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Rapport d'enquête ferroviaire R01M0024

Déraillement en voie principale
du train de voyageurs numéro 15
de VIA Rail Canada Inc.
au point milliaire 46,45 de la subdivision Bedford
à Stewiacke (Nouvelle-Écosse)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 12 avril 2001, vers 14 h 24, heure avancée de l'Atlantique, un train de voyageurs de VIA Rail (VIA 15) constitué de deux locomotives et de 14 voitures, qui était parti de Halifax (Nouvelle-Écosse) et roulait en direction ouest à destination de Montréal (Québec), a déraillé à la hauteur d'un aiguillage de voie principale à manœuvre manuelle, à Stewiacke (Nouvelle-Écosse). Un cadenas d'aiguillage standard du Canadien National (CN), dont on se sert pour orienter l'aiguillage dans la position correcte, avait fait l'objet d'une manipulation intempestive. Les deux locomotives et les deux premières voitures ont continué sur la voie principale, mais les voitures qui suivaient ont bifurqué et se sont engagées dans une voie industrielle adjacente à la voie principale. Neuf des voitures ont déraillé, ce qui a causé la destruction de la voie industrielle et d'un immeuble abritant un commerce de fournitures agricoles. Quatre occupants de l'immeuble ont quitté les lieux avant l'impact sans être blessés. Il y avait 132 personnes à bord du train. Vingt-deux personnes ont été transportées vers les hôpitaux de Truro ou de Halifax. Neuf personnes ont subi des blessures graves.

This report is also available in English.

1.0 Renseignements de base

Figure 1. Carte géographique de la Nouvelle-Écosse montrant Stewiacke (Source Atlas de l'ACFC).
Carte géographique de la Nouvelle-Écosse montrant Stewiacke

1.1 L'accident

Le 12 avril 2001, vers 14 h 24, heure avancée de l'Atlantique (HAA)Note de bas de page 1, le VIA 15, un train de voyageurs de VIA Rail Canada Inc. (VIA) comptant deux locomotives et 14 voitures, a déraillé au point milliaire 46,45 de la subdivision Bedford du Canadien National (CN) alors qu'il roulait en direction ouest. Le déraillement s'est produit à la hauteur d'un aiguillage de voie principale à manœuvre manuelle, désigné comme étant l'aiguillage TU-29, dans la ville de Stewiacke (Nouvelle-Écosse), à environ 70 kilomètres au nord de Halifax. Les deux locomotives et les deux premières voitures du VIA 15 ont continué sur la voie principale, mais les voitures suivantes ont bifurqué et se sont engagées dans la voie industrielle TU-29. Neuf voitures, de la 3e à la 11e, ont déraillé. Une voiture, la Skyline, a heurté les fondations d'un immeuble abritant un commerce de fournitures agricoles et a subi des dommages considérables. La partie centrale de la voiture suivante, une voiture-restaurant, s'est effondrée; pliée autour de l'immeuble à un angle d'environ 90 degrés, la voiture a été complètement détruite ainsi que l'immeuble (figure 2 et figure 3). Quatre occupants de l'immeuble ont quitté les lieux avant l'impact sans être blessés. Le train transportait 132 personnes.

Figure 2. Dommages causés à la voiture-restaurant et au commerce de fournitures agricoles. Notez le mur de fondation et la toiture de l'immeuble au centre de la photographie.
Dommages causés à la voiture-restaurant et au commerce de fournitures agricoles
Figure 3. Dommages causés à la voiture Skyline suite au choc contre le mur de fondation d'un commerce de fournitures agricoles.
Dommages causés à la voiture Skyline suite au choc contre le mur de fondation d'un commerce de fournitures agricoles
Figure 4. Vue de l'arrière du train à partir de la voiture-restaurant.
Vue de l'arrière du train à partir de la voiture-restaurant
Figure 5. Voiture-lit et commerce de fournitures agricoles.
Voiture-lit et commerce de fournitures agricoles

1.2 Intervention d'urgence

Vers 14 h 26, un habitant de Stewiacke a appelé le service d'urgence 911, disant qu'un train de voyageurs de VIA venait de dérailler. Neuf services d'incendie ont répondu à l'appel et ont dépêché une soixantaine de personnes sur place. De plus, huit ambulances terrestres, une ambulance aérienne et deux unités d'appui des services sanitaires d'urgence (SSU) ont été envoyées sur place. La Gendarmerie royale du Canada et la police du CN sont aussi intervenues. Au nombre des organismes qui sont intervenus, on compte VIA, le CN, la Croix-Rouge et l'équipe d'intervention en matières dangereuses (Hazmat) de Bible Hill.

À l'arrivée de la première des ambulances terrestres, vers 14 h 40, des membres de l'équipe de VIA et des habitants de Stewiacke aidaient les passagers qui pouvaient marcher à quitter le train déraillé. Les SSU ont procédé au triage des blessés et ont prodigué des soins à un total de 100 personnes. La première ambulance transportant un blessé a quitté les lieux vers 15 h 29, et le dernier blessé a été évacué par ambulance à 17 h 22.

Après avoir évacué le train, les passagers qui n'étaient pas blessés ont été dirigés vers l'hôtel de ville ou la salle de la Légion, situés non loin des lieux de l'accident, d'où ils ont été transportés jusqu'à la caserne de pompiers ou au centre communautaire par cinq autobus que le conseil scolaire local avait mis à leur disposition. Vers 19 h, tous les passagers de VIA avaient quitté le centre communautaire et ils étaient repartis soit vers Halifax, soit vers leur destination, grâce aux arrangements pris par VIA.

1.3 Victimes

Vingt personnes ont été transportées par ambulance jusqu'à l'hôpital régional Colchester à TruroNote de bas de page 2, et deux autres ont été évacuées par la voie des airs et emmenées directement au Halifax Infirmary de l'hôpital Queen Elizabeth II de Halifax. Neuf des vingt-deux personnes ont subi des blessures graves, dont cinq membres de l'équipe de service dans les trains (SDT). Plusieurs des passagers dont les blessures étaient les plus graves prenaient place dans la voiture Skyline et la voiture-restaurant, celles qui ont subi les plus lourds dégâts. Un gros morceau de béton du mur de fondation du commerce de fournitures agricoles a été sectionné et projeté dans une partie occupée de la voiture Skyline.

1.4 Dommages causés au matériel roulant

Parmi les neuf voitures qui ont déraillé, une voiture a été détruite, deux voitures ont subi des dommages graves et six autres ont subi des dommages mineurs (Annexe A pour avoir plus d'information sur l'inspection du matériel roulant après l'accident).

1.5 Autres dommages

Un tronçon de 750 pieds de la voie principale et la totalité de la voie industrielle ont subi des dommages considérables. De plus, un branchement de voie principale a été légèrement endommagé.

1.6 Renseignements sur le personnel

L'équipe du train était composée de deux mécaniciens et de 13 employés des SDT. Ils étaient qualifiés pour occuper leurs postes respectifs et ils se conformaient aux normes établies en matière de repos et de condition physique.

1.7 Renseignements sur le train

VIA 15 avait un groupe de traction formé de deux locomotives et se composait d'un fourgon à bagages, de quatre voitures-coachs, d'une voiture Skyline, d'une voiture-restaurant, de six voitures-lits et d'une voiture Parc. Le train pesait approximativement 1 100 tonnes et mesurait environ 1 250 pieds.

1.8 Méthode de contrôle de la circulation ferroviaire

Du point milliaire 15,1 au point milliaire 61,5, la circulation ferroviaire est contrôlée au moyen du système de commande centralisée de la circulation (CCC), en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, et elle est supervisée à partir de Montréal par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF).

1.9 Renseignements sur les lieux de l'accident

Le déraillement est survenu entre un passage supérieur routier situé au point milliaire 46,35 et un passage à niveau public (muni de feux clignotants et d'une cloche d'avertissement) situé au point milliaire 46,75 (figure 6). Même si le train à été désigné comme circulant en direction ouest, la voie est orientée dans l'axe nord/sud à cet endroit. La voie est en alignement droit et descend une pente de 0,35 p. 100. Un aiguillage pour une voie industrielle (TU-29) se trouvait au point milliaire 46,45. La voie industrielle était munie d'un dérailleur destiné à protéger la voie principale contre les mouvements intempestifs du matériel roulant. Un parc clôturé se trouvait à l'ouest des voies ferrées, et il y avait des propriétés à vocation commerciale et résidentielle du côté est de la voieprincipale. Le dernier signal intermédiaire (signal H443) avant l'aiguillage TU-29 était situé au point milliaire 44,3. Un système de détection en voie (SDV) se trouvait aussi à cet endroit.

Figure 6. Vue aérienne des lieux de l'accident dans le sens de la marche du train.
Vue aérienne des lieux de l'accident dans le sens de la marche du train

Après l'arrêt complet du train déraillé, on a remarqué que le levier de l'appareil de manœuvre de l'aiguillage TU-29 était relevé et qu'il était au sommet de l'appareil de manœuvre, et que les pointes d'aiguille étaient ouvertes.

1.10 Renseignements sur la voie ferrée

1.10.1 Subdivision Bedford

Dans la subdivision Bedford, la voie principale est simple. La vitesse autorisée par l'indicateur est de 75 milles à l'heure (mi/h) pour les trains de voyageurs et de 60 mi/h pour les trains de marchandises. Un ordre temporaire limitait la vitesse à 50 mi/h au passage à niveau de la rue Main situé au point milliaire 46,75, dans la ville de Stewiacke. Dans le secteur du déraillement, la voie était faite de longs rails soudés de 115 livres, laminés et posés en 1989. Les rails reposaient sur des traverses de bois dur no1, ils étaient fixés à chaque traverse par quatre à six crampons et reposaient sur des selles de 14 pouces à double épaulement. Le ballast de pierre concassée était en bon état.

1.10.2 Détails concernant le branchement

La voie TU-29 était reliée à la voie principale par un branchement no 10 conçu pour une vitesse de 15 mi/h. La distance entre la pointe et le talon de l'aiguille était de 16,5 pieds (figure 7).Les enquêteurs ont remarqué que l'extrémité de la pointe d'aiguille la plus rapprochée de l'appareil de manœuvre était légèrement écrasée et qu'elle montrait des marques récentes. Ils ont aussi remarqué une légère courbure de l'extrémité de la pointe d'aiguille, près du talon. Le contre-rail de la voie principale, du côté opposé au cœur de croisement, était endommagé par des impacts de roues et était tordu en direction de la voie industrielle. On a relevé des marques sur le patin du rail, sur les traverses et sur le ballast, entre le cœur de croisement et la position de la première voiture déraillée. La voie n'était pas endommagée jusqu'à l'emplacement du cœur de croisement.

Figure 7. Disposition d'un branchement type.
Disposition d'un branchement type

L'appareil de manœuvre d'aiguillage était un appareil de modèle standard 31B, muni d'une cible d'aiguillage et de voyants de nuit (figure 8). En raison de la présence d'un dérailleur sur la voie industrielle, le levier de l'appareil de manœuvre d'aiguillage était peint en jaune, conformément à la Circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) no 3603 du CN.

Figure 8. Appareil de manœuvre d'aiguillage de type 31B.
Appareil de manœuvre d'aiguillage de type 31B

L'appareil de manœuvre d'aiguillage était équipé d'un cadenas d'aiguillage standard du CN (figure 9). Le mécanisme de fermeture de l'arceau était brisé et le cadenas pendait au bout de la chaîne servant à fixer le cadenas à l'appareil de manœuvre. On a relevé de nombreuses bosselures et déformations sur le cadenas (figure 10).

Figure 9. Cadenas d'aiguillage standard neuf.
 
 
Cadenas d'aiguillage standard neuf
Figure 10. Cadenas d'aiguillage endommagé. Notez les dommages subis par le mécanisme de fermeture de l'arceau (flèche).
Cadenas d'aiguillage endommagé

Le personnel d'entretien de la voie avait utilisé cette voie industrielle pour la dernière fois environ six mois avant l'accident. Le branchement de la voie TU-29 avait été inspecté et entretenu le 10 avril 2001. La voie ne servait plus à des fins commerciales depuis plusieurs années.

Un véhicule rail-route avait inspecté la subdivision Bedford à deux reprises le jour de l'accident et n'avait relevé aucun défaut de la voie dans le secteur du déraillement. L'aiguillage avait été inspecté par un agent d'entretien des signaux à 10 h 30, le jour de l'accident. La seconde inspection par véhicule rail-route avait été faite par un superviseur de la voie environ 2,5 heures plus tard. L'aiguillage et le système de signalisation ferroviaire fonctionnaient correctement à ce moment-là, et on avait noté que le cadenas d'aiguillage était en place.

L'examen de l'aiguillage et des systèmes de signalisation après l'accident a révélé que ceux-ci fonctionnaient normalement et qu'ils étaient en bon état.

1.11 Conditions météorologiques

Le temps était calme et dégagé et la température était de 10 degrés Celsius.

1.12 Renseignements consignés

Le consignateur d'événements a indiqué qu'avant le freinage d'urgence, le train ralentissait d'une vitesse de 73 mi/h à environ 50 mi/h. Pendant que le train approchait des lieux du déraillement, sa vitesse consignée était tombée à 48 mi/h. Les freins des locomotives et des voitures étaient serrés et le sifflet de la locomotive était actionné. À 14 h 24, alors que le train roulait à environ 46 mi/h et que la commande des gaz était à la position de ralenti, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale s'est déclenché.

Contrôle de la circulation ferroviaire

Le mécanicien qui était aux commandes a communiqué avec le CCF par téléphone cellulaire avant que le train n'arrive au signal H443, afin d'obtenir une autorisation de circuler dans le cadre de la régulation de l'occupation de la voie, autorisation dont le train avait besoin pour entrer dans le tronçon hors CCC de la subdivision Bedford, près de Truro. Les bruits de fond provenant du centre CCF et de la cabine de la locomotive (p. ex. les bruits des moteurs, du sifflet et de la cloche de la locomotive, et les conversations dans la cabine, y compris les transmissions radio entendues dans la cabine) ont été enregistrés sur les bandes du centre CCF. Les enquêteurs ont donc eu à leur disposition l'équivalent d'un enregistrement des voix dans la cabine. L'installation de systèmes d'enregistrement sur bande au centre CCF est une initiative des compagnies de chemin de fer, étant donné que la réglementation n'impose pas l'enregistrement des conversations du CCF. On a comparé cet enregistrement audio avec les données consignées par le SDV et par le consignateur d'événements de la locomotive, de façon à déterminer des références exactes quant au temps et aux positions.

Dans les ordonnances antérieures du Comité des transports par chemin de fer qui traitent de l'installation obligatoire de consignateurs d'événements dans les locomotives au Canada (R-39922; R-39915; R-40340 R-40339; R-40614), on exige que les consignateurs enregistrent l'heure, la vitesse, la distance, la pression de la conduite générale, la position du levier d'accélération, l'emploi du frein d'urgence, la pression indépendante du cylindre de frein et l'emploi du sifflet. À l'heure actuelle, il n'est pas obligatoire qu'on installe dans les locomotives un enregistreur de conversations de cabine similaire à ceux qu'on trouve dans les avions commerciaux. Les renseignements consignés par les enregistreurs de conversations de cabine sont utilisés par le BST uniquement aux fins de ses enquêtes; ils sont protégés par la loi et ne peuvent pas être utilisés comme éléments de preuve aux fins de mesures disciplinaires ou pour les besoins de poursuites intentées par le transporteur ou l'organisme de réglementation.

