Incendie d'un réacteur
Royal Aviation Inc.
Boeing 727-217 C-GRYC
Aéroport international de
Toronto / Lester B. Pearson (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'avion du vol 6192 de Royal Aviation a décollé de la piste 24L de l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson (ci-après aéroport Pearson) pour effectuer un vol intérieur jusqu'à Deer Lake (Terre-Neuve). L'avion transportait 3 membres d'équipage de conduite, 5 agents de bord et 183 passagers. Tout , y compris le refoulement, le démarrage des réacteurs, le roulage et le décollage, s'est déroulé normalement jusqu'à ce que l'alarme incendie du réacteur numéro 2 se déclenche alors que l'avion franchissait 7 000 pieds-mer en montée après le décollage. L'équipage de conduite a effectué les vérifications appropriées et a coupé le réacteur numéro 2. Le contenu de deux extincteurs a été vidé dans le compartiment de ce réacteur, mais le voyant d'alarme incendie est resté allumé. Le commandant de bord a déclaré une situation d'urgence au contrôle de la circulation aérienne et est retourné immédiatement à l'aéroport Pearson pour y faire un atterrissage en surcharge. Le voyant d'alarme incendie s'est éteint pendant que l'avion retournait à l'aéroport. Les services d'intervention d'urgence étaient prêts quand l'avion s'est posé sur la piste 24L. Il n'y avait aucun signe d'incendie au moment de l'atterrissage et de l'arrêt des réacteurs de l'avion. L'inspection a révélé la présence de dommages résiduels dus à la fumée et au feu aux environs de la structure du réacteur numéro 2. Les commandes de vol de l'appareil n'ont pas été touchées.
Renseignements de base
Quelque neuf mois avant les faits, le voyant d'alarme incendie du réacteur numéro 2 de l'avion s'était allumé pendant la montée après le décollage à Vancouver. Le réacteur numéro 2 avait été coupé, et le voyant s'était éteint. L'avion était retourné à Vancouver, où il s'était posé sans incident. Le problème avait été attribué à une défaillance du démarreur du réacteur numéro 2. Après le remplacement de la vanne de commande de démarrage et du démarreur du réacteur numéro 2, l'appareil avait été remis en service.
L'avion avait fait l'objet d'une inspection de maintenance (de type C) en juin 1996. Dans le cadre de cette inspection, le démarreur avait été examiné, et l'on avait découvert que l'huile servant à lubrifier ses engrenages était contaminée par des particules de métal. Le démarreur avait alors été remplacé et, depuis, l'avion avait effectué 243 heures de vol.
Quand l'avion a été examiné à Toronto après l'événement du 18 juillet 1996, la défaillance du démarreur était évidente. Il y avait un trou de deux pouces sur trois pouces sur le côté du boîtier d'engrenages du démarreur, et la turbine à air était passée à travers l'écran de retenue. La turbine à air avait percuté et sectionné une conduite d'huile de l'entraînement à vitesse constante (CSD). De l'huile avait alors été vaporisée dans le compartiment réacteur et sur un bloc de jonction de la génératrice, et l'huile avait pris feu. L'incendie avait causé de tels dommages au câblage électrique des divers composants du réacteur qu'il était impossible de faire des tests valables du faisceau de câbles.
La vanne de démarrage et le démarreur ont été démontés et examinés. La vanne de démarrage fonctionnait normalement et n'a révélé aucune anomalie. Le démarreur était complètement grippé, à l'exception de l'embrayage qui était encore en état de fonctionnement. Les dommages aux engrenages planétaires et aux paliers de la turbine à air étaient typiques d'une défaillance attribuable à une survitesse du démarreur.
Le circuit de démarrage réacteur est commandé électriquement. De l'air sous pression, en général de l'air de prélèvement provenant du groupe auxiliaire de bord (APU), entraîne le démarreur. Pendant la séquence de démarrage, l'air sous pression arrive aux vannes de démarrage des trois réacteurs, et les vannes de régulation de débit sont fermées, privant ainsi d'air sous pression tous les autres circuits de l'avion. Pendant le démarrage d'un réacteur, la vanne de démarrage actionnée électriquement est mise sous tension; elle s'ouvre et permet à l'air de se diriger vers la turbine à air qui entraîne le démarreur. Dès que le moteur est démarré, l'alimentation électrique de la vanne est coupée, la vanne se ferme pour empêcher l'air de passer, et le démarreur arrête de tourner.
