Rapport d'enquête aéronautique A99H0003

Perte d'espacement
entre le Piper PA-31 Navajo C-GRNE
de la province du Manitoba et
le Mooney M20C C-GKGY
du Brandon Flying Club
à 5 nm à l'ouest de l'aéroport international de
Winnipeg (Manitoba)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Piper PA-31 Navajo immatriculé C-GRNE, à l'arrivée sur l'aéroport international de Winnipeg, recevait des vecteurs radar en vue d'une approche par la gauche de la piste 36. Le contrôleur des arrivées lui avait donné l'autorisation de descendre à 3 000 pieds. Le Mooney M20C immatriculé C-GKGY, qui avait décollé de la piste 36 pour un vol selon les règles de vol aux instruments, avait reçu du contrôleur des départs l'instruction de tourner vers la gauche au cap de 270 degrés et l'autorisation de monter à 6 000 pieds. Alors que les appareils étaient à 5 milles marins (nm) à l'ouest de l'aéroport, l'espacement latéral entre eux a été réduit à 0,53 nm et l'espacement vertical à 300 pieds. L'espacement obligatoire dans cette zone était de 3 nm sur le plan latéral ou de 1 000 pieds sur le plan vertical.

    Renseignements de base

    Le Piper Navajo immatriculé C-GRNE, qui effectuait un vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) à destination de Winnipeg, recevait des vecteurs radar du contrôleur des arrivées en vue d'une approche à vue sur la piste 36. L'appareil était en palier à 7 000 piedsNote de bas de page 1 lorsque le contrôleur des arrivées l'a pris en charge. À 12 h 11 mn 28, heure avancée du Centre (HAC)Note de bas de page 2, le pilote du Navajo a demandé l'autorisation de descendre (voir l'annexe A -Chronologie des événements). Du fait que l'appareil volait dans l'espace aérien du contrôleur des départs, il fallait coordonner avec ce dernier le passage de l'appareil à une altitude inférieure. Le contrôleur des arrivées a remarqué que le contrôleur des départs était occupé; c'est pourquoi il n'a pas effectué la coordination à ce moment-là. À 12 h 12 mn 8, après avoir reçu l'approbation du contrôleur des données se trouvant entre le contrôleur des départs et le contrôleur des arrivées, ce dernier a autorisé le Navajo à descendre à 5 000 pieds. L'approbation d'une descente doit normalement être directement coordonnée verbalement entre le contrôleur des arrivées et celui des départs. Puis, vers 12 h 16, le contrôleur des départs a avisé le contrôleur des arrivées qu'une descente à 3 000 pieds sans restriction avait été approuvée pour le Navajo. L'appareil se trouvait alors à 11 nm au nord-ouest de l'aéroport, toujours dans l'espace aérien du contrôleur des départs.

    À 12 h 14 mn 18, la tour a obtenu l'approbation du contrôleur des départs de faire virer tôt le Mooney M20C immatriculé C-GKGY qui était sur le point de décoller de la piste 36 pour un vol IFR plutôt que de le faire monter selon le cap de piste, et ce, afin accélérer la cadence des départs. La tour et le contrôleur des départs ont coordonné un cap de départ initial de 250 degrés. Le Mooney a décollé à 12 h 16 mn 24 et a tourné, à peu près à mi-terrain, à 250 degrés. Lors de son premier contact avec le contrôleur des départs, le Mooney avait été identifié et avait reçu l'autorisation de virer vers la droite au 270 degrés et de continuer à monter jusqu'à 6 000 pieds.

    Ni le contrôleur des arrivées ni le contrôleur des départs ne savaient que les deux appareils se rapprochaient l'un de l'autre à la même altitude avec un espacement radar inférieur aux exigences applicables (voir la figure 1). C'est le contrôleur des données qui a signalé le conflit au contrôleur des arrivées. Le contrôleur des arrivées a aussitôt ordonné au Navajo de descendre à 2 500 pieds et, six secondes plus tard, à 12 h 19 mn 33, il a transmis des renseignements sur le trafic concernant le Mooney. À 12 h 19 mn 34, le contrôleur des départs a transmis au Mooney les renseignements sur le trafic concernant le Navajo. Neuf secondes plus tard, le pilote du Mooney a signalé qu'il avait l'appareil en vue. L'analyse des données radar enregistrées indique que le Navajo est passé devant le Mooney à une distance de 0,53 nm et à 300 pieds au-dessous du Mooney, alors que dans cette zone l'article 801.08 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) exige un espacement latéral de 3 nm ou un espacement vertical de 1 000 pieds. Les contrôleurs ne disposent d'aucun dispositif d'alerte de conflit opérationnel pouvant les prévenir de l'imminence d'un conflit.

    Aucun autre appareil, à l'exception du Navajo et du Mooney, ne posait de problème au contrôleur des arrivées ou à celui des départs à l'ouest de 'aéroport. Le contrôleur des départs assurait le contrôle de quatre appareils, principalement au nord et à l'est de Winnipeg. Le contrôleur des arrivées assurait le contrôle de quatre appareils à l'est et au sud-est. Le contrôleur des arrivées était préoccupé par trois appareils en vol à vue (VFR) qui étaient partis vers l'est et qui risquaient d'entrer en conflit avec un appareil à l'arrivée. Juste avant la perte d'espacement, le ontrôleur a passé 1 minute et 12 secondes à essayer de clarifier la situation d'un appareil à l'arrivée qui demandait un type d'approche qui ne lui était pas familier. L'attention du contrôleur des arrivées a donc été détournée de ses autres tâches de contrôle jusqu'à ce que le contrôleur des données attire son attention sur le conflit entre le Navajo et le Mooney.

    Figure 1 - Le Navajo et le Mooney, à la même altitude et distants de 1 nm à 12 h 19 min 35
    Image
    Le Navajo et le Mooney, à la même altitude et distants de 1 nm à 12 h 19 min 35

    Bon nombre des pilotes qui empruntent chaque jour l'aéroport de Winnipeg connaissent les procédures utilisées par les contrôleurs pour assigner une altitude aux appareils à l'arrivée. Les pilotes se sont ainsi habitués à recevoir très tôt l'autorisation de descendre, notamment lorsqu'ils effectuent une approche à vue. Pour que le service soit sûr et efficace, les contrôleurs des arrivées ont pris l'habitude de coordonner avec le contrôleur des départs les altitudes inférieures avant que l'appareil arrive dans la « zone de largage », un espace aérien sous le contrôle du contrôleur des arrivées. Dans le cas qui nous occupe, le Navajo a été autorisé (après coordination) à descendre à 5 000 pieds, puis à 3 000 pieds, alors que l'appareil se trouvait encore au nord de la zone de largage.

    Lorsque le contrôleur des départs a autorisé le Navajo à descendre à 3 000 pieds, il n'a pas prévenu le contrôleur des arrivées qu'un autre appareil au départ montait à 6 000 pieds en direction de l'ouest. L'usage voulait que le contrôleur des départs, au moment d'approuver la descente d'un appareil, coordonne eacute;galement avec le contrôleur des arrivées tout conflit potentiel ainsi que les mesures d'évitement pouvant s'avérer nécessaires.

    Six contrôleurs, dont un surveillant, étaient en service à la sous-unité de contrôle terminal de Winnipeg au moment de l'incident. Quatre postes étaient en service : le contrôle des arrivées, le contrôle des départs, le poste des données et le contrôle VFR. Selon l'information recueillie, le volume du trafic à l'arrivée était de léger à modeacute;ré et d'une complexité normale. Le contrôleur des départs devait gérer un trafic de niveau modéré et d'une complexité moyenne. Les effectifs étaient conformes à la politique de l'unité et étaient suffisants compte tenu de l'importance du trafic.

    Les appareils à l'arrivée et au départ entrent et sortent de l'espace aérien de l'unité de contrôle terminale (TCU) de Winnipeg par des fenêtres d'entrée et de sortie bien définies. Les contrôleurs des arrivées et des départs doivent, pour cette raison, coordonner la montée et la descente des appareils sur des trajectoires sécantes conformément aux procédures normalisées du bulletin d'exploitation OL-97-006 relatif aux procédures applicables à la sous-unité terminale, en date du 15 mai 1997. Ce bulletin définit la répartition et la coordination de l'espace aérien entre le contrôle des arrivées et le contrôle des départs.

    Une ligne orientée (approximativement) d'est en ouest, suivant les radials 090 ° et 265 ° du VORTAC (radiophare omnidirectionnel VHF/Navigation aérienne tactique) de Winnipeg définit la limite séparant l'espace aérien relevant de la responsabilité du contrôleur des arrivées et celui relevant de la responsabilité du contrôleur des départs. Conformément au bulletin d'exploitation OL-97-006, la descente d'un appareil arrivant de l'ouest à 5 000 pieds, lorsque les pistes 31, 36 et/ou 07 sont en service, requiert une coordination préalable avec le contrôleur des départs. Néanmoins, une fois que l'appareil a franchi la limite sud de l'espace aérien des départs définie par le radial 090 ° ou 265 °, le contrôleur des arrivées n'a plus à coordonner la descente de l'appareil à l'arrivée avec le contrôleur des départs.

    La piste 36 était la piste en service, et la piste 31 était disponible après coordination entre la tour et le contrôle terminal. Les départs s'effectuaient selon les procédures de départ normalisé aux instruments (SID) publiées conformément au bulletin d'exploitation OL-97-006. La procédure SID de la piste 36 stipule que l'appareil doit monter à 4 000 pieds (ou à l'altitude de vol planifiée, si elle est inférieure) et attendre le guidage radar. Un examen des communications entre le contrôleur des départs et l'appareil au départ dans les 10 minutes précédant l'incident révèle que, lors du premier contact radio, la majorité des appareils recevaient l'instruction de maintenir le cap de piste. Le Mooney, par contre, a reçu l'instruction de virer immédiatement vers l'ouest après son départ, une manoeuvre généralement associée aux départs en VFR.

    Le contrôleur des données est en partie responsable de la réception et de la transmission des estimées, de la rédaction et de l'annotation des fiches de progression de vol, et de la permanence téléphonique. Il doit eacute;galement seconder, avec ses yeux et ses oreilles, le contrôleur des arrivées. Le contrôleur des données peut également décider de faire de la coordination pour faciliter le travail du contrôleur des arrivées et du contrôleur des départs. Le poste de travail du contrôleur des données se trouve entre le poste du contrôleur des arrivées et celui du contrôleur des départs. Selon l'information recueillie durant l'enquête, le contrôleur des données est plus sensibilisé aux besoins du contrôleur des arrivées et travaille avec lui plus étroitement.

    La partie 507 du Manuel d'exploitation - Contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) stipule la phraséologie que les contrôleurs doivent utiliser lorsqu'ils donnent une alerte à la sécurité à un appareil. Ni le contrôleur des arrivées ni le contrôleur des départs n'ont respecté cette phraséologie lorsqu'ils ont transmis l'information de trafic aux pilotes du Mooney et du Navajo. Des enquêtes menées par le BST ont démontré que, lorsque de la phraséologie non normalisée est utilisée pour alerter les pilotes d'un conflit imminent, les pilotes mettent du temps à réagir, car ils ne perçoivent pas toujours clairement l'importance de prendre des mesures sur-le-champ.

    Le Manuel de gestion et d'administration, Services de la circulation aérienne (ATSAMM) stipule que le gestionnaire d'unité doit s'assurer que des procédures d'exploitation correspondantes sont en place, de façon à permettre à l'unité des services de la circulation aérienne de fonctionner avec le plus d'efficacité possible. Les procédures normalisées sont conçues pour assurer un niveau de sécurité associée et alléger la charge de travail des contrôleurs. Le module de formation sur la conscience situationnelle pour les services de la circulation aérienne du Service des facteurs humains de NAV CANADA indique que le règlement et les procédures normales d'exploitation (SOP) sont généralement la conséquence d'actions antérieures. Ce sont des décisions réfléchies dont le résultat est connu. Si nous (les contrôleurs) nous écartons du règlement ou des SOP, nous nous plaçons dans une zone de flou où nous ne pouvons plus prédire avec certitude le résultat de nos actions.

    Le bulletin d'exploitation OL-97-006 ne précise pas quel contrôleur (des arrivées ou des départs) est responsable de garantir l'espacement entre l'appareil sous son contrôle et les autres appareils. Il est généralement admis, cependant, que c'est au contrôleur des départs qu'incombe d'assurer l'espacement entre les appareils au départ et les appareils à l'arrivée si ces derniers sont autorisés à descendre dans l'espace aérien des départs. Le contrôleur des arrivées a repéré la cible radar au départ vers l'ouest lorsqu'elle est apparue sur son écran, mais en raison de la trajectoire de vol (virage immédiat après le décollage plutôt que maintien du cap de piste), il a déduit qu'il s'agissait probablement d'un vol VFR. Le contrôleur des arrivées pensait que le contrôleur des départs lui aurait signalé un vol IFR présentant un conflit potentiel au moment où il avait reçu l'autorisation de faire descendre le Navajo.

    Lorsque le poste de contrôle VFR est en service, comme c'était le cas, le symbole contrôleur (CJS) associé à ce poste est affiché à côté de la cible radar et indique qu'il s'agit d'un appareil en vol VFR. Les vols VFR sont normalement astreints à voler à 2 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) ou moins, dans un rayon de 7 nm autour de l'aéroport. Néanmoins, si le poste de contrôle VFR est combiné avec le poste des départs, il est impossible de distinguer une cible radar VFR d'une cible radar IFR car toutes les cibles sous le contrôle du contrôleur des départs sont munies du CJS des départs.

    Des procédures ont été élaborées, dans certaines unités des services de la circulation aérienne (ATS) de NAV CANADA, voulant qu'un caractère supplémentaire, appelé indicatif de fonction spéciale (SFI), soit ajouté à l'indicatif de l'appareil apparaissant à l'écran. Des procédures locales peuvent être établies pour permettre à un SFI d'indiquer, entre autres, qu'un appareil est un vol VFR. Une telle procédure permet aux contrôleurs de distinguer plus facilement un vol IFR d'un vol VFR et peut permettre de réduire les besoins d'échanges verbaux entre le contrôleur des arrivées, le contrôleur des départs et le contrôleur d'aéroport.

    Analyse

    Les contrôleurs doivent assurer la circulation sûre, ordonnée et rapide des appareils dont ils ont la responsabilité. Les procédures locales et normalisées ont pour objet d'aider les contrôleurs à s'acquitter de leurs tâches. De nombreuses procédures comportent également des dispositions permettant aux contrôleurs de coordonner des actions qui ne font pas partie des procédures normalisées pour pouvoir mieux s'adapter à diverses situations.

    Quand les contrôleurs utilisent des méthodes qui ne sont pas des procédures normalisées, ils doivent redoubler de vigilance et faire des vérifications supplémentaires pour assurer le niveau de sécurité nécessaire, ce qui alourdit leur charge de travail. En coordonnant quotidiennement des altitudes inférieures à celles stipulées dans la procédure normalisée applicable aux appareils à l'arrivée, les contrôleurs des arrivées et des départs alourdissent leur charge de travail car ils doivent surveiller plus étroitement les trajectoires de vol de ces appareils jusqu'à ce que tout conflit potentiel ait été réglé de façon satisfaisante. Quand les contrôleurs utilisent des méthodes qui ne sont pas des procédures normalisées, à la demande des équipages ou afin d'assurer un service plus rapide, la direction doit examiner la méthode utilisée pour assurer que les objectifs sont atteints. La direction doit également s'assurer que la méthode de rechange utilisée par les contrôleurs permet d'assurer un niveau de sécurité équivalent.

    Dans le cas qui nous occupe, le contrôleur des arrivées a tenu pour acquis qu'aucun appareil ne risquait d'entrer en conflit avec le Navajo à l'arrivée vu que le contrôleur des départs ne lui avait signalé aucun appareil. Le contrôleur des départs n'avait pas prévu que le Mooney sur le point de décoller vers l'ouest pourrait entrer en conflit avec l'appareil à l'arrivée. La procédure normalisée qui veut qu'on laisse les appareils à l'arrivée à 7 000 ou à 5 000 pieds et qu'on limite les appareils au départ à 4 000 pieds a été contournée sans que des vérifications additionnelles soient faites ou que des précautions supplémentaires soient prises. La procédure normalisée qui figure dans le bulletin de service OL-97-006 n'indique pas quelles précautions supplémentaires il faut prendre quand une méthode de rechange est employée. Le bulletin n'indique rien d'autre que la mention « après coordination ». Faute d'avoir pris la précaution d'échanger des renseignements sur les aéronefs sous leur contrôle, le contrôleur des arrivées et le contrôleur des départs ne se sont pas rendu compte de l'imminence du conflit ni du besoin de surveiller plus étroitement les aéronefs dans une zone où les moyens de protection associés aux procédures normalisées étaient contournés.

    Le contrôleur des arrivées et le contrôleur des départs ont tous les deux concentré leur attention sur la zone où se trouvaient la plupart des appareils sous leur contrôle, à savoir à l'est de l'aéroport. Le contrôleur des arrivées concentrait son attention sur un appareil en provenance du sud-est dont le pilote avait demandé un type d'approche qui n'existait pas. Le contrôleur des arrivées était donc occupé à clarifier la situation de cet appareil dans les secondes qui ont précédé la perte d'espacement entre le Navajo et le Mooney évoluant à l'ouest. Le fait de se concentrer ainsi, pendant un certain temps, sur une zone précise de l'écran radar réduit l'efficacité des techniques de balayage utilisées comme moyen de protection. Comme il n'y avait pas d'autre moyen de protection en place, comme un dispositif d'alerte de conflit ou une consigne demandant aux pilotes de rappeler leur altitude, rien n'a attiré l'attention des contrôleurs sur les deux appareils en cause dans le conflit.

    Le contrôleur des arrivées avait vu un appareil (le Mooney) décoller de l'aéroport en direction de l'ouest au moment où le Navajo était autorisé à descendre de 5 000 à 3 000 pieds mais il était convaincu que la cible était un vol VFR et ne présentait aucun danger pour le Navajo. Plusieurs facteurs ont pu amener le contrôleur des arrivées à tirer cette conclusion. D'abord, au lieu de monter selon le cap de piste, le Mooney a viré presque immédiatement vers l'ouest selon la méthode utilisée par le contrôleur des départs ce matin-là. Un tel virage immédiat est plutôt typique des appareils qui décollent en VFR sous le contrôle de la tour et qui sont tenus de voler à 2 500 pieds asl ou moins dans un rayon de 7 nm autour de l'aéroport, alors que l'appareil sous le contrôle du contrôleur des arrivées (le Navajo) devait rester à 3 000 pieds.

    Aucune méthode fiable ne pouvait permettre au contrôleur de distinguer, grâce à l'indicatif de l'appareil, entre un vol VFR et un vol IFR à proximité de l'aéroport. Du fait que le poste de contrôle VFR était en service et que le CJS de l'appareil immatriculé C-GKGY indiquait qu'il était sous le contrôle du contrôleur des départs et non sous celui du contrôleur VFR, le contrôleur des arrivées aurait dû conclure qu'il s'agissait d'un vol IFR et lui assurer au moins l'espacement latéral de 3 miles ou l'espacement vertical de 1 000 pieds obligatoire. Mais le CJS n'a pas suffisamment attiré l'attention du contrôleur qui, en raison de la trajectoire de vol de l'appareil, a conclu qu'il s'agissait d'un vol VFR. C'est pourquoi le contrôleur des arrivées, pensant qu'aucun appareil ne pouvait entrer en conflit avec la trajectoire du Navajo, ne s'est pas senti obligé de surveiller plus étroitement cet appareil. D'autres unités de NAV CANADA, comme les TCU de Calgary et de Vancouver, recourent au SFI pour indiquer qu'un appareil est un vol VFR.

    La perte d'espacement s'est produite parce que le contrôleur des arrivées et le contrôleur des départs ne surveillaient pas assez étroitement les appareils sur leur écran radar et les ont laissés se rapprocher à une distance inférieure à l'espacement latéral de 3 nm ou à l'espacement vertical de 1 000 pieds stipulés dans l'article 801.08 du RAC et les normes connexes.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

    1. Le contrôleur des arrivées et le contrôleur des départs n'ont pas bien surveillé la trajectoire de vol des deux appareils sur leur écran radar.
    2. Le contrôleur des départs a autorisé le contrôleur des arrivées à faire descendre le Navajo à 3 000 pieds asl sans lui communiquer les renseignements nécessaires concernant le Mooney.
    3. Le contrôleur des arrivées a cru que le Mooney était un vol VFR et qu'il se maintiendrait à une altitude inférieure à 2 500 pieds asl. Il n'a donc pas vu la nécessité de prendre des mesures visant à assurer une autre forme d'espacement.

    Faits établis quant aux risques

    1. Le contrôleur des arrivées et le contrôleur des départs ont utilisé de la phraséologie non normalisée et non conforme au MANOPS ATC pour prévenir les pilotes de l'imminence du conflit.
    2. Il n'existe pas de dispositif d'alerte de conflit opérationnel permettant de prévenir les contrôleurs de l'imminence d'un conflit.
    3. Le bulletin d'exploitation OL-97-006 permet aux contrôleurs d'utiliser des méthodes qui ne respectent pas les normes relatives à l'espacement des appareils à l'arrivée et au départ, sans toutefois préciser les précautions qui devraient être prises pour assurer la sécurité.
    4. Pour fournir un service plus rapide, les contrôleurs utilisent couramment des méthodes qui ne respectent pas les normes, sans qu'il y ait des moyens de protection à cet effet en place.

    Autres faits établis

    1. Juste avant la perte d'espacement, l'attention du contrôleur des arrivées a été détournée de ses autres tâches de contrôle parce qu'il essayait de clarifier la situation d'un autre appareil à l'arrivée.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Le 15 août 2000, le BST a envoyé à NAV CANADA l'avis de sécurité aérienne no A000035-2 concernant le fait que des contrôleurs utilisent des méthodes de rechange sans qu'il y ait de moyens de protection associés à ces méthodes. L'avis se fondait sur de l'information recueillie dans le cadre de la présente enquête et de deux autres enquêtes (A99W0064 et A00H0003) qui avait révélé des problèmes similaires, c'est-à-dire que des contrôleurs avaient utilisé des méthodes spéciales au lieu de s'en tenir aux procédures normalisées. NAV CANADA a répondu que le principe de base de la compagnie en matière d'espacement était que des mesures devaient être prises pour qu'un autre type d'espacement ou qu'un autre type de minimum soit établi avant que l'espacement devienne insuffisant. Le bulletin de sécurité Squawk 7700, en date du 26 octobre 2000, publié par NAV CANADA traite des dangers inhérents au non-respect des procédures normalisées. NAV CANADA modifiera également ses manuels de gestion et d'exploitation d'ici la fin de janvier 2001 pour que les manuels précisent que des précautions supplémentaires doivent être prises lorsque les circonstances demandent qu'on s'écarte des procédures normalisées.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Chronologie des événements

    Heure (HAC) Écart (+/−) Événement
    12 h 12 mn 8 − 7 mn 16 Après approbation du contrôleur des données, le contrôleur des arrivées autorise C-GRNE à descendre de 7 000 pieds à 5 000 pieds.
    12 h 14 mn 18 − 5 mn 6 La tour obtient l'autorisation de faire virer plus tôt C-GKGY, au départ de la piste 36, au cap de 250 degrés.
    12 h 16 mn 11 − 3 mn 13 Après approbation du contrôleur des départs, le contrôleur des arrivées autorise C-GRNE à descendre à 3 000 pieds.
    12 h 16 mn 24 − 3 mn C-GKGY décolle de l'aéroport de Winnipeg.
    12 h 18 mn 22 − 1 mn 2 Un autre aéronef (GONZO 4) signale sa présence sur la fréquence des arrivées et demande une approche à l'aide du système de positionnement mondial (GPS) sur la piste 36. (Ce type d'approche n'existe pas.)
    12 h 19 mn 2 − 22 s L'espacement radar minimal de 3 nm n'est plus respecté.
    12 h 19 mn 3 − 21 s GONZO 4 est autorisé au point DUNEX à maintenir 3 500 pieds en prévision d'une approche directe à l'aide du radiophare non directionnel (NDB) de la piste 36.
    12 h 19 mn 11 − 13 s C-GRNE signale qu'il se met en palier à 3 000 pieds. C-GKGY se trouve à 4,25 nm au sud-ouest de C-GRNE, à 2 700 pieds et au cap 270.
    12 h 19 mn 20 − 4 s Le contrôleur des arrivées coordonne avec la tour la séquence d'atterrissage de C-GRNE et de GONZO 4.
    ˜ 12 h 19 mn 24 0 Le contrôleur des données signale le conflit au contrôleur des arrivées. L'heure est approximative car elle n'a pas été consignée.
    12 h 19 mn 27 + 3 s Le contrôleur des arrivées ordonne à C-GRNE de descendre immédiatement à 2 500 pieds.
    12 h 19 mn 34 + 10 s Le contrôleur des départs signale à C-GKGY qu'il va voir passer, à une heure (relèvement horaire), un bimoteur à 3 000 pieds en direction du sud.
    12 h 19 mn 41 + 17 s C-GRNE signale au contrôleur des arrivées qu'il a l'appareil en vue.
    12 h 19 mn 45 + 21 s C-GRNE coupe la trajectoire de vol de C-GKGY à 0,53 nm devant C-GKGY et à 300 pieds au-dessous de C-GKGY.
    12 h 20 mn 29 + 1 mn 5 Un espacement vertical de 1 000 pieds est établi entre C-GRNE et C-GKGY. Les avions se sont croisés et l'espacement entre eux est maintenant de 2,4 nm.