement d'un travail, soit le navire était ramené à quai, soit l'équipage était remplacé par un autre équipage de deux personnes.

Dans le cas du McKenzie et du M.B.D. 32, il s'agissait de barges sans équipage faisant des voyages intérieurs; ils n'étaient pas tenus d'être inspectés ou d'obtenir des certificats de Transports Canada.

Brevets et antécédents du personnel

Le capitaine du Manson détenait le brevet voulu pour la classe de voyages pertinente. Il comptait de nombreuses années d'expérience dans l'industrie du remorquage en Colombie-Britannique, y compris des années à bord du Manson et de navires semblables.

Le matelot avait travaillé des années à bord de petits remorqueurs et avait déjà travaillé avec le capitaine. Tous deux en étaient à leur première affectation après cinq jours de congé.

Fonctions d'urgence en mer

À la suite de modifications apportées au Règlement sur l'armement en équipage des navires, la formation Fonctions d'urgences en mer (FUM) est maintenant obligatoire, sous réserve d'une période transitoire prenant fin en juillet 2007. Dans le cas présent, le capitaine du Manson détenait un certificat FUM, mais pas le matelot.

Conditions météorologiques et courants

Les conditions météorologiques étaient typiques pour cette période de l'année dans le détroit de Géorgie. Les vents venaient du sud-est depuis plusieurs jours. Dans le cadre de ses prévisions météorologiques, Environnement Canada a diffusé un avertissement aux petites embarcations, indiquant des vents soutenus du sud-est de 20 à 33 noeuds et une visibilité parfois réduite par la pluie. Le Manson a navigué par des vents du sud-est de 25 noeuds et des vagues de 1 à 1,4 m.

Dans cette partie du détroit de Géorgie, la hauteur des marées est établie selon la référence de la pointe Atkinson. Le régime des marées est mixte, principalement semi-diurne avec deux marées hautes et deux marées basses chaque jour, la hauteur et les heures étant variables. La marée haute de la pointe Atkinson était prévue à 22 h 15 le 5 novembre, à 3,1 m, et la marée basse, à 5 h 25 le 6 novembre, à 1,9 m. La variation de hauteur de ces marées était de 1,2 m, soit moins que les 3,2 m du marnage moyen à la pointe Atkinson.

À la marée descendante, l'eau coule vers le sud-est. Au moment de l'incident, le courant de marée s'opposait au déferlement des vagues poussées par le vent, produisant des vagues de période plus courte et des clapotis.

Analyse

Séquence des événements

Vu la disparition du Manson et de ses deux membres d'équipage, il n'a pas été possible de déterminer la séquence exacte des événements qui ont mené au chavirement et à la perte du navire.

Vers environ 3 h 1, le vecteur vitesse de l'ensemble Manson-McKenzie au radar des STCM s'est réduit puis a disparu lorsque les deux navires ont arrêté à l'ouest du M.B.D. 32. Le Manson était à une distance estimée de 120 m du M.B.D. 32, et le McKenzie était à quelque 75 m à l'arrière du Manson. À 3 h 2, le Manson avait perdu la maîtrise de sa gouverne. À 3 h 5, il s'est arrêté entre les deux barges pour examiner la défaillance de l'appareil à gouverner.

Après la communication de 3 h 5 avec les SCTM, l'équipage s'est attaché à déterminer la cause de la défaillance de l'appareil à gouverner. Comme on accédait à la salle des machines et à la cambuse par des écoutilles sur le pont principal, les deux membres d'équipage pouvaient s'être éloignés de la timonerie. C'est ce qui pourrait expliquer pourquoi les SCTM ont eu de la difficulté à joindre le Manson et que la situation dangereuse n'a pas été constatée. En outre, les projecteurs du pont utilisés pour illuminer l'aire de travail alors qu'il pleuvait et que la nuit était sombre auraient réduit la vision des membres d'équipage et leur capacité de remarquer le mouvement de la barge par rapport à la position du remorqueur.

Les navires étaient reliés par quelque 75 m de câble de remorquage, la mer était du sud-est et les vents soufflant du sud-est à 25 noeuds agissaient sur le McKenzie dont l'effet de voilure était plus important. Le McKenzie aurait par conséquent dérivé vers le nord-ouest plus rapidement que le Manson. Cette différence de vitesse de dérive aurait fait en sorte que le câble de remorquage se serait tendu, peut-être avec une saccade ou une secousse, faisant en sorte que le remorqueur soit tiré de travers jusqu'à se trouver vent deboutNote de bas de page 3. En conséquence, le remorqueur se serait incliné rapidement, embarquant de l'eau qui aurait envahi les compartiments inférieurs par les écoutilles ouvertes ou la porte ouverte du rouf. Le navire aurait fini par perdre toute réserve de flottabilité et aurait coulé.