Les réacteurs sont mis en marche individuellement. Une fois que tous les réacteurs sont en marche, les autres circuits de l'avion reçoivent de l'air de prélèvement grâce à l'ouverture des vannes de régulation de débit, mais les vannes d'air de prélèvement du réacteur numéro 2 restent fermées. Quand tout fonctionne normalement à bord de l'avion, l'air de prélèvement du réacteur numéro 1 alimente le groupe de conditionnement d'air de gauche tandis que l'air de prélèvement du réacteur numéro 3 alimente celui de droite.
Le circuit de prélèvement d'air du réacteur numéro 2 est isolé par la fermeture de ses vannes de prélèvement. Il y a deux transmetteurs de pression, un sur la conduite de prélèvement d'air du réacteur numéro 1 et un autre sur la conduite de prélèvement d'air du réacteur numéro 3. Quand tout est normal à bord, rien n'indique la pression d'air de prélèvement du réacteur numéro 2. Quand l'équipage de conduite procède au démarrage des réacteurs, le premier officier actionne l'interrupteur de démarrage tandis que le mécanicien navigant surveille la pression dans la conduite d'air de prélèvement. Une chute de pression dans la conduite indique que la vanne de démarrage est ouverte. Quand l'interrupteur de démarrage est remis sur OFF, la vanne de démarrage se ferme. Pour savoir si la vanne est fermée, le mécanicien navigant doit observer une augmentation de pression dans la conduite, et c'est ce qu'il a fait lors du vol de l'incident du 18 juillet 1996. Seule la pression dans la conduite permet à l'équipage de conduite de savoir dans quelle position se trouve la vanne de démarrage.
La consigne de navigabilité (CN) 83-01-05, publiée en 1983, traite des pannes de démarreurs dues aux vannes de démarrage qui restent ouvertes. La CN 83-01-05 R2 fait état d'un fonctionnement prolongé du démarreur qui passe inaperçu. La CN a pour objet de fournir à l'équipage un moyen lui permettant de savoir si le démarreur de chaque réacteur fonctionne normalement. D'autres méthodes peuvent être utilisées pour satisfaire aux exigences de cette CN, mais elles doivent toutefois offrir un niveau de sécurité équivalent et être approuvées par la Federal Aviation Administration (FAA). Il existe deux méthodes approuvées permettant de se conformer à la consigne : la pose d'un manocontact en aval de chaque vanne de démarrage avec un voyant dans le poste de pilotage, ou la pose d'un interrupteur général dans le poste de pilotage commandant les trois vannes de démarrage des réacteurs. Cette seconde option, celle de l'interrupteur général, ne fournit pas à l'équipage un moyen lui permettant de savoir si les vannes de démarrage fonctionnent normalement.
L'avion C-GRYC avait été modifié par son ancien propriétaire, Dan-Air Services Ltd., en installant un interrupteur général commandant les vannes de démarrage. Cette modification avait été acceptée par Transports Canada au moment de l'importation de l'avion au Canada en 1992. Cet interrupteur général avait été placé dans le circuit électrique entre les interrupteurs de démarrage réacteur et les contacteurs de fermeture automatique des vannes de démarrage des démarreurs des réacteurs. La protection du circuit de démarrage est ainsi assurée jusqu'au contacteur de fermeture de la vanne de démarrage. Cette partie du circuit de démarrage se trouve en grande partie dans la structure interne de l'avion, où elle est à l'abri des vibrations excessives, des températures extrêmes, de la contamination et des dommages. L'interrupteur ne protège aucunement le câblage électrique entre le contacteur de fermeture automatique de la vanne de démarrage et la vanne de démarrage comme telle. Le câblage électrique entre ces deux composants se trouve entièrement dans le compartiment réacteur, un endroit exposé aux températures extrêmes, aux vibrations, à la contamination par l'eau et l'huile et aux dommages.
Analyse
Les trois réacteurs ont tous démarré normalement. D'après les indications, la vanne de démarrage du réacteur numéro 2 s'est fermée, une fois le réacteur en marche. Si tel n'avait pas été le cas, il y aurait eu moins d'air pour faire démarrer le réacteur numéro 3.
L'examen du démarreur a montré que la défaillance qu'il a subie est attribuable à une vitesse de rotation excessive. Comme l'embrayage était en état de fonctionnement, il est peu probable que le réacteur soit resté en prise avec le démarreur. La défaillance du démarreur est probablement attribuable au fait que celui-ci a tourné à vide, entraîné par la turbine à air. Pour qu'une telle situation se produise, il faut que la vanne de démarrage reste ouverte pendant que le réacteur tourne.
Puisque, semble-t-il, la vanne de démarrage s'est fermée après une mise en route normale du réacteur numéro 2 (la pression dans la conduite en est la preuve), il a fallu qu'une nouvelle tension soit appliquée, par la suite, à la vanne de démarrage pour que celle-ci puisse s'ouvrir à un moment donné après la mise en route du réacteur numéro 3. Cette tension peut avoir été le résultat d'un court-circuit dans un fil électrique d'un autre composant réacteur qui se trouvait dans le même faisceau de câbles. Toutefois, il n'a pas été possible de déterminer la source du problème parce que le faisceau en question a été endommagé au cours de l'incendie.
Les dangers que posent un incendie de réacteur provoqué par une défaillance du démarreur avaient été reconnus et traités dans la CN 83-01-05 R2. La modification apportée par l'ancien propriétaire avait amélioré le circuit de démarrage, mais elle ne permettait pas à l'équipage d'avoir une indication claire de la position de la vanne de démarrage. De plus, elle ne protégeait pas le circuit d'un court-circuit entre le contacteur de fermeture automatique de la vanne de démarrage et la vanne de démarrage elle-même.
Une fois que tous les réacteurs du B727 sont en marche, rien n'indique la pression dans la conduite d'air de prélèvement du réacteur numéro 2. Si la vanne de démarrage du réacteur numéro 1 ou numéro 3 s'ouvre, il est possible qu'un mécanicien navigant très vigilant remarque une baisse de pression dans la conduite de droite ou de gauche. Si la vanne de démarrage du réacteur numéro 2 s'ouvre, rien dans le poste de pilotage ne permet à l'équipage de conduite de s'en rendre compte.
Le réacteur numéro 2 est monté dans l'empennage de l'avion. Un incendie dans le réacteur numéro 2 du B727 est plus dangereux qu'un incendie dans le réacteur numéro 1 ou numéro 3 à cause des circuits de commande de profondeur et de direction qui se trouvent à proximité.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 95/96 - FDR/CVR Analysis (Analyse du FDR et du CVR).
Faits établis
- Selon toute vraisemblance, un court-circuit dans le faisceau de câbles du réacteur numéro 2 a permis à la vanne de démarrage du réacteur de s'ouvrir, ce qui a provoqué une survitesse puis une défaillance du démarreur du réacteur.
- La défaillance du démarreur du réacteur numéro 2 a provoqué un incendie dans le réacteur.
- L'ancien propriétaire de l'avion avait posé un interrupteur général commandant les vannes de démarrage des réacteurs pour se conformer aux exigences de la CN-83-01-05 R2. La pose de cet interrupteur avait été approuvée par Transports Canada et par la FAA, mais ne protégeait pas le circuit en entier et ne permettait pas à l'équipage de conduite de savoir si le démarreur de chaque réacteur fonctionnait normalement.
Causes et facteurs contributifs
Selon toute vraisemblance, un court-circuit dans le faisceau de câbles du réacteur numéro 2 a permis à la vanne de démarrage du réacteur de s'ouvrir, ce qui a provoqué une survitesse puis une défaillance du démarreur du réacteur qui a fini par prendre feu. La méthode permettant de respecter la CN 83-01-05 R2 qui avait été acceptée par Transports Canada et par la FAA ne protégeait pas l'avion contre un fonctionnement prolongé non détecté et non souhaitable du démarreur du réacteur.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Royal Aviation a modifié ses avions de sorte que tous ceux possédant un interrupteur général de démarrage disposent également d'un voyant de position de vanne de démarrage. La compagnie a également modifié ses procédures d'utilisation normalisées (SOP) de sorte que, si un voyant signale l'ouverture d'une vanne de démarrage, l'équipage puisse prendre immédiatement les mesures nécessaires pour éviter tout fonctionnement prolongé et non souhaitable du démarreur, compte tenu des risques d'incendie de réacteur.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.