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L'heure est venue d'agir de façon concrète

Par Wendy A. Tadros
Présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada

Cet article est paru en anglais dans l'édition du 8 avril 2013 du Hill Times.

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a passé plus de 20 ans aux premières lignes des enquêtes d'accidents. Qu'ils s'emploient à trier les débris d'un avion de ligne qui s'est écrasé pour le reconstituer, ou à recréer des trajectoires de vol par la modélisation mathématique à partir de données d'enregistreurs de données de vol, nos experts ont toujours le même objectif : promouvoir la sécurité du transport en apprenant des leçons de sécurité, et en communiquant ces leçons pour protéger tous les Canadiens.

Il y a trois ans, nous avons lancé notre toute première Liste de surveillance, qui brossait un tableau des plus graves risques au système de transport du Canada. Cette liste était révolutionnaire et elle a permis de faire ressortir les enjeux les plus coriaces, ceux qui ont été les plus difficiles à résoudre. Notre Liste de surveillance nous a servi de plan directeur pour le changement, et lorsque nous avons incité le gouvernement et les secteurs d'activité à travailler ensemble, ils ont réalisé de vrais progrès.

Du moins, pendant un certain temps.

Ces enjeux mêmes sont au cœur du problème – s'ils n'étaient pas si difficiles à résoudre, ils ne seraient pas sur notre Liste de surveillance. De plus, après la mise à jour de cette liste en 2012, les enjeux qui y figurent toujours sont parmi les plus difficiles de tous. Mais ce n'est là qu'une partie du problème; l'ironie, c'est que nous savons exactement comment résoudre beaucoup de ces enjeux.

Le mois dernier, le BST a publié son rapport sur un accident survenu en 2011 mettant en cause un Cessna Caravan qui s'est écrasé près de Lutsel K'e, dans les Territoires du Nord-Ouest, et qui a coûté la vie à deux des quatre personnes à bord. L'avion, qui faisait route depuis Yellowknife, volait à basse altitude lorsqu'il s'est trouvé dans une zone à visibilité réduire, et le pilote aurait été incapable d'apercevoir et d'éviter la péninsule Pehtei, qui s'élève à quelque 500 pieds au-dessus du niveau du Grand lac des Esclaves. Dans le jargon de notre métier, on appelle ce type d'accident « impact sans perte de contrôle », et c'est précisément ce qui s'était produit deux mois plus tôt lorsqu'un Boeing 737 s'est écrasé contre une colline à un mille à peine de l'aéroport de Resolute Bay, au Nunavut, tuant 12 des 15 personnes à son bord.

Malheureusement, il y en a d'autres.

Le 11 mars de cette année, une fourgonnette d'entretien sans conducteur s'est retrouvée sur la piste 24R de l'aéroport international Lester B. Pearson à Toronto, où elle a évité de justesse une collision avec un biréacteur Embraer 190 d'Air Canada qui s'apprêtait à atterrir. Cette « incursion sur piste », l'une des centaines que l'on signale chaque année aux aéroports canadiens, était effrayante non seulement par sa gravité — l'avion a survolé la fourgonnette de quelques mètres à peine — mais aussi parce que, à peine une semaine plus tard, un incident semblable s'est produit lorsqu'un Boeing 727 a failli entrer en collision avec deux chasse-neige durant le décollage à l'aéroport international de Hamilton.

Attendez, ce n'est pas tout.

Le 14 mars, le BST a publié son rapport sur une sortie de piste survenue en 2012 à l'aéroport de Timmins, en Ontario. Cet incident, qui n'a entraîné aucune blessure aux trois personnes à bord, mais a causé des dommages substantiels à l'avion, n'était qu'une seule d'une vague de sorties de piste survenues aux aéroports canadiens – 39 au total ces trois dernières années, y compris aux aéroports d'Ottawa, de Moncton et de St. John's.

Impacts sans perte de contrôle, sorties de piste, incursions sur piste – voilà seulement quelques-uns des enjeux sur notre Liste de surveillance. Pour chacun d'eux, le BST a proposé des mesures à prendre pour améliorer la sécurité et du même coup sauver des vies. Pourtant, trop souvent nous finissons par avoir les mêmes conversations qui se répètent sans fin. En effet, lorsqu'il est question de mise en œuvre, le progrès peut facilement s'enliser dans les « consultations » et les « processus » sans fin, au point où le système de réglementation devient si lourd qu'il ne fonctionne plus.

Le moment est venu pour Transports Canada de prendre des mesures concrètes. Le moment est venu pour le secteur du transport et les exploitants d'agir et de trouver leurs propres solutions également. Autrement dit, d'être proactifs et d'adopter des mesures de sécurité plus strictes, et de ne plus attendre que le gouvernement légifère les meilleures pratiques à mettre en place.

Cela signifie que les transporteurs doivent améliorer leurs procédures d'approche et utiliser davantage la technologie, en particulier dans les aéronefs plus petits, pour éviter les impacts sans perte de contrôle. Cela signifie aussi que les aéroports doivent installer des aires de sécurité d'extrémité de piste plus longues, et fournir plus rapidement de l'information aux pilotes sur l'état de la surface, surtout par mauvais temps, afin de réduire la fréquence et la gravité des sorties de piste. De plus, on pourrait prévenir les incursions sur piste au moyen de systèmes améliorés d'évitement de collision et d'autres mesures comme des avertissements transmis directement aux pilotes.

Bien entendu, personne ne prétend que tout cela sera facile. Ce que nous affirmons toutefois, c'est que de telles mesures accroîtraient la sécurité au Canada et qu'elles sauveraient des vies. N'est-ce pas l'essentiel?

Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements maritimes, de pipelines, ferroviaires et aéronautiques. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.