Communications de sécurité liées à l’enquête A21C0038 du BST : Collision avec le relief sur l’Île Griffith (Nunavut) en avril 2021

L’événement

En fin d’après-midi le 25 avril 2021, l’Airbus Helicopters AS350 B2 de Great Slave Helicopters 2018 Ltd. (A21C0038) a quitté un camp éloigné de l’île Russell (Nunavut) pour effectuer un vol de jour selon les règles de vol à vue à destination de l’aéroport de Resolute Bay (Nunavut). À bord se trouvaient le pilote, un technicien d’entretien d’aéronef et un biologiste. L’objectif du vol était de retourner à Resolute Bay après 12 jours de recherche sur les ours polaires pour un client, étant donné que des conditions météorologiques défavorables étaient prévues dans la région pendant plusieurs jours.

Alors que l’hélicoptère approchait de la plus haute altitude de l’île Griffith, il a rencontré un relief dépourvu de caractéristiques marquées et uniformément enneigé, le ciel couvert et des bourrasques de neige ont probablement créé des conditions de lumière plate et de voile blanc. Cela a entraîné une perte inattendue des repères visuels par rapport à l’horizon, aussi appelées conditions météorologiques de vol aux instruments par inadvertance. La tentative de manœuvrer visuellement l’hélicoptère en réponse aux conditions de voile blanc a entraîné une descente non intentionnelle et une collision avec le relief. Il n’y avait pas de survivants.

Recommandations émises le 15 février 2024

Sortie d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

Malgré la fréquence des accidents d’hélicoptères liés à la perte de repères visuels survenant lors de vols VFR, et bien que certains pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR soient autorisés à voler lorsque la visibilité est aussi faible que ½ mille terrestre, rien n’exige que les exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes de leur entreprise possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC).

Au cours de la présente enquête, le BST a découvert que certains exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux dont les pilotes possèdent une expérience de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) accordent une grande importance au fait d’équiper leurs aéronefs et de former leurs pilotes qualifiés pour le vol VFR pour sortir d’un IIMC lorsqu’ils volent au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver. Cependant, d’autres entreprises qui n’effectuent que des vols VFR, dont GSH, ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC et s’en remettent à cette approche. Une telle approche, autorisée par le Règlement de l’aviation canadien (RAC), repose sur la capacité du pilote à éviter un IIMC et à piloter en se fiant uniquement à des repères visuels extérieurs.

Comme le montre l’événement à l’étude, et bien d’autres événements évoqués dans le présent rapportNote de bas de page 1, il peut s’avérer inefficace de s’appuyer sur une approche fondée sur l’évitement intentionnel de quelque chose qui se produit par inadvertance. Compte tenu du nombre d’accidents attribuables à un IIMC qui se sont produits et du fait que les accidents d’hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avions, il est évident que l’approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC n’est pas efficace lorsqu’elle est utilisée seule. Le recours à cette approche peut exposer les pilotes et les passagers à un risque accru d’accidents liés à un IIMC, car cette approche encourage généralement les pilotes à voler plus bas et plus lentement au fur et à mesure que les conditions météorologiques se dégradent, et ce, jusqu’à ce qu’ils déterminent qu’il n’est plus possible de poursuivre le vol en toute sécurité. Cette approche a généralement pour effet de rapprocher les hélicoptères du sol, dans un profil de vol qui peut rendre plus difficile, voire impossible, le passage aux instruments de vol en cas de perte de repères visuels.

Lorsque le pilote de l’événement à l’étude a reconnu la nécessité de prendre des mesures d’évitement, il n’avait pas les compétences nécessaires pour faire en toute sécurité la transition vers un vol aux instruments et exécuter une procédure prédéterminée de sortie d’IIMC, comme effectuer une montée droit devant ou un virage à 180° pour revenir à des conditions météorologiques de vol à vue, avant de perdre tous ses repères externes. Il est probable que le pilote de l’événement à l’étude a plutôt compté sur la technique qui lui avait été enseignée, à savoir continuer de piloter en se fiant à des repères extérieurs, et ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de repères visuels adéquats. Cette technique a fait en sorte que l’hélicoptère de l’événement a percuté le relief par inadvertance alors que le pilote se trouvait probablement dans des IMC en raison de conditions de lumière plate et de voile blanc.

Après une série d’accidents liés aux conditions de lumière plate et de voile blanc ayant touché des hélicoptères commerciaux en vol VFR aux États-Unis (É.-U.), le National Transportation Safety Board des É.-U. a émis plusieurs recommandations de sécurité en 2002 visant à réduire ce type d’événements. À la suite de ces recommandations, la Federal Aviation Administration des É.-U. a apporté des modifications aux Federal Aviation Regulations. L’une des modifications les plus importantes a été l’obligation pour les pilotes professionnels d’hélicoptères de démontrer, au départ puis périodiquement, qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMCNote de bas de page 2. La Helicopter Association International a également reconnu la nécessité d’agir et a élaboré une approche globale à l’égard des IIMC qui comprend une formation sur la façon d’éviter les situations de type IIMC et d’en sortir. Cette approche est approuvée par la United States Helicopter Safety Team et la Helicopter Association of Canada.

Au Canada, le test en vol pour obtenir la licence de pilote privé d’hélicoptère, puis la licence de pilote professionnel d’hélicoptère, exige que les pilotes démontrent plusieurs compétences telles que le vol stationnaire, les virages à grande inclinaison et les autorotations. De plus, un pilote doit démontrer son aptitude à maintenir le contrôle en n’ayant pour référence que les instruments de vol pendant la simulation d’un IIMCNote de bas de page 3. Cela montre que les pilotes d’hélicoptère ayant une expérience limitée du vol aux instruments peuvent être formés à exécuter une procédure de sortie d’IIMC en utilisant uniquement les instruments de vol.

Une fois que les pilotes obtiennent leur licence de pilote professionnel, ils doivent démontrer qu’ils satisfont à plusieurs de ces exigences du test en vol (p. ex., les autorotations) lors des vérifications annuelles de compétence pilote. Cependant, malgré le nombre d’accidents d’hélicoptères attribuables à un IIMC et les pertes de vie qui y sont associées, les pilotes professionnels d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR ne sont pas tenus de démontrer, lors des vérifications de compétence pilote, qu’ils conservent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Étant donné qu’il n’y a aucune obligation de maintenir cet ensemble de compétences, les exploitants d’hélicoptères commerciaux effectuant des vols VFR ne sont pas tenus de dispenser à leurs pilotes une formation de sortie d’IIMC. Sans entraînement périodique, que ce soit à bord de l’aéronef ou par d’autres moyens, les compétences s’éroderont. Plus il s’est écoulé de temps depuis la dernière évaluation de la capacité des pilotes à sortir d’un IIMC, moins il est probable qu’ils aient la compétence et la confiance nécessaires pour exécuter une telle manœuvre dans des conditions réellesNote de bas de page 4,Note de bas de page 5. Par conséquent, la réglementation en vigueur permet aux pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR de voler dans des conditions environnementales propices à une perte de repères visuels, sans avoir l’assurance qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC.

En 1990, le BST a émis la recommandation A90-81 demandant que TC exige que les pilotes professionnels d’hélicoptère subissent, au cours de leur vérification annuelle de compétence pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments. Après plusieurs années d’inaction de la part de TC, le Bureau a estimé que la réponse de TC à cette recommandation dénotait une attention non satisfaisante et a fait passer la recommandation au statut « en veilleuseNote de bas de page 6 ».

Étant donné que les exploitants d’hélicoptères commerciaux ne sont pas tenus de s’assurer que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC, les pilotes et les passagers d’hélicoptères en vol VFR sont exposés à un risque accru de collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
Recommandation A24-01 du BST

La technologie comme moyen de défense contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

Une approche solide de prévention des accidents résultant d’une perte de repères visuels doit comprendre de multiples moyens de défense qui aideront à éviter les IIMC et à en sortir. Cela est particulièrement vrai pour les hélicoptères commerciaux en vol VFR, qui volent régulièrement à des altitudes inférieures à celles des avions commerciaux en vol VFR. La recommandation A24-01 indique la nécessité que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Cependant, il est tout aussi important de fournir aux pilotes des renseignements qui les aideront à maximiser leur conscience de la situation et qui aideront à la prise de décisions du pilote (PDP) avant ou après l’entrée dans un IIMC. La technologie peut être utilisée de plusieurs manières pour prévenir les accidents liés à un IIMC.

Dans l’événement à l’étude, le pilote s’est retrouvé dans des conditions de lumière plate et de voile blanc alors que l’hélicoptère survolait l’île Griffith. L’hélicoptère était équipé d’instruments de vol, mais le pilote a utilisé l’approche « éviter à tout prix » face à ces conditions, ce qui est autorisé par le RAC et faisait partie de sa formation. Ainsi, le pilote était formé à piloter en se fiant uniquement à des repères visuels extérieurs dans des situations de visibilité réduite. De plus, l’hélicoptère de l’événement à l’étude n’était pas équipé d’une technologie capable d’alerter le pilote de la hauteur de l’hélicoptère au-dessus du sol ou de sa vitesse verticale de descente. Par conséquent, le pilote n’avait aucun moyen d’être averti de la collision imminente avec le relief qui s’est produite peu de temps après qu’il a vraisemblablement tenté d’effectuer un virage à vue de 180° dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.

Les instruments de vol constituent l’un des exemples les plus élémentaires de technologie susceptible de contribuer à la prévention des accidents liés à un IIMC. Le RAC énonce des exigences précises en matière d’instruments de vol pour les aéronefs exploités en IFRNote de bas de page 7; toutefois, les exigences sont nettement moins strictes pour les aéronefs exploités en VFRNote de bas de page 8. Plus précisément, les aéronefs volant en mode VFR ne sont pas tenus d’être équipés d’instruments de vol qui sont essentiels à la maîtrise de l’aéronef dans des conditions telles que la lumière plate et le voile blanc, qui ont été à maintes reprises associées à des accidents liés à un IIMCNote de bas de page 9, tout comme dans l’événement à l’étude.

En 1990, le BST a émis la recommandation A90-84 demandant à TC d’exiger que tous les hélicoptères utilisés à des fins commerciales soient munis d’une instrumentation suffisante permettant l’exécution des manœuvres élémentaires de vol aux instruments. TC n’appuie pas cette recommandation active. Par conséquent, compte tenu de l’absence de progrès, le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation A90-84 dénotait une attention non satisfaisante.

Au cours de l’enquête sur l’événement à l’étude, le BST a découvert que certains exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux dont le personnel de direction possède une expérience de vol IFR considèrent qu’il est indispensable que les hélicoptères en vol VFR au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver soient équipés des instruments de vol nécessaires pour les vols IFR et que les pilotes aient reçu une formation en matière de sortie d’IIMC. Certains de ces exploitants considèrent également qu’il est essentiel d’équiper ces aéronefs d’altimètres radar, et un exploitant a même commencé à utiliser des systèmes de vision synthétique. En revanche, certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR ne voient pas la nécessité de mettre en œuvre ces moyens de défense. Dans le cas de GSH, les pilotes de l’équipe de direction de l’entreprise, qui étaient uniquement qualifiés pour le vol VFR, n’estimaient pas nécessaire de mettre en place des moyens de défense semblables, même si certains pilotes en avaient fait la demande. Les pilotes de l’équipe de direction de GSH savaient également qu’en 2015, l’entreprise remplacée par GSH avait connu un accident dans des conditions de lumière plate et de voile blanc, qui avait donné lieu à plusieurs recommandations internes. Toutefois, l’absence d’exigences officielles visant à équiper les hélicoptères effectuant des vols VFR d’instruments de vol de base a probablement contribué à donner l’impression à certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR que l’utilisation d’instruments de vol de base et la formation nécessaire pour les utiliser ne permettront pas nécessairement de prévenir les accidents liés à un IIMC. Par conséquent, les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR continuent d’être envoyés dans des régions sujettes à des conditions environnementales telles que la lumière plate et le voile blanc sans disposer d’instruments de vol de base et sans avoir été formés à l’utilisation de ceux-ci en cas de perte de tous les repères visuels. Les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR et les passagers de ces aéronefs sont donc exposés à un risque accru de collision avec le relief lors d’un IIMC.

Outre les instruments de vol de base, plusieurs avancées technologiques ont été réalisées pour améliorer la conscience de la situation des pilotes et, par conséquent, contribuer à la réduction du nombre d’accidents attribuables à un IIMC. Bon nombre de ces systèmes peuvent alerter les pilotes en cas de modifications involontaires du profil de vol qui augmentent le risque d’accidents liés à un IIMC. Par exemple, il est possible d’utiliser certains systèmes pour établir des « déclencheurs de décision en route », tels qu’une hauteur minimale au-dessus du sol, et alerter le pilote si la hauteur de l’hélicoptère au-dessus du sol descend en dessous du seuil prédéfini. Cela peut être particulièrement utile dans des conditions de lumière plate et de voile blanc en raison de leur nature insidieuse, qui peut faire en sorte qu’il soit difficile pour un pilote d’évaluer avec précision la hauteur au-dessus du sol.

Des technologies plus avancées, comme les systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact des hélicoptères, peuvent également signaler une collision imminente avec le relief ou des vitesses verticales de descente excessives à proximité du sol. Ces types d’alertes peuvent aider le pilote à reconnaître, en temps opportun, qu’il doit prendre des mesures d’urgence pour éviter une collision avec le relief. Une autre forme de technologie qui s’est répandue ces dernières années est celle des systèmes de vision synthétique, qui sont capables de fournir aux pilotes une carte virtuelle en 3 dimensions sur un écran dans le poste de pilotage ou dans une application pour tablette telle que ForeFlight. Cette même application peut, sous réserve de quelques modifications mineures de l’aéronef, fournir au pilote un ensemble d’instruments de vol de secours comme un poste de pilotage à écrans électroniques moderne.

Les formes de technologie susmentionnées contribuent à maximiser la conscience de la situation du pilote en lui fournissant des renseignements qu’il n’aurait peut-être pas s’il se fiait uniquement à des repères visuels extérieurs. Combinées à une formation et à des procédures appropriées, ces technologies peuvent réduire considérablement le risque d’accidents liés à un IIMC en avertissant le pilote lorsque les marges de sécurité s’amenuisent ou en l’aidant à sortir d’un IIMC.

En 2002, à la suite d’une série d’accidents d’hélicoptères en vol VFR dans des conditions de lumière plate, le National Transportation Safety Board des É.-U. a émis une recommandation de sécurité demandant l’installation d’altimètres radar à bord des hélicoptères commerciaux exploités dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blancNote de bas de page 10. Après plusieurs autres accidents survenus dans ces conditions, la Federal Aviation Administration des É.-U. a décidé d’élargir la portée de cette recommandation et a modifié les Federal Aviation Regulations pour exiger que tous les hélicoptères commerciaux soient équipés d’un altimètre radar ou d’un dispositif qui intègre un radioaltimètre. Selon la Federal Aviation Administration [traduction], « les radioaltimètres permettent d’améliorer la conscience de la situation en cas de vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC), d’opérations de nuit et de conditions de lumière plate, de voile blanc et de voile brunNote de bas de page 11 ».

En 1990, le BST a émis la recommandation A90-83 demandant à TC d’exiger que tous les hélicoptères qui transportent des passagers lors de vols commerciaux soient munis d’altimètres radar. TC n’a pas appuyé cette recommandation. En septembre 2012, compte tenu de l’absence de progrès pour corriger la lacune de sécurité visée par la recommandation A90-83, le Bureau a estimé que la réponse de TC dénotait une attention non satisfaisante et a fait passer la recommandation au statut « en veilleuse ».

Le BST a déjà tenté de résoudre les problèmes de sécurité liés aux accidents d’hélicoptères de collision avec le relief, en demandant un renforcement des exigences en matière d’instruments de vol et d’autres systèmes tels que les altimètres radar. À ce jour, TC n’a pas pris les mesures nécessaires pour donner suite à ces recommandations, qui ont été émises il y a plus de 30 ans. Le Bureau est d’avis qu’il faut en faire plus pour réduire le nombre d’accidents attribuables à la perte de repères visuels, qui sont plus de 2 fois plus susceptibles de se produire en hélicoptère qu’en avion. Il existe aujourd’hui de nombreuses formes de technologie qui, si elles étaient imposées par la réglementation, pourraient réduire considérablement le risque d’accidents liés à un IIMC, en particulier dans les régions sujettes à des conditions de lumière plate et de voile blanc. Étant donné qu’il n’est pas obligatoire d’équiper les hélicoptères effectuant des vols VFR d’une technologie pouvant aider les pilotes à éviter les IIMC et à en sortir, les pilotes et les passagers de ces hélicoptères demeurent exposés à un risque accru de collision avec le relief.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux mettent en œuvre une technologie qui aidera les pilotes à éviter les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et à en sortir.
Recommandation A24-02 du BST

Procédures d’exploitation normalisées pour les opérations commerciales à un seul pilote

Dans l’événement à l’étude, le pilote d’hélicoptère qualifié pour le vol VFR, qui avait une formation et une expérience limitées du pilotage « dans le blanc », a tenté de survoler l’île Griffith dans des conditions de lumière plate et de voile blanc qui ont probablement été créées par le relief uniformément enneigé et sans caractéristiques marquées, un ciel couvert et des bourrasques de neige. Ce faisant, le pilote a conduit par inadvertance l’hélicoptère dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. L’urgence de la situation, combinée au manque d’expérience du pilote dans des conditions semblables, a probablement entraîné une augmentation rapide de la charge de travail mental, alors que le pilote essayait d’analyser une situation inhabituelle et de choisir une ligne de conduite appropriée. Il est probable que les tentatives du pilote de manœuvrer l’hélicoptère à vue en réponse à la réduction des repères visuels, conformément à sa formation au vol par visibilité réduite, ont entraîné une descente non intentionnelle, et l’hélicoptère a percuté le relief sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

Il existe plusieurs façons d’atténuer les risques lorsqu’un pilote manque d’expérience dans un contexte opérationnel particulier. Idéalement, plusieurs moyens de défense devraient être mis en œuvre pour réduire le risque au niveau le plus bas raisonnablement possible. Par exemple, une formation réaliste sur le plan opérationnel peut aider à préparer un pilote aux situations susceptibles d’être rencontrées lors de tâches opérationnelles. Une autre façon d’atténuer le risque consiste à augmenter le niveau de supervision. Lors d’opérations en région éloignée, cela pourrait comprendre la mise en œuvre de protocoles de communication améliorés, comme des contacts de vérification obligatoires, afin de soutenir la PDP. Une autre stratégie d’atténuation des risques, exigée par la réglementation pour les opérations aériennes en équipage multiple, consiste à élaborer des procédures d’exploitation normalisées (SOP) pour les pilotes de la compagnie. Comme l’enquête sur cet événement l’a noté, les opérations à un seul pilote relevant des sous-parties 604, 702, 703 et 704 du RAC sont autorisées sans qu’il y ait de SOP.

Les SOP sont largement reconnues comme outil de renforcement de la sécurité dans les opérations en équipage multipleNote de bas de page 12, et bon nombre de leurs avantages s’appliquent également aux opérations à un seul pilote. Les SOP facilitent la PDP en fournissant aux pilotes des solutions efficaces préétablies, fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur, face à des situations précises susceptibles d’être rencontrées. Les SOP sont particulièrement utiles lorsqu’un pilote manque de connaissances ou d’expérience dans une situation donnée et qu’une ligne de conduite non idéale risque de réduire les marges de sécurité. Dans ces cas, les SOP peuvent contribuer à réduire la charge de travail du pilote, étant donné que le processus décisionnel demande moins d’efforts mentaux puisqu’il a été effectué d’avance pour le pilote. Les exigences réglementaires actuelles contribuent probablement à donner l’impression que les SOP sont plus importantes dans le cadre des opérations en équipage multiple que des opérations à un seul pilote. Par conséquent, les SOP sont moins courantes et généralement moins structurées dans le cas des opérations à un seul pilote que dans le cas des opérations en équipage multiple.

Le BST a enquêté sur de nombreux événements survenus dans des opérations à un seul pilote et pour lesquels soit il n’y avait pas de SOP parce qu’elles n’étaient pas exigées par la réglementation, soit les SOP étaient inadéquatesNote de bas de page 13. Pour profiter pleinement des avantages des SOP, la réglementation devrait être modifiée afin d’exiger des SOP pour toutes les opérations à un seul pilote relevant de la sous-partie 604 (exploitants privés) et de la partie VII (services commerciaux) du RAC.

De 2001 à 2003, TC a publié plusieurs avis de proposition de modification (APM) visant à étendre l’exigence relative aux SOP à « tous les vols commerciaux, quel que soit le nombre de membres d’équipage ou la complexité de l’aéronefNote de bas de page 14 ». Plus de 20 ans après leur publication, ces APM se trouvent toujours à différentes étapes d’examen (tableau 1).

Tableau 1. Avis de proposition de modification émis par Transports Canada de 2001 et 2003 visant à étendre l’exigence en matière de procédures d’exploitation normalisées à tous les vols, et leur état d’avancement
Numéro de l’APM Titre de l’APM Référence dans le RAC État
2003-075 Procédures d’utilisation normalisées (SOP) 723.107 (Avions) Révision juridique
2003-074 Procédures d’utilisation normalisées de l’aéronef 722.84 Révision juridique
2003-072 Procédures d’utilisation normalisées 702.84(1) Gazette du Canada, Partie I
2001-135 Procédures d’utilisation normalisées 704.124(1) CCRAC* : Approuvé
2001-134 Procédures d’utilisation normalisées 703.107(1) Gazette du Canada, Partie I

*Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne

Certaines entreprises qui effectuent des opérations à un seul pilote, comme GSH, ont élaboré à titre volontaire des SOP propres à diverses tâches. En l’absence d’exigences officielles et de directives claires pour aider les exploitants de vols effectués par un seul pilote à élaborer des SOP, ces exploitants peuvent ne pas comprendre très bien comment établir des procédures efficaces. Par exemple, GSH disposait d’une SOP propre aux opérations au-delà de la limite forestière; toutefois, cette SOP était constituée principalement de directives générales plutôt que de pratiques de vol sécuritaires telles que l’établissement de déclencheurs de décision en route comme la hauteur minimale au-dessus du sol ou la vitesse minimale. De plus, les SOP ne mentionnaient pas la pratique opérationnelle, employée par les pilotes chevronnés de GSH et prônée par le personnel du Programme du plateau continental polaire, consistant à éviter de survoler une île stérile enneigée. Par conséquent, ces connaissances organisationnelles n’étaient pas à la disposition du pilote de l’événement à l’étude, qui avait une expérience limitée dans ce type d’environnement.

Chaque année au Canada, des milliers de pilotes et de passagers se déplacent à bord d’aéronefs monopilotes. Dans bien des cas, ces vols sont effectués dans des régions éloignées, avec un soutien externe minimal. Dans ces environnements, des moyens de défense supplémentaires doivent être mis en place pour soutenir la PDP afin de garantir le maintien de marges de sécurité. Les SOP facilitent le partage des connaissances organisationnelles et des pratiques exemplaires et contribuent à assurer la cohérence entre les pilotes. Étant donné l’absence d’exigences en matière de SOP pour les opérations à un seul pilote relevant de la sous-partie 604 et de la partie VII du RAC, les pilotes et les passagers de ces aéronefs sont exposés à un risque accru d’accident résultant d’une prise de décisions inefficace et de la charge de travail cognitive en réponse à des situations nouvelles ou inattendues.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les exploitants qui effectuent des opérations à un seul pilote en vertu de la sous-partie 604 et de la partie VII du Règlement de l’aviation canadien élaborent des procédures d’exploitation normalisées fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur afin de soutenir la prise de décisions du pilote.
Recommandation A24-03 du BST

Amélioration des mesures d’atténuation des risques pour les opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé

Au Canada, un grand nombre d’exploitants d’hélicoptères et d’avions en VFR sont autorisés par TC à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé. L’approbation, accordée à titre de spécification d’exploitation, décrit les exigences auxquelles les exploitants doivent satisfaire pour effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé. Certaines de ces exigences sont les mêmes pour les hélicoptères et les avions; toutefois, il existe également des différences notables en ce qui a trait à la limite de visibilité, à l’équipement de bord et à la formation des pilotes (tableau 2).

Tableau 2. Exigences différentes entre les avions et les hélicoptères en matière d’exploitation par visibilité réduite
Exigence Avion Hélicoptère
Limite de visibilité réduite en vol VFR de jour, espace aérien non contrôlé, exploitation à moins de 1000 pieds AGL 1 SM ½ SM
Équipement requis pour le vol VFR de jour par visibilité réduite Horizon artificiel Gyroscope directionnel ou gyrocompas GPS Aucune
Formation au vol aux instruments requise pour le vol VFR de jour par visibilité réduite Une heure de formation initiale en vol et une heure de formation annuelle en vol sur les manœuvres de base de vol aux instruments et sur le vol à vitesse réduite Aucune

Ces différences signifient que les hélicoptères peuvent être exploités à une visibilité inférieure de moitié à celle des avions, et ce, sans bénéficier des avantages supplémentaires offerts par les moyens de défense nécessaires à l’exploitation d’un avion en cas de perte de repères visuels. Cela contribue probablement à une perception qui a été mise en évidence au cours de la présente enquête, à savoir que certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR croient que les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR n’ont pas besoin d’entraînement au vol aux instruments ni d’instruments de base. Par conséquent, certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des accidents liés à un IIMC, qui ne tient pas compte de la possibilité qu’un pilote doive sortir d’un IIMC.

Cela peut expliquer en partie pourquoi les statistiques du BST montrent les accidents d’hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avionsNote de bas de page 15. La réglementation en vigueur autorise les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR à piloter dans des conditions de visibilité en vol aussi faibles que ½ SM sans entraînement au vol aux instruments et sans instruments de base. Ce régime de vol laisse peu de marge d’erreur et de temps pour réagir en cas de nouvelle réduction de la visibilité.

Le Bureau estime que des moyens de défense supplémentaires doivent être mis en place pour les opérations VFR en hélicoptère qui sont autorisées par visibilité réduite, dans lesquelles le risque d’un accident lié à un IIMC est encore plus grand en raison des marges de sécurité réduites qui sont associées aux vols effectués dans des conditions de visibilité réduite et, généralement, à des altitudes plus basses. Pour compenser le risque accru, la spécification d’exploitation des avions comprend des moyens de défense qui visent précisément à aider un pilote à sortir d’un IIMC. Cependant, les pilotes d’hélicoptère autorisés à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé ont le droit de piloter dans des conditions de visibilité moindre que celles autorisées pour les avions et sont pourtant censés se fier uniquement à leur capacité à éviter les IIMC. Cela signifie que les pilotes d’hélicoptère peuvent être pris au dépourvu si leurs tentatives d’éviter les IMC s’avèrent inefficaces.

Si la réglementation continue d’autoriser les exploitants d’hélicoptères commerciaux disposant de la spécification d’exploitation pertinente à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé dans des conditions de visibilité moindre avec beaucoup moins de moyens de défense que les exploitants d’avions commerciaux, ces exploitants d’hélicoptères continueront d’être exposés à un risque accru de collision résultant de la perte des repères visuels.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports renforce les exigences imposées aux exploitants d’hélicoptères qui effectuent des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé, afin de s’assurer que les pilotes bénéficient d’un degré de protection acceptable contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
Recommandation A24-04 du BST

L’événement

En fin d’après-midi le 25 avril 2021, l’Airbus Helicopters AS350 B2 de Great Slave Helicopters 2018 Ltd. (A21C0038) a quitté un camp éloigné de l’île Russell (Nunavut) pour effectuer un vol de jour selon les règles de vol à vue à destination de l’aéroport de Resolute Bay (Nunavut). À bord se trouvaient le pilote, un technicien d’entretien d’aéronef et un biologiste. L’objectif du vol était de retourner à Resolute Bay après 12 jours de recherche sur les ours polaires pour un client, étant donné que des conditions météorologiques défavorables étaient prévues dans la région pendant plusieurs jours.

Alors que l’hélicoptère approchait de la plus haute altitude de l’île Griffith, il a rencontré un relief dépourvu de caractéristiques marquées et uniformément enneigé, le ciel couvert et des bourrasques de neige ont probablement créé des conditions de lumière plate et de voile blanc. Cela a entraîné une perte inattendue des repères visuels par rapport à l’horizon, aussi appelées conditions météorologiques de vol aux instruments par inadvertance. La tentative de manœuvrer visuellement l’hélicoptère en réponse aux conditions de voile blanc a entraîné une descente non intentionnelle et une collision avec le relief. Il n’y avait pas de survivants.

Recommandations émises le 15 février 2024

Sortie d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

Malgré la fréquence des accidents d’hélicoptères liés à la perte de repères visuels survenant lors de vols VFR, et bien que certains pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR soient autorisés à voler lorsque la visibilité est aussi faible que ½ mille terrestre, rien n’exige que les exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes de leur entreprise possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC).

Au cours de la présente enquête, le BST a découvert que certains exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux dont les pilotes possèdent une expérience de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) accordent une grande importance au fait d’équiper leurs aéronefs et de former leurs pilotes qualifiés pour le vol VFR pour sortir d’un IIMC lorsqu’ils volent au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver. Cependant, d’autres entreprises qui n’effectuent que des vols VFR, dont GSH, ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC et s’en remettent à cette approche. Une telle approche, autorisée par le Règlement de l’aviation canadien (RAC), repose sur la capacité du pilote à éviter un IIMC et à piloter en se fiant uniquement à des repères visuels extérieurs.

Comme le montre l’événement à l’étude, et bien d’autres événements évoqués dans le présent rapportNote de bas de page 1, il peut s’avérer inefficace de s’appuyer sur une approche fondée sur l’évitement intentionnel de quelque chose qui se produit par inadvertance. Compte tenu du nombre d’accidents attribuables à un IIMC qui se sont produits et du fait que les accidents d’hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avions, il est évident que l’approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC n’est pas efficace lorsqu’elle est utilisée seule. Le recours à cette approche peut exposer les pilotes et les passagers à un risque accru d’accidents liés à un IIMC, car cette approche encourage généralement les pilotes à voler plus bas et plus lentement au fur et à mesure que les conditions météorologiques se dégradent, et ce, jusqu’à ce qu’ils déterminent qu’il n’est plus possible de poursuivre le vol en toute sécurité. Cette approche a généralement pour effet de rapprocher les hélicoptères du sol, dans un profil de vol qui peut rendre plus difficile, voire impossible, le passage aux instruments de vol en cas de perte de repères visuels.

Lorsque le pilote de l’événement à l’étude a reconnu la nécessité de prendre des mesures d’évitement, il n’avait pas les compétences nécessaires pour faire en toute sécurité la transition vers un vol aux instruments et exécuter une procédure prédéterminée de sortie d’IIMC, comme effectuer une montée droit devant ou un virage à 180° pour revenir à des conditions météorologiques de vol à vue, avant de perdre tous ses repères externes. Il est probable que le pilote de l’événement à l’étude a plutôt compté sur la technique qui lui avait été enseignée, à savoir continuer de piloter en se fiant à des repères extérieurs, et ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de repères visuels adéquats. Cette technique a fait en sorte que l’hélicoptère de l’événement a percuté le relief par inadvertance alors que le pilote se trouvait probablement dans des IMC en raison de conditions de lumière plate et de voile blanc.

Après une série d’accidents liés aux conditions de lumière plate et de voile blanc ayant touché des hélicoptères commerciaux en vol VFR aux États-Unis (É.-U.), le National Transportation Safety Board des É.-U. a émis plusieurs recommandations de sécurité en 2002 visant à réduire ce type d’événements. À la suite de ces recommandations, la Federal Aviation Administration des É.-U. a apporté des modifications aux Federal Aviation Regulations. L’une des modifications les plus importantes a été l’obligation pour les pilotes professionnels d’hélicoptères de démontrer, au départ puis périodiquement, qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMCNote de bas de page 2. La Helicopter Association International a également reconnu la nécessité d’agir et a élaboré une approche globale à l’égard des IIMC qui comprend une formation sur la façon d’éviter les situations de type IIMC et d’en sortir. Cette approche est approuvée par la United States Helicopter Safety Team et la Helicopter Association of Canada.

Au Canada, le test en vol pour obtenir la licence de pilote privé d’hélicoptère, puis la licence de pilote professionnel d’hélicoptère, exige que les pilotes démontrent plusieurs compétences telles que le vol stationnaire, les virages à grande inclinaison et les autorotations. De plus, un pilote doit démontrer son aptitude à maintenir le contrôle en n’ayant pour référence que les instruments de vol pendant la simulation d’un IIMCNote de bas de page 3. Cela montre que les pilotes d’hélicoptère ayant une expérience limitée du vol aux instruments peuvent être formés à exécuter une procédure de sortie d’IIMC en utilisant uniquement les instruments de vol.

Une fois que les pilotes obtiennent leur licence de pilote professionnel, ils doivent démontrer qu’ils satisfont à plusieurs de ces exigences du test en vol (p. ex., les autorotations) lors des vérifications annuelles de compétence pilote. Cependant, malgré le nombre d’accidents d’hélicoptères attribuables à un IIMC et les pertes de vie qui y sont associées, les pilotes professionnels d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR ne sont pas tenus de démontrer, lors des vérifications de compétence pilote, qu’ils conservent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Étant donné qu’il n’y a aucune obligation de maintenir cet ensemble de compétences, les exploitants d’hélicoptères commerciaux effectuant des vols VFR ne sont pas tenus de dispenser à leurs pilotes une formation de sortie d’IIMC. Sans entraînement périodique, que ce soit à bord de l’aéronef ou par d’autres moyens, les compétences s’éroderont. Plus il s’est écoulé de temps depuis la dernière évaluation de la capacité des pilotes à sortir d’un IIMC, moins il est probable qu’ils aient la compétence et la confiance nécessaires pour exécuter une telle manœuvre dans des conditions réellesNote de bas de page 4,Note de bas de page 5. Par conséquent, la réglementation en vigueur permet aux pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR de voler dans des conditions environnementales propices à une perte de repères visuels, sans avoir l’assurance qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC.

En 1990, le BST a émis la recommandation A90-81 demandant que TC exige que les pilotes professionnels d’hélicoptère subissent, au cours de leur vérification annuelle de compétence pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments. Après plusieurs années d’inaction de la part de TC, le Bureau a estimé que la réponse de TC à cette recommandation dénotait une attention non satisfaisante et a fait passer la recommandation au statut « en veilleuseNote de bas de page 6 ».

Étant donné que les exploitants d’hélicoptères commerciaux ne sont pas tenus de s’assurer que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC, les pilotes et les passagers d’hélicoptères en vol VFR sont exposés à un risque accru de collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
Recommandation A24-01 du BST

La technologie comme moyen de défense contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

Une approche solide de prévention des accidents résultant d’une perte de repères visuels doit comprendre de multiples moyens de défense qui aideront à éviter les IIMC et à en sortir. Cela est particulièrement vrai pour les hélicoptères commerciaux en vol VFR, qui volent régulièrement à des altitudes inférieures à celles des avions commerciaux en vol VFR. La recommandation A24-01 indique la nécessité que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Cependant, il est tout aussi important de fournir aux pilotes des renseignements qui les aideront à maximiser leur conscience de la situation et qui aideront à la prise de décisions du pilote (PDP) avant ou après l’entrée dans un IIMC. La technologie peut être utilisée de plusieurs manières pour prévenir les accidents liés à un IIMC.

Dans l’événement à l’étude, le pilote s’est retrouvé dans des conditions de lumière plate et de voile blanc alors que l’hélicoptère survolait l’île Griffith. L’hélicoptère était équipé d’instruments de vol, mais le pilote a utilisé l’approche « éviter à tout prix » face à ces conditions, ce qui est autorisé par le RAC et faisait partie de sa formation. Ainsi, le pilote était formé à piloter en se fiant uniquement à des repères visuels extérieurs dans des situations de visibilité réduite. De plus, l’hélicoptère de l’événement à l’étude n’était pas équipé d’une technologie capable d’alerter le pilote de la hauteur de l’hélicoptère au-dessus du sol ou de sa vitesse verticale de descente. Par conséquent, le pilote n’avait aucun moyen d’être averti de la collision imminente avec le relief qui s’est produite peu de temps après qu’il a vraisemblablement tenté d’effectuer un virage à vue de 180° dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.

Les instruments de vol constituent l’un des exemples les plus élémentaires de technologie susceptible de contribuer à la prévention des accidents liés à un IIMC. Le RAC énonce des exigences précises en matière d’instruments de vol pour les aéronefs exploités en IFRNote de bas de page 7; toutefois, les exigences sont nettement moins strictes pour les aéronefs exploités en VFRNote de bas de page 8. Plus précisément, les aéronefs volant en mode VFR ne sont pas tenus d’être équipés d’instruments de vol qui sont essentiels à la maîtrise de l’aéronef dans des conditions telles que la lumière plate et le voile blanc, qui ont été à maintes reprises associées à des accidents liés à un IIMCNote de bas de page 9, tout comme dans l’événement à l’étude.

En 1990, le BST a émis la recommandation A90-84 demandant à TC d’exiger que tous les hélicoptères utilisés à des fins commerciales soient munis d’une instrumentation suffisante permettant l’exécution des manœuvres élémentaires de vol aux instruments. TC n’appuie pas cette recommandation active. Par conséquent, compte tenu de l’absence de progrès, le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation A90-84 dénotait une attention non satisfaisante.

Au cours de l’enquête sur l’événement à l’étude, le BST a découvert que certains exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux dont le personnel de direction possède une expérience de vol IFR considèrent qu’il est indispensable que les hélicoptères en vol VFR au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver soient équipés des instruments de vol nécessaires pour les vols IFR et que les pilotes aient reçu une formation en matière de sortie d’IIMC. Certains de ces exploitants considèrent également qu’il est essentiel d’équiper ces aéronefs d’altimètres radar, et un exploitant a même commencé à utiliser des systèmes de vision synthétique. En revanche, certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR ne voient pas la nécessité de mettre en œuvre ces moyens de défense. Dans le cas de GSH, les pilotes de l’équipe de direction de l’entreprise, qui étaient uniquement qualifiés pour le vol VFR, n’estimaient pas nécessaire de mettre en place des moyens de défense semblables, même si certains pilotes en avaient fait la demande. Les pilotes de l’équipe de direction de GSH savaient également qu’en 2015, l’entreprise remplacée par GSH avait connu un accident dans des conditions de lumière plate et de voile blanc, qui avait donné lieu à plusieurs recommandations internes. Toutefois, l’absence d’exigences officielles visant à équiper les hélicoptères effectuant des vols VFR d’instruments de vol de base a probablement contribué à donner l’impression à certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR que l’utilisation d’instruments de vol de base et la formation nécessaire pour les utiliser ne permettront pas nécessairement de prévenir les accidents liés à un IIMC. Par conséquent, les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR continuent d’être envoyés dans des régions sujettes à des conditions environnementales telles que la lumière plate et le voile blanc sans disposer d’instruments de vol de base et sans avoir été formés à l’utilisation de ceux-ci en cas de perte de tous les repères visuels. Les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR et les passagers de ces aéronefs sont donc exposés à un risque accru de collision avec le relief lors d’un IIMC.

Outre les instruments de vol de base, plusieurs avancées technologiques ont été réalisées pour améliorer la conscience de la situation des pilotes et, par conséquent, contribuer à la réduction du nombre d’accidents attribuables à un IIMC. Bon nombre de ces systèmes peuvent alerter les pilotes en cas de modifications involontaires du profil de vol qui augmentent le risque d’accidents liés à un IIMC. Par exemple, il est possible d’utiliser certains systèmes pour établir des « déclencheurs de décision en route », tels qu’une hauteur minimale au-dessus du sol, et alerter le pilote si la hauteur de l’hélicoptère au-dessus du sol descend en dessous du seuil prédéfini. Cela peut être particulièrement utile dans des conditions de lumière plate et de voile blanc en raison de leur nature insidieuse, qui peut faire en sorte qu’il soit difficile pour un pilote d’évaluer avec précision la hauteur au-dessus du sol.

Des technologies plus avancées, comme les systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact des hélicoptères, peuvent également signaler une collision imminente avec le relief ou des vitesses verticales de descente excessives à proximité du sol. Ces types d’alertes peuvent aider le pilote à reconnaître, en temps opportun, qu’il doit prendre des mesures d’urgence pour éviter une collision avec le relief. Une autre forme de technologie qui s’est répandue ces dernières années est celle des systèmes de vision synthétique, qui sont capables de fournir aux pilotes une carte virtuelle en 3 dimensions sur un écran dans le poste de pilotage ou dans une application pour tablette telle que ForeFlight. Cette même application peut, sous réserve de quelques modifications mineures de l’aéronef, fournir au pilote un ensemble d’instruments de vol de secours comme un poste de pilotage à écrans électroniques moderne.

Les formes de technologie susmentionnées contribuent à maximiser la conscience de la situation du pilote en lui fournissant des renseignements qu’il n’aurait peut-être pas s’il se fiait uniquement à des repères visuels extérieurs. Combinées à une formation et à des procédures appropriées, ces technologies peuvent réduire considérablement le risque d’accidents liés à un IIMC en avertissant le pilote lorsque les marges de sécurité s’amenuisent ou en l’aidant à sortir d’un IIMC.

En 2002, à la suite d’une série d’accidents d’hélicoptères en vol VFR dans des conditions de lumière plate, le National Transportation Safety Board des É.-U. a émis une recommandation de sécurité demandant l’installation d’altimètres radar à bord des hélicoptères commerciaux exploités dans des zones où il y a souvent des conditions de lumière plate ou de voile blancNote de bas de page 10. Après plusieurs autres accidents survenus dans ces conditions, la Federal Aviation Administration des É.-U. a décidé d’élargir la portée de cette recommandation et a modifié les Federal Aviation Regulations pour exiger que tous les hélicoptères commerciaux soient équipés d’un altimètre radar ou d’un dispositif qui intègre un radioaltimètre. Selon la Federal Aviation Administration [traduction], « les radioaltimètres permettent d’améliorer la conscience de la situation en cas de vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC), d’opérations de nuit et de conditions de lumière plate, de voile blanc et de voile brunNote de bas de page 11 ».

En 1990, le BST a émis la recommandation A90-83 demandant à TC d’exiger que tous les hélicoptères qui transportent des passagers lors de vols commerciaux soient munis d’altimètres radar. TC n’a pas appuyé cette recommandation. En septembre 2012, compte tenu de l’absence de progrès pour corriger la lacune de sécurité visée par la recommandation A90-83, le Bureau a estimé que la réponse de TC dénotait une attention non satisfaisante et a fait passer la recommandation au statut « en veilleuse ».

Le BST a déjà tenté de résoudre les problèmes de sécurité liés aux accidents d’hélicoptères de collision avec le relief, en demandant un renforcement des exigences en matière d’instruments de vol et d’autres systèmes tels que les altimètres radar. À ce jour, TC n’a pas pris les mesures nécessaires pour donner suite à ces recommandations, qui ont été émises il y a plus de 30 ans. Le Bureau est d’avis qu’il faut en faire plus pour réduire le nombre d’accidents attribuables à la perte de repères visuels, qui sont plus de 2 fois plus susceptibles de se produire en hélicoptère qu’en avion. Il existe aujourd’hui de nombreuses formes de technologie qui, si elles étaient imposées par la réglementation, pourraient réduire considérablement le risque d’accidents liés à un IIMC, en particulier dans les régions sujettes à des conditions de lumière plate et de voile blanc. Étant donné qu’il n’est pas obligatoire d’équiper les hélicoptères effectuant des vols VFR d’une technologie pouvant aider les pilotes à éviter les IIMC et à en sortir, les pilotes et les passagers de ces hélicoptères demeurent exposés à un risque accru de collision avec le relief.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux mettent en œuvre une technologie qui aidera les pilotes à éviter les vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et à en sortir.
Recommandation A24-02 du BST

Procédures d’exploitation normalisées pour les opérations commerciales à un seul pilote

Dans l’événement à l’étude, le pilote d’hélicoptère qualifié pour le vol VFR, qui avait une formation et une expérience limitées du pilotage « dans le blanc », a tenté de survoler l’île Griffith dans des conditions de lumière plate et de voile blanc qui ont probablement été créées par le relief uniformément enneigé et sans caractéristiques marquées, un ciel couvert et des bourrasques de neige. Ce faisant, le pilote a conduit par inadvertance l’hélicoptère dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. L’urgence de la situation, combinée au manque d’expérience du pilote dans des conditions semblables, a probablement entraîné une augmentation rapide de la charge de travail mental, alors que le pilote essayait d’analyser une situation inhabituelle et de choisir une ligne de conduite appropriée. Il est probable que les tentatives du pilote de manœuvrer l’hélicoptère à vue en réponse à la réduction des repères visuels, conformément à sa formation au vol par visibilité réduite, ont entraîné une descente non intentionnelle, et l’hélicoptère a percuté le relief sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue.

Il existe plusieurs façons d’atténuer les risques lorsqu’un pilote manque d’expérience dans un contexte opérationnel particulier. Idéalement, plusieurs moyens de défense devraient être mis en œuvre pour réduire le risque au niveau le plus bas raisonnablement possible. Par exemple, une formation réaliste sur le plan opérationnel peut aider à préparer un pilote aux situations susceptibles d’être rencontrées lors de tâches opérationnelles. Une autre façon d’atténuer le risque consiste à augmenter le niveau de supervision. Lors d’opérations en région éloignée, cela pourrait comprendre la mise en œuvre de protocoles de communication améliorés, comme des contacts de vérification obligatoires, afin de soutenir la PDP. Une autre stratégie d’atténuation des risques, exigée par la réglementation pour les opérations aériennes en équipage multiple, consiste à élaborer des procédures d’exploitation normalisées (SOP) pour les pilotes de la compagnie. Comme l’enquête sur cet événement l’a noté, les opérations à un seul pilote relevant des sous-parties 604, 702, 703 et 704 du RAC sont autorisées sans qu’il y ait de SOP.

Les SOP sont largement reconnues comme outil de renforcement de la sécurité dans les opérations en équipage multipleNote de bas de page 12, et bon nombre de leurs avantages s’appliquent également aux opérations à un seul pilote. Les SOP facilitent la PDP en fournissant aux pilotes des solutions efficaces préétablies, fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur, face à des situations précises susceptibles d’être rencontrées. Les SOP sont particulièrement utiles lorsqu’un pilote manque de connaissances ou d’expérience dans une situation donnée et qu’une ligne de conduite non idéale risque de réduire les marges de sécurité. Dans ces cas, les SOP peuvent contribuer à réduire la charge de travail du pilote, étant donné que le processus décisionnel demande moins d’efforts mentaux puisqu’il a été effectué d’avance pour le pilote. Les exigences réglementaires actuelles contribuent probablement à donner l’impression que les SOP sont plus importantes dans le cadre des opérations en équipage multiple que des opérations à un seul pilote. Par conséquent, les SOP sont moins courantes et généralement moins structurées dans le cas des opérations à un seul pilote que dans le cas des opérations en équipage multiple.

Le BST a enquêté sur de nombreux événements survenus dans des opérations à un seul pilote et pour lesquels soit il n’y avait pas de SOP parce qu’elles n’étaient pas exigées par la réglementation, soit les SOP étaient inadéquatesNote de bas de page 13. Pour profiter pleinement des avantages des SOP, la réglementation devrait être modifiée afin d’exiger des SOP pour toutes les opérations à un seul pilote relevant de la sous-partie 604 (exploitants privés) et de la partie VII (services commerciaux) du RAC.

De 2001 à 2003, TC a publié plusieurs avis de proposition de modification (APM) visant à étendre l’exigence relative aux SOP à « tous les vols commerciaux, quel que soit le nombre de membres d’équipage ou la complexité de l’aéronefNote de bas de page 14 ». Plus de 20 ans après leur publication, ces APM se trouvent toujours à différentes étapes d’examen (tableau 1).

Tableau 1. Avis de proposition de modification émis par Transports Canada de 2001 et 2003 visant à étendre l’exigence en matière de procédures d’exploitation normalisées à tous les vols, et leur état d’avancement
Numéro de l’APM Titre de l’APM Référence dans le RAC État
2003-075 Procédures d’utilisation normalisées (SOP) 723.107 (Avions) Révision juridique
2003-074 Procédures d’utilisation normalisées de l’aéronef 722.84 Révision juridique
2003-072 Procédures d’utilisation normalisées 702.84(1) Gazette du Canada, Partie I
2001-135 Procédures d’utilisation normalisées 704.124(1) CCRAC* : Approuvé
2001-134 Procédures d’utilisation normalisées 703.107(1) Gazette du Canada, Partie I

*Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne

Certaines entreprises qui effectuent des opérations à un seul pilote, comme GSH, ont élaboré à titre volontaire des SOP propres à diverses tâches. En l’absence d’exigences officielles et de directives claires pour aider les exploitants de vols effectués par un seul pilote à élaborer des SOP, ces exploitants peuvent ne pas comprendre très bien comment établir des procédures efficaces. Par exemple, GSH disposait d’une SOP propre aux opérations au-delà de la limite forestière; toutefois, cette SOP était constituée principalement de directives générales plutôt que de pratiques de vol sécuritaires telles que l’établissement de déclencheurs de décision en route comme la hauteur minimale au-dessus du sol ou la vitesse minimale. De plus, les SOP ne mentionnaient pas la pratique opérationnelle, employée par les pilotes chevronnés de GSH et prônée par le personnel du Programme du plateau continental polaire, consistant à éviter de survoler une île stérile enneigée. Par conséquent, ces connaissances organisationnelles n’étaient pas à la disposition du pilote de l’événement à l’étude, qui avait une expérience limitée dans ce type d’environnement.

Chaque année au Canada, des milliers de pilotes et de passagers se déplacent à bord d’aéronefs monopilotes. Dans bien des cas, ces vols sont effectués dans des régions éloignées, avec un soutien externe minimal. Dans ces environnements, des moyens de défense supplémentaires doivent être mis en place pour soutenir la PDP afin de garantir le maintien de marges de sécurité. Les SOP facilitent le partage des connaissances organisationnelles et des pratiques exemplaires et contribuent à assurer la cohérence entre les pilotes. Étant donné l’absence d’exigences en matière de SOP pour les opérations à un seul pilote relevant de la sous-partie 604 et de la partie VII du RAC, les pilotes et les passagers de ces aéronefs sont exposés à un risque accru d’accident résultant d’une prise de décisions inefficace et de la charge de travail cognitive en réponse à des situations nouvelles ou inattendues.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports exige que les exploitants qui effectuent des opérations à un seul pilote en vertu de la sous-partie 604 et de la partie VII du Règlement de l’aviation canadien élaborent des procédures d’exploitation normalisées fondées sur les connaissances organisationnelles et les pratiques exemplaires du secteur afin de soutenir la prise de décisions du pilote.
Recommandation A24-03 du BST

Amélioration des mesures d’atténuation des risques pour les opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé

Au Canada, un grand nombre d’exploitants d’hélicoptères et d’avions en VFR sont autorisés par TC à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé. L’approbation, accordée à titre de spécification d’exploitation, décrit les exigences auxquelles les exploitants doivent satisfaire pour effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé. Certaines de ces exigences sont les mêmes pour les hélicoptères et les avions; toutefois, il existe également des différences notables en ce qui a trait à la limite de visibilité, à l’équipement de bord et à la formation des pilotes (tableau 2).

Tableau 2. Exigences différentes entre les avions et les hélicoptères en matière d’exploitation par visibilité réduite
Exigence Avion Hélicoptère
Limite de visibilité réduite en vol VFR de jour, espace aérien non contrôlé, exploitation à moins de 1000 pieds AGL 1 SM ½ SM
Équipement requis pour le vol VFR de jour par visibilité réduite Horizon artificiel Gyroscope directionnel ou gyrocompas GPS Aucune
Formation au vol aux instruments requise pour le vol VFR de jour par visibilité réduite Une heure de formation initiale en vol et une heure de formation annuelle en vol sur les manœuvres de base de vol aux instruments et sur le vol à vitesse réduite Aucune

Ces différences signifient que les hélicoptères peuvent être exploités à une visibilité inférieure de moitié à celle des avions, et ce, sans bénéficier des avantages supplémentaires offerts par les moyens de défense nécessaires à l’exploitation d’un avion en cas de perte de repères visuels. Cela contribue probablement à une perception qui a été mise en évidence au cours de la présente enquête, à savoir que certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR croient que les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR n’ont pas besoin d’entraînement au vol aux instruments ni d’instruments de base. Par conséquent, certains exploitants d’hélicoptères effectuant des vols VFR ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des accidents liés à un IIMC, qui ne tient pas compte de la possibilité qu’un pilote doive sortir d’un IIMC.

Cela peut expliquer en partie pourquoi les statistiques du BST montrent les accidents d’hélicoptères sont plus de 2 fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avionsNote de bas de page 15. La réglementation en vigueur autorise les pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR à piloter dans des conditions de visibilité en vol aussi faibles que ½ SM sans entraînement au vol aux instruments et sans instruments de base. Ce régime de vol laisse peu de marge d’erreur et de temps pour réagir en cas de nouvelle réduction de la visibilité.

Le Bureau estime que des moyens de défense supplémentaires doivent être mis en place pour les opérations VFR en hélicoptère qui sont autorisées par visibilité réduite, dans lesquelles le risque d’un accident lié à un IIMC est encore plus grand en raison des marges de sécurité réduites qui sont associées aux vols effectués dans des conditions de visibilité réduite et, généralement, à des altitudes plus basses. Pour compenser le risque accru, la spécification d’exploitation des avions comprend des moyens de défense qui visent précisément à aider un pilote à sortir d’un IIMC. Cependant, les pilotes d’hélicoptère autorisés à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé ont le droit de piloter dans des conditions de visibilité moindre que celles autorisées pour les avions et sont pourtant censés se fier uniquement à leur capacité à éviter les IIMC. Cela signifie que les pilotes d’hélicoptère peuvent être pris au dépourvu si leurs tentatives d’éviter les IMC s’avèrent inefficaces.

Si la réglementation continue d’autoriser les exploitants d’hélicoptères commerciaux disposant de la spécification d’exploitation pertinente à effectuer des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé dans des conditions de visibilité moindre avec beaucoup moins de moyens de défense que les exploitants d’avions commerciaux, ces exploitants d’hélicoptères continueront d’être exposés à un risque accru de collision résultant de la perte des repères visuels.

Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports renforce les exigences imposées aux exploitants d’hélicoptères qui effectuent des opérations par visibilité réduite dans l’espace aérien non contrôlé, afin de s’assurer que les pilotes bénéficient d’un degré de protection acceptable contre les accidents liés aux vols par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
Recommandation A24-04 du BST