Informations sur la signalisation et les données du SDV

Entre le moment où le VIA 15 a quitté le point contrôlé précédent (Milford, point milliaire 38,4) et celui du déraillement, les données sur la signalisation n'ont indiqué aucune condition d'occupation de cantons qui ne corresponde pas à une activité ferroviaire convenue (c'est-à-dire aucune indication montrant un canton dans lequel un aiguillage de voie principale est ouvert alors qu'il n'y a pas de train dans le canton). Selon le registre, les signaux ont indiqué que la voie était libre tout au long du parcours, ce qui concorde avec les souvenirs des membres de l'équipe du train.

Tous les systèmes de contrôle de la circulation des trains, de signalisation et de détection en voie ont fonctionné comme prévuNote de bas de page 3.

1.13 Verrouillage de l'aiguillage

1.13.1 Réglementation

L'emploi de cadenas d'aiguillage à haute sécurité (figure 11) a été un des résultats de l'Enquête sur la vitesse des trains de voyageurs de VIA (Comité des transports par chemin de fer, 1985). La tenue de cette enquête a fait suite au déraillement d'un train de voyageurs de VIA, en juin 1984, qui a résulté d'un acte de vandalisme sur un aiguillage de voie principale dans la subdivision Smith Falls (Ontario) du CN. À la suite de cet accident, et de la publication de l'ordonnance de justifierNote de bas de page 4 no R-39612 du 25 juillet 1986, le CN a généralisé l'emploi de cadenas d'aiguillage à haute sécurité dans les territoires dépourvus de signalisation et dans les territoires avec signalisation dont les aiguillages avaient fait l'objet de vandalisme par le passé. En 1986, l'ordonnance no R-39910, régissant l'emploi de cadenas d'aiguillage à haute sécurité, a été émise à l'intention du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP). Cette ordonnance a rendu obligatoire l'installation de cadenas d'aiguillage à haute sécurité pour les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle :

  1. sur les itinéraires de trains de voyageurs en territoire dépourvu de signalisation;
  2. sur les voies de déviation établies pour les trains de voyageurs, dépourvues de signalisation;
  3. sur les itinéraires de trains de marchandises, dépourvus de signalisation, où la vitesse des trains est supérieure à 30 mi/h;
  4. sur les voies d'évitement où l'on place fréquemment des wagons contenant des marchandises dangereuses.
Figure 11. Cadenas d'aiguillage à haute sécurité, à gauche, comparativement à un cadenas d'aiguillage standard à droite. On voit au milieu un cadenas à boîtier trempé (utilisés aux fins d'essais de comparabilité).
Cadenas d'aiguillage à haute sécurité

Comme le CN avait informé précédemment le Comité des transports par chemin de fer des mesures de sécurité qu'il entendait prendre dans ces domaines, l'ordonnance no R-39910 n'a été émise qu'à l'intention du CFCP.

Même si le CFCP a déclaré qu'il avait l'intention de remplacer les cadenas d'aiguillage existants par des cadenas à haute sécurité sur toutes les voies principales dans un délai de 36 mois, les voies situées en zone de signalisation automatique n'étaient pas incluses dans l'ordonnance no R-39910. À cette époque, on considérait que le système de signalisation était capable d'alerter suffisamment tôt les équipes des trains des dangers imminents.

1.13.2 Pratique en vigueur dans l'industrie

En plus d'installer des cadenas d'aiguillage à haute sécurité aux endroits indiqués dans l'ordonnance no R-39910, le CFCP a précisé qu'il allait utiliser des cadenas d'aiguillage à haute sécurité sur tous les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle en zone de signalisation automatique. Sauf dans les secteurs visés antérieurement par des actes de vandalisme, le CN n'a pas étendu initialement l'emploi de cadenas d'aiguillage à haute sécurité aux zones de signalisation automatiqueNote de bas de page 5.

Même si l'ordonnance no R-39910 s'appliquait seulement au CFCP et ne visait pas les autres compagnies de chemin de fer, certaines ont institué des programmes consistant à équiper leurs aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle de cadenas d'aiguillage à haute sécurité. Par exemple, le Chemin de fer QNS & L emploie depuis 1987 des cadenas à haute sécurité sur les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle dans les zones de signalisation automatique de la subdivision Menihek.

Suite à la création de chemins de fer sur courtes distances et de réseaux régionaux de grande envergure, les petits chemins de fer n'emploient pas tous des cadenas d'aiguillage à haute sécurité dans les subdivisions qui appartenaient auparavant au CN et au CFCP. Après l'accident, le BST a demandé à l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) de lui fournir des données sur les pratiques en vigueur chez les compagnies membres de l'Association en ce qui concerne l'emploi des cadenas d'aiguillage à haute sécurité. L'information obtenue a révélé que les petites compagnies recouraient à différentes stratégies et à des cadenas de modèles variés. Sur les vingt compagnies qui ont répondu, trois ont indiqué qu'elles ne se servaient pas de cadenas d'aiguillage à haute sécurité pour verrouiller les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle.

De même, nombre de compagnies désignent sélectivement des aiguillages voisins de passages à niveau (susceptibles d'être visés par des actes de vandalisme ou d'être endommagés en raison d'un accident au passage à niveau) qui doivent bénéficier de la protection accrue offerte par des verrous d'aiguilleNote de bas de page 6.

1.13.3 Essai des cadenas d'aiguillage et des leviers des appareils de manœuvre

On a fait parvenir pour examen au Laboratoire technique du BST un échantillon de cadenas d'aiguillage neufs et usagés de plusieurs fabricants, dont les chemins de fer se servent couramment (rapport no LP 046/01, annexe B) :

Pour mesurer la résistance à la traction des cadenas, le Laboratoire a utilisé une machine d'essai de traction, munie d'adaptateurs. En moyenne, la valeur de rupture obtenue lors des essais a été de 2 500 lb pour les cadenas d'aiguillage de modèle standard, similaires à celui en cause lors de cet accident, comparativement à 10 000 lb dans le cas des cadenas à haute sécurité.

Le Laboratoire a comparé la résistance aux impacts des cadenas en comptant le nombre de coups de marteau qu'il a fallu donner pour ouvrir le cadenas installé sur un dispositif d'essai des appareils de manœuvre d'aiguillage. Pour uniformiser le plus possible l'énergie des coups de marteau, on a recouru aux services de la même personne utilisant le même marteau de 16 onces tout au long des tests d'impact. Les tests ont montré qu'il fallait en moyenne 25 coups de marteau dans le cas des cadenas d'aiguillage standard, comparativement à 100 coups de marteau dans le cas des cadenas à haute sécurité.

On a utilisé un coupe-boulons pour déterminer la mesure dans laquelle l'œil du levier de manœuvre d'aiguillageNote de bas de page 7 pouvait résister aux manipulations intempestives. Le cadenas n'étant pas dissimulé, ont peut accéder facilement à l'œil du levier de manœuvre, au moraillon et au cadenas. À l'aide d'un coupe-boulons à poignées de 12 pouces, le manipulateur a coupé facilement l'œil au-dessus et en dessous du cadenas dans un délai de 20 secondes.

1.13.4 Risques associés aux leviers de manœuvre d'aiguillage déverrouillés

Le personnel d'entretien règle les pointes d'aiguille de façon qu'elles soient près de la contre-aiguille quand elles sont en position normale (fermée). Quand on fait tourner complètement le levier de manœuvre d'aiguillage et qu'on l'abaisse pour l'insérer et le verrouiller dans son encoche de fixation (figure 12), les pointes d'aiguille exercent une pression contre la contre-aiguille. Comme les pointes d'aiguille reposent sur des plaques d'acier lubrifiées, dès qu'on déverrouille le levier de manœuvre d'aiguillage et qu'on l'extrait de l'encoche, la force ne s'exerce plus et la pointe d'aiguille s'éloigne généralement de la contre-aiguille, ce qui fait que l'aiguillage s'entrouvre. L'examen de l'appareil de manœuvre d'aiguillage impliqué dans l'accident a démontré que le simple fait de relever à la verticale le levier de manœuvre d'aiguillage dans son encoche jusqu'au niveau de la table (figure 13) suffisait à faire ouvrir les pointes d'aiguille d'environ ¼ de pouce.

Figure 12. Levier de manœuvre d'aiguillage abaissé complètement et verrouillé dans son encoche de retenue.
Levier de manœuvre d'aiguillage abaissé complètement et verrouillé dans son encoche de retenue
Figure 13. Vue du dessous d'un appareil de manœuvre d'aiguillage montrant la table, les encoches de retenue et le levier relevé.
Vue du dessous d'un appareil de manœuvre d'aiguillage

Si un levier de manœuvre d'aiguillage à commande manuelle est abaissé dans son encoche de retenue mais n'est pas verrouillé, les pointes d'aiguille pourraient fléchir et s'ouvrir avec le temps à la suite des vibrations et des forces dynamiques imposées à l'aiguillage par le passage des trains. À moins que les pointes ne soient appuyées fermement sur la contre-aiguille par la tringle de manœuvre et qu'elles ne soient retenues fermement en place par l'appareil de manœuvre et un cadenas, ou un verrou d'aiguille, les pointes peuvent s'ouvrir suffisamment pour qu'un boudin de roue s'engage sur un itinéraire dévié.

À moins de procéder à une inspection visuelle du cadenas d'aiguillage ou du levier de manœuvre, on ne peut avoir aucun indice à savoir si un aiguillage à manœuvre manuelle est resté déverrouillé. Toutefois, quand le levier de manœuvre d'aiguillage est relevé, et est donc en position ouverte, une cible rouge est visible. Si l'aiguillage est en territoire régi par la CCC, un signal restrictif (lumineux) apparaît en guise de signal avancé.

1.13.5 Appareil de manœuvre et cibles d'aiguillage

La cible et les voyants de nuit de l'aiguillage sont fixés directement au mât de l'appareil de manœuvre d'aiguillage. Le mât de l'appareil de manœuvre est relié à un pivot et au levier de manœuvre d'aiguillage (figure 14). Donc, il y a une relation directe entre le déplacement latéral du levier de manœuvre et le changement d'aspect de la cible et du mât d'aiguillage.

Figure 14. Pivot, tringle de manoeuvre et boulon de réglage à oeil.
Pivot, tringle de manoeuvre et boulon de réglage à oeil

Quand on fait pivoter le mât de 90 degrés pour faire passer les pointes d'aiguille de la position normale à la position renversée, la cible attachée au mât et au pivot bouge de la même manière. La conception des appareils de manœuvre d'aiguillage et des cibles qui leur sont associées remonte au début des années 1930.

1.13.6 Signalisation par la CCC

La CCC permet aux trains de circuler sur des itinéraires et dans des cantons d'un tronçon désigné conformément aux signaux contrôlés par un CCF. Les équipes des trains reçoivent des indications de signaux correspondant aux conditions détectées par le système. Le système peut détecter les endroits où un train occupe un canton, ou la perturbation de circuits de voie due à la rupture d'un rail ou à l'ouverture d'une pointe d'aiguille.

Normalement, les indications par signaux changent et affichent un signal plus restrictif dans les deux directions si une pointe d'aiguille s'éloigne de la contre-aiguille d'au moins ¼ de pouce. Le système de signalisation continue d'indiquer un fonctionnement normal quand cette distance est inférieure à ¼ de pouce. Le système n'est pas conçu pour détecter un aiguillage non verrouillé ni une pointe d'aiguille qui n'est pas immobilisée par le mécanisme voulu dans un aiguillage à manœuvre manuelle.

1.13.7 Nouvelles technologies d'indication de la position des aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle

Le Centre de développement des transports, au nom de la Direction générale de la sécurité ferroviaire de Transports Canada (TC), a demandé au Groupe des transports de l'Université du Nouveau-Brunswick de mener une étude sur les technologies capables de fournir des renseignements prédictifs quant à la position d'aiguillages à manœuvre manuelle dans des zones dépourvues de signalisationNote de bas de page 8. L'étude a consisté notamment à envoyer des sondages à des universités, des centres de recherche et développement et des fournisseurs/fabricants d'équipement de signalisation du monde entier. Des visites et des entrevues ont également été organisées avec des représentants de TC, de l'ACFC, du CN, du CFCP, de la Fraternité des ingénieurs de locomotives et de certaines entreprises et institutions choisies.

L'étude a aussi fait appel à une analyse coûts-avantages destinée à établir les économies qu'on pourrait réaliser aux chapitres de la diminution des dommages matériels et du nombre de pertes de vie et de blessures causées par des accidents en voie principale, si on installait un système capable d'avertir à l'avance les équipes des trains de la position d'un aiguillage à manœuvre manuelle en zone dépourvue de signalisation. L'analyse tient également compte des gains de temps de déplacement des voyageurs et des marchandises. Une estimation des accidents dus au mauvais positionnement des aiguillages à manœuvre manuelle a aussi été faite.

L'étude a déterminé dix technologies qui semblent pertinentes. De ce nombre, cinq ont été considérées comme étant particulièrement prometteuses. Aucune des technologies ne pouvait se justifier financièrement du seul point de vue de la sécurité. Toutefois, l'étude a indiqué qu'elles seraient viables au point de vue économique si l'on tenait compte de certains gains en matière de temps de déplacementNote de bas de page 9.

Entre octobre 2000 et janvier 2002, le CN a mis à l'essai sur le terrain un système de signalisation de la position des pointes d'aiguilles qu'il avait mis au point à l'interne et qui devait servir en territoire dépourvu de signalisation. Le système a été installé dans la région de Toronto, dans la subdivision Uxbridge du CN, et utilisait la technologie à spectre radio étalé pour communiquer la position de l'aiguillage à l'équipe d'un train qui approche. Le CN a fait savoir que, même si les essais confirmaient que la technologie était bonne, il estimait qu'elle n'était pas efficace en termes de coûts. L'équipement a été retiré le 15 janvier 2002. Le coût estimatif du système par emplacement était de 25 000 $. Le CN a fait savoir qu'il allait continuer de se tenir au fait de l'évolution de systèmes faisant appel à des technologies de remplacement qui pourraient s'avérer plus économiques.

1.14 Intrusions/vandalisme

Les données du BST montrent qu'au Canada, au cours d'une période de cinq ans (de 1996 à 2001), il a été établi que la rupture de cadenas d'aiguillage ou l'altération d'aiguillages en raison du vandalisme avaient été des facteurs contributifs dans 40 accidents ferroviaires; aucun de ces cadenas n'était un cadenas à haute sécurité. Quatre de ces événements ont entraîné des déraillements de trains de voyageurs.

Une étude des rapports du CN sur les intrusions et le vandalisme dans la subdivision Bedford pour les années 1997 à 2000 a révélé qu'on avait signalé un incident de vandalisme portant sur des pointes d'aiguilleNote de bas de page 10. Les équipes de conduite et de SDT de VIA, les employés des secteurs du transport et de l'ingénierie du CN et le personnel de la police du CN ont fait savoir que les tronçons régis par la CCC dans la subdivision Bedford du CN, y compris le secteur de Stewiacke, n'étaient pas considérés comme étant susceptibles d'être visés par des actes de vandalisme.

Un examen des lieux de l'accident a révélé la présence de sentiers bien fréquentés aux alentours de l'emprise ferroviaire entre le passage supérieur routier et le centre-ville. Sous le passage supérieur routier proprement dit, on a remarqué des signes matériels d'intrusion (p. ex. de nombreux graffiti, des déchets et des morceaux de verre brisé). Il y a aussi des pistes de véhicules tout terrain dans la région. Dans ce secteur, il n'y avait pas de signalisation avertissant la population locale de rester à l'écart de l'emprise ferroviaire. La seule clôture dans le secteur a été construite par la municipalité de Stewiacke le long du parc situé à l'ouest de la voie principale.

L'Opération Gareautrain est un programme conjoint de l'industrie et des gouvernements qui vise à accroître la sensibilisation du public aux dangers découlant des intrusions sur les emprises ferroviaires et à la sécurité aux passages à niveau. Entre le 1er janvier 2000 et le 16 octobre 2002, des bénévoles de l'Opération Gareautrain ont présenté 104 exposés sur la sécurité à l'occasion de 47 visites dans les différentes localités de la Nouvelle-Écosse. Quelque 9 600 élèves et étudiants, pour la plupart du niveau élémentaire, ont assisté à ces présentations.

1.15 Sécurité des passagers

Une inspection détaillée du matériel roulant, des entrevues avec les membres de l'équipe et des passagers, et un sondage postal réalisé par la suite auprès des passagers ont permis de mettre en évidence certains problèmes concernant la sécurité des passagers.

On a noté que l'accès à une fenêtre issue de secours était bloqué partiellement par une boîte servant au rangement de fauteuils roulants. L'examen de 37 voitures de VIA en acier inoxydable de type HEP 1 (à alimentation électrique de service) a révélé qu'un problème similaire se posait dans huit des voitures. Dans d'autres cas, la boîte de rangement de fauteuils roulants bloquait l'accès au marteau servant à briser le verre de la fenêtre issue de secoursNote de bas de page 11.

Suite à l'impact de la collision, deux lits des chambrettes d'une voiture-lit (VIA 8225) et un lit d'une autre voiture (VIA 8228) sont tombés de la cloison à laquelle ils étaient arrimés au-dessus du siège. En tombant, un des lits en question a heurté un passager à la tête. L'examen du mécanisme de verrouillage a révélé que la chute des lits était vraisemblablement due au fait que les lits avaient été mal arrimés quand on les avait rangés la fois précédente.

Trois employés des SDT sont restés prisonniers à l'intérieur de la cuisine de la voiture-restaurant. Par la suite, TC a mené une enquête de santé et sécurité au travail (SST) aux termes des dispositions de la partie II du Code canadien du travail, portant sur les sorties d'urgence pour les employés travaillant dans les voitures-restaurants (Annexe C).

D'autres problèmes qui ont été mis en évidence lors de cette enquête, c'est-à-dire des articles non arrimés (bagages à main, articles lourds, p. ex. chaises et tables qui sont projetés à l'intérieur des voitures, vaisselle, ustensiles de cuisine), du verre brisé et d'autres objets pointus, étaient communs à d'autres accidents de trains de voyageurs sur lesquels le BST a enquêté entre juillet 1999 et avril 2001 (rapports d'enquête nos R99T0298, R99S0100, R99H0009 et R00M0007 du BST). Le Bureau a examiné séparément les cinq accidents afin de mieux comprendre les données sur la sécurité des passagers et de présenter une image plus complète des problèmes de sécurité dont il était question. Donc, en juillet 2001, on a fait parvenir l'avis de sécurité ferroviaire no 05/01 à TC et à VIA, dans lequel on exposait les problèmes de sécurité des passagers que les enquêtes avaient mis en évidence. À l'avis était annexé un rapport portant sur des observations concernant des problèmes de sécurité relativement mineurs, communs à plusieurs accidents, dont l'accumulation pouvait indiquer un risque possible pour les voyageurs.

2.0 Analyse

Il n'y a aucune incertitude quant à la cause de l'accident, car les dommages au cadenas d'aiguillage et à la chaîne indiquent clairement que l'aiguillage a fait l'objet d'une manipulation intempestive. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a mené une enquête criminelle au terme de laquelle un adolescent de l'endroit a plaidé coupable à une accusation de « méfait susceptible de mettre la vie d'autrui en danger ». Comme le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales, son enquête a porté sur tous les autres aspects qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité des transports.

L'enquête n'a pas relevé de manquements relatifs à la conduite et à l'état mécanique du train. On n'a pas noté de défauts de l'infrastructure de la voie. Le système de signalisation fonctionnait normalement et aucun signal restrictif n'a été signifié ou communiqué à l'intention de l'équipe du VIA 15 pendant que le train approchait de l'aiguillage du point milliaire 46,45. L'analyse portera donc surtout sur les intrusions, sur le verrouillage des aiguillages de voie principale, sur le préavis que l'équipe de conduite a reçu, sur la sécurité des passagers et sur l'intervention d'urgence.

2.1 L'accident

Les forces dynamiques dues au passage du matériel roulant sur l'aiguillage TU-29 déverrouillé ont causé le déplacement des pointes d'aiguille sous le poids du train. Les marques relevées sur l'infrastructure de la voie et l'examen du matériel roulant après le déraillement indiquent que le bogie avant de la quatrième voiture a bifurqué vers l'itinéraire dévié, ce qui a causé un déplacement encore plus accentué des pointes d'aiguille et a entraîné le déraillement des autres voitures.

2.2 Intrusion

La ville de Stewiacke (Nouvelle-Écosse), à l'instar de nombreuses autres municipalités du Canada, s'est construite avec le temps le long de la voie ferrée, si bien qu'aujourd'hui des immeubles sont établis de chaque côté de la voie. Les habitants de ces localités peuvent rarement éviter les voies ferrées et utilisent souvent l'emprise ferroviaire comme raccourci. Malgré la présence de sentiers bien fréquentés et d'autres signes matériels témoignant d'intrusions (p. ex. graffiti, pistes de véhicules tout terrain), il y avait dans le secteur peu de clôtures et de panneaux d'avertissement destinés à dissuader les gens d'y circuler. Les efforts de la police du chemin de fer, de la GRC et de la municipalité (comme l'Opération Gareautrain, des amendes en vertu de la Loi sur les contraventions et des clôtures), bien qu'il s'agisse de mesures positives, n'étaient pas intégrés à une démarche exhaustive de gestion du risque. Faute d'une approche structurée des parties intéressées en ce qui a trait aux intrusions, et faute notamment de principes détaillés concernant l'évaluation et la gestion des risques, la capacité de cerner et de régler les problèmes de sécurité liés aux intrusions, et notamment au vandalisme, était limitée.

2.3 Verrouillage des aiguillages

Une personne ayant le dessein de commettre un acte de vandalisme pourrait s'y prendre de plusieurs façons pour altérer la sécurité du mécanisme d'un aiguillage. Lors de cet accident, on a visé les éléments les plus visibles du mécanisme, en l'occurrence le levier de manœuvre de l'aiguillage et le cadenas qui le retient en place. Les essais d'impact et de traction du BST ont indiqué qu'il est beaucoup plus difficile de briser un cadenas d'aiguillage à haute sécurité qu'un cadenas d'aiguillage standard, ce qui concorde avec les données du BST sur les accidentsNote de bas de page 12. Cependant, l'essai fait au moyen du coupe-boulons a démontré que, peu importe le cadenas employé, on peut couper rapidement et facilement l'œil du levier de manœuvre d'aiguillage, de sorte que l'aiguillage n'est alors plus verrouillé.

Le cadre réglementaire portant sur les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle n'oblige pas les chemins de fer autres que le CFCP à installer des cadenas d'aiguillage à haute sécurité. Par conséquent, les compagnies ont recours à différentes stratégies pour verrouiller les aiguillages, comme le démontrent les réponses fournies par les compagnies membres de l'Association des chemins de fer du Canada. Certaines compagnies n'emploient pas de cadenas d'aiguillage à haute sécurité dans les secteurs où le risque leur semble faible. Toutefois, quand on utilise des cadenas de modèle standard sur des aiguillages à manœuvre manuelle, les risques associés à la manipulation intempestive des aiguillages sont accrus.

De plus, comme l'usage des cadenas d'aiguillage à haute sécurité, plus résistants aux manipulations intempestives, a été limité aux voies dépourvues de signalisation, et comme on n'a pas exigé la généralisation de l'emploi de verrous d'aiguille offrant une protection accrue, le risque d'une mauvaise orientation des aiguillages en raison de manipulations intempestives dans les territoires dépourvus de signalisation s'avérait plus grand qu'il l'aurait été autrement. Les raisons pour lesquelles on a insisté sur les territoires dépourvus de signalisation au milieu des années 1980 étaient évidentes; jusqu'à cet accident, on estimait que les risques de manipulation intempestive des aiguillages étaient faibles dans les territoires à signalisation automatique, car on estimait que le système avait la capacité d'alerter les équipes des trains des dangers latents.

2.4 Préavis

En territoire régi par la CCC, plusieurs dispositifs, comme le système de signalisation ferroviaire et les cibles des aiguillages proprement dits, fournissent aux équipes un préavis sur la position dangereuse des aiguillages de voie principale. Toutefois, l'enquête a révélé qu'il y avait des limites à la sécurité offerte par ces dispositifs.

Quand le verrouillage d'un aiguillage est compromis, mais que les pointes d'aiguille n'ont pas bougé d'au moins ¼ de pouce, le système de signalisation continue d'indiquer à l'équipe du train qui approche que l'alignement de l'aiguillage est conforme aux attentes. De même, si des pointes d'aiguille à manœuvre manuelle sont déplacées après qu'un train a dépassé le dernier signal, le système de signalisation ne communique pas ce dernier changement à l'équipe du train. Dans une telle situation, l'équipe d'un train qui approche ignorerait que la position de l'aiguillage suivant représente un danger. C'est ce qui est arrivé lors de cet accident-ci.

Il faut faire faire un mouvement latéral à l'ensemble constitué des pointes d'aiguille, de la tringle d'écartement et du levier de manœuvre d'aiguillage pour faire tourner le mât de l'appareil de manœuvre d'aiguillage et pour faire en sorte que l'équipe d'un train qui approche voie une cible et un voyant rouges indiquant que l'aiguillage est orienté pour un itinéraire dévié. Toutefois, si le levier d'un appareil de manœuvre est déverrouillé, ou si les pointes d'aiguille sont seulement entrouvertes, la cible d'aiguillage montrera quand même une indication normale (p. ex. verte), induisant en erreur l'équipe d'un train qui approche (figure 15 et figure 16).

Bien qu'il y ait peu de risques de manipulation illicite d'aiguillages dans les territoires à signalisation automatique, les équipes des trains et le public sont menacés du fait que ni le système de signalisation ni les cibles des aiguillages ne sont fiables lorsqu'il s'agit de signaler qu'un aiguillage de voie principale n'est pas verrouillé correctement.

Figure 15. Cible d'aiguillage pour un aiguillage verrouillé. Notez que le levier de manœuvre d'aiguillage est abaissé et verrouillé en place.
 
Cible d'aiguillage pour un aiguillage verrouillé
Figure 16. Cible d'aiguillage pour un aiguillage entrouvert. Notez que le levier de manœuvre d'aiguillage est relevé et que l'aiguillage est déverrouillé, et notez aussi les similitudes entre la cible et celle de la figure 15.
Cible d'aiguillage pour un aiguillage entrouvert

Les équipes de conduite doivent disposer d'informations qui reflètent la position véritable des aiguillages qu'elles vont rencontrer. Ni le système de signalisation ni la cible d'aiguillage n'ont pu informer l'équipe du VIA 15 que l'aiguillage TU-29 était mal orienté et qu'il était déverrouillé. Par conséquent, l'équipe du train n'a pas eu de préavis du changement dans la position de l'aiguillage.

En raison du manque de concordance entre l'information fournie à l'équipe et la position véritable de l'aiguillage, l'équipe n'a pas été en mesure de réagir au danger (figure 17).

Figure 17. Les photographies montrent que les pointes d'aiguille sont ouvertes de 3/16 de pouce, mais que le signal de CCC montre quand même un feu vert.

Figure 17. Les photographies montrent un levier de manoeuvre d'aiguillage déverrouillé et partiellement relevé,
alors que la cible d'aiguillage est quand même au vert.

D'autres mesures de limitation des risques, comme l'assujettissement semi-permanent des pointes d'aiguille (utilisation de crampons pour fixer les pointes d'aiguille en position normale) ou des mesures de protection additionnelles faisant appel à des verrous d'aiguille, auraient pu réduire les conséquences du vandalisme touchant les cadenas utilisés pour verrouiller les leviers de manœuvre d'aiguillage.

2.5 Sécurité des passagers

L'emplacement des boîtes de rangement pour fauteuils roulants dans certaines des voitures de type HEP 1 a représenté un risque potentiel pour les passagers qui devaient accéder rapidement aux issues de secours en cas d'urgence. En cas d'évacuation, une fenêtre issue de secours pourrait être inutile si l'accès à la fenêtre ou au marteau servant à briser la vitre était bloqué par la boîte servant au rangement des fauteuils roulants.

L'enquête a aussi révélé que les lits de certaines voitures-lits peuvent être rangés et sembler être bien arrimés, alors qu'ils ne le sont pas. Bien que le passager n'ait pas été blessé dans ce cas-ci, un tel incident pourrait causer des blessures graves dans d'autres circonstances.

2.6 Intervention d'urgence

L'intervention d'urgence consécutive au déraillement a été la plus grande opération de ce genre dans la province de la Nouvelle-Écosse depuis l'accident de la Swissair (vol no SR111) en 1998, et elle a fait appel à de nombreux organismes municipaux et provinciaux. Après l'accident, les organismes qui ont participé à l'intervention se sont réunis sous les auspices de l'organisme provincial responsable des mesures d'urgence, afin de se pencher sur l'intervention et d'en faire une évaluation. Les participants ont conclu que l'intervention d'urgence avait été bien coordonnée et qu'il n'y avait eu aucune défaillance majeure susceptible d'influer sur les soins fournis aux passagers.

2.7 Enregistreurs des conversations de cabine

Depuis le milieu des années 1990, le BST plaide en faveur de l'installation obligatoire d'enregistreurs des conversations de cabine qui compléteraient l'information saisie par les consignateurs d'événements des locomotives. Les sons enregistrés peuvent jouer un rôle important aux fins de l'enquête et aider à déterminer les manquements à la sécurité. Bien que les bandes d'enregistrement du CCF soient utilisées couramment, les chemins de fer ne disposent pas tous de moyens d'enregistrement des conversations de CCF et ils ne sont d'ailleurs pas tenus d'en avoir. L'environnement sonore de la cabine de la locomotive est enregistré seulement à l'occasion de conversations téléphoniques de nature générale avec le mécanicien dans la cabine, ou quand le mécanicien utilise la radio de la locomotive pour communiquer avec le CCF et qu'on dispose de moyens d'enregistrement sur bande des conversations avec le CCF. Aucun autre enregistrement de conversations ou enregistrement de l'environnement sonore n'est disponible pour analyse puisqu'il n'y a pas de moyens d'enregistrement continu à bord.

Trop souvent, les enquêteurs du BST ne sont pas en mesure de faire une analyse complète des événements qui ont précédé un accident, parce qu'ils ne disposent pas d'informations suffisantes. Alors que l'exploitation ferroviaire est fortement tributaire des communications verbales, il n'existe pas à l'heure actuelle de moyens permettant d'enregistrer, et d'évaluer par la suite, les sons qu'on entend avant un accident, ce qui peut entraver le travail des enquêteurs. Lors de l'accident, l'existence d'un enregistrement audio de l'environnement sonore de l'intérieur de la locomotive et l'enregistrement sur bande des conversations avec le CCF ont permis au BST de déterminer la position du train pendant des communications critiques du point de vue de la sécurité (obtention d'une feuille de libération ROV) pendant la durée de la conversation antérieure à l'accident. Ces éléments ont facilité le déroulement de l'enquête.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Les dommages causés au cadenas d'aiguillage et à la chaîne ont indiqué clairement que l'aiguillage de voie principale TU-29 avait été déverrouillé du fait de manipulations intempestives.
  2. Le train a déraillé quand les voitures ont bifurqué vers l'itinéraire dévié à la hauteur de l'aiguillage déverrouillé.
  3. La présence d'un cadenas d'aiguillage de modèle standard sur l'aiguillage TU-29 a accru les risques associés à l'aiguillage vandalisé.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Comme ni le système de signalisation ni la cible de l'aiguillage n'ont donné à l'équipe du VIA 15 des renseignements sur l'aiguillage mal orienté et déverrouillé, le train qui approchait n'a pas reçu de préavis de la position véritable de l'aiguillage.
  2. Faute d'une approche structurée des parties intéressées en ce qui a trait aux intrusions, et faute notamment de principes détaillés quant à l'évaluation et à la gestion des risques, la capacité de trouver et de régler les problèmes de sécurité liés aux intrusions, et notamment au vandalisme, était limitée.
  3. L'emplacement des boîtes de rangement pour fauteuils roulants dans certaines voitures empêchait d'accéder facilement aux fenêtres issues de secours, ce qui pouvait empêcher la sortie des passagers en cas d'urgence.
  4. Quand les lits de certaines des voitures-lits sont rangés, ils peuvent sembler être arrimés correctement alors qu'ils ne le sont pas, et ils représentent alors un risque pour les occupants.

3.3 Autres faits établis

  1. L'intervention d'urgence a été bien coordonnée et a été exécutée de façon prompte et avec professionnalisme.
  2. L'existence d'un enregistrement audio reproduisant l'environnement sonore de la locomotive, en plus des conversations, a permis de mieux comprendre les activités de l'équipe et a facilité le déroulement de l'enquète.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Stewiacke - Embranchement industriel

En mai 2001, des représentants de VIA Rail Canada ont présenté des exposés sur l'Opération Gareautrain dans deux écoles de la région de Stewiacke; ils ont aussi visité d'autres écoles de la région.

En août 2001, le Canadien National (CN) a supprimé l'aiguillage TU-29 et les voies associées dans la subdivision Bedford et il a placé dans le secteur de Stewiacke des panneaux de signalisation additionnels destinés à prévenir les intrusions.

Le bureau régional de l'Atlantique de Transports Canada (TC) a choisi Stewiacke et les municipalités environnantes pour y présenter le Guide communautaire de prévention des intrusions. Élaboré dans le cadre du programme Direction 2006, le guide offre des renseignements détaillés sur la façon dont les chemins de fer, les collectivités, les services de police et d'autres groupes peuvent collaborer à la mise en œuvre d'activités de prévention des intrusions.

4.1.2 Protection des aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle

Les essais réalisés par le BST ont indiqué qu'un cadenas d'aiguillage à haute sécurité aurait été beaucoup moins susceptible d'être endommagé ou saccagé que le cadenas d'aiguillage de modèle standard. Pour accroître la sécurité et réduire les risques de vandalisme, le CN et le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) ont tous deux revu leurs politiques et leurs pratiques relatives à l'installation des cadenas d'aiguillage à haute sécurité. Dans le cadre de cette révision, plusieurs milliers de cadenas d'aiguillage à haute sécurité ont été installés sur tous les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle, aussi bien en territoire à signalisation automatique qu'en territoire dépourvu de signalisation. On a accordé la priorité aux endroits où des trains de voyageurs circulaient et aux secteurs susceptibles de subir des actes de vandalisme. Chaque compagnie a révisé les articles pertinents de ses circulaires sur les méthodes normalisées, de façon qu'elles tiennent compte des exigences plus rigoureuses concernant les cadenas.

Les compagnies de chemin de fer n'ont pas toutes pris de telles mesures. Les programmes concernant l'utilisation des cadenas d'aiguillage à haute sécurité et des verrous d'aiguille diffèrent d'une compagnie à l'autre, et certaines n'ont pas élaboré un programme à ce sujet. En raison des risques pour la sécurité attribuables au vandalisme sur les aiguillages, le BST a publié en août 2001 l'avis de sécurité ferroviaire no 06/01, portant sur les cadenas installés sur les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle, et intitulé Switch Locks on Hand Operated Main Track Switches. Dans cet avis, le BST a conclu que :

(Traduction)

... étant donné les risques que le vandalisme sur les aiguillages représente pour la sécurité ferroviaire, Transports Canada voudra peut-être examiner les différences dans les pratiques des chemins de fer quant à l'emploi de cadenas d'aiguillage à haute sécurité et de verrous d'aiguille sur les aiguillages de voie principale à manœuvre manuelle, en portant une attention particulière aux compagnies dont les réseaux font passer des trains de voyageurs.

TC a fait savoir qu'un bref survol des chemins de fer sur courtes distances a révélé que ceux-ci se conformaient pour la plupart aux exigences de l'ordonnance no R-39910, ou qu'ils procédaient aux mises à niveau nécessaires pour s'y conformer. TC a signalé qu'il a procédé à un sondage auprès des autres compagnies de chemin de fer au sujet de l'emploi des cadenas d'aiguillage à haute sécurité et des verrous d'aiguille. Les résultats du sondage indiquent que les aiguillages de voie principale de chemins de fer sous juridiction fédérale sont maintenant munis de cadenas à haute sécurité.

4.1.3 Sécurité des passagers

En avril et mai 2001, TC et l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC) ont présenté en des endroits stratégiques du pays des ateliers conjoints destinés à éduquer les compagnies de chemin de fer, les syndicats et les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux au sujet du nouveau Règlement relatif à la sécurité des voyageurs et de la circulaire d'accompagnement no 6 intitulée Sécurité des voyageurs et directives en cas d'urgence. Le matériel de formation de VIA a été partagé avec les autres compagnies participantes qui assurent le transport de voyageurs. Les modules de formation et les vidéos élaborées par VIA ont été mis à la disposition des compagnies membres de l'ACFC qui en faisaient la demande.

Le 20 juillet 2001, le BST a publié à l'intention de TC l'avis de sécurité ferroviaire no 05/01, intitulé Observations of Railway Passenger Safety in Canada, portant sur la sécurité des passagers des trains de voyageurs au Canada. Dans cet avis, le BST conclut qu'un grand nombre de problèmes relativement mineurs quant à la sécurité des passagers restent à régler, et que ces problèmes, qui ne posent pas un risque considérable individuellement, peuvent engendrer un risque systémique s'ils sont combinés. Le Bureau a déclaré que :

(Traduction)

Transports Canada et l'industrie voudront peut-être examiner ces questions sous l'aspect des risques combinés, et évaluer la pertinence de leurs cadres réglementaires actuels et de leurs cadres de gestion de la sécurité relatifs à ces questions.

TC a répondu le 10 septembre 2001, disant que le personnel du Ministère avait rencontré des représentants de VIA le 13 août 2001. De plus, TC a fourni à l'ACFC une copie de l'avis de sécurité ferroviaire pour que l'Association puisse porter ces questions à l'attention des autres compagnies membres de l'ACFC qui font le transport de voyageurs. En janvier 2003, le BST a demandé à TC où il en était rendu; des mesures correctives sont en cours d'exécution et TC en assure le suivi.

En juillet 2001, le BST a adressé à TC l'avis de sécurité ferroviaire no 03/01 intitulé Wheelchair Box on VIA HEP 1 Passenger Cars Obstructing Access to Emergency Exit Window and Hammer, portant sur les boîtes de rangement de fauteuils roulants qui gênent l'accès aux fenêtres issues de secours et aux marteaux des issues de secours, à bord des voitures voyageurs de modèle HEP 1 de VIA. L'avis de sécurité conclut que :

(Traduction)

... étant donné les risques que cette situation représente pour le personnel et les passagers de la compagnie de chemin de fer pendant une évacuation, Transports Canada, en collaboration avec VIA Rail, voudra peut-être réévaluer la localisation actuelle des boîtes de rangement pour fauteuils roulants dans toutes les voitures HEP 1.

Le 8 août 2001, TC a fait savoir que, pour corriger la situation, le Ministère recommandait à VIA de placer les marteaux à un autre endroit dans toutes les voitures HEP 1. Par la suite, VIA a modifié l'emplacement des marteaux ainsi que celle des boîtes de rangement des fauteuils roulants, dans toutes les voitures HEP 1.

En juillet 2001, le BST a adressé à TC l'avis de sécurité ferroviaire no 04/01 intitulé Securement of Beds in VIA Sleeping Cars, portant sur l'arrimage des lits dans les voitures-lits de VIA. Dans la lettre, on conclut que :

(Traduction)

Transports Canada voudra peut-être aviser VIA de l'opportunité d'examiner les procédures de verrouillage et de veiller à ce que les employés des services dans les trains (SDT) s'assurent que tous les lits sont arrimés correctement quand ceux-ci sont rangés.

Le 8 août 2001, TC a indiqué qu'une consigne d'entretien de VIA (no C604/003, publiée en avril 1992) s'appliquait à cette question et qu'on rappelait aux employés de SDT qu'il était important de se conformer à la consigne. VIA a aussi donné aux employés de SDT des instructions disant d'écouter pour entendre le « déclic » du mécanisme de verrouillage quand ils arriment les lits des voitures-lits. TC a ajouté qu'après ce déraillement, VIA a inspecté (et a fait réparer au besoin) les mécanismes de verrouillage des lits de toutes ses voitures-lits.

4.1.4 Sorties de secours, arrimage des articles, communications et éclairage

Suite à l'enquête de SST menée aux termes de la partie II du Code canadien du travail, TC a adressé une ordonnance à VIA concernant la sortie de secours de la cuisine de la voiture (Annexe C). En réponse à cette ordonnance, VIA a mis en branle un programme d'installation dans les cuisines de fenêtres munies de dispositifs d'ouverture d'urgence.

Dans son rapport final sur l'enquête de SST, TC a aussi indiqué :

  1. que les radios portatifs et moniteurs radio que les employés des trains portent sur eux devraient être fixés solidement à leur personne en tout temps;
  2. que la verrerie, la vaisselle et les ustensiles de cuisine devraient être arrimés de façon sûre quand on ne s'en sert pas;
  3. que les lampes de poche dont les employés sont munis devraient être attachées solidement et de façon permanente à leur personne en tout temps et qu'elles devraient être placées dans un étui d'où elle ne peuvent pas être délogées;
  4. qu'on devrait déplacer le téléphone par satellite pour l'installer dans la dernière voiture du train et que les employés devraient recevoir la formation voulue et être qualifiés pour s'en servir.

VIA s'est dit d'accord avec les trois premières recommandations et a pris des mesures en ce sens. Dans le cas de la quatrième, VIA a dit qu'il ne serait pas matériellement possible de déplacer le téléphone par satellite, mais qu'il avait mis sur pied un programme de formation visant à donner aux employés des trains les qualifications voulues pour se servir du téléphone mobile.

4.1.5 Examen des règles d'exploitation

L'Association des chemins de fer du Canada a demandé au comité responsable des règles d'exploitation d'examiner le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada et de le réviser éventuellement de façon à y intégrer les principes énoncés dans l'ordonnance no R-39910. S'il s'avérait nécessaire de modifier les règles d'exploitation, les changements s'appliqueraient pratiquement à l'ensemble de l'industrie ferroviaire du Canada.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .

Annexes

Annexe A – Position du matériel roulant après l'accident

Une inspection sur les lieux du déraillement a révélé que :

Annexe B – Liste des rapports pertinents

Le 26 octobre 2001, le Laboratoire technique du BST a rédigé le rapport no LP 046/01, intitulé Switch Lock/Stand Tests. Le tableau ci-après montre les résultats des essais dont le cadenas et l'appareil de manœuvre d'aiguillage ont fait l'objet.

ESSAIS DE TRACTION
Cadenas Charge max. (lb) Commentaires
Std neuf 1 2950 rupture interne
Std neuf 2 3450 rupture de l'arceau
Std neuf 3 3150 rupture interne
Moyenne 3183  
Std usagé 1 1900 rupture interne
Std usagé 2 2050 rupture interne
Std usagé 3 1850 rupture interne
Moyenne 1933  
Haute sécurité 1 10500 rupture de l'arceau
Haute sécurité 1 11580 rupture de l'arceau
Moyenne 11040  
Haute sécurité 2 10500 rupture interne
Haute sécurité 2 8880 rupture interne, rupture de l'arceau
Moyenne 9690  
ESSAIS DE CHOC
Cadenas Coups de marteau (16 oz) Temps (m:s) Commentaires
Std neuf 1 23 1:14 rupture de l'arceau
Std neuf 2 35 1:28 rupture interne
Std neuf 3 42 1:16 rupture interne
Moyenne 33 Moyenne 1:19
Std usagé 1 11 0:20 rupture de l'arceau
Std usagé 2 16 0:27 rupture interne
Std usagé 3 41 1:18 rupture interne
Moyenne 22 Moyenne 0:42
Haute sécurité 1 105+ 3:15+ pas de signes de rupture
Haute sécurité 2 105/133 3:56 signes de rupture après 105 coups, rupture interne après 28 coups additionnels

COUPE-BOULONS

On a coupé facilement l'œil du levier de l'appareil de manœuvre d'aiguillage à l'aide d'un coupe-boulons à poignées de 12 pouces, le cadenas devenant alors inutile. Il a fallu 20 secondes pour couper la pièce.

Annexe C – Partie II du Code canadien du travail Instruction à l'employeur

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL,
PARTIE II, SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR AUX TERMES DU PARAGRAPHE 145(1)

(Traduction)

L'agent de la santé et de la sécurité soussigné a enquêté sur des blessures graves et invalidantes que des employés de VIA Rail ont subies sur les lieux de travail de VIA Rail Canada, un employeur régi par le Code canadien du travail, Partie II, au point milliaire 46,6 de la subdivision Bedford de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, à Stewiacke (Nouvelle-Écosse), le 12 avril 2001.

Ledit agent est d'avis qu'on a contrevenu à l'article suivant du Code canadien du travail, Partie II :

Article 124 du Code canadien du travail, Partie II.

VIA Rail n'a pas assuré la protection des employés qui sont restés prisonniers du secteur cuisine/garde-manger de la voiture-restaurant, car il n'a pas veillé à ce que les premiers intervenants puissent avoir accès à la voiture et à ce que les employés puissent utiliser la fenêtre pour quitter la voiture.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à la contravention au plus tard le 19 novembre 2001.

Fait à Moncton le 21 juin 2001.

Annexe D – Sigles et abréviations

ACFC
Association des chemins de fer du Canada
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CCC
commande centralisée de la circulation
CCF
contrôleur de la circulation ferroviaire
CFCP
Chemin de fer Canadien Pacifique
CMN
Circulaire sur les méthodes normalisées
CN
Canadien National
GRC
Gendarmerie royale du Canada
HAA
heure avancée de l'Atlantique
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matières dangereuses
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voiture à alimentation électrique de service
km
kilomètre
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service dans les trains
SDV
Système de détection en voie
SSU
services sanitaires d'urgence
TC
Transports Canada
UTC
temps universel coordonné
VIA
VIA Rail Canada Inc.