Rapport d'enquête aéronautique A00A0071

Perte de maîtrise et décrochage
Piper PA-28 Cherokee Warrior II C-GQHE
d'Atlantic Aviation Academy Inc.
Sydney (Nouvelle-Écosse)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Piper PA-28-161 Cherokee Warrior II portant le numéro de série 28-7716119 a décollé de la piste 01 de l'aéroport de Sydney (Nouvelle-Écosse) pour un vol de tourisme dans les environs avec le pilote et trois passagers à son bord. La course au décollage a été entreprise proche du seuil de la piste01, et l'avion a quitté le sol à quelque 500 pieds de l'extrémité de départ de la piste longue de 6 000 pieds. Peu après le décollage, l'appareil a décroché et s'est écrasé à 2 000 pieds au-delà de l'extrémité de départ de la piste et à 125 pieds à droite du prolongement de l'axe de piste. L'accident a eu lieu à 13 h 42, heure avancée de l'Atlantique. Le pilote a perdu la vie; les trois passagers ont été légèrement blessés.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Le jour du vol ayant mené à l'accident, le pilote a communiqué avec Atlantic Aviation Academy Inc. et a loué un avion. Un instructeur de l'école de pilotage a sorti l'avion C-GQHE du hangar, a fait démarrer le moteur et s'est rendu proche des pompes d'essence où il a fait un point fixe. Tous les paramètres moteur se sont avérés à l'intérieur de leur plage normale. L'instructeur a ensuite fait le plein de carburant.

    Quand le pilote est arrivé à l'aéroport avec ses amis, il a rempli tous les papiers nécessaires à la location de l'avion, y compris le devis de masse et centrage et le manifeste des passagers. Il a ensuite effectué une inspection prévol, y compris une vérification des puisards des réservoirs de carburant, puis il est monté à bord en compagnie de ses trois passagers. Une fois prêt à rouler, le pilote a contacté la station d'information de vol (FSS) de Sydney où on lui a dit que la piste 01 était la piste préférée. Il a ensuite roulé au sol à partir de l 'aire de trafic de l'école de pilotage et s'est rendu proche du seuil de la piste 01 où il a viré. Il a entrepris la course au décollage dès que l'avion est sorti du virage. La circulation au sol a duré quelque 6 minutes et l'avion a parcouru quelque 7 250 pieds; pendant ce temps, le pilote a détaché sa ceinture de sécurité et son baudrier pour régler son siège et ne les a pas rattachés.

    Dès le début de la course au décollage, les occupants de l'avion et des personnes au sol se sont rendu compte que l'appareil n'accélérait pas normalement. Le pilote a forcé l'avion à décoller près de l'extrémité de départ de la piste, et peu après le décollage, l'avertisseur de décrochage s'est fait entendre. L'avion est monté à une hauteur estimée entre 50 et 100 pieds, puis l'aile droite s'est enfoncée. Les ailes sont revenues brièvement à l'horizontale, puis l'aile gauche de l'avion s'est enfoncée et l'avion est parti en piqué prononcé. Le pilote n'a pas réussi à redresser. L'avion s'est écrasé à 13 h 42, heure avancée de l'Atlantique (HAA)Note de bas de page 1.

    Renseignements sur le personnel

    Le pilote avait fait ses premières armes dans le cadre du programme de formation au vol à voile des Cadets de l'air. Le 24 septembre 1998, Transports Canada lui a délivré sa licence de pilote de planeur. L'année suivante, il a participé au programme de formation au pilotage d'aéronefs à moteur des Cadets de l'air, et le 19 août 1999, Transports Canada lui a délivré sa licence de pilote privé. Le 2 octobre 1999, il a subi une vérification sur type à l'Atlantic Aviation Academy Inc. sur le Cherokee Warrior. Après cette vérification, le pilote a loué l'avion les 9 et 10 octobre 1999 pour effectuer des vols de tourisme dans les environs. Le vol suivant s'est déroulé le 23 mars 2000 au cours duquel il a subi un contrôle périodique sur le Warrior. Ensuite, il n'a pas piloté jusqu'au vol ayant mené à l'accident. Au jour de l'accident, il totalisait 65,3 heures de vol, dont 2,9 sur le Warrior.

    Renseignements sur l'aéronef

    Les dossiers révèlent que l'avion était entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage de l'appareil se trouvaient dans les limites permises. La masse au décollage était de 2 302 livres, soit 23 livres au-dessous de la masse maximale autorisée.

    La source d'approvisionnement en carburant a été vérifiée. Le carburant utilisé était du bon indice d'octane et de bonne qualité et ne contenait ni eau ni impureté.

    Selon le tableau Normal Short Field Ground Roll Distance - No Obstacle (qui est un tableau pour calculer la longueur de la course au décollage sur un terrain court en l'absence d'obstacle) que l'on retrouve dans la section sur les performances du pilot operating handbook (manuel d'utilisation de l'avion), il aurait fallu une course de 675 pieds pour que l'avion atteigne sa vitesse de décollage dans les conditions existantes. Ce chiffre se fonde sur un moteur réglé à pleine puissance avant le lâcher des freins. Lors du vol ayant mené à l'accident, le pilote a affiché la pleine puissance après le début de la course au décollage. Dans le pilot operating handbook retrouvé à bord de l'avion accidenté, il n'y a pas de tableau pour calculer la longueur de la course au décollage pour ce genre de décollage. Quelques pilotes connaissant bien l'appareil ont indiqué que la course au décollage après un départ lancé n'aurait pas dû dépasser les 2 000 pieds.

    Renseignements météorologiques

    Voici les observations météorologiques enregistrées à l'aéroport de Sydney le 6 mai 2000:

    13 h : vent en surface du 010 degrés vrai à 16 noeuds, visibilité de 15 milles terrestres, quelques nuages à 3 000 pieds au-dessus du sol (agl), température de 4,8 degrés Celsius, point de rosée de moins 1,8 degré, calage altimétrique de 30,03.

    14 h : vent en surface du 360 degrés vrai à 17 noeuds, visibilité de 15 milles terrestres, quelques nuages à 3 000 pieds agl, température de 5,2 degrés, point de rosée de moins 1,3 degré, calage altimétrique de 30,04.

    Les vents en surface au début de la course au décollage soufflaient du 030 degrés à 16 noeuds.

    Selon la section AIR 2.3 de la Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) de Transports Canada, la température et le point de rosée signalés favorisaient l'apparition d'un fort givrage du carburateur, quel que soit le régime moteur affiché. Le givrage du carburateur est un phénomène qui se traduit par la formation de glace aux abords du venturi du carburateur. La puissance moteur diminue à mesure que la glace s'accumule.

    Renseignements sur l'épave et sur l'impact

    L'avion a touché des arbres de quelque 40 pieds de haut, en piqué, l'aile gauche basse. Il a poursuivi sa course sur 75 pieds dans les arbres avant de percuter le sol, le nez en premier. Il a alors pivoté de 200 degrés et a parcouru 15 pieds à reculons avant de s'immobiliser sur un cap orienté au 140 degrés magnétique. L'aile gauche s'est détachée du fuselage, l'aile droite s'étant détachée partiellement lorsque l'avion a reculé. Le moteur s'est déplacé vers le haut et à droite. Le poste de pilotage et la cabine sont restés à peu près intacts, à l'exception du tableau de bord côté passager qui s'est déplacé vers l'arrière et d'une légère déformation au niveau des pédales du palonnier et du plancher adjacent. L'espace réservé aux occupants est resté à peu près le même.

    L'intégrité des commandes de vol, des commandes du moteur ainsi que du circuit de carburant a été vérifiée, et aucune anomalie n'a été décelée, sauf qu'on a constaté que la commande de réchauffage carburateur était sur ON et que le papillon du boîtier de réchauffage carburateur était en position semi-ouverte. Le carburateur et son boîtier de réchauffage se sont détachés du moteur et se sont déplacés vers l'avant au moment de l'impact, ce qui pourrait avoir amené le papillon à passer de la position ON à la position semi-ouverte.

    La rubrique du pilot operating handbook consacrée aux procédures normales stipule ce qui suit :

    • [TRADUCTION]
    • Avant le décollage, il faut mettre le réchauffage carburateur en marche durant le point fixe exécuté dans le cadre de la liste de vérifications, pour s'assurer que le réchauffage carburateur fonctionne bien et pour permettre d'éliminer toute la glace qui aurait pu se former pendant la circulation au sol.
    • Il ne faut pas utiliser le réchauffage carburateur très longtemps quand l'avion est au sol, car l'air d'admission n'est pas filtré.
    • Avant le décollage, la commande du réchauffage carburateur devrait être placée sur OFF

    Le moteur a été récupéré et transporté à un atelier de révision où il a été testé au banc. On a installé un autre carburateur pour faire le test, et le moteur a produit sa pleine puissance nominale. Le carburateur qui se trouvait sur l'avion au moment de l'accident a été démonté puis examiné, et aucune anomalie n'a été décelée.

    L'interrupteur d'allumage, l'anémomètre et le tachymètre ont été déposés et envoyés au Laboratoire technique du BST. Les essais ont montré que l'interrupteur d'allumage était utilisable au moment de l'impact. Un examen au microscope du cadran et du secteur denté de l'anémomètre ainsi que du cadran et de la cloche du tachymètre n'a révélé aucune marque témoin qui aurait permis de connaître la position des aiguilles de ces instruments au moment de l'impact.

    Questions relatives à la survie

    Les trois passagers portaient leur ceinture de sécurité et leur baudrier et ils ont pu évacuer l'avion sans aide. Ils ont sorti le pilote de l'appareil et se sont occupés de lui jusqu'à l'arrivée du personnel de secours. Le pilote avait subi de nombreux traumatismes, essentiellement à la tête et à la poitrine. Les blessures du pilote sont typiques d'une personne qui ne portait pas sa ceinture-beaudrier et qui a heurté des composants de l'avion lors de l'impact.

    Un composeur automatique avait été installé dans la vigie de la tour dans le cadre du plan d'intervention d'urgence à l'aéroport. Ce composeur sonne chez une entreprise spécialisée en systèmes d'alarme qui se charge de prévenir les pompiers de l'aéroport, les pompiers volontaires de l'endroit, la police et les services ambulanciers. Le spécialiste FSS a déclenché le composeur automatique quand il a perdu l'avion de vue, et le personnel de secours est arrivé sur les lieux dans les huit minutes qui ont suivi.

    L'avion était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) Narco Avionics de modèle ELT-10 qui s'est déclenchée à l'impact; la FSS a capté le signal.

    Analyse

    L'examen du moteur et de l'avion n'a révélé aucune anomalie permettant d'expliquer la faible accélération de l'avion; toutefois, la température et le point de rosée étaient tels qu'un fort givrage du carburateur pouvait se produire à n'importe quel régime. Selon toute vraisemblance, de la glace s'est accumulée dans le carburateur pendant le long trajet au sol entre l'aire de trafic de l'école de pilotage et le seuil de la piste01. Ceci aurait provoqué une perte de puissance dont le pilote aurait pu se rendre compte avant le décollage s'il avait immobilisé l'avion, serré les freins et mis toute la puissance avait d'entreprendre la course au décollage. Comme le pilote a fait un départ lancé, il se peut qu'il ait été moins évident que le moteur ne produisait pas sa pleine puissance tant que l'avion n'a pas eu parcouru une certaine distance sur la piste. Le pilote a probablement mis le réchauffage carburateur en marche dans l'espoir d'obtenir plus de puissance. Le réchauffage carburateur est plus efficace pour prévenir le givrage que pour éliminer la glace. Selon la quantité de glace accumulée dans le carburateur, la disparition de toute la glace et le retour à la pleine puissance moteur peut prendre beaucoup de temps.

    On ne sait pas pourquoi le pilote n'a pas interrompu le décollage dès qu'il est devenu évident que l'avion n'accélérait pas normalement. Il se peut que les éléments suivants aient influencé sa décision: il effectuait son premier vol depuis six semaines, il n'avait pas beaucoup d'heures de vol et il s'attendait à voir la puissance moteur augmenter une fois le réchauffage carburateur en marche.

    Tous les occupants ont subi les mêmes forces de décélération lors de l'accident, mais les passagers n'ont été que légèrement blessés alors que le pilote a été tué. Compte tenu des différences physiologiques des quatre occupants et des différences dans les forces d'impact ressenties aux quatre places, il est difficile de comparer les blessures de ces quatre personnes. Toutefois, les passagers ont probablement subi des blessures moins graves parce qu'ils portaient leur ceinture de sécurité et leur baudrier. Sur les bases qu'il est généralement admis que la ceinture de sécurité et le baudrier protège contre les blessures, on peut dire que le pilote aurait probablement subi des blessures moins graves s'il avait porté sa ceinture de sécurité et son baudrier.

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant:

    • LP 60/00 - Instrument Examination (Examen des instruments).

    On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Les conditions qui prévalaient favorisaient l'apparition d'un fort givrage du carburateur, quel que soit le régime du moteur; ces conditions ont fort probablement empêché l'avion d'accélérer normalement et d'atteindre une vitesse de vol de sécurité.
    2. Le décollage n'a pas été interrompu quand il est devenu évident que l'avion n'accélérait pas normalement; l'appareil a été contraint de décoller à sa vitesse de décrochage ou à une vitesse voisine; il a décroché et il y a eu perte de maîtrise.

    Autres faits établis

    1. Le pilote ne portait pas sa ceinture de sécurité ni son baudrier, ce qui a contribué à la gravité de ses blessures.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .