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Rapport d'enquête maritime M05M0052

Blessure grave
Transbordeur roulier à passagers Confederation
Wood Islands (Île-du-Prince-Édouard)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Pendant l'après-midi du 27 juin 2005, le transbordeur roulier Confederation est parti de Caribou (Nouvelle-Écosse) avec 114 passagers à bord, à destination de Wood Islands (Île-du-Prince-Édouard). Le voyage a été sans incident jusqu'à ce que l'équipage se prépare à accoster à Wood Islands. À ce moment, on a découvert qu'un membre de l'équipage était coincé dans une porte étanche. On a libéré rapidement le membre d'équipage, après quoi celui-ci a été transporté vers un hôpital où il a reçu des soins.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Confederation
Numéro officiel 815540
Port d'immatriculation Ottawa
Pavillon Canada
Type transbordeur roulier à passagers
Jauge bruteNote de bas de page 1 8 060,8 tonneaux
Longueur 96,01 m
Tirant d'eau avant : 3,91 m arrière : 3,98 m
Construction 1993, Pictou Industries Limited
Propulsion moteur Wärtsilä Wichmann de 6000 kW, 2 hélices à pales orientables (1 à l'avant, 1 à l'arrière)
Cargaison 43 véhicules automobiles privés, 5 véhicules commerciaux
Équipage 23 personnes
Passagers 91
Exploitant Northumberland Ferries Limited Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)
Propriétaire Ministère des Transports Ottawa (Ontario)

Description du navire

Le Confederation est un traversier roulier amphidrome qui a été construit en 1993 et qui transporte des passagers et des véhicules entre la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É). Le navire reçoit les véhicules sur trois ponts, soit les ponts A, B et C, et il offre des installations pour les passagers sur les ponts D et E. Il peut prendre à son bord jusqu'à 600 passagers et 215 véhicules automobiles privés.

Photo 1. Le Confederation
Le Confederation

Déroulement du voyage

Le 27 juin 2005, vers 16 h 20, heure avancée de l'AtlantiqueNote de bas de page 2, le transbordeur roulier Confederation part de Caribou (Nouvelle-Écosse) et entreprend sa dernière traversée de la journée à destination de Wood Islands (Î.-P.-É.). Le vent souffle de l'est à 10 noeuds et soulève des rides à la surface de l'eau. Deux membres de l'équipage de la salle des machines font l'entretien d'une pièce d'équipement de cette salle. Peu de temps avant que le navire arrive dans les parages du terminal du traversier, un des membres de l'équipage quitte la salle des machines pour aller chercher une pièce dont il a besoin pour terminer le travail.

Vers 17 h 27, le collègue du membre d'équipage constate que ce dernier est coincé dans une porte étanche horizontale à glissières. Le collègue ouvre immédiatement la porte afin de libérer son compagnon inconscient. Il dépose doucement le blessé sur le pont et l'installe le plus confortablement possible. Quelque temps plus tard, le membre d'équipage reprend conscience. Le navire poursuit sa route vers le terminal de Wood Islands et y arrive cinq minutes plus tard. Au terminal, le membre d'équipage reçoit des soins et, par la suite, il est transporté à l'hôpital par ambulance.

Personne d'autre n'ayant été témoin de l'accident, il a été impossible de déterminer les circonstances qui l'ont précédé. À l'occasion, des membres d'équipage ouvraient la porte tout juste assez pour pouvoir y passer, ils ne tenaient pas toujours une des deux poignées ou les deux après avoir ouvert la porte.

Portes étanches

Le Confederation est équipé de trois portes étanches à assistance électro-hydraulique. Deux de ces portes étanches sont des portes verticales à glissières qui isolent les deux salles de l'appareil de propulsion de leurs tunnels d'arbre respectifs, tandis qu'une troisième porte à glissières, en l'occurrence une porte horizontale à glissières, isole la salle des génératrices de la salle des machines. Toutes ces portes peuvent être fermées à partir d'un poste de commande central situé sur la passerelle, et elles peuvent aussi être actionnées sur place.

Chaque fois que le navire est en transit, les trois portes étanches sont commandées et fermées automatiquement à partir du poste de commande central de la passerelle. Il est possible d'actionner les portes à l'aide de la commande locale, mais la porte reste ouverte seulement pendant qu'on tient le levier de manoeuvre à la position ouverte. Dès qu'on relâche le levier, la porte se ferme.

Photo 2. Porte étanche à glissières
Porte étanche à glissières

Habituellement, les portes sont actionnées en mode manuel quand le navire est à quai. En mode manuel, il faut se servir du levier de manoeuvre local pour ouvrir et fermer les portes; toutefois, dès qu'on relâche le levier, le mouvement de la porte cesse et la porte reste à la position où elle était lorsqu'on a relâché le levier.

Conformément à la pratique en vigueur à la Northumberland Ferries Limited, les portes étanches doivent être fermées à partir du poste de commande central sur la passerelle, chaque fois que le navire est en mer. Cette politique figure dans le manuel de formation du navire et sur la signalisation affichée près de chacune des trois portes étanches. De plus, des panneaux d'avertissement placés près de chaque porte étanche précisent qu'il faut ouvrir la porte complètement avant d'entrer.

