Basculement à l'atterrissage
Alpine Helicopters Limited
Bell 212 (hélicoptère) C-GALI
3 nm au sud-ouest de Mica Creek
(Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Vers 8 h 30, heure normale du Pacifique, l'hélicoptère Bell 212 (numéro de série 30525), qui transportait le pilote, 11 passagers et un guide de ski, effectuait une approche vers une aire d'atterrissage aménagée dans les monts Monashee près de Mica Creek. À quelque 200 pieds du point d'atterrissage prévu, les occupants de l'appareil ont entendu une forte explosion et ont vu plusieurs voyants d'alarme s'allumer dans le poste de pilotage pendant que le moteur numéro 1 s'arrêtait de tourner. Le pilote a poursuivi l'approche, mais l'avertisseur sonore de bas régime rotor s'est fait entendre, et l'hélicoptère a viré graduellement vers la droite, ce qui a obligé le pilote à se poser sur une aire non aménagée située non loin de l'aire d'atterrissage aménagée. Les passagers ont déclaré que la prise de contact initiale avec le sol n'avait pas été brutale, mais que l'hélicoptère avait ensuite basculé du côté gauche dans de la neige épaisse de quelques pieds (jusqu'à la taille) et que les pales du rotor principal avaient heurté la surface. La boîte de transmission principale s'est arrachée, et l'une des pales du rotor a heurté le plafond du poste de pilotage, ce qui a lourdement endommagé les tableaux de disjoncteurs supérieurs. Les 11 passagers ont emprunté la porte coulissante droite pour sortir de la cabine. L'évacuation s'est déroulée rapidement et sans difficulté. Le guide de ski, qui était en place gauche, est sorti par la fenêtre de toit située au-dessus après en avoir forcé l'ouverture. Il est ensuite revenu avec deux autres passagers pour aider le pilote à sortir du poste de pilotage par la même ouverture. Le moteur numéro 2 a continué de tourner pendant 15 minutes, après quoi une autre forte explosion s'est fait entendre, et le moteur s'est arrêté. Deux petits incendies se sont déclarés dans les compartiments moteur, mais ils se sont rapidement éteints d'eux-mêmes. Seul le pilote a été blessé. L'hélicoptère a été lourdement endommagé. La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) s'est mise en marche pendant l'accident, et son signal a été capté par le réseau SARSAT (système de poursuite par satellites de recherche et de sauvetage).
Renseignements de base
Le pilote possédait la formation, les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Au moment de l'accident, il effectuait son dernier jour de travail d'un engagement de deux semaines avec le Mica Creek Lodge. Le guide et les autres témoins ont déclaré que sur les lieux de l'accident la visibilité était de 4 milles dans de la neige très légère avec un ciel couvert ou des couches de nuages fragmentés à quelque 7 500 pieds et qu'un vent très léger soufflait du sud. L'accident est survenu à une altitude de 5 500 pieds, à quelque 50 pieds du lieu d'atterrissage prévu.
La masse et le centrage de l'hélicoptère étaient dans les limites prescrites. Les graphiques de performances du constructeur indiquent que l'hélicoptère pouvait maintenir une vitesse ascensionnelle de 250 pi/min sur un seul moteur, dans les conditions de vol qui régnaient ce jour-là. Cependant, dans le cas présent, le pilote était obligé de se poser, car l'appareil effectuait une lente descente à pente faible en vue de l'atterrissage lorsque le moteur numéro 1 s'est arrêté, et il se déplaçait trop lentement et était trop près du sol pour que le pilote puisse interrompre la descente à l'aide d'un seul moteur. Pendant que le pilote tentait de poursuivre l'approche jusqu'au lieu d'atterrissage prévu, le régime du rotor principal a chuté, et le pilote a été forcé de se poser sur une aire non aménagée.
L'examen des deux moteurs a révélé qu'ils avaient tous deux subi des défaillances non confinées de la turbine de travail. Lorsqu'elle est en charge, une roue de turbine de travail accélère rapidement si elle perd brusquement toute charge. La vitesse de rotation maximale normale de la roue de turbine de travail du moteur PT6T-3 est de 33 000 tr/min. Le motoriste, Pratt and Whitney Canada (P&WC), a déclaré que la vitesse de rupture nominale des aubes était comprise entre 45 700 et 51 600 tr/min, et que les aubes étaient conçues pour se rompre dans une situation de survitesse avant que la vitesse de rotation du disque soit suffisante pour que le disque se désintègre. La roue de la turbine de travail du moteur numéro 1 a perdu environ les trois-quarts de ses aubes et les aubes restantes étaient regroupées dans une même section de la roue. La turbine de travail du moteur numéro 2 a perdu toutes ses aubes. Les aubes des deux roues sont passées au travers de leur carter respectif de protection en acier, au travers des chambres de combustion et, finalement, au travers des carters extérieurs des deux moteurs. La structure des moteurs n'a pas retenu les aubes lorsqu'elles se sont séparées du disque turbine, mais celles-ci n'ont pas causé de dommages supplémentaires importants à la cellule de l'hélicoptère.
L'examen des moteurs a révélé que les arbres qui reliaient chaque turbine de travail à la boîte d'engrenages de transfert (boîte de transfert) étaient rompus. L'arbre d'entrée du moteur numéro 1 s'est rompu au niveau du palier numéro 5, qui est situé à l'avant de la boîte de transfert. Le palier s'est désintégré et l'arbre a fondu. L'arbre du moteur numéro 2 s'est rompu juste à l'arrière de la turbine de travail. On a déterminé que cet arbre s'est rompu à cause d'un manque de lubrification au niveau du palier numéro 4. Tous les paliers du moteur numéro 2 montraient des signes de surchauffe. La surchauffe a été attribuée à une lubrification insuffisante survenue parce que le moteur a continué de fonctionner pendant que l'hélicoptère était renversé sur le côté. Les générateurs de gaz des deux moteurs tournaient librement, et ils ne présentaient aucune anomalie susceptible d'avoir causé une survitesse dans l'un des moteurs.
La boîte de transfert a fait l'objet d'une inspection en cours de démontage. L'embrayage du moteur numéro 1 montrait une usure extrême. Le jeu entre les faces extérieure et intérieure de l'embrayage était de 0,0137 pouce hors tolérances. Les surfaces de mise en prise étaient rugueuses et tout porte à croire que l'embrayage glissait. Selon le fabricant de l'embrayage, un composant dans un état d'usure aussi avancé peut glisser sous des couples normaux. On a mesuré des jeux axiaux (ou flottement) de l'arbre intérieur de 0,029 pouce, ce qui est bien au-delà de la norme de révision générale qui va de 0,002 à 0,004 pouce. Les entretoises à l'intérieur de l'embrayage étaient également usées et les chemins de palier intérieurs de l'embrayage portaient des rainures d'usure.
L'arbre d'accouplement entre l'embrayage du moteur numéro 1 et les engrenages hélicoïdaux de sortie finale était cisaillé. Les surfaces de fracture de cet arbre se sont modifiées au moment où les deux moitiés ont frotté l'une contre l'autre après la rupture; toutefois, les caractéristiques générales de la rupture correspondaient à celles d'une rupture par surcharge en torsion dans le sens de la charge normale d'entraînement.
L'analyse effectuée par le Laboratoire technique du BST a révélé que le matériau et la dureté de l'embrayage étaient conformes aux spécifications du fabricant. Le Laboratoire a déterminé que les rainures dans les chemins de palier intérieurs avaient été causées par de l'usure. Lorsque l'embrayage est en prise, comme c'est le cas pendant toutes les opérations normales, les arbres intérieurs et extérieurs tournent ensemble comme un seul composant et il n'y a pas de mouvement relatif au niveau des paliers de l'embrayage. Des vibrations du système d'entraînement pourraient faire que les paliers à billes fixes creusent des rainures d'usure à l'intérieur des chemins de palier. L'usure des entretoises et les rainures à l'intérieur des chemins de palier internes ont causé une augmentation du flottement de l'extrémité de l'arbre intérieur.
Huit jours avant l'accident, le voyant d'alarme du détecteur de limaille de la boîte de transfert s'était allumé. L'inspection avait révélé la présence de petites particules et de deux fines lanières métalliques sur le bouchon du détecteur de limaille. On avait enlevé et rangé le matériau en question. On avait remplacé le filtre et l'huile de la boîte de transfert et on avait fait un point fixe moteur. Après l'accident, le Laboratoire technique du BST avait analysé le matériau qui avait été prélevé sur le détecteur de limaille, ce qui avait permis de constater qu'il s'agissait du même matériau que celui découvert dans l'embrayage. Les embrayages sont lubrifiés par le circuit de lubrification de la boîte de transfert.
Deux semaines avant l'accident, l'arbre d'entraînement du rotor de queue avait subi un surcouple non expliqué qui avait endommagé la boîte d'engrenages à 90 degrés. À la suite de cet incident, on avait remplacé la boîte d'engrenages à 90 degrés, l'arbre d'entraînement, la boîte d'engrenages à 42 degrés et le palier de suspension. On avait comparé la boîte (de remplacement) d'engrenages à 90 degrés qui était montée dans l'hélicoptère au moment de l'accident avec la boîte d'engrenages en cause lors de l'incident antérieur, et les deux boîtes d'engrenages présentaient des types de dommage presque identiques.
Selon les dossiers techniques, l'hélicoptère était entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux normes de navigabilité courantes. Depuis leurs dernières révisions générales, les moteurs numéro 1 et numéro 2 totalisaient 2 822 heures et 930 heures de service, tandis que la boîte de transfert totalisait 2 920 heures. L'intervalle entre révisions normal de la boîte de transfert est de 4 500 heures. La boîte de transfert avait subi sa dernière révision générale au centre de service de P&WC à St-Hubert (Québec). La certification technique était datée du 27 janvier 1993.