La raison précise pour laquelle le Manson n'a pas été retrouvé attaché au câble de remorquage n'a pas pu être établie. L'activation tardive, par l'équipage, du mécanisme d'avortement ou le poids du remorqueur coulant sont toutefois des explications possibles.

Effectif minimum nécessaire à la sécurité

Le certificat d'inspection de sécurité (SIC) du navire était approuvé pour un équipage de quatre personnes dont le capitaine. Il était entendu qu'il y aurait deux membres d'équipage de garde pendant des périodes de 12 heures alors que les deux autres membres d'équipage seraient au repos. Le Manson n'avait pas un cycle de travail régulier, naviguant souvent dans les parages du port de Vancouver et du fleuve Fraser pendant des périodes de 12 heures ou moins. Il était par conséquent habituel que les membres d'équipage au repos restent à terre. Le voyage en cause a été entrepris à la noirceur et il aurait exigé plus de 12 heures entre les ports. Par ailleurs, alors que les conditions météorologiques étaient défavorables, les membres d'équipage ont eu à faire face à la perte d'une barge et à une défaillance de l'appareil à gouverner. Lorsque leur charge de travail a augmenté, il s'est trouvé trop peu de membres d'équipage pour réagir à l'urgence. C'est ce qui a créé une situation dangereuse et privé les membres d'équipage de renseignements opportuns qui auraient permis de prendre des mesures correctives avant de chavirer.

Base de données des radiobalises d'urgence

Après que le Manson a chaviré, sa RLS 406 MHz s'est déployée et a rempli sa fonction. Son signal d'identification a été relayé par satellite jusqu'au CCOS d'Esquimalt (Colombie-Britannique).

Le Registre canadien des balises de détresse contient de l'information sur la radiobalise, le navire sur lequel elle se trouve et le propriétaire du navire. Pour que l'information reste à jour, les propriétaires de RLS sont tenus de déclarer les changements de propriétaire. Cela ne s'est pas fait dans le cas du Manson.

En raison du grand nombre de fausses alertes (de détresse) de RLS, il est nécessaire de valider un signal de détresse avant de dépêcher de précieuses ressources SAR s'il y a lieu. L'information disponible indique que de nombreux centres SAR constatent de plus en plus souvent que des inscriptions qui se trouvent dans la base de données des RLS n'ont pas été mises à jour ou sont inexactes.

Le succès d'une mission de recherche et de sauvetage dépend d'une information opportune, exacte et pertinente, y compris sur la position du navire. Tout retard dans l'obtention de cette information peut compromettre le déploiement en temps utile des ressources adaptées. Dans le cas présent, en raison des communications précédentes et de l'information radar dont disposaient les SCTM, il n'était pas essentiel que le signal de détresse soit validé en communiquant avec le nouveau propriétaire. Dans d'autres cas toutefois, un temps qui serait précieux aux secours peut être perdu à valider le signal de détresse.

Fixation des remorqueurs et barges

Pour assurer la sécurité d'un voyage pendant un remorquage en mer, l'équipement utilisé pour relier un remorqueur et sa ou ses barges doit être solide, mais suffisamment souple pour résister aux forces susceptibles de s'exercer pendant le voyage.

Comme il est essentiel de maîtriser un bâtiment remorqué dans des eaux abritées comme un port ou un fleuve, des attelages sont couramment utilisés pour le remorquage. Cependant, dans des eaux exposées où la hauteur et la fréquence variables des vagues - comme c'est souvent le cas en novembre quand la mer est agitée - peuvent exercer de plus grandes contraintes sur l'équipement de remorquage, le dispositif de remorquage doit être assez robuste et long pour absorber les chocs. Les caténaires d'un long câble de remorquage augmentent la capacité de résistance aux chocs associés aux mauvaises conditions météorologiques et environnementales. C'est pourquoi, dans des eaux exposées, la solution de prédilection est un dispositif de remorquage entièrement fait de câbles.

Dans le cas présent, en attelant le M.B.D. 32 au McKenzie pour le remorquage à travers le détroit de Géorgie en novembre - une période où il faut prévoir des conditions météorologiques et une mer défavorables -, un attelage de câbles synthétiques courts a été utilisé au lieu d'un câble plus long et plus robuste qui aurait mieux convenu aux conditions. Le dispositif de remorquage du Manson était doté d'un câble pantoire, de sorte que l'équipage avait la possibilité de n'utiliser que du câble. On ignore pourquoi les membres d'équipage ont choisi d'utiliser plutôt un attelage de câbles synthétiques plus courts.

