Faye Ackermans
Membre, Bureau de la sécurité des transports du Canada
Calgary (Alberta)
28 septembre 2017
Seul le texte prononcé fait foi.
Diapositive 1 : Page titre
Bonjour. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser aux membres de l'Association canadienne de pipelines d'énergie. Je souhaite commencer par féliciter toutes les personnes présentes ici aujourd'hui de votre initiative : organiser un premier forum à bâtons rompus, qui nous permettra d'examiner de façon sincère et honnête pourquoi les choses tournent parfois mal, comme cela a déjà été le cas dans le passé. Ce type de rencontres — au cours desquelles les exploitants peuvent exprimer en privé ce qu'ils ont appris, comme des pratiques exemplaires découlant des leçons tirées lors d'accidents et de quasi-accidents — constitue une occasion exceptionnelle. C'est également une activité qui n'est malheureusement pas toujours organisée avec d'autres modes de transport.
C'est pourquoi je vous félicite. Ce forum est une extraordinaire occasion d'apprendre. Et comme il est toujours plus avantageux de tirer des leçons d'un événement qui a marqué quelqu'un d'autre que soi-même, j'espère que vous en profiterez tous pour en tirer de nombreuses leçons.
L'industrie du transport par pipeline jouit d'un dossier enviable en matière de sécurité. Comme vous le savez, il n'y a eu aucun accident à déclaration obligatoire au BST en 2015 et en 2016, et le nombre d'incidents se situe également à de bas niveaux jamais encore atteints. Pour en arriver à un aussi bon dossier en matière de sécurité, il a fallu fournir d'immenses efforts; mais il est encore plus difficile de le maintenir. À ce jour en 2017, nous avons constaté une légère hausse des accidents et des incidents déclarés au BST. D'ailleurs, pour la première fois en trois ans, le BST a amorcé deux nouvelles enquêtes sur des événements de pipeline cette année. Je fais partie du Bureau depuis trois ans et je n'ai travaillé qu'à deux rapports portant sur des pipelines. Cette année, j'aurai l'occasion de doubler cette expérience!
Diapositive 2 : Aperçu
Dans la majorité des accidents, graves ou non, la cause peut en être attribuée à une défaillance dans la méthode qu'utilisent les organisations pour repérer et atténuer les dangers et gérer les risques. Pourquoi certaines entreprises gèrent-elles mieux les risques que d'autres? En bref – c'est une question de culture de sécurité au sein des organisations. Aujourd'hui, je vous exposerai mon point de vue sur la culture de sécurité, sur son interaction avec les processus de gestion de la sécurité et de l'intégrité, sur l'évolution de notre perception des enquêtes sur les accidents, et sur l'orientation que nous souhaitons voir adopter par l'industrie dans sa démarche pour éliminer les incidents.
Diapositive 3 : À propos du BST
Mais permettez-moi d'abord de rappeler brièvement quel est le mandat du BST.
Nous travaillons à améliorer la sécurité des transports en menant des enquêtes indépendantes sur les modes de transport régis par le gouvernement fédéral. Nous nous efforçons de découvrir ce qui s'est passé, et pourquoi, de manière à prendre des mesures pour éviter d'autres incidents semblables.
Mais nous ne sommes pas un organisme de réglementation, nous n'attribuons pas de faute ni ne déterminons de responsabilité civile ou criminelle.
Diapositive 4 : Clin d'œil historique
La « pensée » réglementaire actuelle quant aux systèmes liés aux accidents organisationnels et à la gestion de la sécurité a commencé à s'articuler il y a 40 ans après que des accidents industriels catastrophiques se sont produits en Grande-Bretagne et en Europe au milieu des années 1970. Et, comme vous le savez, le désastre de la plateforme pétrolière Piper Alpha, en 1988, a défini les balises du « dossier de sûreté » qui s'est depuis transformé en exigences relatives aux systèmes de gestion de la sécurité préconisées par de nombreux organismes de réglementation et de normalisation, pour tous les modes de transport, dans plusieurs pays.
Diapositive 5 : Exigences de l'Office national de l'énergie (ONE) en matière de gestion de la sécurité
Les exigences officielles en matière de gestion de la sécurité pour l'industrie canadienne du transport par pipeline visent à encadrer l'évaluation des vulnérabilités systémiques en matière de sécurité avant qu'elles n'entraînent une défaillance active, et à tenir compte des conditions changeantes qui constituent de nouveaux dangers et de nouveaux risques. Les exigences actuelles portent principalement sur la mise en place de certains processus — par exemple des processus pour cerner et atténuer les dangers, pour permettre la formation et la gestion des travailleurs, pour faire le suivi et l'évaluation des progrès, et aussi pour améliorer le rendement de façon continue. Bien qu'ils soient nécessaires à la gestion des risques, ces processus ne suffisent pas.
Que manque-t-il? Avant de tenter de répondre à cette question, je vais vous donner un peu plus de renseignements sur la gestion de la sécurité.
Diapositive 6 : Trois méthodes de gestion de la sécurité (le facteur humain)
Il existe trois méthodes fondamentales utilisées par les organisations en matière de sécurité. La plus ancienne, qui remonte au début des années 1900, se fonde sur le facteur humain. Vous reconnaîtrez tous cette méthode – on l'a utilisée couramment pour gérer la sécurité au travail. Il existe un modèle statistique bien connu (Frank Bird, 1969) entre chacune des couches de la pyramide (1:10:30:600). Cette méthode accorde une grande importance à la personne et aux gestes non sécuritaires. Elle tend vers le blâme, l'humiliation, l'imposition d'une formation supplémentaire à la personne qui a commis une erreur et donne lieu à la rédaction d'une procédure additionnelle afin de garantir que personne d'autre ne répétera cette erreur. (Incidemment, c'est d'ailleurs là où en est toujours l'industrie ferroviaire.)
Diapositive 7 : Le facteur technique
La méthode suivante se fonde sur le facteur technique, et elle a été établie dans les années 1940. En vertu de cette méthode, la sécurité est intégrée physiquement au système. Elle vise la sécurité des processus et les techniques de fiabilité. Les humains font partie de ce système et l'interface personne/machine est conçue dans cet esprit. Ce modèle intègre le rendement humain au système dans son ensemble, et il fait en sorte que les organisations tentent de comprendre non seulement pourquoi les humains commettent des erreurs, mais il a aussi permis de créer des processus comme celui de la gestion des menaces et des erreurs et celui de la formation sur la gestion des ressources de l'équipage (CRM). Le facteur technique se prête également à un examen dans le cadre de vérifications et d'évaluations. (Incidemment, c'est ainsi que je perçois l'industrie du transport par pipeline.)
Diapositive 8 : Le facteur organisationnel
La troisième méthode est ni plus ni moins qu'un prolongement du facteur technique, mais elle porte sur l'organisation dans son ensemble. Cette méthode a vu le jour dans les années 1980. J'ai récemment eu l'occasion de lire un article paru en 2002, qui parle du système de gestion de la sécurité comme d'une « nouvelle façon de s'intéresser à la sécurité organisationnelle. » La première réglementation en matière de sécurité au Canada a vu le jour en 2001 — pour les chemins de fer sous réglementation fédérale.
Avec le facteur organisationnel, les erreurs sont considérées comme des symptômes de conditions latentes au sein de l'organisation — des conditions découlent de décisions de la direction et de la conception du système — y compris les changements qui ont pu être adoptés après des événements antérieurs. Cette approche nécessite le recours à des façons proactives de cibler et d'atténuer les dangers pour réduire le niveau de risque global du système. Avec cette façon de faire, l'organisation utilise les données pour créer des indicateurs précurseurs qui signalent les problèmes potentiels; elle est à l'écoute de ces « signaux faibles » pouvant révéler des problèmes potentiels (p. ex., en établissant des liens), puis elle prend des mesures. De cette façon, la prise de décision en matière de sécurité est intégrée dans l'organisation — et, selon James Reason, elle « fait ainsi partie de la culture de l'organisation et de la façon dont les gens perçoivent leur travail. »
Diapositive 9 : Sécurité, autorité et culture
Voyons maintenant un modèle organisationnel pour comprendre comment toutes les pièces s'emboîtent. Cette méthode est fondée sur l'intégration de tous les aspects d'une organisation, notamment sa structure et ses processus décisionnels. Le travailleur interagit avec les processus, les installations et le matériel pour accomplir le travail. D'une part, toutes les organisations doivent avoir des systèmes propices à la sécurité, c'est-à-dire des processus créant des conditions favorables pour obtenir des résultats sûrs. Ces systèmes comprennent des processus assurant la formation et l'acquisition de connaissances, la réduction de l'exposition aux risques professionnels, ainsi que différentes politiques, normes, procédures d'exploitation et processus pour reconnaître et atténuer les dangers. Un chef de file en matière de sécurité doit comprendre ces processus, leur évaluation et leur efficacité dans son organisation.
D'autre part, les organisations doivent avoir des processus qui appuient les systèmes propices à la sécurité — par exemple, les méthodes de sélection et de perfectionnement des employés, de structuration de l'organisation, de gestion du rendement, de prise de décision, et ainsi de suite. Il faut plus qu'une simple mise en place de systèmes propices à la sécurité. L'organisation doit être en mesure d'appuyer et de maintenir des activités sûres. Par exemple, est-ce que la sécurité revêt une importance suffisante dans la structure de l'organisation? La gestion du rendement traite-t-elle adéquatement des responsabilités des dirigeants en matière de sécurité? Comment les erreurs des employés sont-elles gérées? L'organisation les considère-t-elle comme des occasions d'apprentissage, ou plutôt d'imposition de mesures disciplinaires? S'attend-on des employés qu'ils déclarent les quasi-accidents, et les encourage-t-on à le faire? La relation entre les deux systèmes est la culture de l'organisation – des règles souvent non écrites sur le fonctionnement réel de l'organisation. La culture peut avoir des effets négatifs sur le personnel, lorsqu'il se méfie de la direction, que les communications sont pauvres ou que la direction manque de crédibilité, et ce, même si l'organisation a le meilleur des systèmes propices à la sécurité et à son maintien. Finalement, ce sont les dirigeants d'une organisation qui gèrent les deux côtés de la médaille et qui ont la plus grande influence sur la culture.
Vous vous rappelez la question que je vous posais un peu plus tôt : Que manque-t-il? Voici la réponse. Les systèmes propices à la sécurité sont nécessaires, MAIS en eux-mêmes ils ne suffisent pas pour assurer la bonne gestion de la sécurité. Pourquoi? Parce que l'organisation doit être en mesure d'appuyer et de maintenir les processus propices à la sécurité. Sans les systèmes de maintien — notamment la façon dont les décisions sont prises dans une organisation, dont les changements sont gérés, dont les employés sont embauchés et promus, dont ils sont supervisés, dont ils sont reconnus et récompensés —, les processus propices à la sécurité ne peuvent être mis en œuvre de façon optimale.
Et comme je le disais il y a un instant, c'est l'autorité qui sous-tend l'ensemble de la structure. Ce sont les croyances, les priorités, les décisions des dirigeants — et par-dessus tout leur comportement — qui définissent la culture, y compris la culture de sécurité.
Diapositive 10 : Évolution des enquêtes sur les accidents
Le travail lié aux enquêtes sur les accidents a aussi évolué, tout comme la réflexion sur la gestion de la sécurité, et la façon dont nous percevons la cause des accidents.
Autrefois, par exemple, les enquêtes sur les accidents portaient principalement sur les défaillances mécaniques. Puis, avec l'amélioration de la technologie, les enquêteurs ont commencé à examiner de plus près le rôle joué par le comportement des personnes en cause et les limites du rendement humain. Néanmoins, on a continué de croire que la sécurité serait assurée tant que chacun suivrait les procédures d'utilisation normalisées. Suivez les règles à la lettre, disait-on; assurez-vous que l'équipement tiendra le coup; et surtout, soyez attentif à votre tâche et ne commettez pas d'erreurs « stupides ».
Cette logique a été appliquée pendant assez longtemps. En fait, même aujourd'hui, tout de suite après un accident, le public et les médias pensent encore que l'équipement défaillant et les personnes qui l'utilisent sont en cause. Ils se demandent si l'accident est dû à une « défaillance mécanique » ou à une « erreur humaine ». Ou alors, ils en tirent de fausses conclusions en disant « Ah bon, l'accident a été causé par quelqu'un qui n'a pas suivi les règles », comme si c'était tout ce qui importe. Point final.
Ce n'est pas aussi simple que cela. Aucun accident n'est attribuable qu'à une seule personne ou à un seul facteur. Personne, qu'il s'agisse d'un capitaine de navire, d'un pilote d'avion, d'un mécanicien de locomotive ou d'un opérateur de salle de contrôle de pipeline, ne se lève un matin en pensant « Tiens, aujourd'hui, je vais avoir un accident! ».
C'est la raison pour laquelle notre manière de penser se devait d'évoluer. Il est donc devenu essentiel d'examiner les accidents de façon plus exhaustive afin de comprendre pourquoi les personnes prennent certaines décisions à tous les stades de leur travail. Et comme les personnes concernées ont jugé que ces décisions et ces actions étaient sensées à ce moment, il se pourrait que d'autres personnes fassent de même à l'avenir. Autrement dit, si nous accordons trop d'importance à « l'erreur d'entretien », par exemple, nous faisons abstraction du contexte dans lequel nous évoluons.
Diapositive 11 : Faits établis au sujet des pipelines
Quand nous examinons les faits établis par le BST au sujet des accidents de pipeline, il est intéressant de remarquer que la plupart des causes ou des facteurs contributifs des accidents de pipeline étaient liés à des défaillances. Peut-être les enquêtes sur le « pourquoi » n'étaient-elles pas aussi approfondies il y a 20 ans qu'elles le seraient aujourd'hui. Un très petit nombre de ces « causes » étaient liées au rôle des responsables du système et aux décisions prises par ces personnes.
Mais dans le secteur ferroviaire — d'où je viens —, nous avons constaté que les mesures prises par les personnes en cause représentent souvent un facteur de causalité.
Par exemple, il peut y avoir rupture d'un rail, ce qui provoque un accident. Mais nous constatons souvent qu'un élément humain est en cause également. Il peut s'agir d'un employé qui n'a pas su repérer une fissure parce qu'il n'a pas reçu la formation pour effectuer le test qui aurait permis de la détecter. Cet accident est-il simplement le fait d'une défaillance mécanique? Bien sûr que non.
Ce que je veux démontrer, c'est que même dans un secteur ou dans un système aussi … techniquement évolué que celui des pipelines, l'élément humain est quand même très important pour améliorer la sécurité.
C'est pourquoi le BST tient maintenant compte des facteurs organisationnels, des problèmes systémiques, et… de la culture de sécurité.
Diapositive 12 : Qu'est-ce que la culture de sécurité?
La culture de sécurité a été définie de différentes façons, mais pour la mesurer — pour savoir comment elle est perçue par les autres — il faut examiner le comportement des personnes à l'intérieur d'une organisation. La culture de sécurité ne peut faire l'objet d'une réglementation. On ne peut pas non plus l'acheter. On ne peut pas l'imposer. Elle doit exister au sein d'une organisation, et l'exemple doit venir d'en haut. C'est-à-dire des dirigeants : quelles sont leurs croyances, quelles sont leurs priorités et, par-dessus tout, comment se comportent-ils? Parce que le comportement des dirigeants inspire celui de tous les autres membres de l'organisation. Ce que les dirigeants ne disent pas et ne font pas peut être aussi important que ce qu'ils disent et ce qu'ils font. Ce sont ces comportements qui créent la culture – c'est-à-dire la « façon dont les choses sont réellement faites ». Il peut s'agir de savoir « comment faisons-nous les choses » ou « que font les gens quand personne ne regarde. »
La culture est ancrée profondément dans une organisation et évolue lentement. Par exemple, il ne suffit pas de changer une politique. C'est certainement là une première étape nécessaire, mais il faudra que les dirigeants démontrent qu'ils se conforment à une nouvelle politique pendant des années avant que les employés puissent croire au changement. La culture évoluera seulement lorsque les employés croiront les paroles des membres de la direction.
Diapositive : « Priorités absolues » difficiles à concilier
Bien des entreprises, par exemple, affirment que la sécurité est « leur priorité absolue ». Mais comme nous en avons souvent des preuves claires, elles sont nombreuses à considérer la rentabilité comme leur véritable priorité. Ça ne veut pas dire qu'elles courent délibérément des risques ou font le choix de négliger la sécurité. C'est simplement qu'elles doivent composer, dans les faits, avec de nombreux impératifs qu'il n'est pas facile de concilier : la sécurité, le service à la clientèle, la productivité, l'innovation technologique, la gestion des horaires, le contrôle des coûts et le rendement qu'elles procurent à leurs actionnaires.
Toutefois, la sécurité ne devrait pas être une « priorité », elle devrait être une valeur. C'est-à-dire un élément que vous devez intégrer à votre organisation… si vous voulez qu'elle survive. Elle doit faire partie de vos préoccupations dans tout ce que vous faites.
La CEPA a fait des progrès quant au cheminement de ses membres vers une culture de sécurité, et j'espère que le document Safety Culture Guidance, à paraître sous peu, sera un outil précieux pour vous tous.
Diapositive 14 : Évaluation des résultats
À quoi peut donc ressembler une bonne culture de sécurité pour le BST, et comment peut-on la mesurer?
La réponse est simple : on la mesure en observant le comportement des personnes au sein de l'organisation.
Voici quatre exemples de comportement — tirés principalement des trois autres modes de transport où nous menons des enquêtes.
Respect des engagements
Il faut commencer par respecter ses engagements, par exemple, quand il s'agit de procéder à l'évaluation des risques.
Après tout, l'évaluation des risques permet de faire en sorte qu'un changement opérationnel s'effectue en toute sécurité. Et quand une évaluation des risques permet de déceler des dangers ou des risques non atténués, l'entreprise peut alors prendre des mesures pour les éliminer, même si elle doit y consacrer de l'argent.
En outre, au BST, nous voyons encore des situations où des entreprises n'évaluent pas les risques avant de procéder à des changements opérationnels. Ainsi, pour le mode ferroviaire, lorsque les expéditions de marchandises dangereuses ont connu une augmentation vertigineuse en quelques années seulement, il n'y a pas eu d'évaluation des risques pour connaître l'incidence de l'augmentation du trafic sur l'infrastructure des voies. Nous constatons aussi une attitude qu'ont certaines entreprises qui tentent de se justifier de ne pas évaluer les risques en demandant pourquoi « aucun règlement ne l'exige », plutôt que de profiter des renseignements utiles qu'une évaluation leur permettrait d'obtenir.
Culture juste
Un deuxième élément clé d'une bonne culture de sécurité est le fait qu'elle intègre les processus de son SGS dans une culture juste. Qu'entend-on par « culture juste »? C'est un environnement de travail où la distinction entre une simple erreur humaine et un comportement inacceptable est clairement tracée, et où l'on ne met pas immédiatement en cause le travailleur sans avoir préalablement recherché les facteurs contributifs systémiques.
Ainsi, dans certaines entreprises, lorsqu'un événement fâcheux se produit, on peut avoir tendance à jeter immédiatement le blâme sur le travailleur en cause et lui imposer une mesure disciplinaire, plutôt qu'à examiner des problèmes plus graves comme la convivialité des procédures, la formation, la fatigue ou la supervision.
Aujourd'hui, pour savoir si l'on a affaire à des problèmes systémiques, il suffit de recourir à un « test de substitution ». Cela signifie qu'il faut se poser la question suivante : cela serait-il arrivé à quelqu'un d'autre dans les mêmes circonstances?
Autrement dit, il faut rechercher au-delà du travailleur et analyser le système avec lequel il doit travailler.
NAV CANADA, par exemple, dans ses discussions avec son syndicat des contrôleurs, a mis au point un arbre décisionnel pour une « culture juste » permettant aux deux parties de connaître les motifs de l'imposition d'une mesure disciplinaire dans les rares cas où cela s'imposait, plutôt que de simplement punir quelqu'un qui « n'avait pas respecté les procédures. »
Culture de signalement
Un troisième élément d'une bonne culture de sécurité est la culture de signalement — selon laquelle les gens se sentent « en sécurité » pour signaler les problèmes et les incidents, parce qu'ils savent qu'on les traitera de façon équitable et que les enjeux sous-jacents seront étudiés. Dans les entreprises dépourvues d'une culture de signalement bien établie — où par exemple un employé craint les représailles s'il ose parler —, les problèmes sont moins susceptibles d'être signalés. Résultat? Ces problèmes restent inconnus et ne feront l'objet d'aucun suivi par l'entreprise.
Culture d'apprentissage
Le dernier élément d'une bonne culture de sécurité est le volet de l'apprentissage.
Dans un monde idéal, une culture d'apprentissage constitue un aboutissement normal au sein d'une entreprise où les employés se sentent en confiance pour signaler les problèmes. Parce que, une fois les problèmes signalés, la direction — et idéalement toute l'organisation — se demande « quelle leçon peut-on tirer de tout cela? » Autrement dit, comment utilisez-vous les données qui ont été signalées pour que la compagnie puisse apprendre et croître?
Diapositive 15 : Évaluation de la culture de sécurité à l'avenir : le dilemme de savoir jusqu'où nous devons aller
Étant donné que la réglementation sur les SGS au Canada pour tous les modes de transport est relativement nouvelle, la façon dont ces systèmes sont évalués n'est pas tout à fait… bien rodée. Par exemple, les organismes de réglementation se concentrent encore essentiellement sur l'examen, l'évaluation et le suivi des processus propices à la sécurité exigés par les divers règlements. Cela nous ramène à ce que je vous disais précédemment, quant à savoir s'il existe un SGS. Il vaudrait mieux vous demander : votre approche en matière de gestion de la sécurité est-elle efficace?
C'est une question à laquelle il est plus difficile de répondre, et qu'il est encore plus difficile d'évaluer. Pourquoi? Parce que le processus est beaucoup plus subjectif et, de façon générale, les organismes de réglementation n'ont pas créé les outils pour faire une telle évaluation.
Par exemple, comment peut-on évaluer si l'on accorde assez d'importance à la sécurité en examinant la structure et l'effectif d'une organisation? Quel est l'effectif approprié? Comment savoir si, par exemple, il y a trop de postes à pourvoir à un moment précis? Comment tenir compte de l'expérience et de la compétence? Comment évaluer si la gestion du rendement permet d'aborder de façon adéquate les responsabilités des dirigeants en matière de sécurité? Comment savoir si les erreurs commises par les employés constituent des occasions d'apprentissage?
Ainsi, si l'organisme de réglementation le prévoit, l'évaluation du volet « maintien » adopté par une organisation est davantage un exercice qualitatif — c'est une question d'opinion plutôt qu'une question de fait précis.
Toutefois, si un organisme de réglementation interrompt son évaluation après avoir examiné les processus propices à la sécurité et les systèmes de maintien, il ne saura toujours pas « pourquoi » il y a eu défaillance. Le « pourquoi » est lié à la culture de sécurité.
Le dilemme auquel fait maintenant face l'organisme de réglementation est le suivant : après avoir créé des exigences relatives aux processus de gestion de la sécurité — dont l'efficacité est fonction de systèmes comme la structure organisationnelle et l'effectif, qui sont du ressort de la direction, et qui est également fonction de la culture de sécurité d'une organisation, qui est elle-même liée au comportement des dirigeants de l'organisation — jusqu'où l'organisme de réglementation doit-il aller pour évaluer la capacité d'une organisation de gérer la sécurité AVANT qu'un accident se produise?
Quant au transport par pipelines… Lorsque l'ONE évalue les programmes de gestion de la sécurité exigés en vertu de sa réglementation, il s'efforce d'examiner la pertinence et l'efficacité des processus et des procédures de gestion utilisés. Selon vous, cette approche fonctionne-t-elle? Si ce n'est pas le cas, que faudrait-il faire différemment?
Après qu'un accident s'est produit, le rôle du BST consiste à mener une enquête, et le processus d'enquête dans le cas d'un événement important comprendra l'examen de l'organisation et de sa capacité de mener ses activités en toute sécurité, ainsi qu'un examen de la surveillance réglementaire. Le BST publie une Liste de surveillance afin d'attirer l'attention sur les problèmes qui présentent le plus grand risque pour le système de transport au Canada. La gestion de la sécurité et la surveillance pour les modes de transport ferroviaire, aéronautique et maritime figurent sur la Liste de surveillance 2016.
Diapositive 16 : Matière à réflexion
Je terminerai mon exposé avec une citation que vous connaissez tous, mais qui demeure d'actualité. En 2013, à l'occasion du 25e anniversaire de l'accident sur la plateforme Piper Alpha, Lord Cullen disait :
« Aucun règlement sur la gestion de la sécurité ne peut pallier une gestion de la sécurité déficiente au quotidien.Selon moi, la qualité de la gestion de la sécurité repose essentiellement sur l'encadrement de la sécurité à tous les niveaux d'une organisation ainsi que sur l'engagement de tous à faire de la sécurité une priorité. »
Merci.
Diapositive 17 : Coordonnées
Diapositive 18 : Des questions?
Diapositive 19 : Mot-symbole Canada