Perte de puissance et atterrissage forcé
Athabaska Airways Ltd.
Sikorsky S55B/T (hélicoptère) C-FUNT
16 nm au nord-ouest de Pelican Narrows (Saskatchewan)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'hélicoptère effectuait son deuxième vol de la journée. Il exécutait des contrats pour la direction de la gestion des incendies et de la protection des forêts de la province de la Saskatchewan. Le pilote arrosait les zones menaçantes d'un incendie qui était presque éteint. Le travail s'effectuait lentement, et les pilotes se trouvant dans la zone choisissaient leurs propres cibles. Le pilote du S55B/T effectuait des circuits à droite de la ligne de feu jusqu'à un lac avoisinant. Après avoir déversé le contenu de 10 à 15 réservoirs d'eau sur l'incendie, il est retourné dans une baie du lac recharger son réservoir pour le largage suivant. Le réservoir était suspendu au-dessous de l'hélicoptère au bout d'une élingue de 20 pieds de longueur. Le pilote avait placé l'hélicoptère de côté et il s'était sorti la tête par la fenêtre latérale pour observer le remplissage du réservoir qui était alors immergé. Dans cette position, le pilote ne pouvait surveiller les instruments moteur.
L'appareil évoluait pleins gaz en stationnaire entre 10 et 15 pieds au-dessus de la surface de l'eau quand le pilote a entendu le moteur décélérer. Il n'a pas eu le temps de déterminer si le moteur s'était arrêté ou s'il tournait simplement au ralenti, mais il lui a semblé évident que l'hélicoptère ne pourrait maintenir son altitude. Il a alors tiré sur la commande de pas collectif pour stopper la descente, puis il a coupé les gaz dans l'espoir de réduire le régime du rotor principal. Il n'a pas eu le temps de couper l'arrivée de carburant ni le temps d'actionner le frein rotor avant que l'hélicoptère ne s'abîme dans l'eau. L'appareil s'est immobilisé sur le côté gauche. Les pales du rotor principal ont été lourdement endommagées. Quand il est devenu évident que l'hélicoptère coulait, le pilote l'a abandonné et a nagé jusqu'à la rive. Il n'a pas pensé à prendre son gilet de sauvetage qui se trouvait au plafond dans le poste de pilotage. Le pilote a reçu un coup à la tête lors de l'accident. Il portait son casque mais il a par la suite souffert de douleurs au cou.
Renseignements de base
Les conditions météorologiques obervées par la direction de la gestion des incendies à Pelican Narrows à 10 heures, heure normale du Centre (HNC), à 16 milles marins (nm) des lieux de l'accident, étaient les suivantes : température de 16 ° C, humidité relative de 78 %, vents du 180 ° magnétique à 5 km/h. Il a été mentionné que des conditions semblables prévalaient sur les lieux de l'accident.
Des gens qui se trouvaient sur la rive ont observé que l'hélicoptère se trouvait en stationnaire stable et que le réservoir était dans l'eau lorsque le bruit du moteur a diminué et que l'hélicoptère s'est abîmé dans l'eau.
L'hélicoptère a été récupéré après avoir été immergé pendant deux jours. Un échantillon de carburant prélevé entre le robinet coupe-feu et la pompe entraînée par le moteur a révélé que le carburant était propre et ne contenait pas d'eau. Pendant que l'hélicoptère était immergé, l'eau a chassé le carburant des réservoirs principaux, ce qui fait que la quantité de carburant à bord au moment de l'accident n'a pu être déterminée avec précision. Selon les dossiers d'avitaillement en carburant de l'appareil, il y aurait eu suffisamment de carburant à bord pour effectuer les vols prévus. L'examen des échantillons prélevés dans la pompe et du réservoir de carburant a révélé que le carburant était propre et ne contenait ni eau ni impureté. Les pilotes des autres appareils ravitaillés en carburant à la même source n'ont signalé aucun problème.
Les pales du rotor principal ont subi des dommages importants, mais les commandes du rotor principal et du rotor de queue n'ont pas été endommagées et fonctionnaient normalement après l'accident. L'inspection du poste de pilotage a révélé que le sélecteur sol/air était à la position air. Le moteur de l'hélicoptère n'a subi aucune défaillance interne catastrophique; les sections compresseur et turbine tournaient librement sans grincement ni gêne, et il y avait continuité entre les principaux composants du moteur et les accessoires de la section d'entraînement des accessoires. Il a été établi que la tringlerie et toutes les commandes du moteur étaient bien fixées et fonctionnaient normalement.
