Rapport d'enquête aéronautique A99O0126

Collision avec le relief
Mitsubishi MU-2B-40 Solitaire N701K
1 nm à l'ouest de l'aéroport de Parry Sound
Baie Georgienne (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    L'avion Mitsubishi MU-2B-40 Solitaire(numéro de série 410 S.A.) à bord duquel se trouvaient le pilote et un passager, avait quitté l'aéroport de Parry Sound, dans la baie Georgienne (Ontario) pour un vol de nuit selon les règles de vol aux instruments (IFR) à destination de l'aéroport international de Toronto / Lester B. Pearson (Ontario). Avant de partir, le pilote avait reçu son autorisation IFR par téléphone depuis la station d'information de vol (FSS) de Sault Ste. Marie (Ontario). Cette autorisation était valable de 21 h 18, heure avancée de l'Est, à 21 h 35, comme l'avait demandé le centre de contrôle régional (ACC) de Toronto.

    Le pilote n'étant pas entré en communication avec l'ACC de Toronto pendant la période de validité de l'autorisation, le surveillant de l'ACC a entrepris une recherche radio. À 21 h 51, il s'est fait confirmer par le personnel de l'aéroport de Parry Sound que l'avion était parti 10 ou 15 minutes plus tôt. L'appareil a été porté manquant, et le Centre de coordination des opérations de sauvetage (CCOS) de Trenton (Ontario) a été prévenu. Des recherches ont été entreprises par le service de recherches et sauvetage (SAR) et, trois jours plus tard, l'épave de l'avion a été localisée à un mille marin (nm) à l'ouest de l'aéroport. Les deux occupants ont perdu la vie dans l'accident. L'avion a taillé une brèche de 306 pieds dans une forêt de peupliers en se disloquant. L'accident s'est produit de nuit dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC).

    Renseignements de base

    Le vendredi 21 mai 1999, le pilote du Mitsubishi MU2 avait effectué le vol entre l'aéroport Lester B. Pearson de Toronto et l'aéroport de Parry Sound dans la baie Georgienne afin de passer la fin de semaine de la fête de la Reine avec d'autres membres de sa famille qui possédaient eux aussi des chalets dans la région de Parry Sound. Le lundi 24 mai, le pilote et son fils se sont demandé toute la journée s'ils devaient se rendre à l'aéroport Lester B. Pearson le soir même ou retarder leur départ au lendemain matin. Le pilote avait prévu d'utiliser le Mitsubishi MU2 de la compagnie pour se rendre à une réunion de travail qui se tenait le lendemain matin à Baltimore, dans le Maryland (États-Unis). Son fils devait travailler aux bureaux de la compagnie familiale le mardi 25 mai. À 15 h 47 (HAE)Note de bas de page 1, le fils a téléphoné à la FSS de Sault Ste. Marie pour obtenir un exposé météorologique et signaler l'heure de départ prévue fixée à 19 h ou 20 h. Le spécialiste de la FSS l'a averti qu'il y aurait assurément des conditions IMC dans la région, à cause d'un système dépressionnaire situé près de l'île de Manitoulin (Ontario).

    Les stations météorologiques les plus proches de Parry Sound étaient celles de Muskoka (YQA), située à 28 nm au sud-est, et celle de Wiarton (YVV), située 60 nm à l'ouest. À 21 h, les bulletins météorologiques faisaient état des conditions suivantes :

    YQA YVV
    Vents du 240° vrai à 6 noeuds, visibilité de 6 milles terrestres (sm), légère bruine, quelques nuages à 700 pieds, ciel couvert à 800 pieds, température de 9° C, point de rosée de 8° C, calage altimétrique de 29,41 pouces de mercure. Nébulosité : 2/10 de stratus fractus, 6/10 de strato-cumulus et plafond irrégulier. Vents du 250° vrai à 13 noeuds, visibilité de 15 sm, ciel nuageux à 1 300 pieds, température de 9° C, point de rosée de 7° C, calage altimétrique de 29,43 pouces de mercure. Nébulosité : 8/10 de strato-cumulus.

    Un instructeur de vol basé à l'aéroport de Parry Sound a déclaré qu'au moment des faits les conditions météorologiques étaient les suivantes : vents du sud-ouest de 5 à 10 noeuds, plafond avec ciel couvert à 500 pieds, visibilité de 3 à 4 sm dans de la pluie. Il y avait également une prévision météorologique pour le lendemain intéressant Baltimore et Toronto qui faisait état de conditions météorologiques probables de vol à vue (VMC).

    Un peu plus tard ce jour-là, le pilote a annoncé qu'il allait rentrer à l'aéroport Lester B. Pearson ce soir-là, et un plan de vol IFR a été déposé par téléphone à 20 h 19. Le départ était prévu pour 21 h. Le pilote et son fils se sont ensuite rendus en voiture à l'aéroport de Parry Sound mais, à cause de la forte circulation due à cette fin de semaine prolongée, ils ne sont arrivés à l'aéroport qu'après 21 h. Le pilote a téléphoné à la FSS de Sault Ste. Marie où il a obtenu une autorisation IFR pour un départ à 21 h 22. Le pilote a roulé jusqu'à la piste 35 mesurant 4 000 pieds de long, et il a décollé en vent arrière. Il n'a pas été possible de savoir si les volets avaient été sortis au décollage; cependant, le pilote avait l'habitude de braquer les volets à 20° au décollage, comme on le lui avait enseigné.

    Après le départ, l'avion a viré à gauche et, pendant le virage selon un cap magnétique de 130°, en descente à faible pente, il a heurté des arbres. Après le premier contact avec les arbres, l'avion a continué à virer à gauche à un cap magnétique de 115° puis il est passé sur le dos et a heurté le sol. En se basant sur le GPS (système de positionnement mondial) à bord de l'hélicoptère de la police, il a été établi que le premier contact avec les arbres s'était produit à 1 nm à l'ouest de l'aéroport. Divers composants de l'avion ont été localisés et identifiés dans cette zone, notamment des morceaux de la structure de l'aile (cloison étanche du réservoir d'extrémité de l'aile gauche) et de la queue (stabilisateurs droit et gauche et gouverne de profondeur droite). La distance entre le premier contact avec les arbres et la fin de la zone d'impact était de quelque 1 000 pieds. La majeure partie des débris se trouvait dans la zone d'impact principale. L'avion a laissé un sillon de 306 pieds dans la forêt.

    L'épave de l'avion a été examinée sur les lieux. Au moment de l'impact, le train d'atterrissage était rentré. Les vérins des volets ont été mesurés, ce qui a permis d'établir que les volets étaient sortis entre zéro et cinq°. (Les volets ne peuvent être réglés qu'à trois positions : 0, 20 ou 40°.) Il a été déterminé que le pilote était en place gauche et que son fils était en place droite. Les moteurs (AiResearch TPE331), les hélices (Hartzell HC-B4TN-5GL), la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) et 16 composants d'avionique et d'instruments ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y être démontés et examinés. La plupart des composants d'avionique et des instruments n'ont permis de tirer aucune conclusion. L'un des anémomètres présentait une empreinte d'aiguille à 190 noeuds. Lors de l'impact, l'antenne, le bloc-piles ainsi que la carte du circuit imprimé ont été endommagés, et le contacteur à inertie de l'ELT a été cisaillé. L'ELT ne pouvait fonctionner dans ces conditions.

    Le démontage des moteurs de l'avion a révélé que les composants et les accessoires des moteurs droit et gauche ne présentait aucune défaillance antérieure à l'impact qui aurait pu nuire au bon fonctionnement des moteurs. Les deux moteurs semblaient tourner normalement et être en mesure de produire de la puissance avant l'impact au sol. Les deux moteurs présentaient des indices physiques similaires sous la forme de rainures de composants mobiles contre la structure fixe adjacente, ainsi qu'une diffusion généralisée de résidus de métal, de poussière et de bois brûlé et non brûlé; ces éléments ont permis de confirmer que les deux moteurs étaient dans le même état de fonctionnement et produisaient de la puissance avant l'impact. Le démontage des hélices a révélé que ces dernières tournaient et recevaient de la puissance. Le calage précis des pales n'a pu être établi, mais il se trouvait dans la plage normale de fonctionnement. Aucune des deux hélices ne se trouvait en drapeau ni dans la plage bêta. Aucune anomalie ayant pu nuire au bon fonctionnement des hélices n'a été découverte. Tous les dommages ont été attribués à l'impact.

    Le Règlement de l'aviation canadien (RAC) stipule ce qui suit concernant la possession d'un permis, d'une licence ou d'une qualification de membre d'équipage de conduite :

    • 401.03(1) Il est interdit à toute personne d'agir en qualité de membre d'équipage de conduite ou d'exercer les avantages d'un permis, d'une licence ou d'une qualification de membre d'équipage de conduite à moins qu'elle ne satisfasse aux conditions suivantes :
      1. sous réserve du paragraphe (2) et des articles 401.19 à 401.27 la personne est titulaire d'un permis, d'une licence ou d'une qualification propres aux fonctions ou aux avantages qu'elle exerce et peut produire le permis, la licence ou la qualification dans l'exercice de ces fonctions ou avantages;
      2. la personne est titulaire d'un certificat médical valide propre aux fonctions ou aux avantages qu'elle exerce et peut produire le certificat dans l'exercice de ces fonctions ou avantages.

    Le pilote était âgé de 68 ans. Il avait commencé à piloter en 1968 et il possédait une licence canadienne de pilote privé qui lui permettait de piloter comme seul pilote tout avion terrestre monomoteur et multimoteur autre qu'un appareil à hautes performances. Sa licence était annotée pour le vol de nuit et pour le Cessna 310. Il totalisait quelque 5 500 heures de vol, dont 407 sur MU-2 (dont 332 environ comme commandant de bord). Un examen des dossiers de Transports Canada a montré que le pilote avait essayé à trois reprises de passer l'examen écrit en vue de l'obtention de la qualification de vol aux instruments, mais qu'il n'avait jamais réussi. Il ne s'était jamais présenté à un test en vol de qualification de vol aux instruments. De plus, les dossiers ne contenaient aucune demande d'annotation pour le Mitsubishi MU2 ni pour le Cessna 414, qui sont les types d'avion que le pilote possédait et utilisait auparavant.

    Le pilote avait fourni au responsable de la formation des documents qui indiquaient qu'il possédait une qualification de vol aux instruments, ce qui n'était pas le cas. Le pilote possédait un certificat de pilote des États-Unis qui lui avait été délivré sur la base de sa licence canadienne et qui n'était valable que s'il était accompagné de sa licence canadienne. De plus, ce certificat stipulait que toutes les limitations et les restrictions de la licence de pilote canadienne s'appliquaient. Le fils du pilote avait obtenu sa licence de pilote privé en janvier 1999. Il n'avait reçu aucune formation sur ce type d'avion.

    La dernière visite médicale aéronautique du pilote avait eu lieu le 13 avril 1999. Le service de Médecine aéronautique civile (MAC) de Transports Canada avaient jugé que le pilote était apte au vol et lui avait délivré un certificat médical de catégorie 3. L'examen des dossiers remontant à 1989 a révélé que le pilote souffrait de diabète non insulinodépendant (lequel se traite par un régime alimentaire). Des médicaments ont été retrouvés ça et là sur les lieux de l'accident, comme du Diamicron, de l'Atenolol, de l'Ibuprofen, une solution optique de Vosol HC, de la crème Amcinonide, un inhalateur de Ventolin, un vaporisateur nasal d'Otrivin avec hydratants, de la pommade Kerasol, un vaporisateur nasal de Beclomethasone et un vaporisateur nasal de Dristan. L'enquête a permis de découvrir que le pilote souffrait de diabète de type II (qui nécessite la prise d'insuline en plus du régime alimentaire) et d'hypertension depuis plus de cinq ans. On lui avait prescrit du Diamicron et de l'Atenolol pour traiter ces deux problèmes. L'enquête a également révélé que le pilote souffrait d'asthme. Le pilote n'avait pas signalé au médecin-examinateur de l'Aviation civile qu'il souffrait d'asthme et d'hypertension, pas plus qu'il ne lui avait dit qu'il devait prendre des hypoglycémiants oraux pour traiter son diabète. On a demandé au service de MAC de Transports Canada de nous indiquer les répercussions de ces problèmes sur la délivrance d'un certificat médical. Voici les critères utilisés par le service de MAC dans ces cas :

    Diabète :

    Dans les premiers stades du diabète, on constate de façon typique une augmentation du niveau de sucre dans les analyses d'urine qui sont faites ordinairement à chaque visite médicale. De petites augmentations peuvent être corrigées simplement par un régime et de l'exercice, et le pilote n'a rien d'autre à faire que de surveiller son état. La grande majorité des personnes qui souffrent de ce problème continuent de se prévaloir de tous les privilèges que leur confèrent leurs licences. Quant aux diabétiques pour lesquels un régime alimentaire ne suffit plus, ils sont souvent traités à l'aide de médicaments oraux. Au début de la période de stabilisation inhérente à la prise de médicaments, le pilote est interdit de vol. Des examens médicaux supplémentaires doivent être effectués pour s'assurer que le diabète n'entraîne aucune complication susceptible d'augmenter les risques d'incapacité soudaine ou sournoise en vol. Si tous ces paramètres sont respectés, la plupart des pilotes peuvent alors recommencer à voler sans restriction, pour autant qu'ils satisfassent aux exigences médicales annuelles (visite médicale et rapport médical). D'autres peuvent recommencer à voler mais avec l'annotation « avec pilote accompagnateur ». Quant aux pilotes qui doivent prendre de l'insuline pour traiter leur diabète, leur cas est beaucoup plus difficile à gérer, car leur niveau de sucre dans le sang est beaucoup plus sujet aux fluctuations. À certaines occasions, des pilotes ont été autorisés à posséder un permis de pilote de loisir, mais dans des cas exceptionnels où le pilote est conscient de son état diabétique et du traitement de son état. De plus, on compte un certain nombre de pilotes insulinodépendants ayant reçu des licences avec des restrictions dans le cas d'équipages professionnels à plusieurs pilotes.

    Asthme :

    Cet état relativement courant ne conduit pas nécessairement à l'inaptitude. Les paramètres médicaux les plus importants sont : la gravité des symptômes, la nécessité de mesures médicales importantes (hospitalisation), les facteurs déclenchants, les médicaments à prendre, la posologie et les résultats des tests de la fonction respiratoire, pour n'en citer que quelques-uns. Les possibilités de vol du pilote peuvent également être exprimées sous la forme d'une équation. Dans de nombreux cas, les asthmatiques peuvent continuer à voler, à condition que les médicaments soient bien utilisés et que les paramètres indiqués plus haut soient satisfaisants.

    Hypertension :

    Ce problème très fréquent se retrouve couramment chez les pilotes vieillissants. Il existe de nombreuses approches thérapeutiques face à ce problème de pression artérielle trop élevée. La MAC a centré ses inquiétudes autour des effets secondaires des médicaments, des risques éventuels de dommage à des organes vitaux importants comme le coeur, le cerveau ou les reins, des effets que cet état pourrait avoir quant à une incapacité soudaine ou sournoise. Il existe une longue liste de médicaments dont l'usage a été approuvé en aviation. En général, lorsqu'un nouveau médicament est prescrit à un pilote, celui-ci est interdit de vol pendant un certain temps afin de s'assurer que le médicament produit les effets souhaités sans avoir d'effets secondaires qui pourraient nuire au pilotage d'un aéronef. La plupart des pilotes dont la pression artérielle peut être traitée à l'aide de médicaments approuvés retrouvent leur droit de piloter sans aucune restriction.

    Les résultats des analyses toxicologiques faites par le Centre des sciences judiciaires visant à déceler la présence d'alcool dans le sang des deux occupants de l'avion accidenté ont été négatifs.

    Aucun pilote n'est à l'abri des effets de la désorientation spatiale quand il vole dans des conditions IMC. Ce phénomène est fonction de nombreux facteurs, comme les performances de l'aéronef ainsi que l'expérience et l'état de santé du pilote. L'extrait qui suit est tiré du livre Fundamentals of Aerospace Medicine et donne des détails sur le phénomène de désorientation ou d'illusion spatiale qui peut avoir affecté le pilote de l'avion accidenté :

    • [TRADUCTION]
      Les organes otolithiques (oreille interne) sont responsable d'un ensemble d'illusions connues sous le nom d'illusions somatograviques. L'exemple le plus courant de telles illusions, à savoir l'impression d'être en cabré après le décollage dans des conditions de visibilité réduite, est peut-être celui qui illustre le mieux le mécanisme qui entre en jeu. Prenons le pilote d'un avion à hautes performances qui attend en bout de piste, prêt à décoller. À ce moment-là, la force de gravité est la seule force qui agit sur ses membranes otolithiques, et la position de ces membranes sur leurs macules indique avec précision que le bas se trouve vers le plancher de l'avion. Supposons maintenant que l'avion accélère en descendant la piste, qu'il fasse sa rotation, qu'il décolle, que le train et les volets soient rentrés et que l'appareil conserve une accélération avant de 1 g jusqu'à ce qu'il atteigne la vitesse ascensionnelle désirée. L'accélération qui se produit entraîne un déplacement des membranes otolithiques vers l'arrière de la tête du pilote. En fait, la nouvelle position des ces membranes est presque la même que celle qu'elles auraient prise si le pilote avait mis son avion en cabré de 45°, et ce, car la nouvelle direction du vecteur de la force de gravité qui en résulte, si l'on ne tient pas compte de l'angle d'attaque et de l'angle de montée, fait un angle de 45° en arrière par rapport à la verticale de la force de gravité. Naturellement, la perception de l'assiette en tangage qu'a le pilote à partir de l'information fournie par ses organes otolithiques est celle d'un cabré de 45°. Compte tenu de cette très forte sensation de cabré qui est alors présente, si elle n'est pas à toute fin pratique remise en question par les indices d'orientation visuelle focale de l'indicateur d'assiette, le pilote aura tendance à mettre son avion en piqué pour éliminer cette sensation de cabré non souhaitée. De façon typique, les pilotes qui succombent à cette tentation finissent par s'écraser en piqué à quelques milles au-delà de l'extrémité de la piste. En l'absence d'un horizon naturel visible à l'extérieur ou, pire encore, en présence d'un faux horizon visuel (comme une rive) défilant sous l'avion et renforçant l'illusion vestibulaire, il se peut que le pilote ne puisse résister à la tentation de pousser sur le manche.

    Analyse

    En vertu du RAC, le pilote utilisant ce modèle d'avion doit avoir une licence de pilotage annotée pour l'utilisation d'avions à hautes performances. De la même façon, tout pilote déposant un plan de vol IFR et volant en IFR est tenu de posséder une qualification de vol aux instruments en état de validité. La licence de pilote privé du pilote en cause dans l'accident ne comportait ni qualification de vol aux instruments ni annotation pour le pilotage d'appareils à hautes performances. Les dossiers de Transports Canada montrent que le pilote avait essayé à plusieurs reprises de passer l'examen écrit en vue de l'obtention de la qualification de vol aux instruments, mais avait échoué. Le pilote possédait un certificat de pilote des États-Unis qui lui avait été délivré sur la base de sa licence canadienne et qui n'était valable que s'il était accompagné d'une licence canadienne en état de validité. Le pilote avait fourni au responsable américain de la formation des documents qui indiquaient qu'il possédait une qualification de vol aux instruments, alors que ce n'était pas le cas. De plus, sur sa licence de pilote, il ne figurait aucune annotation de type pour appareils à hautes performances valable pour ce modèle d'avion.

    Il y a des incohérences entre, d'une part, les faits consignés au moment de la dernière visite médicale de l'aviation civile subie par le pilote quant à son état de santé et aux médicaments qui lui étaient prescrits à ce moment-là et, d'autre part, les faits découverts pendant l'enquête. Le service de MAC de Transports Canada n'a pu dire avec certitude si la combinaison des diverses pathologies du pilote aurait ou n'aurait pas satisfait aux critères permettant la possession d'un certificat médical valide, puisque les examens médicaux n'étaient pas disponibles ou n'avaient pas été faits pour certaines des pathologies dignes d'intérêt.

    Plusieurs indices révèlent un départ précipité. Le pilote et le passager sont arrivés en retard à l'aéroport à cause des embouteillages sur les routes pendant cette fin de semaine prolongée. L'avion a décollé en vent arrière. Comme le pilote avait été entraîné de la sorte et qu'il avait l'habitude de toujours sortir les volets de bord de fuite de 20° et que ces volets ont été retrouvés dans la plage de 0 à 5°, il est fort probable que le pilote a viré à gauche peu après le décollage et qu'il a rentré les volets pendant le virage. Le lieu de l'accident ne se trouve qu'à 1 nm à l'ouest de l'aéroport, et l'appareil avait viré de plus de 180° quand il a percuté les premiers arbres, ce qui est également le signe d'un départ précipité.

    Après avoir décollé de nuit, dans la pluie et avec peu de références visuelles extérieures, il aurait fallu que le pilote passe rapidement de la surveillance extérieure à la consultation des instruments du tableau de bord du poste de pilotage. Cette transition est une étape cruciale du vol qui exige des mesures franches et délibérées de la part du pilote ainsi que toute l'attention du pilote. Le train a été rentré à basse altitude. Quelques instants après la rentrée du train, le pilote s'est mis en virage à gauche pour prendre la trajectoire l'amenant sur sa route. Les volets ont alors été rentrés. Le taux de montée de l'avion a dû diminuer au moment de la rentrée des volets, l'appareil étant alors en virage à gauche. Les opérations consistant à déplacer la commande du train et à rentrer les volets, si elles ne sont pas exigeantes comme telles, risquent de détourner l'attention du pilote de la surveillance des instruments de vol. Cette distraction pendant la transition entre le vol à vue et le vol aux instruments a peut-être désorienté le pilote et l'a peut-être amené à mal interpréter ou à mal examiner les instruments de vol.

    Il se peut également que le pilote ait été victime d'une illusion somatogravique, ce qui expliquerait que le pilote a laissé son avion partir en descente peu prononcée jusqu'à ce qu'il percute des arbres, ce qui a compromis l'intégrité de l'avion. L'avion ayant perdu des commandes de vol critiques, il s'est incliné à gauche, est passé sur le dos et a pénétré dans la zone où il a été retrouvé. De nombreux instruments et composants de l'avionique ont été tellement endommagés à cause de la violence du choc qu'il n'a pas été possible de tirer de conclusion. L'empreinte sur l'anémomètre ainsi que la longueur du sillon laissé par l'avion dans la forêt dense indiquent que l'avion a pénétré à haute vitesse dans la zone où il a été retrouvé.

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP 65/99 - Engine Disassembly (Démontage des moteurs)
    • LP 66/99 - Propeller Teardown Examination (Examen en cours de démontage des hélices)
    • LP 67/99 - ELT Examination (Examen de l'ELT)
    • LP 68/99 - Instrument Examination (Examen d'instruments)

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

    1. Le vol qui a mené à l'accident a été effectué de nuit en IMC. Le pilote n'était pas autorisé à voler en IFR puisque sa licence de pilote privé n'était pas annotée pour le vol aux instruments.
    2. Le pilote a décollé de nuit en IMC, et il peut avoir été victime d'une illusion somatogravique et avoir laissé son avion descendre jusqu'au sol.
    3. Le pilote n'avait pas donné tous les renseignements relatifs à son état de santé au médecin examinateur de l'aviation civile.

    Autres faits établis

    1. Le pilote ne possédait pas la licence lui permettant de piloter ce type d'aéronef, puisque sa licence n'était pas annotée pour le pilotage de ce genre d'appareil à hautes performances.
    2. Le pilote a décollé en vent arrière.
    3. Pendant que l'avion virait à gauche pour aller prendre sa route, les volets ont été rentrés.
    4. L'avion a heurté des arbres alors qu'il était en descente à faible pente. L'intégrité structurale de l'appareil a été compromise quand l'avion est passé sur le dos et a pénétré à haute vitesse dans la zone où il a été retrouvé.
    5. Le démontage des moteurs de l'avion a révélé que les composants et les accessoires des moteurs droit et gauche ne présentaient aucune défaillance antérieure à l'impact qui aurait pu nuire au bon fonctionnement des moteurs.
    6. Le démontage des hélices a révélé que les deux hélices se trouvaient dans leur plage normale de fonctionnement, qu'elles tournaient et qu'elles recevaient de la puissance au moment de l'impact.
    7. L'ELT ne s'est pas déclenchée parce que ses composants ont été endommagés lors de l'impact.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Transports Canada a mis sur pied un projet qui consiste à choisir au hasard des plans de vol IFR et à vérifier la qualification de vol aux instruments des pilotes ayant déposé ces plans de vol, en vue de déterminer s'il existe des irrégularités systémiques permettant de penser qu'on devrait s'intéresser davantage à cette question.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .