Rapport d'enquête aéronautique A97Q0015

Décollage interrompu et sortie de piste
Propair Inc.
Beechcraft Super King Air 200 C-GCEV
Aéroport de Sept-Îles (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Super King Air 200, numéro de série BB-153, de la compagnie Propair Inc., avec deux pilotes et dix passagers à son bord, s'apprête à effectuer un vol d'affrètement selon les règles de vol aux instruments entre Sept-Îles (Québec) et Dorval (Québec). À 17 h, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, le copilote, assis en place gauche, amorce la course au décollage sur la piste 09. À une vitesse indiquée d'environ 90 noeuds, soit 5 noeuds au-dessous de la vitesse de rotation (VR), l'avion commence à dériver à gauche vers l'extérieur de la piste. Le copilote tente sans succès de corriger la trajectoire de décollage à l'aide du gouvernail de direction. Aux environs de 100 noeuds, juste avant que l'avion sorte de la piste, le copilote tire à fond sur la commande de profondeur et amorce une montée. Presque au même moment, le commandant de bord coupe les gaz, croyant que la collision avec le banc de neige bordant la piste est inévitable. L'appareil descend jusqu'à ce qu'il percute la surface enneigée au nord de la piste et glisse sur le ventre avant de s'immobiliser sur un cap opposé au cap de décollage. Le commandant de bord a été légèrement blessé. L'appareil a subi des dommages importants. Les occupants ont utilisé la porte principale pour évacuer l'avion.

    Renseignements de base

    L'avion devait partir à 16 h 45. Le vol a été retardé parce que les pilotes ont eu du mal à circuler jusqu'à la piste 09 parce que la visibilité était faible et qu'il y avait de fortes rafales de neige. La course au décollage a commencé à environ 200 pieds du seuil de la piste 09, à l'intersection de la voie de circulation Alpha.

    Le copilote, sous la surveillance du commandant de bord, avait été autorisé par ce dernier à effectuer le décollage en place gauche, conformément aux politiques de l'exploitant. Avant le décollage, le copilote avait donné au commandant de bord les consignes portant sur la division des tâches, les vitesses critiques et la procédure en cas d'anomalie. La vitesse minimale en cas de panne moteur critique ou vitesse de décision (V1) et la vitesse de rotation (VR)) sont identiques. Le copilote avait choisi une V1 de 105 noeuds, soit 10 noeuds de plus que la vitesse suggérée par Beechcraft, et de 5 noeuds supérieure à la vitesse que le commandant de bord a cru entendre et habituellement sélectionnée par les équipages de la compagnie. Aucune instruction ni procédure particulière concernant les conditions environnementales qui prévalaient n'ont été discutées lors du breffage.

    Juste avant le décollage, on avait signalé de la faible neige et de fortes rafales de neige. Le vent soufflait du 140° magnétique à 20 noeuds avec des rafales pouvant atteindre les 30 noeuds. La portée visuelle de piste (RVR) au décollage était de 1 600 pieds. La piste 09 mesure 6 572 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur, et sa surface est asphaltée. Au moment de l'accident, un banc de neige de quatre pieds de hauteur bordait les côtés de la piste. La piste avait été dégagée en partie, et un compte rendu de surface avait été effectué 35 minutes avant l'accident; le centre de la piste avait été dégagé sur 100 pieds de largeur, et la piste était 60 % nue et sèche, 15 % couverte de neige durcie et 25 % couverte de congères de moins de un pouce; 8 à 12 pouces de neige recouvraient la largeur restante de chaque côté de la piste.

    L'aéronef, volets rentrés, a été aligné sur l'axe de piste, et le copilote a avancé les manettes des gaz pendant que le commandant de bord affichait la puissance de décollage en arrivant à 1 000 livres de couple moteur. À 80 noeuds, les pilotes ont confirmé que les anémomètres fonctionnaient et que la puissance de décollage était réglée et stabilisée. Jusque là, la course au décollage s'était déroulée normalement, quoiqu'elle ait été ponctuée d'à-coups que les pilotes attribuaient aux congères sur la piste. À une vitesse indiquée d'environ 90 noeuds, l'avion a commencé à virer vers la gauche. Le copilote a tenté de corriger la trajectoire de l'appareil en appuyant progressivement à fond sur le palonnier droit. L'avion a continué à obliquer rapidement vers le côté nord de la piste. Entre-temps, l'avion a atteint 100 noeuds et le commandant de bord a annoncé V1. Le copilote, qui n'a pas entendu l'annonce V1, a alors annoncé qu'il avait «la vitesse». Il a enlevé sa main sur les manettes des gaz pour prendre le volant, et il a tiré à fond sur la commande de profondeur pour éviter de sortir de la piste.

    À peu près au même moment, le commandant de bord, qui n'était pas au courant des problèmes de contrôle, a regardé à l'extérieur pour vérifier la progression du vol. Il a subitement réalisé que l'avion se dirigeait hors de la piste et que le copilote tirait sur le manche en vue de décoller. Croyant que l'appareil ne franchirait pas le banc de neige en bordure de la piste et qu'une sortie de piste était imminente et inévitable, le commandant, sans aviser le copilote, a aussitôt réduit la puissance en tirant sur les manettes des gaz. Il voulait ralentir la vitesse de l'aéronef et amortir le choc imminent.

    L'appareil, qui était en vol, a descendu jusqu'à ce qu'il percute la surface enneigée au nord de la piste puis a glissé sur le ventre avant de s'immobiliser sur un cap opposé au cap de décollage. L'avertisseur de décrochage n'a jamais retenti. Dès que l'avion s'est immobilisé, les pilotes ont effectué les procédures et les vérifications appropriées. Le commandant de bord a été légèrement blessé. L'appareil a subi des dommages importants.

    Le commandant de bord possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il totalisait plus de 1 300 heures de vol sur l'appareil. Le copilote avait subi sa vérification de compétence pilote (PPC) comme commandant de bord en novembre 1996. Les deux pilotes avaient peu d'expérience de décollage avec une RVR inférieure à 2 600 pieds. Le commandant de bord, qui avait effectué cinq vols avec le copilote auparavant, considérait ce dernier comme un pilote professionnel et compétent. Aucun d'entre eux n'avait suivi de cours de gestion des ressources de l'équipage (CRM). Seuls les exploitants aériens qui utilisent des aéronefs de 20 passagers ou plus et dont la masse est supérieure à 19 000 livres doivent offrir une formation CRM. La formation CRM englobe les facteurs associés à la coordination efficace de l'équipage tels la communication, la prise de décision et la gestion de la charge de travail.

    Le minimum de décollage pour la piste 09 de l'aéroport de Sept-Îles était une RVR de 2 600 pieds. Transports Canada avait accordé à Propair l'autorisation, sous forme d'une spécification d'exploitation, d'effectuer des décollages avec le Beech 200 alors que la RVR était de 1 200 pieds. La compagnie devait respecter les exigences de l'alinéa 724.26(2)b) du Règlement de l'aviation canadien (RAC) intitulé Minimums de décollage - visibilité signalée - RVR 1 200 pieds (¼ de mille) Avion dont les performances ne sont pas homologuées pour le décollage et la montée avec un moteur en panne des Normes de service aérien commercial.

    Une des exigences de l'alinéa 724.26(2)b) stipulait que pour les avions dont les performances ne sont pas homologuées comme le Beech 200, le commandant de bord devait recevoir une formation au sol et sur simulateur. Le pilote devait effectuer sur un simulateur pour le type d'avion en cause un décollage interrompu dans une RVR de 1 200 pieds immédiatement avant V1. Cependant, Transports Canada, ayant examiné les donnés supplémentaires d'utilisation fournies par Raytheon Beechcraft, a jugé qu'une formation initiale et annuelle sur un simulateur n'était pas obligatoire pour les exploitants de Beech 200. Ni le commandant de bord ni le copilote n'avaient reçu une telle formation sur simulateur, et aucune n'était requise.

    La pratique courante veut que le rôle de pilote aux commandes (PF) alterne entre le commandant de bord et le copilote à chaque étape du vol, et Propair endossait cette pratique. De plus, la compagnie encourageait les commandants de bord à autoriser les copilotes d'expérience lorsqu'ils étaient PF à piloter en place gauche. Aucune restriction opérationnelle ou environnementale n'avait été stipulée; les commandants de bord avaient plein pouvoir décisionnel à cet égard. Cette politique avait pour objet de faciliter la transition éventuelle des copilotes comme commandants de bord. À cet égard, l'alinéa 724.115(21) des Normes de service aérien commercial spécifiait que si l'exploitant aérien autorisait le copilote à décoller dans des minimums météorologiques inférieurs à la norme, le copilote devait alors recevoir la même formation que le commandant de bord. Seul le commandant de bord avait la formation nécessaire pour effectuer un décollage dans une RVR de 1 200 pieds. La compagnie et les deux pilotes présumaient que si le commandant de bord possédait les qualifications pour une RVR de 1 200 pieds, le copilote était automatiquement autorisé à décoller.

    L'analyse des lieuxNote de bas de page 2 a permis de déterminer que l'avion a roulé sur environ 1 850 pieds avant de décoller, qu'il a parcouru 500 pieds dans les airs sur un cap de 78° magnétique avant de percuter la neige et qu'il était en cabré au moment de l'impact. La performance estimée de l'avion était légèrement inférieure à celle publiée dans la table de distance de décollage du manuel de vol. Sur une surface sèche, ferme et horizontale avec une VR de 95 noeuds, le Super King Air pouvait décoller après avoir effectué une course de 1 650 pieds.

    L'enquête n'a révélé aucune défaillance ni mauvais fonctionnement des systèmes et des composants de l'avion qui auraient pu contribuer à l'événement. L'avion était certifié et entretenu conformément à la réglementation et aux procédures approuvées. La masse de l'avion se trouvait dans les limites prescrites, et le centre de gravité se situait dans la plage normale. L'avionneur n'avait établi aucune limite de vitesse de vent traversier.

    Le Règlement de l'aviation canadien (RAC) est entré en vigueur le 10 octobre 1996. Une nouvelle exigence réglementaire stipulait que les transporteurs aériens devaient établir des procédures d'utilisation normalisées (SOP). En bref, les SOP devaient énoncer de façon claire et précise les responsabilités et les tâches du commandant de bord et du copilote ainsi que celles du PF et du pilote qui n'est pas aux commandes (PNF) pour chaque étape du vol et lors de certaines situations spécifiques. Entre autres, les SOP devaient comprendre les éléments pertinents suivants : coordination entre membres d'équipage; consignes normalisées; annonces normalisées et décollage interrompu.

    Certaines dispositions du RAC ont été évaluées comme exigeant du temps après l'entrée en vigueur pour assurer la conformité. Les exploitants aériens avaient une période de transition conditionnelle de 60 jours pour déterminer les exigences relatives aux modifications de leurs SOP. Étant donné que Propair n'avait pas achevé son manuel de procédures d'utilisation normalisées parce qu'il s'était engagé à effectuer des modifications importantes à ses documents d'exploitation, Transports Canada avait, à cette fin, prolongé la période de transition de la compagnie.

    Un décollage interrompu est un décollage qu'on interrompt après le réglage de la puissance de décollage et après le début de la course au décollage. La procédure de décollage interrompu de Propair ainsi que la formation relative au décollage interrompu étaient conformes aux exigences de Transports Canada. La responsabilité et les tâches de chacun des pilotes étaient définies par les pilotes vérificateurs lors des vols d'entraînement sur l'appareil en cause. Si un pilote décelait une anomalie, il devait l'annoncer; c'était le pilote aux commandes qui devait effectuer le décollage interrompu lorsque la vitesse de l'appareil était en deçà de la V1. Bien que le commandant de bord soit responsable de l'exploitation et de la sécurité de l'appareil, il devait informer le copilote de ses intentions avant de prendre les commandes. Ces responsabilités et ces tâches n'étaient spécifiées ni dans le manuel de l'avion, ni dans le manuel d'exploitation de la compagnie, mais elles étaient reconnues par Propair. Les pilotes s'exerçaient rarement aux décollages interrompus près de la V1 à cause des risques. De plus, la procédure était exécutée uniquement avec le pilote vérificateur. Ni le commandant de bord ni le copilote n'avaient eu auparavant à effectuer un décollage interrompu à haute vitesse.

    Analyse

    Étant donné qu'aucune anomalie technique ni défaillance mécanique antérieures à l'impact qui auraient pu expliquer la déviation de l'appareil vers la gauche n'ont été décelées, il apparaît que la perte de contrôle directionnel soit attribuable à l'état de la piste, aux conditions environnementales et à la prise tardive de mesures de correction.

    La course au décollage s'est déroulée de nuit, sur une piste partiellement contaminée, dans un vent traversier de la droite de 16 à 23 noeuds, par visibilité réduite dans la neige et de fortes rafales de neige. L'analyse des conditions météo et de piste suggère qu'au moment de l'accident la surface était vraisemblablement plus contaminée que l'indiquait le dernier rapport de piste, et que la largeur de piste disponible était inférieure à 100 pieds tel que rapporté.

    Le commandant de bord aurait dû effectuer le décollage puisque le copilote n'avait pas reçu la formation exigée par la réglementation en vigueur pour décoller dans des minimums météorologiques inférieurs à la norme. Étant donné que le commandant de bord avait peu d'expérience dans les décollages dans une RVR de 1 200 pieds, il est probable que s'il avait suivi une formation sur simulateur comprenant des exercices de décollage dans ces conditions, il aurait été plus conscient des risques et aurait effectué le décollage lui-même. De plus, il semble que les facteurs suivants ont eu une influence sur la décision du commandant de bord : l'équipage de conduite et la compagnie croyaient que si le commandant de bord possédait les qualifications nécessaires, le copilote pouvait décoller dans une RVR de 1 200 pieds; le commandant de bord jugeait que le copilote était suffisamment compétent pour effectuer les décollages dans les conditions existantes; la compagnie encourageait les copilotes à voler en place gauche; et aucune procédure n'avait été publiée pour le décollage dans des minimums météorologiques inférieurs à la norme.

    Hormis une V1 de 105 noeuds plutôt que 100 noeuds, le breffage du copilote a été complété de façon routinière, bien que les conditions environnementales dictaient un breffage plus exhaustif. Un breffage plus élaboré aurait permis aux pilotes de planifier le décollage en tenant compte des conditions existantes et de formuler un plan commun en cas de situations d'urgence. Le fait que le commandant de bord croyait à tort que la V1 choisie par le copilote était de 100 noeuds indique que les consignes ont été, du moins en partie, tenues pour acquises, et que le décollage a été entrepris alors que chacun des pilotes avait une vitesse de décision différente en tête. Cette mésentente n'a cependant pas contribué à l'accident, puisque le copilote a amorcé la rotation à 100 noeuds, mais elle démontre un manque de coordination avant même le début de la course. En fait, le breffage n'a pas amélioré la cohésion dans le poste de pilotage comme il aurait dû le faire.

    Entre 90 et 100 noeuds, le copilote avait trois ou quatre secondes pour avertir le commandant de bord que l'avion dérivait à gauche. Or, il n'a pas jugé nécessaire de signaler immédiatement la perte de contrôle, croyant être en mesure de corriger le virage; par la suite, il a été trop préoccupé par les événements pour informer le commandant de bord. Ainsi, le commandant de bord a été privé d'informations cruciales au vol. En conséquence, le commandant de bord ne savait qu'en partie ce qui se passait autour de lui. Étant donné qu'il n'avait pas une compréhension globale et exacte de la situation, il pouvait difficilement prendre une décision efficace. Les communications inter-personnelles efficientes sont d'une importance capitale à la coordination de l'équipage. Le commandant de bord aurait peut-être réagi différemment s'il avait eu plus de temps pour analyser la situation.

    Les annonces qui ont été faites après que l'avion eut commencé à dériver étaient soit inaudibles, soit non normalisées, soit inexistantes : le copilote n'a pas entendu l'annonce V1 à 100 noeuds; le copilote a annoncé «J'ai la vitesse» au lieu de V1 que le commandant de bord n'a pas entendu; et le commandant de bord n'a pas annoncé qu'il interrompait le décollage. Par conséquent, les membres de l'équipage n'avaient pas la même compréhension de ce qu'il fallait faire. Les termes «V1», «VR», «Reject» et «Abort» sont des expressions normalisées qui sont sans équivoque seulement si elles sont prononcées clairement. Le commandant de bord n'aurait peut-être pas coupé les gaz si le copilote avait communiqué de façon claire et précise la perte de contrôle directionnel de l'avion et son intention de poursuivre le décollage.

    Le commandant de bord a été surpris de constater que l'appareil se dirigeait vers l'extérieur de la piste et de voir le copilote tenter un décollage. En raison de la soudaineté de l'urgence, il a eu très peu de temps pour analyser la situation correctement. Il a conclu qu'une sortie de piste était imminente et que le décollage échouerait dans la neige. Le commandant de bord a immédiatement décidé d'interrompre le décollage en raison de sa perception de la situation; il comprenait qu'en coupant les gaz, l'accident était inévitable. Selon sa compréhension de la situation, couper les gaz afin de réduire la vitesse de l'appareil était le geste le plus sûr. Les pilotes ont été confrontés à une situation inhabituelle pour laquelle ils n'étaient pas prêts.

    Selon les procédures de la compagnie et les ententes prises lors du breffage avant décollage, il incombait au copilote, en tant que pilote aux commandes, de décider s'il fallait continuer ou interrompre le décollage au moment de la perte de contrôle. En fait, il était le pilote le mieux placé pour prendre une telle décision. Le copilote avait suivi le déroulement du vol depuis le début de la course au décollage, ce qui lui permettait d'analyser avec plus de précision les performances de l'appareil.

    Lorsque le copilote a réalisé qu'il avait perdu le contrôle directionnel et que l'avion avait atteint la VR , il a évalué, à juste titre, qu'en tirant sur le manche, l'appareil franchirait les obstacles droit devant. Étant donné que l'avion n'a pas décroché avant de s'affaisser dans la neige et qu'il n'y avait aucun obstacle le long de sa trajectoire, il est clair que l'appareil aurait poursuivi son vol si les gaz n'avaient pas été coupés.

    Les actions de l'équipage n'étaient pas coordonnées comme elles auraient dû l'être. Les éléments suivants n'étaient pas obligatoires en vertu de la réglementation en vigueur mais ils ont contribué au manque de coordination dans le poste de pilotage : les membres de l'équipage n'avaient jamais effectué d'exercices de décollage interrompu avec une RVR de 1 200 pieds; ils s'exerçaient rarement aux décollages interrompus; ils manquaient également d'expérience dans la pratique de décollages interrompus à haute vitesse; la compagnie n'avait pas de SOP publiées; et les pilotes n'avaient pas reçu de formation CRM.

    Faits établis

    1. Le copilote avait été autorisé par le commandant de bord à effectuer le décollage en place gauche.
    2. Le commandant de bord croyait que le copilote possédait les qualifications nécessaires pour effectuer le décollage dans des minimums météorologiques inférieurs à la norme, mais ce n'était pas le cas.
    3. La course au décollage s'est déroulée de nuit, sur une piste partiellement contaminée, par forts vents traversiers et par visibilité réduite dans la neige et de fortes rafales de neige.
    4. Lors de la course au décollage, à une vitesse indiquée d'environ 90 noeuds, l'avion a commencé un virage vers la gauche.
    5. Aucune anomalie technique ni défaillance mécanique antérieures à l'impact qui permettraient d'expliquer la déviation de l'appareil vers la gauche n'ont été décelées.
    6. La perte de contrôle directionnel de l'appareil est probablement attribuable à l'état de la piste, aux forts vents traversiers et à la prise tardive de mesures de correction.
    7. La décision de continuer ou d'interrompre le décollage au moment de la perte de contrôle incombait au copilote en tant que pilote aux commandes.
    8. Le copilote a décidé de poursuivre le décollage parce qu'il a jugé qu'en tirant sur le manche, l'appareil décollerait et franchirait les obstacles.
    9. Le commandant de bord a décidé d'interrompre le décollage parce qu'il croyait que la collision avec le banc de neige en bordure de la piste était inévitable; il voulait ralentir la vitesse de l'aéronef et amortir le choc.
    10. L'appareil aurait poursuivi son vol si les gaz n'avaient pas été coupés.

    Causes et facteurs contributifs

    L'avion s'est écrasé parce que, à la suite d'un manque de coordination dans le poste de pilotage, le commandant de bord a pris les commandes après que l'appareil eut pris son envol. Les facteurs suivants ont contribué à l'accident : mauvaises conditions environnementales; surface de la piste contaminée; mauvaise gestion des ressources de l'équipage; breffage inefficace; et entraînement inadéquat pour les décollages interrompus.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité à prises

    À la suite de cet accident, Propair a pris ou est en voie de prendre les mesures suivantes pour améliorer la coordination dans le poste de pilotage :

    • La compagnie a entrepris une étude afin d'élaborer un programme de formation en gestion des ressources de l'équipage (CRM) qui correspondra à son exploitation.
    • La compagnie a élaboré une liste de vérifications pour le décollage dans des minimums météorologiques inférieurs à la norme. La liste de vérifications, sous forme de questionnaire, réitère les exigences de la réglementation en vigueur.
    • La politique de transfert des rôles a été modifiée; les copilotes peuvent occuper la place gauche uniquement si le commandant de bord est un pilote vérificateur.
    • Propair Inc. s'est engagée à examiner son programme d'entraînement relatif aux décollages interrompus.
    • Le manuel de procédures d'utilisation normalisées de Propair, qui comprend les procédures générales, les procédures à suivre dans des situations normales ainsi que les procédures à suivre dans des situations anormales et d'urgence, a été publié.
    • La compagnie a également mis sur pied un programme de sécurité aérienne conformément à l'article 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC).
    • Transports Canada se propose de sensibiliser le milieu aéronautique au moyen des programmes sur la sécurité, de présentations sur les conclusions du rapport et sur la gestion des ressources de l'équipage.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles H. Simpson et W.A. Tadros.

    Annexes

    Annexe A— Déroulement du décollage