D'après les dossiers, l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse de l'hélicoptère se trouvait dans les limites prescrites, et son centre de gravité se situait dans la plage normale.
Le pilote possédait une licence de pilote professionnel en état de validité avec une annotation pour l'hélicoptère S55B/T. Il possédait également un certificat médical de catégorie 1 en état de validité pour valider sa licence. Sa formation périodique était à jour. Il totalisait plus de 3 000 heures comme commandant de bord sur type et, au total, il avait 5 500 heures de vol à son actif. Au moment de l'accident, le pilote utilisait l'hélicoptère depuis environ trois semaines dans le cadre d'un contrat et il avait effectué environ 80 heures de vol. La veille de l'accident, le pilote avait effectué 11 heures de vol. Selon l'information recueillie, il avait pris plus de huit heures de sommeil la veille de l'accident et il se sentait frais et dispos. Le pilote a déclaré avoir vérifié le régulateur de sous-vitesse avant le premier vol de la journée, conformément à la politique de l'entreprise et aux exigences du manuel de vol de l'hélicoptère. Il a déclaré que lors de cette vérification, qui avait été effectuée le jour de l'accident, l'hélicoptère avait respecté les limites permises. Au moment de l'accident, l'hélicoptère était utilisé dans le cadre d'opérations à faible charge. Le pilote savait que ce moteur avait tendance à décélérer si de la puissance additionnelle était nécessaire lorsque le régime du moteur était de 99 %. Selon lui, le régime du moteur de l'hélicoptère devait être supérieur à ce régime critique de 99 % au moment de l'accident.
Helitec Corporation avait mentionné, dans une lettre d'information en date du 28 juillet 1975, qu'il était possible que les hélicoptères S55T équipés d'un turbomoteur AiResearch TSE331-3U-303 subissent une perte de puissance à faible vitesse. Dans des conditions de fonctionnement normales, le régulateur de sous-vitesse régule le carburant injecté dans le moteur de façon à maintenir la vitesse du moteur presque constante malgré les différentes puissances demandées. Lorsque la puissance que doit fournir le moteur augmente, le régulateur de sous-vitesse augmente le débit de carburant. La vitesse du moteur diminue habituellement de 3 % lorsqu'il passe d'un fonctionnement à vide à une puissance sur l'arbre de 650 hp. Pour faciliter le démarrage du moteur et empêcher les pompages ainsi que les surchauffes importantes, une limite appelée valeur maximale d'accélération, au-delà de laquelle le débit de carburant n'est pas augmenté, a été établie. Si le régime du moteur dépasse cette valeur maximale d'accélération, il diminue. À moins que la charge du moteur ne soit réduite, le moteur subit une perte de puissance rapide et le régime diminue sans que le moteur ne s'éteigne.
La lettre d'information suggérait également de vérifier la précision du tachymètre du moteur, de mettre les pilotes au courant qu'il y a risque de décélération si le moteur tourne à moins de 99 % de sa vitesse en vol, de vérifier le réglage du régulateur de sous-vitesse ainsi que la tringlerie de la manette des gaz pour s'assurer qu'il y a plein débattement, et de s'assurer que le réglage de la densité pour la régulation du carburant convient au carburant utilisé. Par la suite, la consigne de navigabilité (CN) 75-22-12 a été publiée. Elle exigeait que ces mesures de précaution soient prises et qu'un robinet d'enrichissement de carburant soit installé. Selon les dossiers, le personnel de maintenance de l'entreprise avait effectué des essais d'étalonnage sur le tachymètre du moteur et sur la génératrice tachymétrique, conformément aux exigences de la CN 75-22-12, et le système faisant appel au robinet d'enrichissement de carburant exigé avait été installé sur le moteur.
Athabaska Airways Ltd. possédait plusieurs hélicoptères S55T. Au moment de l'accident, le C-FUNT était le seul hélicoptère opérationnel. Après l'accident, l'exploitant a vendu tous ses hélicoptères S55T et les a expédiés aux États-Unis. Il n'y avait aucun autre S55T en exploitation au Canada.
Au moment de l'immersion dans l'eau, le moteur décélérait. Son refroidissement rapide dans les eaux froides du lac l'a donc exposé aux effets d'un choc thermique. On a jugé qu'il n'était pas possible de faire des essais de fonctionnement du moteur. À part les effets du choc thermique, aucun signe de défaillance interne n'a été décelé, et l'on a jugé qu'il n'était pas nécessaire de démonter le moteur. Le circuit électrique était connecté et sous tension lorsque l'hélicoptère a coulé, ce qui a pu provoquer le claquage des composants électriques à cause de la conductivité due à l'humidité. Il serait difficile de faire la différence entre un claquage survenu avant l'immersion et un claquage survenu pendant l'immersion; par conséquent, tout dommage attribuable à un claquage ne permettrait pas de tirer de conclusions. À l'exception d'un échantillon de carburant qui ne contenait pas d'eau, qui a été prélevé entre la pompe carburant entraînée par le moteur et le robinet coupe-feu, tout le carburant à bord de l'hélicoptère, y compris celui dans le moteur, a été chassé par l'eau du lac lorsque l'hélicoptère a été immergé.
Compte tenu de ce qui précède, l'enquête s'est limitée à la vérification des éléments qui avaient déjà été soupçonnés d'avoir causé des problèmes sur des hélicoptères S55T équipés de turbomoteur TSE331-3U-303, en particulier les composants servant à réguler l'alimentation en carburant du moteur.
Pendant le démontage du circuit de carburant et la dépose des principaux composants, il a été établi que toutes les conduites et toutes les fixations des diaphragmes étaient bien en place. Après leur dépose, elles ont été examinées pour voir si elles étaient obstruées ou si elles contenaient des impuretés. Mise à part l'eau qui a pu pénétrer dans le circuit pendant l'immersion de l'appareil dans le lac, aucune impureté ni élément obstruant n'ont été décelés. L'étanchéité de la membrane à enroulement Ps3 de régulation de carburant a été vérifiée, et il a été établi que la membrane était bien fixée. Les composants du circuit de carburant ont été expédiés à leurs fabricants respectifs qui les ont vérifiés en présence d'inspecteurs de la Federal Aviation Administration (FAA). Malgré les effets de l'immersion ainsi que le temps qui s'est écoulé entre le moment de l'accident et les vérifications, il a été établi que chaque composant fonctionnait convenablement et qu'aucun d'entre eux n'avait pu provoquer la décélération du moteur. Pendant les vérifications, les petites anomalies suivantes ont été décelées : pendant le premier essai de la pompe carburant entraînée par le moteur (Garrett réf. 89370-2), ses ailettes étaient coincées en position rentrée et la pompe n'a pas immédiatement généré de débit; une fois les ailettes décoincées, le débit de la pompe a été de 115 livres à l'heure (lb/h) au lieu du débit standard de 120 lb/h. Il a été établi que cette différence entre les débits n'avait pu suffire à provoquer la décélération du moteur.
L'ensemble des soupapes distributrices et de purge (Garrett réf. 394300-3-1) fonctionnait à une pression différentielle de 85 livres par pouce carré (lb/po²) plutôt qu'à la pression différentielle standard de 75 lb/po². Il a été signalé que la bague de sertissage du fil frein du soufflet ne provenait pas du constructeur, et une mince couche d'une substance oxydante blanche a été observée près de la vis de réglage du soufflet. Il a été établi que la présence de cette substance oxydante et la différence de pression différentielle n'avaient pu contribuer à la décélération du moteur.
Le fabricant du régulateur de carburant (Woodward réf. 8070-113 et Garrett réf. 89309-4) a découvert que le fil frein n'était pas le même que celui qu'il avait installé, ce qui signifie qu'un réglage sur place avait probablement été effectué. Selon lui, le régulateur de sous-vitesse dépassait sa limite supérieure, un régime de 4 700 tr/min étant nécessaire pour fournir 220 lb/h, alors qu'il n'aurait dû être que de 4 627 tr/min, ce qui correspond à une différence de réglage d'environ 1,5 %. Par la suite, le fabricant a signalé que cette différence aurait pu nuire à l'atteinte de la valeur maximale d'accélération du moteur. Lors des essais avec le capteur Tt2 (Woodward réf. 8901-013) en place, tous les paramètres d'essai se sont avérés satisfaisants, et rien n'a indiqué que le régulateur de carburant ou le capteur Tt2 avaient pu contribuer au problème signalé.
Analyse
Le pilote savait qu'il y avait un risque de décélération du moteur si des charges en vol réduisaient son régime à moins de 99 % et s'il commençait à respecter la valeur maximale d'accélération. Le pilote ne pouvait voir le régime affiché sur le tachymètre parce qu'il avait la tête sortie par la fenêtre latérale. Le régime du moteur devait être supérieur à 99 % et le moteur ne devait pas être assujetti à la valeur maximale d'accélération, car l'hélicoptère était en stationnaire stable et ne soulevait pas une charge lourde.
Comme il a été établi que la source d'approvisionnement en carburant de l'hélicoptère et le carburant se trouvant dans la conduite menant à la pompe carburant entraînée par le moteur ne contenaient pas d'impuretés, il est peu probable que la perte de puissance soit attribuable à des impuretés dans le carburant. Étant donné que d'autres appareils ravitaillés en carburant à partir de la même source n'ont pas eu de problème lié au carburant, il est peu probable que la qualité du carburant ait joué un rôle dans l'accident. Selon l'information recueillie sur la quantité de carburant à bord de l'hélicoptère, il est peu probable que la perte de puissance soit attribuable à une panne d'alimentation en carburant.
Le circuit électrique n'a pas été analysé parce qu'il était fonctionnel et sous tension au moment de l'immersion de l'hélicoptère dans l'eau. Il se peut qu'un claquage dans le circuit de commande électrique ait provoqué une réduction du régime du moteur, mais il serait extrêmement difficile de faire la différence entre un claquage survenu avant l'impact et un claquage attribuable à l'immersion de l'hélicoptère dans l'eau. Le circuit électrique n'a donc pas fait l'objet d'un examen plus poussé.
Aucun signe de défaillance catastrophique du moteur n'a été décelé et, bien qu'il ait subi un choc thermique et une immersion, le moteur tournait librement sans grincement et sans grippage, et les arbres d'entraînement des accessoires étaient intacts. L'effet de choc a empêché tout essai au sol ou au banc. Comme le moteur tournait librement après la récupération de l'appareil, il y a lieu de croire qu'il n'a subi aucune défaillance interne avant l'impact.
Les essais du régulateur de carburant, du capteur Tt2, de la pompe carburant et de la soupape distributrice à leurs usines de fabrication respectives n'ont révélé aucune condition qui aurait pu causer une perte de puissance. Pendant les essais, plusieurs petites anomalies ont été signalées, mais il a été impossible de déterminer si elles existaient avant l'accident ou si elles sont attribuables à l'immersion de l'hélicoptère. Même si les anomalies existaient avant l'immersion, aucune d'entre elles n'aurait pu provoquer une perte de puissance intempestive. De plus, il est peu probable que l'effet global de toutes ces anomalies ait pu provoquer une perte totale de puissance; cependant, le moteur n'ayant pu faire l'objet d'essais au sol ou au banc avec ces composants en place, il a été impossible d'évaluer l'effet global des anomalies.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 90/99 - Engine Fuel Delivery Components (Composants d'alimentation en carburant du moteur).
Faits établis
- Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et il avait de l'expérience sur type.
- Selon les dossiers, l'hélicoptère était certifié et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
- Les conditions météorologiques n'ont joué aucun rôle dans l'accident.
- Les paramètres d'exploitation utilisés au moment de l'accident n'ont pas contribué à la perte de puissance.
- Il est peu probable que la qualité ou la quantité de carburant aient contribué à l'accident.
- Les effets de l'immersion de l'hélicoptère dans l'eau ont empêché de procéder à des essais moteur après l'accident.
- Les essais sur les composants n'ont pas permis d'identifier la cause de la décélération du moteur.
Causes et facteurs contributifs
Pour une raison qui n'a pas été déterminée, le moteur a subi une perte de puissance intempestive pendant que l'hélicoptère volait à basse altitude au-dessus de l'eau. Même si les essais de fonctionnement du régulateur de carburant, de la pompe carburant et du régulateur de sous-vitesse ont révélé qu'aucun de ces composants n'avait pu provoquer la perte de puissance, de petits écarts des paramètres d'essai ont été constatés. L'effet global de ces petits écarts n'a pu être évalué.
Mesures de sécurité
Mesures prises par l'exploitant
L'exploitant a vendu cet appareil et tous les autres qu'il possédait à une entreprise américaine qui avait l'intention de les convertir et de les équiper d'un moteur mieux adapté à leur cellule. Aucun autre hélicoptère S55B/T n'est exploité au Canada.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .