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Kathy Fox, présidente du BST
et
Beverley Harvey, enquêteure désignée, BST
Calgary (Alberta)
26 avril 2018
Version française du mot d'ouverture, prononcé en anglais
Seul le texte prononcé fait foi.
Kathy Fox
Bonjour.
Le soir du 13 octobre 2016, un avion privé Cessna Citation 500 a décollé de Kelowna, en Colombie-Britannique, pour un vol à destination de Calgary, en Alberta. Un pilote et trois passagers se trouvaient à bord.
Quelques minutes plus tard, l'avion a amorcé un virage serré en descente, puis s'est écrasé contre le sol. Il n'y a eu aucun survivant.
Aujourd'hui, le Bureau de la sécurité des transports publie son rapport d'enquête sur cet événement. Même si des experts ont passé d'innombrables heures à analyser l'épave, les données radar et les dossiers de l'entreprise et du personnel, nous ne connaissons toujours pas la cause exacte de cet accident. Cet appareil n'avait pas d'enregistreur de données de vol ou d'enregistreur de conversations de poste de pilotage. L'absence de ces enregistreurs, dont l'installation n'est pas exigée par la réglementation, nous prive d'une séquence détaillée des événements qui se sont déroulés dans le poste de pilotage. Nous avons seulement une hypothèse, un scénario qui ne comporte pas suffisamment de faits pour être concluant.
Cela est inacceptable. C'est pourquoi nous recommandons aujourd'hui que Transports Canada exige l'installation d'enregistreurs de données de vol légers par les exploitants d'avions commerciaux et privés qui n'y sont pas actuellement tenus.
Dans quelques minutes, je parlerai davantage de cette recommandation et de la préoccupation du Bureau sur la manière dont Transports Canada surveille l'aviation d'affaires au Canada. Mais d'abord, je vais céder la parole à Beverley Harvey, l'enquêteure désignée. Elle expliquera ce que nous savons à propos de cet accident, la manière dont nous avons obtenu cette information, et ce que nous pensons que cette information signifie.
Beverley?
Beverley Harvey
Merci.
Comme Kathy l'a dit, l'avion n'était pas tenu d'avoir un enregistreur de données de vol ni un enregistreur de conversations dans le poste de pilotage. Pour recréer sa trajectoire de vol, nous avons utilisé les enregistrements audio du contrôle de la circulation aérienne et les données radar des installations de Kelowna et de Kamloops. C'est ainsi que nous avons appris que l'avion a amorcé sa course au décollage vers 21 h 32. Ensuite, les données radar, qui sont beaucoup moins détaillées que celles d'un enregistreur de données de vol, montrent que le taux de montée initiale de l'appareil a fluctué rapidement. En seulement 30 secondes, ce taux est passé de 4000 pieds par minute à seulement 600 pieds par minute, puis a augmenté à 6000 pieds par minute. Pendant cette montée, l'avion s'est aussi écarté de la trajectoire prévue de 20 degrés vers la droite.
À elle seule, cette information ne nous permet pas de tirer des conclusions fermes. Le pilote automatique n'était peut-être pas actionné. Si c'est le cas, la charge de travail du pilote était peut-être plus lourde qu'à l'habitude. Et c'est aussi peut-être pourquoi le pilote a tardé à se mettre en communication avec le contrôle de la circulation aérienne.
Toutefois, l'enquête a révélé que le pilote, pourtant expérimenté, avait très peu d'expérience récente en vol de nuit. En fait, il n'avait effectué que deux décollages de nuit au cours des six mois précédents. Cela ne répondait pas aux exigences de Transports Canada sur le transport de passagers la nuit.
Les pilotes qui n'ont pas une compétence suffisante en vol de nuit sont plus sujets à la « désorientation spatiale », c'est-à-dire des sensations physiques trompeuses, comme le sentiment de basculer vers l'arrière, qui se produisent pendant les périodes d'accélération prolongée, telles que la montée initiale. Même si elles sont fausses, ces sensations peuvent être intenses et peuvent inciter les pilotes à douter de leurs instruments, à manipuler les commandes incorrectement, et même à placer accidentellement l'aéronef dans un piqué en spirale.
Encore une fois, sans données objectives et vérifiables, nous ne pouvons pas établir avec certitude ce qui s'est passé. Les enquêteurs du BST peuvent seulement élaborer une hypothèse selon laquelle le pilote a éprouvé une désorientation spatiale et perdu la maîtrise de l'aéronef peu après le décollage, dû à un manque d'expérience récente en vol de nuit et en vol aux instruments et à une possible surcharge de travail puisqu'il était seul aux commandes de l'appareil.
Ce manque de preuves concrètes est frustrant pour les enquêteurs, surtout après 18 mois de travail. Je redonne maintenant la parole à Kathy Fox pour vous parler des mesures qui, selon nous, devraient être prises.
Kathy Fox
Il y a sept ans, en 2011, le BST a enquêté sur l'écrasement mortel d'un monomoteur de Havilland Otter au nord-est de Mayo, au Yukon.Note de bas de page 1 Cette enquête a permis d'établir un seul fait quant aux causes, soit qu'il « n'a pas été possible de déterminer les raisons de la perte de maîtrise de l'aéronef ». Le BST a ensuite recommandé que Transports Canada facilite l'installation d'enregistreurs de données de vol légers à bord d'un plus grand nombre d'avions commerciaux et ce, pour aider au travail des enquêteurs à la suite d'un accident, et pour aider les exploitants à surveiller leurs opérations de vol.
Plus tôt cette année, nous avons publié notre rapport sur un autre accident mortel survenu aux Îles-de-la-Madeleine, au Québec.Note de bas de page 2 Dans ce cas-ci, le pilote avait non seulement conçu une sorte d'enregistreur léger, mais l'avait aussi installé à bord de l'avion, même si la réglementation ne l'exigeait pas. Cette initiative s'est révélée inestimable, car elle nous a permis de reconstituer en détail le déroulement du vol, moment par moment, y compris ce qui s'est passé dans les derniers instants fatidiques.
Sans cette initiative et sans enregistreur léger à bord, nous aurions fait face à la même situation que celle du Yukon et du présent accident à Kelowna.
Je veux mettre deux choses au clair : premièrement, la réglementation n'exigeait pas l'installation d'un enregistreur de données de vol ou d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage à bord de l'aéronef en cause. Deuxièmement, cela doit changer.
Nous n'aimons pas répondre « nous ne le savons pas » quand on nous demande pourquoi et comment un accident s'est produit. Il est temps que nous puissions répondre de façon définitive à ces questions – aux familles des victimes, au secteur de l'aviation du Canada, au public canadien.
Si la recommandation émise par le BST après l'écrasement au Yukon ciblait l'aviation commerciale, il est plus évident que jamais que les enregistreurs sont nécessaires à un segment plus vaste de l'aviation, notamment aux « exploitants privés d'avions d'affaires », soit des avions d'un certain poids et dotés d'un certain type de moteurs, ou certifiés pour le transport de plus de six passagers. Cela ne vise pas les avions de loisir. Le BST recommande donc que Transports Canada exige l'installation d'enregistreurs de données de vol léger par tous les exploitants d'avions d'affaires privés et commerciaux qui n'y sont pas actuellement tenus.
Je souhaite maintenant aborder la manière dont Transports Canada surveille les exploitants privés d'avions d'affaires.
En 2011, après un accident mettant en cause un biréacteur d'affaires survenu en 2007 à Fox Harbour, en Nouvelle-Écosse,Note de bas de page 3 Transports Canada a annoncé qu'il allait reprendre la surveillance des exploitants privés, jusque-là confiée à l'Association canadienne de l'aviation d'affaires. Toutefois, en 2016, peu de temps avant l'accident de Kelowna, Transports Canada a exempté temporairement les exploitants privés d'avions d'affaires de son programme national de surveillance. Toute surveillance allait donc être effectuée uniquement de manière réactive, c'est-à-dire après un « incident ou accident grave ».
Pendant l'enquête, le BST n'a trouvé aucune indication que l'exploitant de l'avion en cause avait fait l'objet d'une inspection de Transports Canada, que ce soit avant ou après l'accident. Transports Canada n'a donc pas été en mesure de déceler un certain nombre d'enjeux de sécurité, dont : le transport nocturne de passagers par un pilote non qualifié pour le faire; le défaut de l'entreprise d'obtenir une approbation opérationnelle pour exploiter ce type d'appareil avec un seul pilote aux commandes; et le non-respect des calendriers d'entretien et d'inspection de certains composants des ailes.
Comprenez-moi bien, tous les transporteurs sont responsables de gérer les risques inhérents à leurs activités. Mais lorsqu'ils ne peuvent pas, ou ne veulent pas, prendre la sécurité en main, il est essentiel que Transports Canada intervienne et ce, de manière à changer les pratiques d'exploitation dangereuses. Voilà la responsabilité d'un organisme de réglementation qui doit veiller à la sécurité publique.
Récemment, Transports Canada a annoncé un autre changement. Il compte jouer un rôle plus actif dans la surveillance des exploitants privés d'avions d'affaires en soumettant certaines entreprises à des inspections ciblées plus tard cette année. Le temps nous dira si ces inspections auront réellement lieu et si elles seront efficaces, mais une chose est certaine : une approche « réactive » à la surveillance, où les exploitants privés d'avions d'affaires sont exclus des inspections planifiées, expose le secteur de l'aviation d'affaires à des risques accrus, ce qui peut causer plus d'accidents.
Cela devrait inquiéter tout le monde, et non seulement le BST.
Merci.
Notes de bas de page
Note de bas de page 1Rapport d'enquête aéronautique A11W0048 du BST.
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Note de bas de page 2Rapport d'enquête aéronautique A16A0032 du BST.
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Note de bas de page 3Rapport d'enquête aéronautique A07A0134 du BST.