Publication du rapport d'enquête aéronautique A16A0032
Mot d'ouverture

Kathy Fox, présidente du BST
et
Natacha Van Themsche, directrice des enquêtes aéronautiques, BST
Montréal (Québec)
10 janvier 2018

Seul le texte prononcé fait foi.

Kathy Fox

Bonjour. Le 29 mars 2016, un bimoteur turbopropulsé Mitsubishi MU-2 s'est écrasé durant son approche vers les Îles-de-la-Madeleine, au Québec, causant la mort des sept personnes à bord.

Après chaque accident, les enquêteurs du BST cherchent à répondre à deux questions fondamentales : Que s'est-il passé? Et pourquoi cela s'est-il produit? Pour y répondre, il nous faut des renseignements. Mais trop souvent, nous rencontrons le même problème : il n'y a pas d'enregistreur de conversations ou d'enregistreur de données de vol à bord de l'avion puisque ces fameuses « boîtes noires » n'y sont pas obligatoires. L'information que fournissent ces dispositifs est d'autant plus importante lorsqu'il n'y a ni témoin ni survivant, et que l'épave est trop endommagée pour révéler quoi que ce soit.

Dans le cas présent, le pilote avait non seulement conçu un type d'enregistreur léger, mais il l'avait aussi installé à bord de l'avion, même si la réglementation ne l'exigeait pas. Cette initiative s'est avérée inestimable, car elle a fourni aux enquêteurs du BST des enregistrements de conversations du poste de pilotage ainsi que des données d'accélération et du GPS. Bref, ce dispositif nous a permis de reconstituer en détail le déroulement du vol.

Nous avons ainsi appris très tôt durant l'enquête qu'un certain nombre de paramètres de l'avion pendant l'approche étaient plus élevés que recommandé, indiquant une approche non stabilisée qui, dans ce cas-ci, a mené à un déséquilibre de l'avion.

Je vais maintenant céder la parole à Natacha Van Themsche, qui vous parlera de ce que nous avons appris.

Natacha Van Themsche

Merci, Kathy.

Nous allons maintenant regarder une brève animation qui démontre la chaîne des événements. Même si le sol est visible dans l'animation pour faciliter la compréhension, gardons en tête que l'avion volait dans les nuages pendant l'approche.

Vous savez maintenant ce qui s'est passé : le pilote a poursuivi une approche non stabilisée qui a mené à un déséquilibre de l'avion à une altitude insuffisante pour prévenir l'impact avec le sol.

Mais pourquoi les événements se sont-ils déroulés de cette façon?

Le MU-2 est un avion de haute performance, qui présente des défis à piloter, spécialement à basse vitesse et en particulier lors d'applications soudaines de la puissance moteur. Cela vient donc augmenter la complexité des approches et des atterrissages, qui sont déjà en soi des étapes de vol assez délicates, étant donné la proximité de l'avion avec le sol, la charge de travail accrue du pilote, et la nécessité de gérer la vitesse, l'altitude et le taux de descente de l'avion pendant l'approche.

Plusieurs critères clés de performance n'étaient pas stabilisés durant l'approche. La charge de travail du pilote n'a fait qu'augmenter tandis qu'il tentait de réduire sa vitesse, son altitude et son taux de descente, de compléter les listes de vérifications nécessaires et de configurer l'avion pour l'atterrissage.

Tout au long de l'approche, le pilote exécutait simultanément plusieurs tâches – en réagissant à la situation au lieu de la contrôler de manière délibérée et mesurée. Une option à considérer dans une telle situation est d'abandonner l'approche et de remonter à une altitude sécuritaire pour déterminer la prochaine mesure à prendre.

Toutefois, puisque sa charge de travail avait diminué sa conscience de la situation, le pilote a été moins en mesure de reconnaître la détérioration des conditions et le besoin d'abandonner l'approche. C'est ainsi qu'il a poursuivi une approche non stabilisée.

Nous voulons faire deux observations.

La première concerne les approches stabilisées. Les organismes de réglementation, les exploitants et les fabricants ont établi des critères d'approche stabilisée, que les pilotes apprennent à respecter. Les approches stabilisées rendent les atterrissages plus uniformes et plus prévisibles; les pilotes ont ainsi le temps de surveiller des facteurs clés comme la vitesse, l'altitude et le taux de descente, et de compléter les listes de vérifications. Tout cela augmente la probabilité d'un atterrissage sécuritaire. C'est pourquoi il est donc important que les pilotes considèrent d'abandonner une approche si celle-ci n'est pas stabilisée.

La seconde observation concerne l'enregistreur que le pilote avait installé à bord de l'avion. Sans ce dispositif, nous n'aurions peut-être jamais appris ce qui s'est passé. Et, fait tout aussi important, nous n'aurions pu écarter d'autres hypothèses que nous avons examinées durant l'enquête, par exemple une défaillance technique ou du givrage sur les ailes.

Quoique le BST ne recommande aucun produit particulier, nous pouvons dire que le système d'enregistrement des données de vol léger à bord de cet avion peut être vu comme un indicateur de la voie à suivre. Cependant, en vertu de la réglementation actuelle, même un avion très performant et exigeant comme le MU-2 n'est pas tenu d'avoir un enregistreur de conversations ou un enregistreur de données de vol.

Les avantages sont pourtant évidents : savoir ce qui s'est passé est essentiel pour déterminer pourquoi un accident s'est produit. Ces renseignements permettent au BST de cerner les lacunes et les risques, puis de les communiquer à l'industrie, à l'organisme de réglementation et à l'ensemble des Canadiens et Canadiennes.

En ce qui concerne les approches non stabilisées, nous en avons été témoins de plusieurs dans le passé, qui ont mené à des accidents tragiques. C'est pourquoi les approches non stabilisées figurent sur notre Liste de surveillance, qui identifie les principaux enjeux de sécurité à régler pour rendre le réseau des transports du Canada encore plus sécuritaire. C'est aussi pourquoi nous continuerons de souligner les risques que prennent les pilotes lorsqu'ils poursuivent une approche non stabilisée à l'atterrissage.

Merci.