La compagnie en cause avait pris plusieurs mesures de sécurité qui ont permis d'améliorer les possibilités de survie des occupants lors de l'accident qui fait l'objet du présent rapport. La compagnie recommandait fortement à ses pilotes de porter un casque protecteur. Les blessures que le pilote a subies à la tête auraient sans doute été plus graves, et peut-être même fatales, s'il n'avait pas porté de casque. La compagnie avait veillé à ce que les passagers reçoivent un exposé de sécurité complet avant le vol de l'accident. C'est pourquoi, après l'accident, l'évacuation de la cabine s'est déroulée rapidement et dans l'ordre. Les passagers ont attendu d'avoir une bonne prise de main et d'être prêts à se hisser hors de la cabine avant de détacher leur ceinture de sécurité. Les passagers ont utilisé les pieds des sièges pour sortir de l'hélicoptère qui était renversé sur le côté. Les pieds des sièges avaient été peints spécialement pour que les occupants puissent les utiliser comme échelle pour sortir de l'hélicoptère en cas d'urgence.
Analyse
Les deux moteurs ont subi des ruptures non confinées des aubes de la turbine de travail provoquées par des défaillances des chaînes dynamiques entre les moteurs et l'arbre de sortie final. Tout porte à croire que les défaillances des arbres d'entrée des deux moteurs sont consécutives à la défaillance primaire de l'arbre d'accouplement de l'embrayage du moteur numéro 1. Cet arbre s'est cisaillé à cause des charges excessives qu'il a subies lorsque l'embrayage usé a commencé à glisser et qu'il s'est brusquement remis en prise. Les aubes de la roue de la turbine de travail se sont détachées en raison de la survitesse engendrée par la défaillance de l'arbre d'accouplement. La roue de la turbine n'a conservé qu'environ le quart de ses aubes, et le déséquilibre subséquent a exercé des charges extrêmes sur la palier numéro 5. Le moteur numéro 2 a continué de tourner pendant que l'hélicoptère était sur le côté avant de tomber finalement en panne par manque de lubrification.
On n'a découvert aucun facteur unique pouvant expliquer l'usure de l'embrayage. Les chemins de palier ont sans doute commencé à s'user pendant que l'embrayage était en prise, et les paliers à billes ont creusé des rainures d'usure dans les chemins de palier à cause des vibrations de la chaîne dynamique. Les rainures auraient amplifié les contraintes sur le chemin de palier extérieur lorsque l'embrayage tournait en roue libre (il y avait alors un mouvement relatif entre les chemins de palier intérieur et extérieur), et ce phénomène aurait accéléré l'usure du palier. L'usure des surfaces de mise en prise de l'embrayage peut avoir été causée par la contamination de l'huile par des particules métalliques d'usure en provenance des paliers.
Tout porte à croire que le surcouple du système du rotor de queue subi deux semaines avant l'accident et l'activation du voyant d'alarme du détecteur de limaille de la boîte de transfert survenue huit jours avant l'accident avaient pour origine l'usure de l'embrayage. Même si le personnel de maintenance avait fait enquête sur les deux incidents, il n'avait pas établi de lien entre les deux événements et les indices disponibles ne l'avait pas amené à soupçonner une défaillance de l'embrayage. Le milieu opérationnel dans lequel l'hélicoptère était exploité n'était pas inhabituel, et l'on n'a constaté aucune pratique d'exploitation ayant pu contribuer à une usure anormale de l'embrayage. De plus, l'hélicoptère Bell 212 ne présente aucun antécédent significatif d'embrayages usés ou sujets à glisser.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 38/97 - Combining Gearbox (Boîte d'engrenages de transfert).
Faits établis
- Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
- Selon les dossiers de maintenance, l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
- La masse et le centrage de l'appareil étaient dans les limites prescrites.
- L'arbre d'accouplement de l'embrayage du moteur numéro 1 s'est cisaillé à cause des charges excessives qu'il a subies au moment où l'embrayage usé a glissé et s'est brusquement remis en prise. La roue de la turbine de travail s'est ensuite mise en survitesse au point où ses aubes se sont rompues, et les aubes des deux roues de turbine de travail ont traversé leurs carters respectifs de protection en acier.
- Le moteur numéro 2 a continué de tourner pendant que l'hélicoptère était sur le côté et il est finalement tombé en panne par manque de lubrification.
- Aucune cause unique n'a pu être établie avec certitude pour expliquer l'usure considérable de l'embrayage.
Causes et facteurs contributifs
L'arbre d'accouplement de l'embrayage du moteur numéro 1 s'est cisaillé à cause des charges excessives qu'il a subies en raison de l'embrayage usé qui glissait. La turbine de travail est alors entrée en survitesse, ce qui a causé une panne moteur, et le pilote a été forcé d'atterrir sur une aire non aménagée.
Mesures de sécurité prises
Depuis l'accident, l'exploitant a mis sur pied un programme de partage des coûts avec ses pilotes pour les aider à faire l'achat de casques protecteurs.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.