Panne de moteur
Fireweed Helicopters Ltd.
Bell 206B (Hélicoptère) C-FNIQ
60 nm au nord de Dawson (Yukon)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le pilote de l'hélicoptère Bell 206B portant le numéro de série 1743, qui venait de quitter un campement d'exploration après avoir livré du ravitaillement, s'en allait chercher deux travailleurs à un site se trouvant à environ trois milles à l'ouest du campement. En croisière à une altitude approximative de 100 pieds au-dessus du sol (agl), le moteur de type Allison 250C20 est soudainement tombé en panne. Le pilote a prolongé le plané en autorotation pour essayer de franchir un ruisseau et ainsi atteindre une surface plane propice à un atterrissage. Le régime du rotor a chuté, provoquant une perte de portance et au moment du touché, le patin gauche s'est enfoncé dans le sol, faisant basculer l'hélicoptère sur le côté droit. Le pilote a par la suite déclaré que le moteur était tombé en panne sans qu'il ait entendu de bruit inhabituel ou qu'il ait reçu d'indication particulière des instruments, et il a précisé qu'il y avait suffisamment de carburant à bord. Personne n'a été blessé, mais l'hélicoptère a subi d'importants dommages.
Renseignements de base
Au moment de l'accident, le ciel était couvert avec un plafond de 300 pieds agl, une visibilité de 8 milles, une température de 15 degrés Celsius et des vents légers. Les conditions météorologiques n'ont pas été retenues en tant que facteur contributif à l'accident.
Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il avait accumulé un total de 8 000 heures de vol environ, dont à peu près 6 000 heures sur Bell 206.
Les dossiers montrent que l'hélicoptère avait été entretenu conformément à la réglementation en vigueur. Une inspection aux 300 heures avait été faite 29,3 heures de vol avant l'accident. Au cours de l'inspection, l'injecteur carburant avait été remplacé parce que parvenu à sa limite d'utilisation, et le rotor de queue avait été rééquilibré. Aucune anomalie technique n'avait été signalée quand l'accident est survenu.
Au moment de la panne de moteur, l'hélicoptère avait à peu près 39 gallons américains de carburant à bord. Le réservoir de carburant a été perforé sous la force de l'impact de la traverse tubulaire arrière du train et, d'après les preuves recueillies sur place, une quantité de carburant considérable s'est déversée. Toutes les conduites carburant et tous les filtres étaient intacts, et le carburant ne contenait aucun contaminant apparent.
D'après la vérification sur place de l'épave, rien n'indiquait qu'il y ait eu défaillance de la cellule ou mauvais fonctionnement d'un système avant l'impact, sauf en ce qui concerne la pompe carburant entraînée par moteur (EDP). L'axe d'entraînement pouvait être tourné mais sans qu'il actionne le mécanisme de pompage. Le désaccouplement de l'axe d'entraînement était le résultat de la fatigue excessive des cannelures et de celles du pignon d'attaque.
L'EDP (modèle MFP263, réf. 113300-01A1, no de série AKV0216) avait été fabriquée par Chandler Evans Control Systems Division of Coltec Industries (CECo), et montée sur le moteur de cet hélicoptère le 15 novembre 1995. Les heures totales depuis la mise en service initiale et les heures totales en service étaient de 655,5 heures au moment de la panne. Le temps entre révisions recommandé est de 3 500 heures.
L'EDP de modèle MFP263 appartient à la nouvelle gamme de pompes fabriquées depuis 1993 et mises en service par Allison Engine Company sur ses moteurs de la série 250 vers la fin de 1994. CECo a indiqué qu'aucune des pompes de modèle MFP 263 n'avait accumulé les 3 500 heures de service en date de l'accident.
La panne de la pompe survenue lors de cet accident était l'un des trois cas de défaillance du même modèle ayant été signalés à CECo en l'espace d'une semaine environ, tous présentant le même problème de désaccouplement entre l'axe d'entraînement et le pignon d'attaque provoqué par l'usure des cannelures. Dans les deux autres cas de défaillance, les pompes avaient environ 800 et 850 heures au total depuis leur mise en service initiale, les aéronefs étaient au sol et les incidents n'ont pas fait l'objet d'un rapport d'événement.
La pompe a été démontée et tous ses composants ont été examinés chez CECo, en présence des enquêteurs du BST et de la Federal Aviation Authority (FAA), ainsi que des représentants d'Allison Engine Company (Allison). Les composants de la pompe respectaient toutes les normes physiques et métallurgiques, exception faite de l'axe d'entraînement et des cannelures usées du pignon d'attaque. On a découvert un dépôt de poudre rougeâtre dans les lumières et sur le joint de l'axe; cette poudre correspondait au type du matériau des cannelure qui s'était oxydé. On a également retrouvé dans le filtre à carburant haute pression des petits fragments de cannelures qui s'étaient détachés auparavant, après qu'ils eurent passé dans la dérivation de la pompe, dans l'admission et dans les pignons du mécanisme de pompage. La cause de l'usure des cannelures n'a pu être déterminée.
D'après plusieurs rapports d'exploitants dans le domaine, les pompes de modèle MFP263 présentent au fonctionnement un niveau de vibration et d'irrégularité supérieur à celui de pompes équivalentes proposées par d'autres constructeurs pour les mêmes moteurs; elles s'avèrent par ailleurs plus bruyantes avec du carburant Jet B qu'avec du Jet A.
Les spécifications des matériaux indiquent que le carburant Jet B contient un pourcentage de naphte par rapport au kérosène supérieur à celui du Jet A et aurait de ce fait un pouvoir lubrifiant inférieur. Le Jet B est mélangé avec de l'essence de façon à en améliorer la combustion à basse température, et il est plus largement commercialisé dans les zones de climat froid. Les données initiales d'essai d'endurance aux fins de certification concernant les carburants utilisés et les temps de fonctionnement n'étaient pas disponibles, mais les deux types de carburant sont homologués.
Dans le cadre normal de fonctionnement, le carburant est acheminé du réservoir à l'EDP à l'aide de pompes auxiliaires sous une pression d'environ 15 à 20 livres par pouce carré (lb/po²). L'EDP augmente alors la pression du carburant pour qu'il parvienne à l'injecteur se trouvant dans la chambre de combustion. Il faut une pression de fonctionnement minimum de 30 lb/po² pour faire ouvrir le doseur dans l'injecteur afin de produire un débit primaire suffisant pour le démarrage, et une pression minimum de 150 lb/po² pour faire ouvrir la valve à un débit secondaire permettant au moteur de maintenir le ralenti et de fournir la puissance de vol (la pression maximale nécessaire au plein régime est de l'ordre de 600 lb/po²). La défaillance de l'EDP fait que la pression carburant baisse jusqu'à atteindre le taux de pression de la pompe auxiliaire, ce qui provoque la fermeture du doseur et l'arrêt du moteur.
Analyse
L'enquête a révélé que le moteur s'est arrêté au moment de la défaillance de l'EDP ayant résulté du désaccouplement entre les cannelures de l'axe d'entraînement et celles du pignon d'attaque. Du fait du caractère subit de la panne, aucun avertissement du problème n'a été transmis au pilote.
Le pilote était en transit à 100 pieds agl quand la baisse de régime s'est produite, ce qui a ainsi réduit les possibilités de trouver un site compatible avec un atterrissage en autorotation. Le fait d'avoir prolongé le plané pour franchir un ruisseau a eu pour conséquence de faire diminuer le régime du rotor qui, à son tour, a influé sur la capacité du pilote à réduire la vitesse vers l'avant et le taux de descente avant le touché. Il en est résulté un enfoncement du patin gauche dans le sol et un basculement de l'appareil sur le côté droit. Plusieurs facteurs ont une incidence sur la capacité d'un pilote d'effectuer une autorotation sans que l'hélicoptère subisse de dommages. Dans le cas présent, le vol à une altitude supérieure aurait pu éliminer le besoin de prolonger le plané et permettre au pilote de maintenir un régime rotor suffisant pour contrôler l'atterrissage.
Faits établis
- Le moteur s'est arrêté à cause d'un manque de carburant provoqué par la défaillance de la pompe carburant entraînée par moteur.
- La pompe carburant entraînée par moteur a cessé de fonctionner à cause de l'usure des cannelures de l'axe d'entraînement et du pignon d'attaque.
- La cause de l'usure excessive des cannelures n'a pu être déterminée.
- Le pilote volait à une altitude qui réduisait ses possibilités de trouver un site approprié à l'atterrissage en autorotation.
Causes et facteurs contributifs
Le régime du moteur a baissé à cause de la défaillance de la pompe carburant entraînée par moteur. La défaillance de la pompe a été provoquée par le désaccouplement entre les cannelures de l'axe d'entraînement et celles du pignon d'attaque, cela du fait de leur usure excessive.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité à prises
La Chandler Evans Control Systems Division poursuit son investigation d'un certain nombre de causes externes qui auraient pu entraîner l'usure prématurée et excessive des cannelure : défaut d'alignement dans la pompe ou dans la boîte de transmission moteur, contamination du carburant, vibrations harmoniques, débit dans les cannelures et qualités lubrifiantes du carburant.
Le 30 juillet 1997, la Chandler Evans Control Systems Division a commencé à récupérer la plupart des 567 pompes de modèle MFP263 ayant déjà été livrées au moment de l'accident dans le but de les démonter et d'examiner l'usure des cannelures d'entraînement. Plusieurs cas d'usure anormale des cannelures de ce type de pompe ont été signalés.
Allison Engine Company a émis un «Commercial Engine Bulletin» le 21 août 1997 demandant de démonter les pompes carburant concernées et de les inspecter pour savoir si l'axe d'entraînement présentait un certain jeu symptomatique d'une usure. L'inspection initiale doit être effectuée dans les 25 heures d'utilisation suivant la réception du bulletin en question, et des inspections périodiques doivent avoir lieu toutes les 100 heures par la suite jusqu'à nouvel ordre.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.