Rapport d'enquête aéronautique A99P0181

Perte de contrôle
Cessna 208 Caravan amphibie C-FGGG
Aéroport d'Abbotsford (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    À 9 h 16, heure normale du Pacifique, l'avion amphibie Cessna 208 Caravan de Seair, numéro de série 20800310, a décollé de la piste 19 de l'aéroport d'Abbotsford (Colombie-Britannique) pour la première étape d'un vol privé à destination des Bahamas. Le pilote et cinq passagers se trouvaient à bord. Environ une minute plus tard, alors que l'avion franchissait quelque 400 pieds-sol en montée et que le pilote rentrait les volets de 10 à 0 degrés, l'avion est devenu ingouvernable. L'aile gauche s'est enfoncée. L'avion est descendu rapidement et s'est écrasé dans un champ, à environ un demi-mille au sud du seuil de piste, à l'endroit, l'aile gauche légèrement basse. L'avion a été détruit; le pilote a été grièvement blessé. Deux des passagers ont été grièvement blessés; les trois autres ont été blessés légèrement. Des conditions météorologiques de vol à vue de jour régnaient au moment de l'accident. Il n'y a pas eu d'incendie.

    Renseignements de base

    Ce matin-là, la région du sud-ouest de la Colombie-Britannique était sous l'influence d'une crête de haute pression en altitude quasi stationnaire. Cette crête avait créé de grandes zones de plafonds bas et de faibles visibilités avec des stratus et du brouillard. L'aéroport international de Vancouver, situé à environ 34 milles à l'ouest d'Abbotsford, a été recouvert de brouillard et de brouillard givrant pendant toute la matinée. Plusieurs appareils à destination de Vancouver se sont déroutés vers Abbotsford, où la météo était plus clémente. Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) de 9 h pour Abbotsford faisait état des conditions suivantes : vent calme, visibilité de 30 milles, brouillard dans les environs, quelques nuages à 25 000 pieds, température de moins 3 degrés Celsius (°C), point de rosée de moins 4 °C et calage altimétrique de 30,46 pouces de mercure. Le sigle FROINNote de bas de page 1 figurait dans les remarques.

    Le pilote était titulaire d'une licence canadienne de pilote professionnel et d'un certificat de validation de licence valide. Il totalisait plus de 12 000 heures de vol et possédait de l'expérience sur les avions à flotteurs, comme le DHC-2 Beaver et le DHC-2T Turbo Beaver. Il totalisait 85 heures de vol sur le Cessna 208 Caravan. Le pilote avait récemment terminé un cours de formation initiale de cinq jours sur l'avion, comprenant de la formation en simulateur, dans un centre de formation agréé par le constructeur. Cette formation portait toutefois sur la version sur roues de l'avion et ne comprenait pas d'instruction en vol. On n'a retrouvé aucun dossier indiquant que le pilote avait reçu de la formation sur la version amphibie de l'avion.

    Le pilote et les passagers sont arrivés à l'aéroport vers 7 h 50, heure normale du Pacifique (HNP)Note de bas de page 2, pour le vol. Le pilote a reçu un exposé météorologique détaillé à la station d'information de vol (FSS) d'Abbotsford et a déposé un plan de vol à vue (VFR) pour un vol d'Abbotsford à Billings (Montana). Le plan spécifiait que la durée estimée en route était de quatre heures avec une autonomie de cinq heures.

    À 9 h 16, le contrôleur de la tour de contrôle d'Abbotsford a délivré une autorisation de décollage au pilote du C-FGGG qui a décollé peu après. Le pilote a poussé doucement la manette des gaz pendant la course au décollage, et il a jugé que le décollage et la montée initiale s'étaient déroulés normalement. Il a rentré le train d'atterrissage après avoir établi un taux de montée franc, puis il a légèrement réduit la puissance pendant que l'avion continuait à monter. Le pilote avait décollé avec 20° de volets. Il a ensuite rentré les volets en deux étapes : d'abord de 20° à 10°, puis de 10° à 0. C'est après avoir rentré les volets de la position 10° que l'avion est devenu ingouvernable.

    L'aile gauche de l'avion s'est enfoncée, puis l'avion est descendu rapidement. La première tentative du pilote pour corriger à l'aide des ailerons a été infructueuse. Il a alors abaissé le nez de l'avion et a poussé sur la manette des gaz. Le pilote a réussi à remettre les ailes à l'horizontale et à réduire la vitesse de descente, mais l'altitude disponible était insuffisante pour permettre un redressement, et l'avion s'est écrasé. Le vol, du déjaugeage à l'impact, n'a duré qu'une minute environ.

    Les dommages attribués à l'impact révèlent qu'au moment de l'impact l'avion se trouvait sur un cap orienté au 120° magnétique environ, l'aile gauche légèrement basse, les ailes presque à l'horizontale. Le saumon de l'aile gauche de l'avion a d'abord heurté un piquet de clôture, puis l'aile gauche, le flotteur gauche et le flotteur droit ont tour à tour heurté le sol. Les flotteurs ont amorti le choc avant de se détacher de l'avion. L'avion a glissé au sol sur quelque 310 pieds avant de finir sa course sur un cap au 040 magnétique. Les dommages à l'hélice sont typiques d'un moteur qui produit de la puissance à l'impact.

    L'examen de l'avion après l'écrasement n'a révélé aucune anomalie significative. L'examen n'a révélé aucune anomalie antérieure à l'impact qui aurait pu rendre l'avion ingouvernable. Toutefois, le disjoncteur du moteur des volets était déclenché (en position sortie). Les volets gauche et droit ont été trouvés en position asymétrique. Le volet droit était sorti de deux pouces environ vers l'arrière sur son rail; le volet gauche était complètement rentré. L'examen a confirmé la continuité du circuit des volets. L'enquête a établi que la sortie des volets pendant le vol n'avait pas été asymétrique. Les dommages au circuit des volets ont été attribués à l'impact. Des composants se sont rompus en surcharge. On a déterminé que les volets se déplaçaient au moment de l'impact et que le volet gauche avait rentré complètement de force dans son logement lorsque le bord d'attaque de l'aile a pénétré dans la cabine. La tringlerie du volet s'est rompue. À peu près au même moment, le moteur du volet aurait calé, ce qui aurait déclenché le disjoncteur.

    Les moteurs principaux et de relève des volets ainsi que le mécanisme d'entraînement à vérin à vis ont été envoyés au constructeur pour être inspectés et pour que leur fonctionnement soit évalué sous la surveillance de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis. L'examen au banc a permis de constater que les composants fonctionnaient conformément aux spécifications prescrites. L'examen a révélé une petite déformation du vérin à vis. Cette déformation n'aurait pas gêné le fonctionnement des volets, ni précipité la perte de contrôle. L'enquête n'a pas permis d'établir à quel moment cette déformation se serait produite.

    Le moteur de l'avion, un turbopropulseur PT6A-114A de Pratt & Whitney Canada, numéro de série PC0684, a été examiné dans un atelier de maintenance agréé sous la surveillance du BST. L'examen a révélé que le moteur tournait au moment de l'impact et que tous les dommages au moteur étaient attribuables à l'impact et au régime élevé du moteur. On a déterminé que les charges en torsion absorbées par l'arbre d'hélice avaient provoqué la rupture de la cannelure assurant l'accouplement du planétaire du 2e étage au porte-satellites du 1er étage, ce qui a déchargé l'arbre de la turbine de travail, a fait accélérer la turbine en survitesse et projeté ses aubes mobiles sur l'enveloppe de la turbine et son carter de retenue. Le moteur ne présentait aucune anomalie antérieure à l'impact ni de dommages importants qui l'auraient empêché de fonctionner normalement avant l'impact.

    Il n'y a aucun dossier sur les calculs de masse et centrage au décollage qui ont été faits pour l'avion. Ni le pilote ni les passagers ne se rappelaient quels poids avaient été utilisés pour les bagages, le carburant et les occupants, ni les résultats de ces calculs. En outre, aucune donnée relative aux deux vols précédents ne figurait dans le carnet de bord de l'avion.

    Le pilote a estimé que la masse de l'avion au décollage lors du vol ayant mené à l'accident était d'environ 8 260 livres, soit à peu près 100 livres de moins que la masse maximale autorisée au décollage. Le BST a établi que la masse de l'avion au décollage était de quelque 8 870 livres, soit environ 510 livres de plus que la masse maximale autorisée. La différence entre les estimations du pilote et celles du BST peut être en partie attribuée à une modification de l'avion qui avait été apportée deux jours avant le vol ayant mené à l'accident. La configuration des sièges avait été modifiée, ce qui a augmenté d'environ 150 livres la masse à vide de l'avion. Ni le carnet de bord ni le livret technique de l'avion ne faisait état des changements à la configuration des sièges, même si ces changements avaient été exécutés à l'intérieur de l'avion. Les calculs du pilote ne tenaient pas compte de cette augmentation de la masse à vide de l'avion parce que le devis de masse et centrage n'avait pas été modifié en conséquence. La masse de base de l'avion utilisée par le pilote pour calculer la masse et le centrage aurait donc été inférieure de quelque 150 livres à la masse à vide de l'avion, parce que les calculs du pilote ne tenaient pas compte des données concernant les modifications apportées à l'intérieur de la cabine et aux sièges. Le propriétaire de l'avion est responsable de la maintenance et des dossiers de l'avion. La masse à vide de l'avion figurant dans les documents de l'avion ne faisait pas état de l'augmentation de 150 livres.

    Les bagages, les sièges et les tables ont été retirés de l'épave. Seair a établi que les bagages pesaient 244 livres. Au moyen de balances aviation certifiées, il a été établi que les sièges et les tables pesaient 358 livres. Le poids des bagages ne comprenait pas les effets personnels dans la cabine, ni la trousse de premiers soins, ni l'équipement de survie, ni la moquette, ni les boiseries ajoutées; le poids de tous ces éléments n'a pas été pris en compte pour faire les calculs de masse.

    Les réservoirs alaires de l'avion ont été remplis à ras bord dans la soirée, la veille de l'accident. Le pilote a lui-même surveillé le ravitaillement en carburant pour s'assurer qu'il n'y avait aucune contamination et que les réservoirs étaient pleins. Le poids total réel des six occupants fourni par Seair s'élevait à 744 livres. Le tableau ci-après présente les calculs de masse pour l'avion au décollage.

    Poids total des tables et des sièges
    (sauf les sièges pilotes)
    358 lb
    Moins 3 gilets de sauvetage de 3 sièges - 4 lb
    Moins les sièges d'origine du Cessna ayant été enlevés - 208 lb
    Augmentation du poids des nouveaux sièges 146 lb
    Poids des bagages pesés par Seair 244 lb
    Autre fret 17 lb
    6 gilets de sauvetage 8 lb
    Poids total des bagages 269 lb
    Carburant (réservoirs pleins, moins 35 livres consommées au roulage) 2 344 lb
    Poids du pilote et des passagers fourni par Seair 744 lb
    Masse à vide de l'avion (avant les modifications à la cabine) 5 363 lb
    Masse de l'avion calculée au décollage 8 866 lb
    Masse maximale autorisée au décollage 8 360 lb
    EXCÈS DE POIDS DE L'AVION AU DÉCOLLAGE 506 lb

    L'avion avait passé la nuit sur l'aire de trafic à Abbotsford. Le pilote avait remarqué qu'il y avait une couche de givre sur l'avion. Il a pris de l'eau froide du robinet pour enlever le givre sur le pare-brise pour pouvoir voir à l'extérieur de l'avion. Le pilote a aussi vérifié le dessus des ailes lors de sa visite prévol et il a remarqué que la couche de givre était d'environ 3/16 pouce d'épaisseur, qu'il a jugée négligeable. Il croyait que le soleil ferait fondre tout le givre et qu'il ne serait pas nécessaire de dégivrer l'avion. Personne n'a inspecté les ailes de nouveau avant le décollage pour confirmer que le givre avait bien fondu. Il est impossible de voir l'extrados des ailes à partir du poste de pilotage.

    Le bord d'attaque de la voilure était peint d'une couleur foncée, ce qui augmentait l'effet de la chaleur dégagée par le soleil sur cette partie de la voilure. Par contre, les autres surfaces de la voilure étaient surtout de couleur blanche. Le soleil s'était levé à 8 h 10 et il se trouvait à environ 8 au-dessus de l'horizon au moment du décollage. Les températures ambiantes pour Abbotsford enregistrées à 9 h et à 9 h 20 étaient de moins 2,8 °C et moins 0,5 °C respectivement. La fonte du givre sur ces surfaces par le soleil du matin est considérée négligeable.

    Des témoins au sol à Abbotsford qui connaissent bien le givrage des aéronefs et les opérations de dégivrage ont tous indiqué que le Caravan était recouvert d'une importante couche de givre d'environ ¼ pouce d'épaisseur. Les appareils voisins étaient également recouverts de givre et de glace, à tel point que des vols réguliers ont dû être retardés. Ces appareils sont restés couverts de givre jusque vers la fin de la matinée. De plus, les premiers renseignements fournis par le pilote au sujet de l'épaisseur de la couche de givre correspondent aux observations faites par d'autres personnes qui ont observé l'avion ce matin-là.

    Les effets néfastes du givre, de la neige et de la glace sur les ailes d'avion sont bien documentés.Note de bas de page 3 Une accumulation de givre sur l'extrados d'une aile d'avion diminue l'efficacité de l'aile qui a alors du mal à générer de la portance. Le givre augmente la vitesse de décrochage, diminue l'angle d'attaque au décrochage et augmente rapidement la traînée près de la vitesse de décrochage. La stabilité et le contrôle de l'avion sont aussi touchés. Ces effets néfastes sur les propriétés aérodynamiques du profil de l'aile peuvent se manifester par un brusque écart par rapport à la trajectoire de vol suivie, et il se peut que le pilote ne reçoive aucun signe ni aucun avertissement aérodynamique. La réglementation canadienne interdit à tout avion de décoller avec du givre sur les ailes. En outre, le manuel de vol de l'avion du Cessna 208 stipule que le décollage et la montée initiale ne peuvent se faire en toute sécurité que si les ailes et les autres surfaces critiques de l'appareil sont exemptes de glace, de neige et de givre.

    Le programme de formation de Cessna sur le givrage et la liste de vérifications pour le Caravan donnent les avertissements suivants : il est essentiel par temps froid d'éliminer même les plus petites accumulations de givre, de glace et de neige de la voilure, de la queue et des gouvernes; si ces exigences ne sont pas respectées, le comportement de l'avion en souffrira au point où un décollage et une montée initiale en toute sécurité pourraient s'avérer impossibles; 0,1 pouce de givre réparti de façon uniforme sur les ailes d'un avion peut augmenter la vitesse de décrochage de 35 %; la course au décollage sera alors deux fois plus longue.

    Le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a fait une enquête sur un accident mortel en novembre 1997 à un Cessna 208B Caravan à Barrow, en Alaska. L'accident a fait plusieurs victimes. Cet accident comporte des éléments similaires au présent accident. Le NTSB a découvert que le pilote titulaire d'une licence de pilote de ligne avait décollé avec du givre sur l'avion. L'enquête a porté sur les caractéristiques aérodynamiques du profil NACA 23012. Ce profil est utilisé sur plusieurs avions de série, comme l'Embraer EMB-120 et le McDonnell Douglas DC-9 d'alors. Plusieurs études sur la contamination des ailes ont été effectuées sur ce profil. Les résultats de toutes ces études montrent la même tendance à réduire l'angle d'attaque au décrochage en présence de givre, de neige ou de glace. Les études montrent également des réductions différentes de l'angle d'attaque au décrochage pour les surfaces contaminées lorsque les ailerons sont braqués dans un sens ou dans l'autre. Selon ces études, lorsque l'angle d'attaque de l'aile augmente au-delà de l'angle d'attaque au décrochage réduit de l'aile contaminée, et que les ailerons sont braqués, le décrochage asymétrique qui en résulte peut provoquer un moment de roulis. Cette situation a tendance à s'aggraver si l'angle d'attaque augmente, par exemple lors de la rentrée des volets. De plus, on a découvert que pour une aile contaminée non seulement l'imminence d'un décrochage se produit-il à un angle d'attaque inférieur à la normale, mais il faut aussi augmenter l'angle d'attaque pour générer la portance nécessaire aux vitesses normalement prévues. De même, l'écoulement aérodynamique qui devient de plus en plus turbulent sur l'aile se traduit par une stabilité latérale réduite correspondante, ce qui nécessite des interventions au manche de plus en plus importantes pour empêcher l'avion de basculer. L'avion devient de plus en plus instable et finit par décrocher sans que le vibreur de manche ne soit entré en action aux vitesses normalement prévues pour le décollage.Note de bas de page 4

    La Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a publié plusieurs articles dans des circulaires consultatives (AC) pour souligner l'importance de dégivrer les aéronefs. Voici quelques-uns des nombreux effets possibles de la contamination des ailes sur les caractéristiques de volNote de bas de page 5 :

    • 3.c.(2)(ii) - La rugosité à la surface de la partie postérieure d'une aile peut avoir un effet à peu près égal à l'effet d'une rugosité de surface similaire sur le bord d'attaque de certains profils;
    • 3.c.(2)(v) - L'angle d'attaque au décrochage va diminuer et, sur certains appareils, va être atteint avant que l'avertisseur de décrochage retentisse;
    • 3.c.(2)(vii) - La pilotabilité peut être réduite, ce qui nécessite de plus importantes interventions au manche pour manoeuvrer ou pour sortir du décrochage.

    Des essais en soufflerie et en vol indiquent que la formation de givre, de neige ou de glace sur le bord d'attaque et l'extrados d'une aile qui a une épaisseur et une rugosité similaire à du papier de verre à gros grain ou à grain moyen peut réduire la portance de l'aile de 30 % et augmenter la traînée de 40 %.Note de bas de page 6 Le principal facteur de contamination d'une aile est la rugosité de surface sur des parties critiques de la surface aérodynamique. Ces effets néfastes peuvent amener l'aéronef à dévier brusquement de la trajectoire de vol prévue sans nécessairement donner de signe ou d'avertissement aérodynamique au pilote. Par conséquent, il est impératif que le pilote s'assure avant le décollage, comme l'exige la réglementation, que toutes les surfaces critiques de l'aéronef sont exemptes de givre, de neige et de glace.

    La FAA signale qu'il arrive fréquemment qu'une tentative de décollage avec du givre sur les ailes se solde par un accident. Il est recommandé d'enlever tout le givre, toute la neige et toute la glace sur les ailes avant le vol.Note de bas de page 7 Le manuel d'utilisation (pilot operating handbook) du Cessna 208B fournit plusieurs avertissements à ce sujet. Aux pages 4-4, 4-6 et 4-7, sous Pre-flight (prévol), Cessna prévient les utilisateurs que [TRADUCTION] par temps froid, il est essentiel d'éliminer même les plus petites quantités de givre, de neige ou de glace.

    Dans le cadre d'une autre enquête sur un accident de Cessna 208B Caravan survenu au décollage, en décembre 1999, à Bethel (Alaska), le NTSB a déterminé que le pilote titulaire d'une licence de pilote de ligne avait laissé son avion à l'extérieur toute la nuit et qu'une couche évidente de givre s'était accumulée sur les ailes, le stabilisateur, la gouverne de profondeur et le pare-brise. Le pilote avait enlevé le givre et la neige avec un balai. Le pilote a indiqué que peu après le déjaugeage, à environ 100 pieds au-dessus de la piste, il avait rentré les volets de 10 degrés. Alors que l'avion franchissait 200 pieds agl en montée, le pilote a rentré complètement les volets. L'aile gauche de l'avion s'est enfoncée, et l'avion s'est mis à descendre. Le pilote a dû compenser au manche pour garder les ailes à l'horizontale. Malgré l'utilisation de toute la puissance du moteur, l'avion a poursuivi sa descente vers le sol.

    Deux autres accidents mortels de Caravan en 1990 (réf. NTSB NYC90FA060 et NYC90FA061) ont été directement attribués au fait que les pilotes n'avaient pas enlevé tout le givre sur les ailes.

    Les tableaux de performances de l'avion indiquent qu'à la masse maximale au décollage (MTOW) et volets rentrés, la vitesse de décrochage indiquée serait d'environ 64 noeuds. À la masse maximale au décollage et avec 10&ordm de volets, la vitesse indiquée serait de 56 noeuds. Les tableaux de performances pour les masses supérieures à la MTOW ne figurent pas dans le manuel de vol de l'avion; par contre, les vitesses de décrochage augmentent avec la masse.

    Les tableaux de performances au décollage pour l'avion indiquent qu'à la MTOW l'avion aurait besoin d'une distance d'environ 1 300 pieds pour la course au décollage avant de pouvoir prendre l'air. Des comptes rendus du décollage révèlent toutefois que l'avion a parcouru quelque 2 200 pieds sur la piste avant de déjauger et que le profil de la montée initiale a semblé bas. L'avion a d'abord volé au-dessus de la piste, comme s'il était dans l'effet de sol, puis il a semblé accélérer avant de commencer à monter à angle faible.

    Les tableaux des performances en montée pour l'avion indiquent que le taux de montée aurait été d'environ 905 pieds par minute (pi/min) à la MTOW, volets sortis à 20°, pour une vitesse indiquée de 87 noeuds. Le taux de montée en croisière aurait été d'environ 945 pi/min à la MTOW, volets complètement rentrés, pour une vitesse indiquée de 110 noeuds. En résumé, un avion chargé à la MTOW et piloté aux vitesses recommandées dans le manuel de vol de l'avion aurait atteint un taux de montée supérieur à 900 pi/min. Le pilote a estimé qu'il montait normalement et qu'il volait à une vitesse indiquée de quelque 105 noeuds quand il a commandé la rentrée des volets.

    Les volets du Cessna 208 sont de grande envergure et du type à fente unique. Le circuit des volets est alimenté par un moteur électrique et commandé par un levier sélecteur se trouvant sur le pylône de commande. Le levier sélecteur se déplace vers le haut et vers le bas sur un rail à rainure pourvu de butées mécaniques à 10°, 20° et 30°(pleins volets). La sortie de la gouverne combine un déplacement vers l'arrière et vers le bas. Lorsque les volets se déplacent de 0 à 10°, la gouverne se déplace de huit pouces vers l'arrière et d'un pouce environ vers le bas. Ce déplacement a pour effet d'augmenter la surface alaire totale d'environ 30 pieds carrés, soit de 5,5 %.Note de bas de page 8 Par conséquent, lorsque les volets sont rentrés de 10° à 0, la surface alaire totale diminue, ce qui réduit aussi la portance produite par l'aile.

    Le Cessna est équipé d'un avertisseur de décrochage à palette dans le bord d'attaque de l'aile gauche. Ce dispositif est relié électriquement à un klaxon situé au-dessus de la place gauche du pilote. En temps normal, la palette détecte le changement d'écoulement aérodynamique sur l'aile et déclenche le klaxon à des vitesses se situant de 5 à 10 noeuds au-dessus de la vitesse de décrochage dans toutes les configurations. Le pilote et la passagère en place avant ont tous deux entendu l'avertisseur de décrochage dans les derniers instants du vol, juste avant l'impact.

    Analyse

    L'avion a heurté le sol presque à l'horizontale, et les flotteurs ont absorbé la plus grande partie du choc, ce qui a probablement augmenté les chances de survie des occupants.

    Le givre sur les ailes et sur l'avion n'avait pas été enlevé. À 9 h, soit une quinzaine de minutes avant le décollage, on a signalé la présence de givre sur l'indicateur. La température était de moins 3 °C, et le point de rosée se situait à moins 4 °C. D'autres appareils sur l'aire de trafic sont restés couverts de givre jusque vers la fin de la matinée. Les effets néfastes du givre sur les ailes de l'avion accidenté se sont faits sentir et ont fait décrocher l'avion à une vitesse bien au-dessus de la vitesse de décrochage normale. Ces indications nous amenènt à conclure qu'il y avait du givre sur l'avion au décollage, ce qui doit avoir augmenté la traînée et réduit la portance. De plus, l'avion était en surcharge, ce qui a dégradé ses performances.

    Les performances réduites de l'avion au décollage et en montée sont attribuables aux effets combinés d'une surcharge et de la présence de givre sur les ailes et les gouvernes. De plus, une masse supérieure et la présence de givre sur les surfaces de l'avion augmentent la vitesse de décrochage. Lorsque les volets ont été rentrés, ce qui a réduit encore plus la portance, l'avion a subi un décrochage aérodynamique et une perte de contrôle, et le pilote n'a pu redresser avant que l'avion ne heurte le sol. Vu que les ailes de l'avion étaient recouvertes de givre, les signes normaux de décrochage, comme le tremblement et le déclenchement de l'avertisseur de décrochage, ne se sont probablement pas manifestés, du moins au début.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le pilote a décollé alors que les surfaces portantes de l'avion étaient recouvertes de givre, ce qui a augmenté la traînée et réduit la portance.
    2. Au décollage, la masse de l'avion dépassait d'environ 510 livres la masse maximale autorisée au décollage, ce qui a dégradé les performances de l'avion.
    3. L'avion a subi un décrochage aérodynamique et une perte de contrôle lorsque les volets ont été rentrés de 10 à 0. Rentrer les volets a diminué la portance générée par l'aile dont les performances étaient déjà dégradées par la présence de givre.

    Autres faits établis

    1. Certaines entrées pertinentes ne figuraient pas dans le carnet de bord ni dans le livret technique de l'avion, et les documents de masse et centrage n'avaient pas été modifiés.
    2. Les flotteurs ont amorti le choc, ce qui a probablement augmenté les chances de survie des occupants.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .