Conférence de presse sur l’enquête ferroviaire
Gladwick (R15H0013)
Mot d’ouverture

Kathy Fox
Présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada
et
Rob Johnston
Gestionnaire, Opérations d’enquêtes de la région du Centre (rail), Bureau de la sécurité des transports du Canada
Thunder Bay (Ontario), le 16 février 2017

Seul le texte prononcé fait foi.

Kathy Fox

Bonjour,

Au cours d'une période de trois semaines au début de 2015, le Canadien National a connu trois graves déraillements de train dans le nord de l'Ontario. Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter des résultats de l'enquête du BST sur le premier de ces accidents. Nous publierons à une date ultérieure les renseignements sur les deux autres événements.

Le 14 février, un train-bloc du CN qui transportait 100 wagons-citernes chargés de produits pétroliers a déraillé au point milliaire 111,7 de la subdivision de Ruel. Au total, 29 wagons-citernes de pétrole brut ont quitté les rails : 19 d'entre eux ont subi des brèches, et ont rejeté environ 1,7 million de litres de produit. Le pétrole brut s'est enflammé et a brûlé pendant cinq jours.

Au moment de l'événement, le train roulait à 38 mi/h. Cette vitesse était inférieure à la vitesse maximale permise de 40 mi/h. Le BST soulève la question à savoir si les vitesses actuellement permises sont trop élevées pour les trains clés qui transportent des liquides inflammables de classe 3. De surcroît, le BST recommande que Transports Canada étudie non seulement la vitesse, mais tous les facteurs qui amplifient la gravité des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses, élabore des stratégies d'atténuation des risques, puis modifie les règlesen conséquence.

J'en dirai plus à propos de ces règles, et tout ce que cela implique, dans quelques instants. Mais d'abord, je vais céder la parole à monsieur Rob Johnston, gestionnaire régional. Il va vous expliquer la chronologie des faits, ainsi que le comment et le pourquoi de ce déraillement.

Rob Johnston

Merci, Kathy.

Lorsqu'on joint deux morceaux de rail, on les fixe ensemble au moyen de deux « éclisses », de chaque côté du rail. Comme toutes les sections de voie, les éclisses sont inspectées régulièrement.

Juste après 23 h 30 la nuit de l'événement, lorsque les locomotives de tête et les quelques premiers wagons-citernes ont franchi un certain joint de rail, les deux éclisses de ce joint ont cédé, entraînant le déraillement de 29 wagons-citernes chargés de pétrole brut.

L'enquête du BST a permis de conclure que des fissures de fatigue préexistantes dans les éclisses étaient passées inaperçues durant des inspections antérieures. Ces fissures avaient atteint une certaine traille critique et, combinées au froid – il faisait −31 °C ce soir-là – et aux chocs répétés des roues des trains-blocs lourds, elles ont entraîné la défaillance des éclisses.

Un employé de l'entretien de la voie récemment embauché était responsable d'inspecter et de surveiller le joint. Malgré des indications antérieures de l'affaiblissement du joint, l'employé ne possédait pas l'expérience nécessaire pour le détecter.

En fait, le programme de formation du CN n'a pu aider l'employé à comprendre tous les facteurs qui pouvaient mener aux défauts de joint. Il n'a pas non plus reçu d'encadrement ni de soutien adéquat durant sa formation en cours d'emploi, alors qu'il se trouvait sur le terrain.

Depuis la tragédie à Lac-Mégantic en 2013, le BST a revendiqué des normes plus strictes pour les wagons-citernes. Cet accident a mis en cause le plus ancien de trois principaux types de wagons-citernes en service général, soit les « anciens » wagons-citernes DOT 111, qui offrent moins de protection et comprennent moins de caractéristiques de sécurité.

Dans l'accident à l'étude, les wagons déraillés étaient construits conformément à une norme plus stricte : la norme CPC-1232. Quoique ces wagons-citernes soient fabriqués à partir d'acier plus résistant et comprennent un demi-bouclier protecteur, ils ne sont pas tous munis d'une enveloppe extérieure ou d'une protection thermique. En outre, la vitesse du train a directement influé sur la gravité des dommages causés aux wagons-citernes. Par conséquent, nous avons constaté des problèmes de performance semblables à ceux à Lac-Mégantic.

Dans cet accident :

  • Les coques de huit wagons-citernes ont subi des brèches et ont rejeté du pétrole brut qui s'est enflammé, ce qui a causé un important feu en nappe.
  • Sept autres wagons-citernes, qui se trouvaient dans cette nappe, ont subi des ruptures thermiques et rejeté encore plus de produit.

C'est bien connu, le pétrole brut est très volatil et, dans ce cas-ci, il a causé un incendie qui a brûlé pendant cinq jours.

Depuis cet accident, le CN a :

  • remplacé 44 milles de voies dans la subdivision de Ruel;
  • modifié ses directives d'inspection des voies;
  • amélioré la formation et l'encadrement de ses employés;
  • acheté de l'équipement automatisé d'inspection des éclisses;
  • mis en œuvre un plan environnemental exhaustif pour remettre le site dans son état antérieur à l'accident.

Or, plusieurs des mêmes facteurs de risque dans cet accident existent presque partout ailleurs au pays. C'est pourquoi il y a encore beaucoup à faire.

La présidente du BST va maintenant vous donner plus d'information sur les mesures que le BST souhaite voir adopter pour améliorer la sécurité ferroviaire – partout où l'on transporte des marchandises dangereuses.

Kathy Fox

Merci Rob.

Après l'accident à Lac-Mégantic, Transports Canada a annoncé une nouvelle norme de fabrication des wagons-citernes qui transportent des liquides inflammables. Connus sous le nom de TC-117, ces wagons sont fabriqués à partir d'acier plus épais et comprennent plus de caractéristiques de sécurité, comme un bouclier protecteur complet, une enveloppe extérieure et une protection thermique. En outre, l'automne dernier, le ministre des Transports a annoncé le retrait précipité des « anciens » wagons-citernes DOT 111 comme ceux qui étaient en service à Lac-Mégantic.

Toutefois, étant donné les lacunes connues des wagons-citernes CPC 1232 et le fait que leur retrait complet n'est prévu qu'en 2025, le risque est clair. Entre-temps, on va permettre à des wagons-citernes moins robustes, comme ceux en cause dans l'événement en question, de continuer de transporter des liquides inflammables de classe 3.

Qui plus est, ce déraillement s'est produit à une vitesse inférieure à la vitesse maximale permise. Le BST est donc préoccupé par le fait qu'une telle limite puisse être insuffisante en ce qui concerne certains trains – notamment les trains-blocs qui transportent des liquides inflammables.

La vitesse, toutefois, n'est pas la seule variable pour déterminer la gravité d'un accident. Le « profil de risque » d'un train, c'est-à-dire le type et la quantité de produit qu'il transporte, ainsi que sa distribution dans la composition du train, est également crucial. Le BST recommande donc que Transports Canada procède à une étude détaillée de tous les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements lorsqu'il y a présence de matières dangereuses en vue de cerner les stratégies d'atténuation appropriées et de modifier en conséquence le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés.

Cet accident s'est produit sur un segment de voie isolé dans le nord de l'Ontario; heureusement, il n'y a pas eu de blessés. Or, aussi longtemps que persisteront ces mêmes risques, c'est-à-dire les problèmes d'entretien de la voie, la formation des cheminots, la vitesse des trains et la robustesse rudimentaire des wagons-citernes, le prochain accident ferroviaire pourrait sévir bien plus que dans l'environnement. Voilà pourquoi l'enjeu du transport sur rail de liquides inflammables figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2014… et y restera tant que l'on n'aura pas considérablement réduit ces risques.