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Publication du rapport d'enquête ferroviaire R15H0021
Mot d'ouverture

Kathy Fox
Présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada
et
Rob Johnston
Gestionnaire, Operations dénquétes de la region du centre-Rail, Bureau de la sécurité des transports du Canada
Sudbury (Ontario), le 3 août 2017

Seul le texte prononcé fait foi.

Kathy Fox

Bonjour,

Le 7 mars 2015, un train-bloc de marchandises chargé de pétrole brut  du CN circulait à environ 43 mi/h, lorsque 39 de ses wagons-citernes ont déraillé près de la ville de Gogama, en Ontario. Environ 2,6 millions de litres de produit ont été rejetés dans l'atmosphère; ce produit s'est enflammé, a causé des explosions et a contaminé la rivière Makami située à proximité. Un pont ferroviaire du CN qui franchissait la rivière et quelque 1000 pieds de voie ont été détruits. Il n'y a eu aucune évacuation ni aucun blessé.

Il s'agissait du troisième déraillement grave d'un train de marchandises du CN au cours d'une période de trois semaines au début de 2015 sur la subdivision de Ruel, dans le nord de l'Ontario. Il y a quelques mois, le BST a publié son rapport d'enquête sur le premier de ces accidents, survenu à Gladwick, en Ontario, à environ 25 milles au nord-ouest de Gogama.

Il y avait des similarités entre ces deux accidents, mais leurs circonstances exactes étaient différentes, comme nous allons le montrer aujourd'hui.

Les compagnies de chemin de fer inspectent régulièrement les voies partout dans leur réseau pour détecter les défauts prévus au Règlement sur la sécurité de la voie. Elles inspectent aussi les voies pour détecter d'autres problèmes de surface des rails qui ne figurent pas dans le Règlement sur la sécurité de la voie, mais qui sont gérés par les compagnies de chemin de fer, leur permettant d'obtenir une indication précoce des problèmes émergents de la voie.

Transports Canada ne collecte pas ni n'examine régulièrement les données sur ces indicateurs pour planifier ses inspections périodiques ciblées de la voie.

Aujourd'hui, le BST recommande que Transports Canada obtienne des données sur les principaux indicateurs de l'état de surface des rails et qu'il les intègre dans son approche de planification fondée sur le risque afin de mieux cibler ses inspections de la voie.

J'en dirai plus sur ce sujet, et sur ce que cela signifie, dans quelques instants. Mais je vais d'abord céder la parole à Rob Johnston, gestionnaire régional. Il va vous expliquer la chronologie des faits, ainsi que le comment – et le pourquoi – de ce déraillement.

Rob Johnston

Merci, Kathy.

Quand on répare un rail rompu, on coupe et on retire la section du rail qui comprend la rupture. Les extrémités coupées des rails qui demeurent en service font l'objet d'un essai de ressuage, une méthode non destructive pour détecter la présence de fissures qui pourraient être invisibles à l'œil nu. En l'absence de fissure, on installe un « rail de raccord » de dimension semblable que l'on fixe à la voie avec des éclisses aux deux extrémités.

Trois jours avant l'accident, un employé d'entretien de la voie avait réparé une rupture dans le rail sud en installant un rail de raccord. Durant la réparation, le rail sud a été coupé, et l'employé a visuellement inspecté les abouts exposés du rail. Or, un défaut interne appelé fissuration verticale longitudinale du champignon est passé inaperçu . Ce défaut était probablement présent dans le champignon du rail, mais invisible, et n'a pas été réparé.

Malgré le fait que l'essai de ressuage est exigé par le CN, aucun essai de ressuage n'a été fait. L'employé était au courant de cet essai, mais il ne l'avait jamais fait ni n'avait jamais observé l'exécution de cet essai.

La formation donnée par le CN n'insistait pas sur l'importance de cet essai, et elle n'offrait aucune occasion de formation pratique.

Lorsque la réparation a été achevée, il y avait un désaffleurement des champignons aux abouts de rail qui formaient le joint. Pour adoucir la transition entre les abouts de rail, on a dû meuler le champignon du rail de raccord. Toutefois, ce meulage n'a pas suffi pour éliminer le désaffleurement entre les abouts de rail. Étant donné l'état de la réparation, une limitation de vitesse aurait dû être mise en place pour réduire la vitesse des trains, mais ce ne fut pas le cas.

Comme les procédures d'inspection des rails et d'installation de rails de raccord du CN sont réparties dans plusieurs manuels, il était difficile de les trouver. De plus, elles ne comprenaient aucune directive sur le meulage du champignon des rails durant ces réparations, et il n'y avait aucune liste de vérification décrivant les étapes à suivre pour effectuer ces réparations.

Après que la voie a été remise en service, les roues de wagons de marchandises qui franchissaient ce désaffleurement soumettaient ce dernier à des chocs continus. Trois jours plus tard, le défaut dans le rail a cédé , le rail s'est rompu sous le train, et les wagons-citernes 6 à 44 ont déraillé.

Dans cet accident, les wagons déraillés avaient été construits selon une norme plus rigoureuse que les anciens wagons-citernes DOT 111 en cause dans l'accident à Lac-Mégantic, en 2013. Bien que ces wagons plus récents, appelés CPC-1232, soient fabriqués en acier plus résistant et comprennent des demi-boucliers protecteurs, ils ne sont pas tous munis d'une chemise extérieure ni d'une protection thermique. Par conséquent, nous avons constaté des problèmes de performance semblables à ceux des accidents à Lac-Mégantic et à Gladwick.

Comme nous le savons tous, le pétrole brut peut être très volatile et dangereux pour l'environnement, et dans ce cas-ci, il a causé un important incendie après le déraillement et des risques continus pour l'environnement.

Depuis cet accident, le CN a :

Kathy va maintenant parler des mesures additionnelles qui s'imposent pour améliorer la sécurité ferroviaire.

Kathy Fox

Merci Rob.

Si certains facteurs précis du déraillement à Gogama diffèrent de ceux de l'accident à Gladwick, les deux événements présentent néanmoins certains éléments similaires.

Premièrement, il existe une corrélation directe entre la vitesse des trains et la gravité de l'accident qui en découle. C'est pourquoi le BST demeure préoccupé du fait que certaines limites de vitesse sont trop élevées, en particulier pour les trains-blocs qui transportent des liquides inflammables. Les déraillements à Gladwick et à Gogama sont tous les deux survenus à des vitesses inférieures à la vitesse maximale qui était permise sur la voie.

Dans le cadre de son enquête sur le déraillement à Gladwick, le BST a recommandé que Transports Canada étudie tous les facteurs qui amplifient la gravité des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses – y compris la vitesse – puis élabore des stratégies d'atténuation des risques et modifie les règles en conséquence.

Deuxièmement, même si Transports Canada a mis en œuvre le retrait accéléré des « anciens » wagons-citernes DOT 111, le retrait complet des wagons-citernes CPC 1232 ne sera pas achevé avant 2025. D'ici là, il sera toujours permis que des wagons-citernes moins robustes continuent de transporter des liquides inflammables de classe 3.

Enfin, il y a des enjeux liés à l'entretien de la voie et à la formation du personnel ferroviaire.

La différence est que dans le cadre cette enquête, nous avons cerné une lacune systémique dans le processus de planification de Transports Canada pour ses inspections réglementaires ciblées de la voie.

Pour le choix des subdivisions qui feront l'objet d'inspections, Transports Canada s'appuie sur une planification fondée sur le risque qui tient compte de divers facteurs pour déterminer les secteurs préoccupants. La plupart des facteurs dont tient compte Transports Canada dans son processus de planification sont en fait des indicateurs tardifs, par exemple le nombre d'accidents, et le nombre de rails rompus ou de défauts de voie qui ont dû être réparés conformément au Règlement sur la sécurité de la voie. Les indicateurs tardifs sont des événements qui se sont déjà produits.

Quant aux indicateurs précurseurs, comme les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon , ce sont des états émergents de la surface de roulement de rail qui peuvent révéler la détérioration de la voie, sans constituer pour autant des anomalies.

Les renseignements sur les anomalies de la voie doivent être transmis à Transports Canada, mais ce n'est pas le cas en ce qui concerne l'information sur l'état de la surface du rail, et il est rare que le ministère la demande. Par conséquent, Transports Canada ne tient pas toujours compte de ces états dans sa planification.

En intégrant les données sur l'état de la surface des rails dans le processus de planification, le ministère pourrait mieux cerner les endroits de détérioration potentielle de la voie, et ainsi mieux cibler ses inspections et atténuer les risques pour le réseau de transport ferroviaire. Le BST recommande donc que Transports Canada obtienne des données sur l'état de la surface de roulement des rails, y compris les renseignements sur les affaissements localisés de la surface de roulement, les écrasements des abouts de rail et les écrasements du champignon, et qu'il les intègre dans sa planification des inspections réglementaires ciblées de la voie.

Cet accident s'est produit sur un segment de voie isolé dans le nord de l'Ontario. Quoique personne n'ait été blessé, des préoccupations environnementales persistent. Tant qu'il aura des enjeux liés à la vitesse des trains, à la résistance à l'impact des wagons-citernes, à l'entretien de la voie et à la formation du personnel ferroviaire, le transport de liquides inflammables par rail continuera de poser un risque pour la population, les biens et l'environnement.

Merci.