Réglementation concernant les portes étanches

Les règles qui régissent la construction, l'installation et le fonctionnement des portes étanches sont édictées dans le Règlement sur la construction de coques de la Loi sur la marine marchande du Canada. Voici un extrait d'un article qui traite de l'installation des portes étanches :

… Des poignées de manoeuvre reliées au mécanisme mû par la source d'énergie seront prévues de chaque côté de la cloison sur laquelle se trouve la porte et ces poignées seront disposées de telle façon qu'une personne passant par la porte puisse maintenir les deux poignées dans la position ouverte en même temps…Note de bas de page 3

Des essais qui ont été réalisés à bord du Confederation après l'accident ont révélé que, pour les trois portes étanches à glissières, il était très difficile de maintenir les deux leviers de manoeuvre en même temps. Dans le cas de la porte étanche horizontale à glissières, l'axe de rotation du levier de manoeuvre était à environ 51 cm du rebord de la porte et la course du levier était de 13 cm. Il s'ensuit que la personne qui manoeuvrait la porte devait avoir une allonge de 64 cm environ (voir la photo 3).

Photo 3. Allonge nécessaire pour ouvrir une porte étanche en tenant les deux leviers de manoeuvre
Allonge nécessaire pour ouvrir une porte étanche en tenant les deux leviers de manoeuvre
Photo 4. Côté opposé de la porte étanche
Côté opposé de la porte étanche

Dans le cas des deux portes étanches verticales à glissières, l'axe de rotation des leviers était plus rapproché du rebord de la porte, soit à 37 cm. Toutefois, la présence d'une cornière gênait l'accès à un des leviers de manoeuvre des deux portes (voir la photo 6). En outre, le sens de fonctionnement des leviers n'était pas le même pour les deux portes. Dans un cas, il fallait pousser le levier pour ouvrir la porte, alors que pour la seconde porte, il fallait tirer le levier vers soi pour ouvrir.

Photo 5. Porte étanche verticale à glissières arrière; porte avant similaire
Porte étanche verticale à glissières arrière; porte avant similaire
Photo 6. Une cornière gêne l'accès au levier de manoeuvre
Une cornière gêne l'accès au levier de manoeuvre

Exigences/directives quant au fonctionnement des portes étanches

Les instructions sur l'entretien de la porte étanche qui a causé l'accident indiquaient que le délai de fermeture de la porte, à compter du moment où la porte commence à se fermer jusqu'au moment où elle est complètement fermée, ne doit en aucun cas être inférieur à 20 secondes et supérieur à 40 secondes. La spécification du fabricant est similaire aux dispositions de la Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS)Note de bas de page 4. Toutefois, la réglementation de la Convention SOLAS ne s'applique pas aux navires à passagers canadiens qui ne sont pas assujettis à la Convention, comme le Confederation.

Il n'y a aucune réglementation canadienne au sujet des délais minimaux et maximaux de fermeture des portes étanches à glissières, et on n'a pas suivi les directives du fabricant ou celles de la SOLAS pour déterminer si les paramètres de fonctionnement des portes étanches étaient sûrs.

Essais de fonctionnement des portes étanches réalisés après l'accident

Le lendemain de l'accident, le Bureau de la sécurité des transports du Canada et Transports Canada (TC) ont procédé au cours de l'après-midi à des essais visant à calculer les délais d'ouverture et de fermeture des portes étanches. Les délais ci-après ont été observés.Note de bas de page 5

Porte étanche à glissières Délai d'ouverture à partir de la position de fermeture complète Délai de fermeture à partir de la position d'ouverture complète
Avant – Verticale 16 à 17 secondes 30 secondes
Arrière – Verticale 12 à 13 secondes 22 à 24 secondes
Centre – Horizontale 12 à 13 secondes 10 à 13 secondes

Certificats du navire

Étant un navire à passagers qui n'est pas assujetti à la conventionNote de bas de page 6, le Confederation reçoit régulièrement la visite d'inspecteurs de TC. Le dernier certificat d'inspection délivré au navire date du 6 juin 2005. Le navire est aussi titulaire d'un certificat de classe ✠100A1, ✠LMC UMS, délivré par le Lloyd's Register of Shipping.

Brevets du personnel

Le capitaine et les officiers du Confederation étaient titulaires de brevets valides pour la classe de navire et le type de voyage auquel le navire était affecté. De plus, les officiers et les membres de l'équipage avaient suivi une formation sur les fonction d'urgence en mer qui tenait compte des fonctions de chacun à bord du navire, conformément aux exigences de TC.

Antécédents du personnel

Le membre d'équipage qui a été blessé comptait 30 ans de service en mer et 10 ans de service à bord du Confederation. Il avait obtenu son certificat de mécanicien de marine en 1979.

Victime

Le membre de l'équipage qui est resté coincé dans la porte étanche a subi de graves lésions par écrasement et il a été hospitalisé.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Il été impossible de déterminer les circonstances exactes qui ont précédé l'accident.
  2. Le fonctionnement de la porte étanche horizontale à glissières n'était pas conforme aux spécifications du fabricant quant au délai minimum de fermeture.

Faits établis quant aux risques

  1. La pratique consistant à ne pas ouvrir complètement la porte étanche avant de passer par la porte entraîne un risque accru de blessures accidentelles.
  2. En raison du délai de fermeture relativement bref de la porte étanche, la personne qui passe par la porte est exposée à un risque indu.
  3. La position des leviers de manoeuvre locale des trois portes étanches n'était pas optimale, et le sens de fonctionnement des leviers d'ouverture et de fermeture n'était pas le même pour les trois portes.
  4. Il n'y a aucune réglementation canadienne au sujet des délais minimaux et maximaux de fermeture des portes étanches à glissières, et on n'a pas suivi les directives du fabricant ou celles de la SOLAS pour déterminer si les paramètres de fonctionnement des portes étanches étaient sûrs.

Autres faits établis

  1. Les conditions météorologiques et l'état de la mer étaient favorables et n'ont donné lieu à aucun mouvement inhabituel du navire.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Bureau de la sécurité des transports du Canada

En août 2005, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a adressé une lettre d'information sur la sécurité maritime (no 02/05) à Transports Canada (TC), avec copie à la Northumberland Ferries Ltd. Dans cette lettre, le BST informait les deux parties de ses observations au sujet des défaillances associées à l'installation et au fonctionnement du système de portes étanches du Confederation. Les observations portaient notamment sur :

Northumberland Ferries Limited

Après l'accident, on a réglé le temps qu'il faut à la porte étanche horizontale pour passer de la position ouverte à la position complètement fermée, de façon qu'il soit conforme aux spécifications du fabricant, c'est-à-dire de 26 à 30 secondes.

On a modifié les leviers de manoeuvre de la porte horizontale à glissières de façon à réduire la distance que l'opérateur doit couvrir avec ses bras. Dorénavant, l'opérateur peut tenir confortablement en position ouverte les deux leviers placés de part et d'autre de la porte pendant qu'il passe par l'ouverture. Aussi, la porte glisse dans la même direction que le levier.

Photo 7. Modifications du levier de manoeuvre de la porte étanche
Modifications du levier de manoeuvre de la porte étanche
Photo 8. Modifications du levier de manoeuvre de la porte étanche
Modifications du levier de manoeuvre de la porte étanche

La compagnie a adopté une politique qui doit être incluse au manuel des opérations du bord, voulant que tous les membres de l'équipage qui se servent d'une porte étanche reçoivent des instructions sur le fonctionnement sûr de ces portes. Cette politique comprend des instructions écrites sur la façon correcte de faire fonctionner les portes étanches.

La compagnie a adopté une politique prévoyant des inspections et des travaux d'entretien courant des portes étanches pour s'assurer que l'utilisation et l'entretien de ces portes sont conformes aux recommandations du fabricant. Les inspections portent notamment sur les alarmes, la signalisation et les délais d'ouverture et de fermeture.

Transports Canada

TC a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 07/1991 intitulé « Accidents survenus lors de l'utilisation de portes étanches électriques ». Le bulletin a été publié à la suite d'un incident similaire qui s'était produit à bord d'un traversier canadien avant mai 1991, et il rappelle que toutes les portes étanches électriques sont conçues de façon à assurer une sécurité maximale pour le navire et pour les personnes qui utilisent les portes en question.

Dans le cadre de l'étape no 2 de la réforme réglementaire, TC examinera la réglementation et rédigera par la duite un nouveau Règlement sur la construction de coques qui intégrera ou citera en référence plusieurs règlements de la Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), de façon que le règlement puisse s'appliquer aux navires de commerce intérieur immatriculés au Canada.

Le nouveau Règlement sur la construction de coques qui est proposé citera des renvois aux exigences de la Convention SOLAS concernant les portes étanches à glissières mues par des sources d'énergie, et il précisera aussi les paramètres relatifs aux délais minimaux et maximaux de fonctionnement. TC étudiera aussi l'éventualité d'accroître les exigences de façon à régler les problèmes dus aux obstacles qui peuvent gêner le fonctionnement des poignées de manoeuvre.

En réponse à la lettre d'information sur la sécurité maritime no 02/05 datée du 1er septembre 2005, les services de TC dans la région de l'Atlantique ont fait savoir que, le 5 juillet 2005, ils avaient émis une directive à l'intention du capitaine du Confederation en vertu de l'article 8.3.1 du Code canadien du travail. Suite à cette directive, on a réglé les trois portes étanches de façon que leur délai de fermeture soit conforme aux normes. Dans le cas de la porte étanche horizontale, on a déplacé les leviers de façon à faciliter la manoeuvre de la porte; en effet, le levier qui actionne la porte se déplace maintenant dans le même sens que la porte, et les poignées sont placées plus près de l'ouverture de la porte.

Ce rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Par conséquent, le Bureau en a autorisé la publication le .

Annexes

Annexe A – Secteur où l'accident a eu lieu

Annexe A. Secteur où l'accident a eu lieu
Secteur où l'accident a eu lieu