Rapport d'enquête aéronautique A96O0105

Perte de maîtrise
Vrille
Trentair Aviation Ltd.
Cessna 150 M C-GNCF
Peterborough (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le pilote et son passager avaient décollé pour effectuer un vol local d'environ une heure. Après avoir quitté le sol, l'avion a pris momentanément de l'altitude, puis des témoins ont vu l'angle d'attaque diminuer et l'avion redescendre jusqu'à une dizaine de pieds au-dessus de la piste. L'angle d'attaque a augmenté de nouveau, et l'appareil a grimpé à quelque 200 pieds au-dessus du sol, selon les témoignages, avant d'amorcer un virage peu incliné à gauche. L'angle d'inclinaison a brusquement augmenté, l'avion a piqué du nez et est descendu vers le sol dans une assiette de piqué prononcé avec l'aile gauche basse. Le pilote a subi des blessures mortelles; le passager a été grièvement blessé.

    Renseignements de base

    Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. L'enquête n'a pas permis d'établir à quel moment le pilote avait effectué des exercices pour la dernière fois ou reçu de la formation sur les procédures d'approche de précaution et d'approche forcée ou sur la reconnaissance des symptômes du décrochage, la prévention du décrochage et la sortie de décrochage. La réglementation en vigueur ne comporte pas d'exigence voulant que le pilote reçoive de la formation périodique ou subisse des examens après la délivrance de sa licence. Rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques ait perturbé les capacités du pilote.

    Le 10 juin 1996, un instructeur et son élève avaient effectuer un vol d'entraînement à bord du C-GNCF. Ils ont signalé que pendant qu'ils étaient en vol de croisière en palier, le moteur de l'avion (Continental O-200-A) tournait de façon irrégulière et accusait une perte de régime de quelque 200 tr/min. Ils sont donc revenus à l'aéroport de Peterborough où ils ont atterri sans incident. L'appareil avait été transporté à un atelier de maintenance où l'anomalie avait été signalée verbalement. Le personnel de maintenance avait établi par la suite que le carburateur était à l'origine du problème. Après avoir remplacé le carburateur, l'équipe de maintenance avait vérifié le moteur, et l'avion avait été remis en service le 21 juin 1996. Comme on avait fait démarrer le moteur à de nombreuses reprises pour trouver la cause du fonctionnement irrégulier du moteur, l'embrayage du démarreur a commencé à glisser, et le dispositif d'entraînement du démarreur moteur a été remplacé le 21 juin. Après le remplacement du dispositif d'entraînement du démarreur, on n'a pas fait d'inspection à la recherche de signes de contamination dans l'huile moteur ni au niveau du filtre à huile. Cette vérification n'est pas exigée par le constructeur ni par la réglementation. L'accident s'est produit au cours du premier vol après la remise en service de l'avion.

    L'examen sur les lieux de l'accident a révélé que le tachymètre indiquait approximativement 2 100 tr/min. L'analyse du tachymètre effectuée par le Laboratoire technique du BST a révélé que l'aiguille bloquée par le verre du cadran brisé au moment de l'impact indiquait que le moteur tournait au moins à 2 130 tr/min à ce moment-là. Un témoin de l'accident a déclaré qu'après le début de la course au décollage, le bruit du moteur indiquait qu'il ne semblait pas tourner rond. Le manuel d'utilisation du Cessna stipule que tout signe de fonctionnement irrégulier du moteur ou toute accélération lente est une bonne raison pour interrompre le décollage.

    Aucune anomalie ayant pu contribuer à l'accident n'a été découverte au niveau de la cellule, des systèmes cellule ou de l'hélice de l'avion. Les marques témoins produites par l'impact ont révélé que les ailerons étaient braqués en position de commande pour un virage complet à droite. Il a été impossible de déterminer la position des gouvernes de profondeur et de direction au moment de l'impact.

    L'examen de l'avion sur les lieux a révélé que l'huile moteur et le filtre à huile du moteur contenaient une quantité importante de particules ferreuses. C'est pourquoi le moteur de l'avion a été expédié au Laboratoire technique du BST pour subir un examen poussé. Le Laboratoire technique a déterminé que la composition des particules ferreuses correspondait au matériau utilisé pour les roulements. L'examen du dispositif d'entraînement du démarreur qui a été retiré de l'avion le 21 juin 1996 a permis de déterminer que les roulements à aiguilles du dispositif s'étaient brisés avant la dépose et que cela avait entraîné de l'usure entre la prise d'entraînement de la roue et le pignon d'embrayage d'entraînement du démarreur. Cette usure a engendré des particules métalliques qui se sont répandues dans le moteur par le biais de l'huile de lubrification. Un examen plus poussé du moteur a révélé qu'une partie des particules d'usure en provenance du dispositif d'entraînement du démarreur qui avait été retiré de l'avion le 21 juin était venue encrasser les poussoirs hydrauliques de soupape et quatre poussoirs sur huit étaient inutilisables. Le motoriste a déclaré que quatre poussoirs inutilisables sur deux cylindres pouvait réduire la puissance de sortie du moteur jusqu'à 30 % de sa capacité nominale.

    Au moment de l'accident, une partie de la piste de l'aéroport de Peterborough était fermée parce qu'on procédait à la réfection du revêtement de la piste. Les avions disposaient d'une distance de 2 400 pieds pour la course au décollage. Le pilote avait sorti les volets à 10 degrés pour le décollage. Selon les calculs de performance pour l'avion à la masse brute maximale et avec les volets sortis à 10 degrés, pour les conditions qui régnaient le jour de l'accident, l'avion devait effectuer une course au sol de 811 pieds et il avait besoin d'au moins 1 524 pieds pour grimper à 50 pieds au-dessus du sol. La masse de l'avion au décollage a été estimée à 1 619 livres. Sa masse maximale homologuée au décollage est de 1 600 livres.

    Analyse

    Les roulements à aiguilles du pignon d'entraînement du démarreur dans le dispositif d'entraînement du démarreur qui avait été retiré de l'avion le 21 juin 1996 s'étaient brisés avant la dépose du dispositif, ce qui avait entraîné de l'usure entre le pignon d'embrayage et la prise d'entraînement du démarreur. Les particules métalliques d'usure ont contaminé le circuit de lubrification du moteur, ce qui a encrassé et fait gripper quatre des huit poussoirs hydrauliques de soupape, compromettant ainsi le fonctionnement des soupapes et réduisant du même coup la puissance de sortie du moteur. Le mauvais fonctionnement des soupapes a probablement causé le fonctionnement irrégulier du moteur qui avait peut-être été interprété par le personnel de maintenance comme un problème de carburateur. Compte tenu de la quantité d'usure et de dépôts métalliques et des poussoirs grippés, il est probable que le moteur ne fonctionnait pas de façon régulière et ne fournissait pas sa puissance nominale au moment où le pilote a mis les gaz en vue du décollage.

    Le pilote avait sorti les volets à 10 degrés pour le décollage, sans doute dans le but de raccourcir la course au décollage à cause de la piste plus courte. La sortie des volets a sans doute raccourci la course au décollage, mais elle a probablement également diminué les performances d'accélération et de montée de l'avion après le décollage. Le moteur produisait suffisamment de puissance pour permettre à l'appareil de prendre l'air et de grimper lentement; cependant, une fois l'avion dans les airs, le pilote a maintenu une assiette de cabré, ce qui a empêché l'avion d'accélérer jusqu'à une vitesse de montée sûre. La vitesse a continué à diminuer jusqu'à la vitesse de décrochage ou presque. Alors, soit que le pilote a volontairement amorcé un virage à gauche, soit que l'avion a accusé un mouvement de lacet à gauche à cause de l'assiette de cabré, de la faible vitesse et de la faible puissance moteur. Le mouvement de lacet induit aurait fait s'incliner l'appareil à gauche, et le pilote a sans doute tenté de ramener les ailes à l'horizontale en braquant l'aileron droit. L'aile a alors décroché et l'avion a amorcé une vrille, mais l'altitude disponible était insuffisante pour effectuer une sortie. Le braquage de l'aileron au moment du décrochage aurait accentué la tendance de l'avion à se mettre en vrille.

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP 91/96 - Instrument Examination (Examen des instruments);
    • LP 141/96 - Aircraft and Moteur Examination (Examen de l'avion et du moteur).

    Faits établis

    1. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
    2. Après avoir reçu leur licence, les pilotes ne sont pas tenus de suivre une formation périodique ni de subir de nouveaux examens.
    3. La masse de l'avion au décollage a été estimée à 1 619 livres.
    4. Les roulements à aiguilles du pignon d'entraînement du dispositif d'entraînement du démarreur qui a été retiré de l'avion le 21 juin 1996 se sont brisés avant la dépose du dispositif, ce qui a entraîné une contamination de l'huile de lubrification moteur par des particules métalliques d'usure.
    5. Des particules métalliques d'usure ont encrassé quatre des huit poussoirs hydrauliques de soupape du moteur et ont nui à leur fonctionnement.
    6. Après le remplacement du dispositif d'entraînement du démarreur le 21 juin 1996, le personnel de maintenance n'a vérifié ni l'huile moteur ni le filtre à huile du moteur à la recherche de contaminants; il n'était pas tenu de le faire car il n'existe pas d'exigence réglementaire ni d'exigence du motoriste à cet effet.
    7. Le moteur de l'avion ne pouvait produire sa puissance maximale nominale parce que les soupapes fonctionnaient mal.
    8. Le pilote a maintenu une assiette de cabré après le décollage, ce qui a empêché l'avion d'accélérer jusqu'à une vitesse de montée sûre.
    9. Soit que le pilote a amorcé un virage à gauche, soit que l'avion a involontairement pris un mouvement de lacet vers la gauche pendant la montée, et l'appareil a décroché.
    10. L'avion s'est mis en vrille, mais l'altitude disponible était insuffisante pour effectuer une sortie.
    11. Le pilote a sans doute tenté de corriger l'inclinaison à gauche de l'avion en braquant l'aileron droit, ce qui aurait accentué la tendance de l'avion à se mettre en vrille au point de décrochage.
    12. Aucune anomalie ayant pu contribuer à l'accident n'a été décelée au niveau de la cellule, des systèmes cellule ou de l'hélice de l'avion.

    Causes et facteurs contributifs

    L'avion a décroché et s'est mis en vrille, mais l'altitude disponible était insuffisante pour effectuer une sortie. Le mauvais fonctionnement des soupapes a empêché le moteur de fournir sa puissance de sortie maximale nominale, ce qui a contribué à l'accident.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.