Rapport d'enquête aéronautique A98O0313

Perte de maîtrise et décrochage
Airventures Aviation
Piper PA-23-250 Aztec C-GZOV
Aéroport du centre-ville de Toronto (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le pilote de l'avion PA-23-250, portant le numéro de série 27-7854037, retournait à l'aéroport du centre-ville de Toronto en provenance de Centralia (Ontario). En approche finale, le pilote a jugé que l'avion était trop haut et trop rapide pour se poser en toute sécurité et il a remis les gaz. Son deuxième circuit a positionné l'appareil en finale à la gauche d'un DHC-7. Il a sorti le train et a braqué les volets à fond, et il a ralenti jusqu'à 90 noeudsNote de bas de page 1 afin de séquencer son avion derrière le DHC-7; toutefois, il était encore trop rapproché. Il a donc amorcé une deuxième remise des gaz et, à la suggestion du contrôleur de la tour, il a commencé un virage de 360 degrés dans le but d'accroître l'espacement par rapport à l'autre aéronef. Le train et les volets sont demeurés sortis. Au cours du virage à gauche, le moteur gauche (Lycoming IO-540-C4B5) s'est arrêté et l'hélice a cessé de tourner. Le pilote a noté que sa vitesse était basse et qu'il perdait de l'altitude, et il a donc laissé le moteur droit tourner à plein régime et il a décidé de tenter un amerrissage forcé. Vers 12 h 54, heure normale de l'Est, l'avion s'est posé dans le port de Toronto. Le pilote, indemne, a évacué l'avion avant qu'il ne coule et il a été récupéré par des membres de l'unité maritime de la police de Toronto.

    Renseignements de base

    Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il totalisait 355 heures de vol, dont environ 40 heures sur multimoteur et 35 heures sur Piper Aztec. Son dernier vol sur multimoteur avait eu lieu trois mois plus tôt, sur l'avion en cause dans l'accident. Selon les dossiers, l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur.

    Le pilote a déclaré que, lorsqu'il a effectué son inspection avant vol à l'aéroport du centre-ville de Toronto, les réservoirs de carburant intérieurs semblaient à moitié pleins tandis que les réservoirs de carburant extérieurs semblaient pleins. Il n'a pas ravitaillé l'avion en carburant avant ni l'une ni l'autre des étapes du voyage. La capacité combinée des réservoirs intérieurs de l'avion est de 260 litres de carburant utilisable, alors que la capacité combinée des réservoirs extérieurs est de 411 litres de carburant utilisable. Le pilote avait sélectionné les réservoirs extérieurs pour faire le point fixe, le décollage et le vol jusqu'à Centralia, et il a déclaré qu'il avait consigné une durée totale de 1,2 heure pour ce vol. Le pilote a sélectionné les réservoirs intérieurs pour le retour (environ une heure de vol).

    Le pilote a déclaré que pendant tout le vol de croisière en direction de Centralia et au retour il avait utilisé un réglage de pression d'admission de 24 pouces de mercure et un régime de 2 400 tr/min. Le manuel d'utilisation du Piper Aztec stipule que la consommation de carburant combinée à un tel réglage de puissance est d'environ 115 litres par heure, dans des conditions idéales.

    Le moteur critique d'un aéronef est le moteur dont la panne compromettrait le plus les performances ou les caractéristiques de pilotage de l'aéronef. Dans le cas de l'Aztec, le moteur critique est le gauche, car le moteur droit produit une force de traction plus asymétrique. En outre, la perte du circuit hydraulique qui accompagne la panne du moteur gauche complique davantage le pilotage de l'avion, surtout lorsque le train et les volets sont sortis, car aucune puissance hydraulique n'est alors disponible pour rentrer rapidement le train et les volets.

    La vitesse minimale de contrôle (Vmc) est la vitesse indiquée la plus basse à laquelle on peut encore piloter l'avion en toute sécurité après la panne du moteur critique. Dans le cas de l'Aztec PA-23-250, lorsque les volets sont rentrés, la Vmc est de 70 noeuds à la masse maximale de 5 200 livres. La vitesse de décrochage pour le même avion est de 61 noeuds, avec le train et les volets sortis et les ailes à l'horizontale; toutefois, la vitesse de décrochage d'un avion en virage augmente en fonction de l'angle d'inclinaison. Pour les virages en palier avec des angles d'inclinaison de 30 et de 45 degrés, les vitesses de décrochage seraient d'environ 63 noeuds et de 70 noeuds respectivement. L'Aztec est équipé d'un avertisseur de décrochage sonore qui prévient le pilote de l'imminence d'un décrochage. Avant d'entamer la descente vers le plan d'eau, le pilote a signalé à la tour qu'il avait une panne moteur et qu'il allait faire un amerrissage forcé. Pendant la communication radio, on pouvait entendre l'avertisseur de décrochage de l'avion.

    Vers 12 h 54, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 2, l'avion a heurté la surface de l'eau. L'équipage du traversier de Toronto, le « ONGIARA », a vu l'avion percuter l'eau et a envoyé un MAYDAY à la Garde côtière. La station radio de Prescott a reçu l'appel et y a répondu et, à 12 h 56, elle a signalé l'accident au Centre de coordination des opérations de sauvetage (RCC) de la base des Forces canadiennes de Trenton.

    Le contrôleur en service à l'aéroport du centre-ville de Toronto surveillait visuellement l'approche de l'Aztec et il a vu l'avion descendre dans le port. Avant que l'avion ne heurte la surface de l'eau, le contrôleur a entamé la procédure d'intervention en cas d'urgence. Le contrôleur a utilisé une ligne terrestre pour signaler l'amerrissage forcé de l'avion au répartiteur de l'unité maritime de la police de Toronto. Deux embarcations de sauvetage de l'unité maritime de la police de Toronto se trouvaient déjà dans les environs au moment de l'accident.

    Le pilote d'un autre avion, qui se trouvait dans le circuit derrière l'avion en cause, a vu l'avion descendre vers les eaux du port et a décrit des cercles au-dessus du lieu de l'amerrissage forcé pour indiquer l'endroit aux embarcations de sauvetage. Cependant, aucun des deux bateaux de l'unité maritime de la police de Toronto n'avait à son bord une radio à très hautes fréquences (VHF) qui lui aurait permis de communiquer directement avec l'avion qui décrivait des cercles. Au moment de l'accident, l'unité maritime de la police de Toronto avait deux radios VHF portatives, mais elles n'étaient pas à bord des embarcations de sauvetage. Les deux radios en question ont fait l'objet d'essais dans le cadre de l'enquête : l'une d'elles n'a fonctionné que lorsqu'elle était dans son support; quant à l'autre, il n'a pas été possible de communiquer avec la tour de l'aéroport du centre-ville de Toronto. Le personnel de la police a guidé les embarcations à partir du poste du répartiteur en leur transmettant les renseignements donnés par un témoin qui se trouvait à un hôtel sur le bord de l'eau.

    L'avion a été repêché pour être examiné par le BST. L'enquête a révélé que les moteurs et les autres systèmes de l'avion ne présentaient aucune anomalie mécanique antérieure à l'impact. Les deux sélecteurs de carburant étaient sur les réservoirs intérieurs. Le réservoir de carburant de l'extrémité de l'aile gauche s'est détaché de l'avion au moment de l'impact. Les réservoirs souples de carburant gauches ne contenaient que de l'eau. Le circuit carburant du côté droit était intact. Le réservoir intérieur contenait environ 150 millilitres de carburant qui ont été purgés du réservoir. Le réservoir extérieur droit contenait beaucoup de carburant. À l'aide du circuit d'intercommunication de l'avion, on a alimenté le moteur gauche à partir du réservoir extérieur droit. On a fait démarrer le moteur qui a fonctionné pendant une quinzaine de minutes avant de s'arrêter en panne sèche.

    Analyse

    L'enquête a révélé que les systèmes et les commandes de l'avion ne présentaient aucune anomalie mécanique antérieure à l'impact. Le moteur gauche s'est arrêté pendant le virage à gauche faute de carburant, et l'hélice a arrêté de tourner car la vitesse de l'avion était insuffisante pour que l'hélice continue à tourner en moulinet. Comme la pompe hydraulique est montée sur le moteur gauche, elle a cessé de fonctionner après l'arrêt de ce moteur, et le pilote a été incapable de rentrer le train et les volets. Cette situation a contribué à faire chuter rapidement la vitesse de l'avion. Lorsque la vitesse est devenue inférieure à la Vmc, la puissance produite par le moteur droit a accentué l'inclinaison en virage de l'avion qui a décroché. L'altitude disponible était insuffisante pour effectuer une sortie de décrochage avant de heurter la surface de l'eau.

    La faible vitesse de l'avion et le fait que le pilote portait des bretelles de sécurité et une ceinture de sécurité au moment de l'accident ont probablement augmenté les chances de survie du pilote. Le pilote a réussi à sortir de l'avion et à rester à la surface de l'eau jusqu'à l'arrivée des secours. Le personnel de sauvetage à bord des embarcations a été guidé grâce aux renseignements fournis par un témoin sur la rive. Comme ce témoin se trouvait à proximité du lieu de l'accident pendant le sauvetage, l'absence d'un moyen de communication direct entre les embarcations de sauvetage et l'avion qui décrivait des cercles au-dessus du lieu de l'accident n'a pas entraîné de conséquences fâcheuses.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

    1. Le moteur gauche de l'avion s'est arrêté en panne sèche.
    2. L'avion a décroché lors du virage à gauche à forte inclinaison qui a suivi la panne du moteur gauche. L'altitude disponible était insuffisante pour permettre une sortie de décrochage.

    Faits établis quant aux risques

    1. Le pilote portait des bretelles de sécurité et une ceinture de sécurité, ce qui a probablement contribué à ce qu'il ait la vie sauve.
    2. Faute d'équipement radio, le personnel à bord des embarcations de sauvetage ne pouvait communiquer directement avec la tour de l'aéroport du centre-ville de Toronto ni avec le pilote de l'avion qui décrivait des cercles au-dessus du lieu de l'accident.

    Autres faits établis

    1. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol.
    2. Selon les dossiers, l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur.
    3. L'enquête n'a révélé aucune anomalie antérieure à l'impact qui aurait pu causer la perte de puissance du moteur gauche.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité à prises

    À la suite de cet accident, l'unité maritime de la police de Toronto a réparé et a mis à jour ses radios aéronautiques VHF et a donné la consigne que les radios doivent être transportées à bord des embarcations de sauvetage lors des missions de sauvetage. En outre, une radio aéronautique VHF a été installée au poste du répartiteur. De plus, l'unité maritime et la tour de contrôle de l'aéroport du centre-ville de Toronto ont élaboré un système uniforme de grilles cartographiques afin d'établir un système de référence commun pour localiser les personnes et les embarcations sur l'eau.

    Transports Canada a récemment modifié ses normes de formation et d'épreuve en vol pour l'obtention de la licence de pilote privé. Les candidats doivent dorénavant effectuer une sortie d'un deuxième décrochage avancé lors de l'épreuve en vol. Transports Canada incite également les écoles de pilotage et les instructeurs à sensibiliser davantage les élèves aux risques de décrochage, notamment à basse altitude et à faible vitesse.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .