Perte de puissance du moteur
Ottawa Aviation Services Inc.
Diamond DA20-A1 Katana C-FTKZ
Aéroport régional de Cornwall (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'avion à bord duquel prenaient place un instructeur et un pilote privé est parti d'Ottawa (Ontario) afin d'effectuer un vol voyage d'entraînement de nuit dont le circuit prévu comprenait Cornwall, Mirabel (Québec), et le retour à Ottawa. Pendant la montée vers l'altitude de croisière, les pilotes ont senti une odeur d'huile chaude dans le poste de pilotage. Ils ont remarqué que la température de l'huile moteur était plus élevée que la normale, mais que la pression d'huile était normale. Ils ont attribué l'odeur à un possible renversement pendant l'ajout d'huile dans le moteur (Bombardier-Rotax GMBH, type 912A3) avant le départ. L'odeur est disparue et n'est pas revenue, de sorte que les pilotes ont poursuivi le vol. Après l'arrivée à Cornwall, ils ont effectué un atterrissage posé-décollé sur la piste 28. À environ 300 pieds-sol, ils ont effectué les vérifications après décollage et ont constaté que la température de l'huile moteur était de nouveau plus élevée que la normale, mais que maintenant, la pression d'huile était inférieure à la normale. À environ 500 pieds-sol, ils ont pris la décision de revenir à l'aéroport et d'atterrir sur la piste inverse, c.-à-d. la piste 10. Le pilote privé a effectué le virage pour revenir à l'aéroport; toutefois, l'avion étant près de la piste, il était haut à l'approche. Le pilote privé a mis l'avion en glissade dans l'axe afin de perdre rapidement de l'altitude, mais l'instructeur a déterminé que l'avion ne pouvait pas atterrir sur le reste de la piste sans en sortir. L'instructeur a pris les commandes et a amorcé une remise des gaz à basse altitude. Peu après, le moteur de l'avion a subi une perte totale de puissance, et l'instructeur a effectué un atterrissage forcé dans un champ adjacent à l'aéroport. Pendant l'atterrissage, le train avant a été arraché, et l'avion a capoté. L'équipage a subi des blessures légères, et l'avion, des dommages importants.
Renseignements de base
L'instructeur et le pilote privé possédaient les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote privé recevait une formation en double commande en vue de l'obtention de la qualification de vol de nuit lorsque l'accident s'est produit.
On a examiné l'avion, et on n'a constaté aucune anomalie, sauf en ce qui concerne le moteur. Pendant l'examen de ce dernier, on a remarqué qu'une bride montée sur la pipe d'échappement no 2 et servant à fixer le ruban en amiante sur la pipe avait usé par frottement l'extrémité extérieure du filtre à huile sous pression. Ce frottement entretenu par les vibrations du moteur en marche avait troué le boîtier du filtre, permettant à l'huile de s'échapper du moteur, et la pression d'huile a chuté. La pipe d'échappement no 2 est fixée à la culasse du cylindre no 2 au moyen de goujons et d'écrous auto-bloquants M8 (Rotax, référence 942-035). On a découvert que ces écrous s'étaient desserrés, que la pipe d'échappement avait alors pris du jeu, et que par conséquent, cette dernière touchait le filtre à huile. De l'huile avait giclé sur le pare-brise de l'avion.
On a constaté que les écrous de pipe d'échappement des cylindres nos 1 et 4 étaient également desserrés, mais que ceux de la pipe d'échappement du cylindre no 3 étaient serrés. Un examen des documents d'entretien de l'avion a révélé que des travaux nécessitant l'enlèvement et le montage des écrous de pipe d'échappement avaient été effectués sur les cylindres nos 1, 2 et 4.
Le mécanisme de blocage du contre-écrou M8 est un trou fileté de forme ovale usiné dans le cylindre de l'écrou qui, au moment du montage sur le goujon de pipe d'échappement, pince les filets du goujon. L'enlèvement du contre-écrou réduit le pincement sur les filets du goujon et, par conséquent, l'efficacité du blocage. Le manuel d'entretien de l'aéronef indique que les écrous auto-bloquants enlevés doivent être remplacés par des écrous neufs au cas où leur couple de frottement aurait diminué. Des essais effectués au Laboratoire technique du Bureau de la sécurité des transports du Canada ont permis de déterminer que chaque fois qu'un contre-écrou M8 était monté sur un goujon de pipe d'échappement du moteur ROTAX, puis enlevé, le couple de frottement diminuait. L'enquête a également déterminé que les écrous de pipe d'échappement du moteur en cause avaient été remis en place et que l'installation d'entretien n'avait pas d'écrous auto-bloquants M8 pour pipes d'échappement dans son stock de pièces de rechange.
Un ressort contenu dans le filtre à huile sous pression d'origine (Rotax, réf. 825-700) produisait des criques à l'extrémité du boîtier du filtre. Dans son bulletin de service d'alerte no DA20-79-04A, rév. 0, publié le 10 janvier 1997, Diamond Aircraft recommande de remplacer cet ensemble par le filtre à huile Rotax portant la réf. 825-701. Le filtre de remplacement est plus long que le filtre d'origine et, lorsqu'il est monté sur le moteur, il réduit le jeu entre son extrémité et la pipe d'échappement no 2. En outre, chaque fois que le filtre doit être remplacé, la pipe d'échappement no 2 doit être déposée et remontée.
Analyse
On a examiné le processus qui a amené l'instructeur de vol à prendre la décision d'effectuer une remise des gaz de nuit malgré une indication de basse pression d'huile moteur dans le poste de pilotage. Après coup, et le dénouement de la situation étant connu, cette décision peut sembler incorrecte; toutefois, la décision et les facteurs ayant influé sur la décision doivent être examinés en fonction de la situation qui se présentait à l'instructeur à ce moment-là. Lorsque l'instructeur a constaté un problème de pression d'huile, il a immédiatement demandé à l'élève-pilote de revenir à la piste pour atterrir. La décision de l'instructeur d'atterrir aussitôt que possible indique qu'il a considéré qu'il s'agissait d'une situation d'urgence et qu'il a agit en conséquence. Il n'a pas immédiatement pris les commandes puisque le pilote aux commandes conservait la maîtrise de l'avion et faisait demi-tour en direction de l'aéroport conformément aux procédures d'atterrissage.
Puisque le pilote aux commandes n'a pas réussi à effectuer l'approche en vue de l'atterrissage sur le reste de la piste, on pourrait prétendre que l'instructeur aurait dû prendre les commandes plus tôt et s'assurer que l'atterrissage s'effectue sur la piste. Puisqu'il faisait noir et qu'il y avait de la buée sur la verrière, on ne sait pas à quel moment l'instructeur a pu clairement déterminer son altitude et sa position par rapport à la piste ou si la verrière cintrée contaminée a déformé sa perception. Toutefois, il est évident qu'aussitôt que l'instructeur a cru que le vol ne se poursuivait pas comme il aurait dû (c.-à-d. que l'avion était trop haut), il a immédiatement pris les commandes.
Lorsqu'il est devenu évident que l'avion était trop haut pour réussir à atterrir sur la piste, deux possibilités s'offraient à l'instructeur : atterrir droit devant ou remettre les gaz et tenter un autre atterrissage. L'instructeur savait que s'il atterrissait à la suite de cette approche, il sortirait de piste et l'avion subirait très probablement des dommages. Ne sachant pas ce qui se trouvait au-delà de la piste, et considérant qu'il était probable que l'avion subisse des dommages, l'instructeur a décidé de remettre les gaz.
Tenter une remise des gaz la nuit alors que la pression d'huile était basse était la plus risquée des options. Toutefois, sachant que le moteur produisait toujours de la puissance, l'instructeur a cru qu'il était possible d'effectuer un atterrissage sécuritaire. La décision de remettre les gaz plutôt que d'atterrir droit devant entre dans la catégorie des erreurs d'appréciation, la décision devant être prise dans un cadre où le choix se fait entre deux situations négatives : une situation pleinement négative et une situation peut-être négative. Un atterrissage droit devant se serait très probablement traduit par une situation pleinement négative, c'est-à-dire l'endommagement de l'avion et la possibilité de blessures. En effectuant une remise des gaz, il était possible que l'avion ne puisse pas réussir à effectuer l'atterrissage; toutefois, cette possibilité était moins connue et pas aussi certaine que la situation pleinement négative qui se serait produite pendant une sortie de piste. Généralement, un être humain faisant face à ces types de probabilités est porté à accepter une situation peut-être négative, bien qu'elle soit plus risquée. Dans le cas de l'instructeur, sa décision semble conforme à ce type d'erreur d'appréciation.
L'enquête sur l'accident en question a révélé que les écrous de pipe d'échappement de trois des quatre cylindres étaient desserrés. On a déterminé qu'après l'entretien qui nécessitait la dépose du circuit d'échappement, les écrous auto-bloquants de pipe d'échappement n'avaient pas été remplacés, contrairement aux recommandations de l'avionneur. Ce type de contre-écrou est conçu pour n'être utilisé qu'une seule fois puisque, une fois enlevé, il ne bloque plus aussi efficacement; c'est la raison pour laquelle il n'est pas recommandé de le réutiliser dans certaines applications.
Le filtre à huile de rechange a joué un rôle mineur dans l'accident en question. À cause de sa longueur plus importante, son extrémité était plus près de la pipe d'échappement; toutefois, si la pipe avait été montée et fixée à l'aide de contre-écrous neufs serrés au couple spécifié, le jeu entre l'extrémité du filtre et la pipe aurait été maintenu, et il n'y aurait pas eu d'usure par frottement.
Faits établis
- L'instructeur a décidé de remettre les gaz et de tenter un autre atterrissage plutôt que d'atterrir droit devant.
- Le filtre à huile de rechange étant plus long que le filtre à huile d'origine, le jeu entre l'extrémité du filtre et la pipe d'échappement no 2 était réduit.
- On a constaté que les écrous auto-bloquants qui fixent la pipe d'échappement à la culasse de trois des quatre cylindres étaient desserrés.
- Les contre-écrous desserrés de la pipe d'échappement no 2 ont permis à cette dernière de toucher le boîtier du filtre à huile, et une bride montée sur la pipe a troué le boîtier par frottement.
- Il n'y avait pas de contre-écrous M8 (ROTAX, réf. 942-035) dans le stock de pièces de rechange de l'installation d'entretien.
- Le trou dans le boîtier du filtre à huile sous pression a permis à l'huile de lubrification de s'échapper du moteur. Lorsque la quantité d'huile dans le moteur est devenue insuffisante pour alimenter la pompe à huile, la pression d'huile a diminué.
- Le manuel d'entretien de l'avion stipule que les écrous auto-bloquants, une fois enlevés, doivent être remplacés par des écrous neufs si le couple de frottement a diminué.
Causes et facteurs contributifs
Les écrous auto-bloquants de pipe d'échappement, remis en place malgré la recommandation de l'avionneur, se sont desserrés et ont permis à la pipe d'échappement de toucher le boîtier du filtre à huile sous pression. À cause des vibrations du moteur en marche, une bride montée sur cette pipe a percé un trou par frottement dans le boîtier, permettant à l'huile de lubrification de s'échapper du moteur. Cette situation s'est traduite par une perte de pression d'huile moteur. La longueur accrue du filtre à huile de rechange et l'absence d'écrous de rechange ont contribué à l'accident.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.