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Rapport d'enquête ferroviaire R13Q0012

Collision à un passage à niveau
Train de voyageurs numéro 24
exploité par VIA Rail Canada Inc.
Point milliaire 15,62 de la subdivision de Bridge
près de la Gare du Palais
Québec (Québec)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 2 mai 2013, vers 19 h 48, heure avancée de l'Est, le train de voyageurs no 24 de VIA Rail Canada Inc., qui exécute une manœuvre en marche arrière entre la Gare du Palais et le triage Limoilou à Québec (Québec), entre en collision avec un camion semi-remorque au passage à niveau privé menant à l'usine Papiers White Birch. La dernière voiture de voyageurs est endommagée, et le camion semi-remorque est détruit. L'accident ne fait aucun blessé. Près de 300 litres de carburant diésel provenant du réservoir du camion semi-remorque se répandent sur le sol.

Renseignements de base

Le 2 mai 2013, vers 16 h 10 Note de bas de page 1, le train de voyageurs no 24 (le train) exploité par VIA Rail Canada Inc. (VIA) part de Montréal (Québec) vers l'est à destination de la Gare du Palais à Québec (Québec) (figure 1). Il arrive à destination à 19 h 32. Le train se compose de 1 locomotive et de 7 voitures. Il mesure environ 670 pieds et pèse quelque 560 tonnes. L'équipe de conduite du train compte 2 mécaniciens : 1 mécanicien aux commandes (MAC) et 1 autre qui a la responsabilité du train (MR) et assure la protection du mouvement. Les 2 mécaniciens satisfont aux normes en matière de repos et de condition physique, répondent aux exigences de leurs postes respectifs, et connaissent bien le territoire.

Figure 1. Lieu de la collision (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)
Carte du lieu de la collision

Après le débarquement des voyageurs, l'équipe a réapprovisionné la locomotive en carburant et a exécuté une manœuvre en marche arrière dans le triage Limoilou en vue du voyage du lendemain vers Montréal. Afin de protéger le mouvement, le MR, qui se trouvait dans la dernière voiture du train, a transmis par radio les instructions au MAC. Vers 19 h 40, le train a amorcé la manœuvre en marche arrière et a positionné la locomotive au droit de la plateforme de ravitaillement en carburant, située à la sortie de la gare. Pendant que le ravitaillement en carburant s'effectuait, le MR est descendu du train pour aller orienter les aiguillages de la liaison XX03 afin de permettre au train d'accéder au triage.

Vers 19 h 47, une fois le ravitaillement complété et après avoir reçu l'autorisation du MR, qui se trouvait au sol, le train a repris la manœuvre en marche arrière. Après avoir franchi environ 480 pieds et atteint une vitesse de 13 mi/h, le train est entré en collision avec un camion semi-remorque, qui s'était engagé sur le passage à niveau privé en provenance du boulevard des Capucins. La dernière voiture de voyageurs (VIA 7202) a été endommagée. Le camion semi-remorque a été totalement détruit. L'accident n'a fait aucun blessé.

Conformément au plan d'urgence de l'usine Papiers White Birch, le gardien posté à la guérite d'entrée a communiqué avec les services d'urgence, qui ont rapidement réagi. Les intervenants d'urgence ont constaté que 300 litres de carburant diésel provenant du réservoir du camion semi-remorque accidenté s'étaient déversés. Le boulevard des Capucins a été fermé à la circulation dans les 2 sens pour quelques heures, le temps que le site soit remis en état par les pompiers de la ville et de l'usine.

Au moment de la collision, la température était de 8°C, le temps était clair, et la visibilité était bonne.

Renseignements sur la voie

La subdivision de Bridge est constituée d'une voie principale simple qui s'étend de Joffre, près de Charny (Québec), au point milliaire 0,0, à la Gare du Palais, au point milliaire 15,9. La circulation des trains est régie par la commande centralisée de la circulation (CCC) autorisée aux termes du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), sous la supervision d'un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal. La subdivision est une voie de catégorie 4, au sens du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse maximale autorisée est de 75 mi/h pour les trains de voyageurs et de 45 mi/h pour les trains de marchandises. Toutefois, dans la zone de l'accident, une limite de vitesse permanente de 15 mi/h est en vigueur. La circulation ferroviaire comporte 8 trains de voyageurs par jour, et les trains de marchandises peuvent traverser les passages à niveau jusqu'à 35 fois par jour lors des manœuvres de triage.

La voie FL09 et la voie AL01 sont utilisées uniquement par des trains de marchandises effectuant des manœuvres ou desservant le port de Québec ou la papetière. Tous les mouvements qui circulent sur ces 2 voies sont régis par la règle 105 du REF. La règle 105 stipule en partie que, sous réserve d'instructions spéciales, les mouvements qui circulent sur une voie non principale doivent rouler à une vitesse qui permet de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité du matériel roulant. La vitesse autorisée sur ces 2 voies ne doit pas dépasser 10 mi/h.

Particularités de la voie

La voie ferrée était composée de rails boulonnés de 115 livres, posés sur des selles à double épaulement retenues à chaque traverse par 3 crampons, encadrées par des anticheminants à toutes les 3 traverses. Il y avait environ 3200 traverses de bois dur par mille de voie. Le ballast était composé de pierre concassée et de gravier. La voie était en bon état.

Examen des lieux

L'arrière de la voiture VIA 7202 s'est immobilisé à environ 20 pieds à l'ouest du passage à niveau. Le camion semi-remorque a été poussé le long de la voie et s'est immobilisé contre la clôture séparant le boulevard des Capucins et l'emprise du chemin de fer. Un peu avant la collision, un camion sortant de l'usine s'était arrêté juste avant le passage à niveau.

L'entrée principale de l'usine Papiers White Birch est située sur le boulevard des Capucins. Le chemin d'accès comporte un passage à niveau privé qui croise 3 voies ferrées : la voie principale utilisée par les trains de VIA; la voie FL09, qui donne accès au port de Québec depuis le triage Limoilou; et la voie AL01, qui dessert l'usine Papiers White Birch (figure 2).

Figure 2. La zone de collision
Carte de la zone de collision

Le nombre de véhicules qui franchissent le passage à niveau en moyenne chaque jour s'élève à environ 240 camions lourds et quelque 400 automobiles. Les véhicules routiers qui arrivent de l'est doivent effectuer un virage à angle droit pour pénétrer dans l'usine à partir du boulevard des Capucins. Le virage est contrôlé par des feux de circulation pourvus de flèches directionnelles.

La guérite est équipée d'un système d'avertissement sonore et visuel branché au circuit du canton de la voie principale, entre les points milliaires 14,49 et 15,87 (Gare du Palais). À l'approche d'un train sur la voie principale, le système déclenche une cloche extérieure et une lumière stroboscopique placée dans la guérite où est posté le gardien qui contrôle les entrées et les sorties de l'usine. Les barrières qui protègent le passage à niveau doivent être actionnées manuellement par le gardien à l'approche des trains. Le système d'avertissement sonore ainsi que le système de contrôle des barrières interagissent avec les feux de circulation routière pour éviter les mouvements conflictuels. Des boutons sélecteurs placés sur le panneau de contrôle à l'intérieur de la guérite permettent au gardien d'isoler volontairement le circuit de la cloche et la connexion avec les feux de circulation, même lorsque le canton est occupé par un train. De même, on peut couper l'interaction entre le mouvement des barrières et les feux de circulation. En raison du délai de réaction de l'équipement, il est possible que les barrières s'abaissent alors que les feux de circulation affichent encore une indication permissive (flèche verte) aux usagers routiers qui veulent accéder à la papetière.

Un passage à niveau piétonnier, qui dessert une piste cyclable, est situé à environ 230 pieds à l'ouest du passage routier, et est pourvu d'un système d'avertissement automatisé. Ce système protège les utilisateurs de la piste de toute circulation ferroviaire sur la voie principale et la voie FL09. Il est équipé d'un système d'avertissement complet, avec des feux clignotants, une cloche, et des barrières ainsi que d'un système de détection qui permet aux barrières de se relever et à la cloche de s'interrompre si un mouvement de train s'immobilise. Les barrières s'abaissent à nouveau dès que le train poursuit son mouvement. Selon un comptage réalisé par la Ville de Québec, environ 800 personnes à l'heure empruntent ce passage à niveau en périodes de pointe, et environ 200 personnes à l'heure l'empruntent entre 18 h et 19 h.

Sur la voie FL09, il n'y a pas de circuit de canton pour avertir le gardien de l'approche d'un train. L'usine Papiers White Birch a installé une caméra sur le toit de la guérite qui détecte les mouvements des barrières du passage à niveau piétonnier. La caméra déclenche un avertisseur sonore à l'intérieur de la guérite pour informer le gardien qu'un train en mouvement s'approche. Ce système de détection manque de fiabilité, car l'avertisseur sonore peut se déclencher au passage d'un véhicule sur le viaduc de l'autoroute Dufferin, ou au passage d'oiseaux.

La voie privée AL01, qui dessert la papetière, est reliée à la voie FL09. Elle ne croise pas le passage à niveau piétonnier. Le gardien ne reçoit aucun avertissement préalable lorsque la voie est occupée par un train, et doit observer l'approche d'un matériel roulant pour sécuriser le passage à niveau.

Le camion semi-remorque

Le conducteur du camion semi-remorque satisfaisait aux normes en matière de repos et de condition physique, répondait aux exigences de son poste, et connaissait bien le territoire. Le conducteur effectuait environ 3 voyages aller-retour par semaine, d'une durée d'environ 5 heures chacun, et empruntait toujours le même trajet.

Le jour de l'accident, le conducteur a quitté St-Pamphile (Québec) vers 17 h avec un chargement de copeaux. Après avoir traversé le pont de la rivière Saint-Charles, le conducteur s'est approché de l'entrée principale de la papetière par l'est, comme il le faisait régulièrement. Le feu de circulation contrôlant l'accès à la papetière donnait une indication permissive de tourner vers la droite (flèche horizontale verte), et la barrière du passage à niveau était levée. Après que le conducteur du camion semi-remorque a amorcé un virage large à basse vitesse, les barrières du passage à niveau ont commencé à descendre à l'insu du camionneur. Le camion semi-remorque s'est avancé vers le passage à niveau et a été heurté par la dernière voiture du train qui effectuait une manœuvre en marche arrière sur la voie principale.

Enregistrements

La vidéo provenant de la caméra de surveillance située sur le toit de la guérite, ainsi que les données téléchargées du consignateur d'événements de la locomotive, ont révélé l'ordre chronologique du déroulement des événements, comme il suit :

Plus particulièrement, la vidéo a montré que les barrières du passage à niveau ont commencé à baisser au moment où le camion semi-remorque amorçait un virage et s'engageait sur le passage à niveau. Lorsque la barrière est arrivée en position horizontale, l'avant du camion semi-remorque se trouvait déjà sur la voie principale.

La guérite d'entrée

La guérite de l'usine Papiers White Birch est située du côté nord-est de l'entrée donnant accès à la papetière à partir du boulevard des Capucins. Le gardien est chargé de contrôler les entrées et les sorties des véhicules routiers et de veiller à leur sécurité au passage à niveau. L'intérieur de la guérite est aménagé de façon à permettre au gardien de surveiller et de contrôler la circulation routière et piétonnière. De larges surfaces vitrées permettent de voir les véhicules qui entrent et sortent de la papetière. Le poste de travail contient plusieurs équipements de communication, ainsi que des écrans et des boutons qui contrôlent les barrières, la cloche et autres dispositifs. La configuration du bureau du gardien et son champ visuel favorisent l'observation des mouvements routiers à sa droite. Toutefois, des colonnes du bâtiment et plusieurs étagères restreignent le champ visuel du gardien en direction de la Gare du Palais (photo 1).

Photo 1. Vue entravée en direction de la Gare du Palais à partir de l'intérieur de la guérite
Image du vue entravée en direction de la Gare du Palais à partir de l'intérieur de la guérite

Quand un train quitte la Gare du Palais, le système d'avertissement s'enclenche et avertit le gardien, lequel abaisse les barrières pour protéger le mouvement. Toutefois, lorsque le train s'arrête pour le ravitaillement en carburant, le gardien peut intervenir en coupant la cloche et en relevant les barrières pour permettre aux véhicules routiers de traverser le passage à niveau. Lorsque le train reprend son mouvement après le ravitaillement, le gardien ne reçoit pas un deuxième avertissement avant que le système de détection du passage à niveau piétonnier ne réagisse pour actionner les barrières et ensuite déclencher l'alarme sonore du détecteur de mouvement.

Avant l'accident , le gardien n'a pas été en mesure de déceler le début du mouvement du train et n'a pas abaissé les barrières immédiatement pour protéger le passage à niveau.

Ravitaillement en carburant

Le ravitaillement du train a duré environ 5 minutes. En règle générale, le ravitaillement en carburant d'une locomotive de VIA prend une quinzaine de minutes. Cependant, la durée du ravitaillement peut varier d'un jour à l'autre selon la quantité de carburant requise.

Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada

Une manœuvre en marche arrière s'effectue conformément à la règle 115 du REF intitulée « Pousse du matériel roulant ». Cette règle précise ce qui suit :

(a) Lorsqu'un matériel roulant est poussé par une locomotive ou qu'il est précédé d'une locomotive télécommandée sans personnel en cabine, un membre de l'équipe doit être posté sur le véhicule de tête ou au sol, de façon à pouvoir observer la voie à utiliser et donner les signaux ou les instructions nécessaires pour diriger le mouvement.

EXCEPTION : Un membre de l'équipe n'a pas besoin de se poster de la sorte lorsqu'il est confirmé que la portion de voie à utiliser est libre. Cependant, du matériel roulant non précédé d'une locomotive ne doit pas s'approcher à moins de 100 pieds de tout passage à niveau public, privé ou de ferme, sauf si le passage est protégé conformément à la règle 103, paragraphe (b) ou (g)Note de bas de page 3.

La règle 103 b) stipule ce qui suit :

Lorsque prescrit par une instruction spéciale ou lorsque des voitures ou des wagons non précédés par une locomotive, un chasse-neige ou autre matériel roulant équipé d'un sifflet et d'un phare avant, sont déplacés sur un passage à niveau public, un membre de l'équipe doit protéger manuellement le passage à niveau public jusqu'à ce qu'il soit entièrement occupéNote de bas de page 4.

La règle 103 g) précise ce qui suit :

Lorsqu'un membre de l'équipe ou tout autre employé qualifié doit protéger manuellement un passage à niveau, il sera posté au sol en avant du mouvement de façon à pouvoir arrêter la circulation routière et les piétons avant que le mouvement engage le passage à niveau. Pour ce faire, il aura recours à un signal de la main le jour, et à un feu ou une torche allumée la nuit. Le mouvement ne doit pas obstruer le passage à niveau tant qu'il n'a pas reçu, de l'employé qui protège manuellement le passage à niveau, un signal de le faire.

Lorsqu'il est confirmé que le passage à niveau est libre de circulation, et qu'il le restera jusqu'à ce qu'il soit occupé, il n'est pas nécessaire d'assurer une protection manuelleNote de bas de page 5.

Manœuvre en marche arrière

Lors de la manœuvre en marche arrière vers le triage Limoilou, le MR doit tout d'abord orienter les aiguillages de la liaison XX03, qui se trouvent à environ 1000 pieds du train. Normalement, le MR retourne ensuite vers le train afin d'assurer la sécurité du mouvement. La position du MR au sol peut varier d'un jour à l'autre, dépendamment de la durée du ravitaillement en carburant. Le MR peut retourner vers le train ou attendre près de la voie de liaison avant de remonter à bord.

Une fois le ravitaillement complété, le MAC avise le MR qu'il est prêt à compléter la manœuvre. Le MR s'assure que le passage à niveau de l'usine Papiers White Birch n'est pas occupé avant de donner l'autorisation de faire marche arrière. Il porte ensuite son attention sur le mouvement des barrières et leur position avant d'annoncer au MAC que la protection du passage à niveau est en place ou en voie de l'être.

Analyse

Étant donné que le train VIA est entré en collision avec le camion semi-remorque qui franchissait le passage à niveau, l'analyse portera essentiellement sur la protection des passages à niveau et sur les règles du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) qui s'y appliquent.

L'accident

Après avoir complété son ravitaillement, le train a reçu du mécanicien responsable du train (MR), qui se trouvait au sol au-delà du passage à niveau piétonnier, l'autorisation de reprendre la manœuvre en marche arrière. Le train s'est approché du passage à niveau privé alors que le camion semi-remorque amorçait un virage pour entrer à la papetière. Le gardien avait relevé les barrières du passage à niveau pendant le ravitaillement du train. Le feu de circulation du boulevard des Capucins, qui contrôle l'entrée à la papetière, affichait une indication permissive. Par conséquent, la protection du passage à niveau n'était pas en place pour empêcher des mouvements conflictuels entre le train et les véhicules routiers. Le gardien a remarqué le mouvement du train à la dernière minute et a abaissé les barrières. Le conducteur du camion semi-remorque a remarqué la descente de la barrière opposée, mais il était trop tard pour s'arrêter. Les freins d'urgence du train ont été serrés, mais le train n'a pas pu être arrêté, et il a heurté le camion semi-remorque.

Règles 103 et 115 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada

Les règles 103 et 115 du REF indiquent qu'un membre de l'équipe doit protéger manuellement un passage à niveau qui n'est pas pourvu de dispositifs de signalisation automatique, à moins qu'il puisse constater visuellement que le passage à niveau est libre de circulation, et qu'il le restera jusqu'à ce qu'il soit entièrement occupé. Dans les environs de la Gare du Palais, un MR doit donner au train l'autorisation de faire marche arrière avant que les passages à niveau ne soient protégés pour activer le système de détection du passage à niveau piétonnier. Cependant, un MR ne doit considérer le mouvement comme étant protégé que lorsque les barrières sont abaissées ou en voie de l'être. Le MR doit, de ce fait, être attentif à la position et au mouvement des barrières.

Perception visuelle du mécanicien responsable du train

La perception visuelle repose notamment sur le champ visuel qui comprend la vision fovéale et la vision périphérique. La vision fovéale se situe au centre du champ visuel. Elle permet de distinguer les détails et est relativement restreinte. La vision périphérique, beaucoup plus large que la vision fovéale, se caractérise principalement par la capacité de détecter des mouvements.

La barrière aurait dû déclencher une réaction quasi-automatique de la part du MR; c'est-à-dire que le MR aurait dû se rendre compte que la barrière n'était pas abaissée et ne protégeait pas le passage à niveau. Cependant, ce stimulus statique, qui était en périphérie du champ visuel du MR, n'a pas été suffisant pour déclencher une réaction de sa part, car la sélectivité des stimuli visuels du MR était concentrée sur le mouvement du train et non pas sur la barrière. L'attention visuelle et l'attention mentale du MR étaient fort probablement portées sur le train, car le MR a remarqué la manœuvre en marche arrière du train et que, de l'endroit où il se trouvait, le MR n'a observé aucune circulation routière sur le passage à niveau.

Lorsqu'il a dirigé son regard vers la guérite, l'attention du MR et sa vision fovéale auraient été attirées par le camion arrêté au passage à niveau du côté de la papetière, qui était le stimulus visuel le plus saillant. Ainsi, l'attention du MR a été détournée de  la position de la barrière, qui était le repère visuel le plus critique. La barrière levée s'est trouvée dans le champ visuel du MR pendant plusieurs secondes, mais n'a pas attiré son attention.

Par ailleurs, le ravitaillement s'étant effectué plus rapidement que d'habitude, le MR se trouvait à une certaine distance du passage à niveau privé lorsque le mécanicien aux commandes (MAC) l'a avisé qu'il était prêt à compléter la manœuvre. Le MR a vérifié que le passage à niveau n'était pas occupé et a observé la présence du camion arrêté du côté de la papetière. Le MR a ensuite donné l'autorisation au MAC de reprendre la manœuvre en marche arrière. Le MR a conclu incorrectement que la barrière du passage à niveau privé devait être abaissée, et a annoncé au MAC que les passages à niveau étaient protégés alors qu'ils ne l'étaient pas.

Lors du ravitaillement, après l'arrêt du train au droit de la plateforme de ravitaillement, un MR va généralement descendre au sol et marcher vers la voie de liaison pour aller orienter les aiguillages de la liaison XX03. Dépendamment de la durée du ravitaillement, le MR peut retourner vers le train ou attendre près de la voie de liaison avant de remonter à bord. La position du MR au sol peut donc varier d'un jour à l'autre. Par conséquent, le MR peut se trouver à une trop grande distance du passage à niveau à protéger, ce qui augmente les risques de mauvaise perception et de collision.

Vigilance du gardien

Lorsqu'un train quitte la Gare du Palais, le système d'avertissement s'enclenche et avertit le gardien posté dans la guérite, lequel abaisse les barrières pour protéger le mouvement. Si le mouvement s'arrête ensuite à la plateforme de ravitaillement en carburant, le gardien peut relever les barrières pour permettre aux véhicules routiers de traverser le passage. Lorsque le train reprend son mouvement après le ravitaillement, le gardien ne reçoit aucun avertissement immédiat. Par conséquent, le gardien doit constamment surveiller visuellement le mouvement du train afin d'abaisser à nouveau les barrières en temps voulu pour protéger le passage à niveau. S'il n'y a pas un autre avertissement lorsqu'un train reprend son mouvement, les dispositifs de défense en place (c.-à-d., les barrières) pourraient ne pas être abaissées, ce qui augmente le risque de collision.

Comme le ravitaillement en carburant dure en général une quinzaine de minutes, le gardien a relevé les barrières pour laisser passer des véhicules. La vigilance du gardien a été reportée sur les tâches reliées au contrôle de la circulation des véhicules routiers. De plus, l'attention du gardien a été attirée par l'arrivée d'un camion qui s'est approché du passage à niveau du côté de la papetière et s'est arrêté. En outre, le train s'était immobilisé à la gauche de la guérite, là où le champ visuel du gardien est partiellement entravé par des colonnes et plusieurs étagères. La durée du ravitaillement en carburant a été beaucoup plus courte que d'habitude (5 minutes plutôt que 15), et l'attention du gardien était portée sur le camion arrêté du côté de la papetière. Parce qu'il ne voyait que partiellement le train, le gardien n'a pas été en mesure de déceler le début du mouvement du train, et ne s'est pas immédiatement rendu compte qu'il devait abaisser les barrières et protéger le passage à niveau.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Après avoir repris la manœuvre en marche arrière, le train a heurté le camion semi-remorque qui amorçait un virage pour entrer à la papetière.
  2. Au moment où le camion semi-remorque a amorcé le virage, les barrières du passage à niveau étaient levées, et le feu de circulation qui contrôle l'entrée à l'usine affichait une indication permissive.
  3. Le mécanicien responsable du train a remarqué la présence du camion arrêté du côté de la papetière, a conclu que la barrière du passage à niveau privé devait être abaissée, et a annoncé au mécanicien aux commandes que les passages à niveau étaient protégés alors qu'ils ne l'étaient pas.
  4. La durée du ravitaillement en carburant a été beaucoup plus courte que d'habitude, et l'attention du gardien était portée sur le camion arrêté du côté de la papetière.
  5. Parce qu'il ne voyait que partiellement le train, le gardien n'a pas été en mesure de déceler le début du mouvement du train, et ne s'est pas immédiatement rendu compte qu'il devait abaisser les barrières et protéger le passage à niveau.

Faits établis quant aux risques

  1. Si un mécanicien responsable du train se trouve à une trop grande distance du passage à niveau à protéger, les risques de mauvaise perception, et donc de collision, augmentent.
  2. S'il n'y a pas d'autre avertissement lorsqu'un train reprend son mouvement, les dispositifs de défense en place (c.-à-d., les barrières) pourraient ne pas être abaissées, ce qui augmente le risque de collision.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Bureau de la sécurité des transports du Canada

Le 29 mai 2013, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a émis l'Avis de sécurité ferroviaire 05/13 au sujet de la synchronisation des feux de circulation. Dans cet avis, le BST fait mention de certains défauts de synchronisation entre les feux de circulation routière à l'intersection du boulevard des Capucins et de l'exploitation ferroviaire. Les feux de circulation qui contrôlent les véhicules routiers qui circulent en direction ouest sur le boulevard des Capucins et qui entrent à l'usine Papiers White Birch, à partir de la voie de circulation de droite, changent au jaune, puis au rouge, quand les barrières du passage à niveau sont abaissées. Cependant, il a été observé que le feu de circulation montrait une indication permissive (flèche verte horizontale) lorsqu'un train était immobilisé sur le passage à niveau et que les barrières étaient abaissées.

Transports Canada

Le 13 juin 2013, les représentants du bureau régional du Québec (Surface) de Transports Canada (TC) ont rencontré des représentants de la Ville de Québec, de Papiers White Birch, et de la Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada (CN) afin d'examiner l'exploitation des systèmes à ce passage à niveau. Durant cette rencontre, les parties ont discuté des différentes améliorations apportées à divers systèmes, y compris le système de détection des trains, le système de feux de circulation, le système de contrôle des barrières à partir de la guérite à l'usine Papiers White Birch, et leur interconnexion. Plusieurs solutions ont été considérées, y compris la possibilité de modifier le système d'avertissement du passage à niveau piétonnier pour assurer le déclenchement prioritaire des feux de circulation.

À la suite d'un suivi par TC, VIA Rail Canada Inc. (VIA) s'assure maintenant que les mécaniciens de locomotive effectuent un mouvement continu lorsqu'ils font marche arrière sur les passages à niveau et qu'un mécanicien de locomotive est à l'extrémité du mouvement en tout temps.

VIA Rail Canada Inc.

À la suite de l'accident, VIA a émis le bulletin LOQ2013-21, et a modifié ses procédures de sorte que les trains ne s'arrêtent plus à la sortie de la Gare du Palais. VIA a également changé son point de ravitaillement en carburant afin de l'éloigner du passage à niveau.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le Le rapport a été officiellement publié le .