Communiqué

Déraillement et incendie d’un deuxième train de pétrole brut du Canadien National près de Gogama (Ontario)

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Déraillement et incendie d’un deuxième train de pétrole brut du Canadien National près de Gogama (Ontario)

L’événement

Le 7 mars 2015, le train-bloc de pétrole brut U70451-02 du Canadien National (CN) faisait route vers l’est sur la subdivision de Ruel du CN, près de Gogama (Ontario). L’équipe de train se composait d’un mécanicien de locomotive, d’un apprenti et d’un chef de train. Le train comprenait 2 locomotives de tête tirant 94 wagons-citernes de catégorie 111 chargés de pétrole brut (UN 1267). Il mesurait 6089 pieds de long et pesait 14 355 tonnes.

Vers 2 h 42, alors que le train roulait à environ 43 mi/h, un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché près du point milliaire 88,70. En regardant vers l’arrière du train, l’équipe a observé une boule de feu à environ 700 pieds derrière les locomotives. Les membres de l’équipe ont dételé les locomotives ainsi que les 5 premiers wagons-citernes derrière elles puis se sont éloignés des wagons qui avaient déraillé. La température au moment de l’événement était d’environ -10 °C.

Ce train était désigné comme un « train clé »Note de bas de page 1 que l’on exploitait sur un « itinéraire clé »Note de bas de page 2. L’accident est survenu à environ 3 km à l’ouest de Gogama (Ontario), tout près d’un pont ferroviaire du CN qui enjambe la rivière Makami. Le Plan d’intervention d’urgence (PIU) du CN a été mis en œuvre et un poste de commandement central complet a été établi à l’hôtel de ville de Gogama. Aucune blessure n’a été signalée, et aucune évacuation n’a été nécessaire. Le 10 mars 2015, tous les incendies étaient éteints.

Données factuelles

L’examen des lieux a permis de déterminer que les wagons-citernes de la position 6 à la position 44 derrière les locomotives (39 en tout) avaient déraillé. Les 6e et 7e wagons ont déraillé vers le sud, mais se sont immobilisés du côté est de la rivière après avoir traversé le pont. L’arrière déraillé du 7e wagon a heurté le côté sud de la structure du pont alors qu’il traversait celui-ci. Le wagon a dévalé le talus est; son robinet de déchargement par le bas a été endommagé, et une partie de son contenu s’est déversé. Les 2 derniers wagons (43e et 44e) qui ont déraillé sont restés sur leurs roues et se sont immobilisés près du point milliaire 88,75, du côté ouest de la rivière. Le reste des wagons ont déraillé près du côté ouest du pont. Deux de ces wagons-citernes ont été complètement submergés dans la rivière, 3 étaient partiellement dans la rivière, et les autres se sont empilés sur la rive ouest de la rivière (photo 1). Un certain nombre de wagons ont été éventrés et ont déversé leur contenu, ce qui a entraîné un vaste feu en nappe qui a détruit le pont ferroviaire d’acier. Le feu a causé des dommages à plus ou moins grande échelle aux autres wagons. Le déraillement a détruit environ 700 pieds de voie.

Pendant que les pompiers combattaient l’incendie, des enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) ont examiné les lieux à l’extrémité ouest du pont et ont récupéré une section de rail brisé à l’intérieur d’un coupon de rail qui avait été installé 2 jours avant l’accident (photo 2). Le coupon de rail avait été mis en place pour réparer une rupture de soudure aluminothermique en service qui avait été relevée auparavant à cet endroit. Les composants de rail récupérés ont été envoyés au Laboratoire du BST à Ottawa pour des analyses plus approfondies.

Wagons-citernes

Le BST a fait une évaluation préliminaire des dommages que tous les wagons-citernes déraillés ont subis. Tous les wagons-citernes de catégorie 111 avaient été fabriqués au cours des 3 dernières années et étaient conformes à la norme ferroviaire CPC-1232. Comparativement aux wagons-citernes de catégorie 111 de service général de l'ancienne génération, ces wagons plus récents comprennent certaines améliorations, entre autres des demi-boucliers protecteurs, une meilleure protection des raccords supérieurs et inférieurs, et de l'acier normalisé.

L’évaluation préliminaire a révélé qu’un des wagons-citernes à l’extrémité de tête du déraillement a subi des dommages mineurs, et 2 à l’extrémité de queue du déraillement n’ont subi aucun dommage. Le reste des wagons-citernes déraillés ont subi des dommages plus importants, et le contenu qu’ils ont déversé a alimenté un vaste feu en nappe. Au moins 5 des wagons-citernes présentaient des ruptures thermiques causées par leur exposition au feu en nappe. De prime abord, il semble que la performance de ces wagons-citernes de catégorie 111 était semblable à celle des wagons-citernes en cause dans l’accident de Lac-Mégantic. On n’a toujours pas estimé la quantité de produit déversé dans l’atmosphère, dans la rivière et dans le sol, mais il sera possible de le faire à l’issue des mesures d’atténuation et de nettoyage des lieux.

Transport de liquides inflammables par rail

Le transport de liquides inflammables par rail est l’un des risques les plus importants sur le réseau de transport et il figure sur la Liste de surveillance 2014 du BST. Depuis de nombreuses années déjà le BST souligne la vulnérabilité des wagons-citernes de catégorie 111, et le Bureau a demandé l’adoption de normes renforcées pour tous les wagons-citernes de catégorie 111, pas seulement les nouveaux, afin de réduire la probabilité de déversement de produit en cas d’accident. À Lac-Mégantic, les enquêteurs ont conclu que, même à vitesse plus basse, les modèles non protégés de wagons-citernes de catégorie 111 s’étaient rompus pour déverser leur contenu de pétrole brut, qui a alimenté l’incendie.

Les wagons-citernes en cause dans le déraillement précédent à Gogama (R15H0013), survenu le 14 février 2015, et ceux en cause dans le présent déraillement (R15H0021) étaient conformes à la norme CPC-1232 et n’étaient pas munis d’un système de protection thermiqueNote de bas de page 3. Les évaluations préliminaires des wagons-citernes en cause dans ces deux déraillements ont révélé que les wagons déraillés avaient subi d’importants dommages et que leur performance n’était pas aussi bonne que prévu. Jusqu’à la mise en œuvre d’une norme plus rigoureuse avec protection améliorée pour tous les wagons-citernes qui transportent des liquides inflammables en Amérique du Nord, le risque persistera.

En réponse à la recommandation R14-01 du BST émise en janvier 2014, Transports Canada (TC) a adopté, le 2 juillet 2014, la norme TP 14877 dans le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses. Cette norme exige que tous les nouveaux wagons-citernes construits pour transporter des liquides inflammables au Canada répondent aux spécifications de la norme CPC-1232. À l’époque, le BST avait mis en garde TC que cette norme ne suffisait pas et qu’il fallait en faire plus pour fournir un niveau de protection adéquat.

TC-117

Le 11 mars 2015, TC a annoncé des normes améliorées proposées pour une nouvelle série de wagons-citernes : TC-117. Cette nouvelle norme exigerait que tous les nouveaux wagons-citernes construits pour transporter des liquides inflammables soient fabriqués en acier plus épais et résistant mieux aux chocs et qu’ils soient munis d’une protection thermique, de boucliers protecteurs complets, de protection des raccords supérieurs et de robinets de déchargement par le bas améliorés. Le retrait progressif des anciens wagons-citernes de catégorie 111 (y compris ceux qui sont conformes à la norme CPC-1232) servant au transport de liquides inflammables s’effectuerait graduellement selon une approche axée sur la gestion des risques en tenant compte des caractéristiques des wagons-citernes ainsi que celles des liquides inflammables qu’ils transportent.

Même si ces normes proposées semblent prometteuses, le BST est néanmoins préoccupé par leur délai de mise en œuvre, compte tenu des observations initiales sur la performance des wagons répondant à la norme CPC-1232 dans de récents déraillements. Si les wagons plus anciens, y compris les wagons répondant à la norme CPC-1232, ne sont pas retirés du service plus tôt, l’organisme de réglementation et l’industrie doivent prendre des mesures additionnelles pour réduire les risques de déraillement ou les conséquences d’un déraillement mettant en cause des liquides inflammables.

Citation

« Les Canadiens et Canadiennes s’attendent à ce que leur gouvernement s’assure que les risques associés au transport de liquides inflammables sont réduits autant que possible, a déclaré Kathy Fox, présidente du BST. Je répète la préoccupation que j’ai soulevée dans des lettres envoyées à la ministre des Transports et à l’administrateur intérimaire de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration des États-Unis, en octobre 2014, où j’invitais instamment TC et ses homologues aux États-Unis à adopter les normes les plus strictes possible pour les wagons-citernes qui transportent des liquides inflammables, et à remplacer ou à mettre à niveau aussitôt que possible les wagons-citernes existants afin qu’ils répondent aux nouvelles normes. »

Infrastructure de la voie

La subdivision de Ruel du CN se compose d’une voie principale simple qui s’étend vers l’ouest de Capreol (Ontario) au point milliaire 0,00 jusqu’à Hornepayne (Ontario) au point milliaire 296,20. Il s’agit d’une voie de catégorie 4, d’après le Règlement sur la sécurité de la voie approuvé par TC, composée principalement de longs rails soudés (LRS). Les voies de catégorie 4 permettent des vitesses maximales de 60 mi/h pour les trains de marchandises, et de 80 mi/h pour les trains de voyageurs. Toutefois, une partie importante de la subdivision faisait l’objet de limitations permanentes de vitesse pour protéger les trains contre divers problèmes d’entretien de la voie et de l’infrastructure.

Selon les indications préliminaires, des défaillances dans l’infrastructure de la voie pourraient avoir joué un rôle dans chacun des accidents à Gogama, et dans un 3e accident d’un train à chargement mixte sur la subdivision de Ruel, près de Minnipuka (Ontario) le 5 mars 2015. Les trains-blocs de wagons-citernes lourdement chargés de pétrole brut ont tendance à imposer des forces supérieures à la normale sur l’infrastructure de la voie. Ces forces supérieures exposent toute faiblesse qui pourrait exister dans l’infrastructure de la voie, ce qui rend celle-ci plus susceptible aux défaillances. Étant donné les dommages potentiels associés au déraillement d’un train, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de trains-blocs de pétrole brut, le BST a envoyé un Avis de sécurité à TC demandant au ministère d’examiner les évaluations des risques de la subdivision de Ruel, d’évaluer l’état de l’infrastructure de la voie et de déterminer si des mesures additionnelles de contrôle des risques s’imposent pour exploiter un « train clé » sur cet « itinéraire clé ».

Prochaines étapes

L'enquête se poursuit et les prochaines étapes comprendront :

  • l’examen des composants du rail récupérés sur les lieux du déraillement;
  • l’échantillonnage de produit prélevé de certains wagons-citernes et des essais de ces produits;
  • l’examen des dossiers de détecteurs de défauts de roue du train en cause et de trains précédents;
  • l’examen des dossiers d’entretien de l’infrastructure de la voie pour ce secteur;
  • l’examen des Normes sur la voie – Ingénierie du CN;
  • l’examen du Règlement sur la sécurité de la voie approuvé par TC;
  • l’examen et l’évaluation du PIU et de l’intervention d’urgence;
  • des entrevues additionnelles, si nécessaire.

Une fois que l’on aura retiré le reste du produit des wagons-citernes et que ceux-ci auront été purgés et nettoyés, le BST fera une évaluation détaillée des dommages qu’ont subis les wagons. Cette évaluation visera à comparer la performance de ces wagons-citernes à la performance connue des wagons-citernes de catégorie 111 de l’ancienne génération qui étaient en cause dans l’accident à Lac-Mégantic, et des wagons-citernes de catégorie 111 conformes à la norme CPC-1232 qui étaient en cause dans l’accident précédent d’un train-bloc de pétrole brut du CN. Cette évaluation comprendra d’autres analyses de défaillance ainsi que d’autres essais et examens métallurgiques au Laboratoire technique du BST.

Communication des lacunes de sécurité

Si l'équipe d'enquête met au jour des lacunes de sécurité présentant un risque immédiat, le Bureau les fera connaître immédiatement pour qu'on puisse y remédier rapidement afin de rendre le réseau ferroviaire plus sûr.

Les renseignements fournis sont de nature factuelle; ils ne comprennent aucune analyse. L'analyse de l'accident et les conclusions du Bureau seront exposées dans le rapport final. L'enquête se poursuit.


Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements de transport aérien, ferroviaire, maritime et pipelinier. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.

Pour de plus amples renseignements :
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