Dossiers de l'équipement de remorquage

En ce qui concerne le renouvellement ou le remplacement de l'attirail de remorquage, ni le propriétaire ni le personnel à bord du navire n'avait de méthode structurée pour examiner, consigner, évaluer et prendre des décisions éclairées.

Les ancres ou les engins et les câbles utilisés à bord des navires doivent être clairement identifiés, marqués, testés et certifiés périodiquement. Ces mesures, ainsi que l'information sur les inspections, l'examen et l'entretien de routine, doivent être consignées dans un registre. Cette exigence est essentielle pour s'assurer que les éléments critiques à bord du navire sont inspectés, entretenus et remplacés avant toute défaillance, de façon à réduire le risque de blessures. Même si le risque posé par l'attirail de remorquage est aussi élevé dans toute l'industrie du remorquage, des pratiques analogues ne sont pas universellement appliquées.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le certificat d'inspection du Manson prévoyait un équipage de quatre personnes, mais il n'y avait que deux personnes à bord dans le voyage en cause. Il est probable que l'effectif réduit du Manson ait favorisé l'évolution d'une situation dangereuse qui a abouti au fait que le chavirement du remorqueur n'a pas été constaté.
  2. Le dispositif de remorquage inadéquat en eaux libres - attelages de câbles synthétiques courts au lieu d'un dispositif de câbles plus longs - a fait en sorte que le M.B.D. 32 s'est libéré, ce qui a précipité la situation d'urgence.
  3. La défaillance de l'appareil à gouverner - dont la cause n'a pas pu être précisée - est survenue à un moment critique pour la navigation du navire.

Faits établis quant aux risques

  1. Le Registre canadien des balises de détresse n'est pas toujours informé des nouvelles acquisitions de radiobalises de localisation des sinistres (RLS) du changement de propriétaire des navires où elles se trouvent, de sorte que la base de données contient des inexactitudes. Le temps précieux perdu à obtenir de l'information utile aux interventions de recherche et sauvetage (SAR) complique le déploiement efficace et rapide des ressources SAR.
  2. Même si les risques et les conséquences d'une défaillance de l'attirail de remorquage sont élevés, il n'existe à l'égard de l'attirail de remorquage aucune exigence réglementaire ou norme de l'industrie sur la tenue de dossiers ou sur l'entretien, comme c'est le cas pour les engins.

Autre fait établi

  1. La vigilance de l'agent de garde des Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) a permis de récupérer la barge à la dérive, et son étroite surveillance de l'évolution de la situation a permis une intervention rapide de recherche et de sauvetage.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

L'industrie a pris des mesures pour pallier les problèmes concernant la base de données du Registre canadien des balises de détresse. Le Council of Marine Carriers (CMC), qui représente le milieu régional du remorquage, et la B.C. Seafood Alliance, qui représente le milieu de la pêche, ont invité leurs membres à s'assurer que les radiobalises de localisation des sinistres (RLS) sont convenablement enregistrées. Le Secrétariat national de recherche et de sauvetage (SNRS) a entamé des communications avec le Bureau d'immatriculation des navires de Transports Canada en vue d'établir un moyen de rappeler aux propriétaires de navires d'actualiser la base de données du SNRS lorsque la situation d'un navire change.

Après une série d'incidents mettant en cause les ensembles remorqueur-barge en 2004, Transports Canada a créé un groupe de travail chargé de présenter des conseils à leur égard et de formuler, à l'intention de l'équipe travaillant à la réforme de la réglementation, des recommandations sur les dispositions réglementaires pertinentes. En décembre 2005, le groupe de travail a livré un rapport qui recommandait entre autres que treuils d'amarrage, dispositifs de largage, câbles, chaînes et câbles de remorquage à bord des remorqueurs et des barges soient reconnus comme faisant partie de leur équipement et soient convenablement examinés et consignés.

En outre, lors de la réunion de novembre 2006 du Conseil consultatif maritime canadien (CCMC), un groupe de travail sur les ensembles remorqueur-barge a été formé; y participent 13 organismes de l'industrie maritime, des syndicats et Transports Canada. La création d'un comité permanent du CCMC se consacrant uniquement aux questions des ensembles remorqueur-barge est à l'étude.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .