Perte de maîtrise - Impact avec le relief
Piper PA-25-150 C-GSRG
Harding (Manitoba)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le pilote venait de ravitailler en carburant et en produits chimiques un Piper PA-25-150 à l'aéroport de Rivers (Manitoba) pour faire de l'épandage. Après le décollage, il s'est dirigé vers le sud-ouest sur une distance d'environ 10 milles marins. Après trois passages pour épandre du fongicide sur un champ de blé, le moteur s'est brusquement tu. Le pilote a mis le réchauffage carburateur en marche et a tenté de redémarrer le moteur, mais sans succès. Lors du virage pour atteindre un chemin en gravier, l'avion a décroché, s'est mis en descente, puis s'est écrasé dans un champ. Un incendie alimenté par le carburant s'est déclaré à l'impact, et le pilote a subi de graves brûlures en s'extirpant de l'avion. Il a été transporté à l'hôpital par un fermier du voisinage. L'avion a été détruit par l'incendie.
Renseignements de base
Le matin de l'accident, le pilote avait prélevé des échantillons de carburant à partir du filtre du purgeur de carburant et avait déterminé que les échantillons ne contenaient pas d'eau. Il avait ensuite essayé de faire de l'épandage, mais s'était ravisé en raison des turbulences. Dans la soirée, le pilote a rempli la trémie de produits chimiques et a versé environ 30 gallons de carburant dans le réservoir. Il a ensuite volé jusqu'au champ afin de terminer l'épandage. L'accident s'est produit à 20 h 30, heure avancée du Centre.Note de bas de page 1 Le pilote en était à son avant-dernier passage avant de terminer l'épandage.
Le pilote avait ravitaillé son avion à partir d'un réservoir de carburant installé dans sa camionnette. On a prélevé des échantillons de carburant dans les conduites de distribution de ce réservoir, et ceux-ci n'étaient pas contaminés. Une étiquette indiquait que le réservoir contenait de l'essence aviation d'indice 100 à faible teneur en plomb, ce que l'analyse des échantillons a confirmé. Le réservoir était équipé d'un filtre pour prévenir l'infiltration d'eau. Quand on a commencé à pomper pendant les essais, il a été possible d'obtenir du carburant propre sans problème.
Lorsque le moteur s'est tu, l'avion se trouvait à environ 300 pieds au-dessus du sol et sa vitesse était d'environ 90 noeuds. Pendant le virage pour atteindre un petit chemin de ferme, le pilote a tiré sur la commande du réchauffage carburateur pour la placer en position de réchauffage maximum et il a tenté de redémarrer le moteur. L'hélice a continué de tourner, mais le moteur ne s'est pas remis en marche. Le pilote a tenté de maintenir une altitude suffisante pour atteindre le chemin, mais la vitesse de l'avion a diminué jusqu'à la vitesse de décrochage.
L'inspection de l'épave sur les lieux de l'accident a permis d'établir que l'avion était resté intact jusqu'à l'impact. Toutes les commandes de vol principales avaient conservé leur intégrité. L'avion a percuté le sol dans une assiette de piqué peu prononcée, l'aile gauche basse. Il a fait un tonneau, a glissé vers l'arrière, puis s'est immobilisé à l'endroit sur le ventre. L'hélice s'est détachée du moteur. Une partie de la structure du bâti moteur s'est rompue. Le moteur s'est alors détaché partiellement de son bâti et s'est déplacé vers le sol, à l'écart de la cloison pare-feu. La trémie et le réservoir à carburant en fibre de verre ont éclaté au moment de l'impact avec le sol. Le carburant s'échappant du réservoir rompu a pris feu au contact des gaz d'échappement chauds ou à partir d'un arc électrique produit par un court-circuit du cablâge électrique dans le compartiment moteur.
À l'origine, l'avion avait été conçu avec un réservoir à carburant en fibre de verre, et il était équipé de ce réservoir au moment de l'accident. L'avion n'était pas équipé d'un réservoir à carburant souple, comme le recommandait l'avionneur (bulletin de service no 878 publié par Piper Aircraft le 18 janvier 1988). L'installation d'un réservoir souple avait été recommandée afin de réduire les dommages au réservoir en fibre de verre en cas d'accident. Cependant, aucune consigne de navigabilité n'avait été publiée pour rendre une telle installation obligatoire. À la suite de plusieurs incendies similaires ayant éclaté après un impact, Transports Canada a publié le rapport de difficulté en service AL-91-08 en date du 16 décembre 1991 dans lequel Transports Canada « recommande fortement » que les propriétaires et les exploitants d'avions Piper PA-25 remplacent le réservoir d'origine par un réservoir souple tel que mentionné dans le bulletin de service no 878. Transports Canada a également signalé l'existence du bulletin de service no 878 dans un article paru dans le numéro 3/92 du bulletin Sécurité aérienne - Mainteneur.
Les commandes de régime et de mélange de l'avion accidenté ont conservé leur intégrité. Le câble de commande du réchauffage carburateur s'est rompu entre le bras de commande et le blindage extérieur du câble. La commande du réchauffage carburateur est équipée d'un cran à ressort de rappel aux positions réchauffage maximum et minimum. Le morceau du câble de commande qui s'est rompu est demeuré solidement attaché au bras de commande, et le papillon de la commande du réchauffage carburateur a été trouvé en position neutre, environ à mi-chemin entre les crans.
Pendant l'impact, la partie supérieure du boîtier du réchauffage carburateur s'est enfoncée vers le bas et a pris la forme d'un V, gênant du même coup la course du papillon du carburateur. Même si la déformation du boîtier du carburateur aurait eu comme résultat le déplacement de la vanne de commande du réchauffage carburateur de la position réchauffage maximum à la position neutre, on n'a trouvé aucune marque évidente qui indiquerait que le matériau du boîtier aurait touché la vanne. Il est probable que le câble s'est rompu lorsque le pilote a déplacé la commande du réchauffage carburateur de la position réchauffage minimum à réchauffage maximum.
Les surfaces fracturées du câble de commande du réchauffage carburateur ont subi les effets de l'incendie qui a éclaté après l'impact, ce qui a masqué certaines caractéristiques de la fracture. Il était toutefois évident que le câble avait déjà été affaibli par des criques de fatigue. De plus, le câble de commande montrait des signes d'usure uniforme et répétitive, ce qui a réduit le diamètre du câble à plusieurs endroits. Les parties du câble qui s'est rompu ainsi qu'une section du blindage extérieur ont été envoyées au Laboratoire technique du BST afin de confirmer le mode de défaillance et le mode de rupture. Une inspection et des analyses ont permis de déterminer que les contacts par vibration entre le câble de commande et le diamètre intérieur du blindage bobiné extérieur ont donné naissance aux points d'usure répétitive sur le câble de commande. Les criques de fatigue du câble de commande ont pris naissance à l'un de ces points d'usure, et la fatigue a persisté jusqu'à ce que le câble affaibli se rompe en surcharge. L'usure du câble de commande du réchauffage carburateur est probablement passée inaperçue lors de l'inspection et de la certification annuelle de l'avion qui avait eu lieu environ 60 heures de vol avant l'accident.
Le démontage et l'inspection du moteur n'ont révélé aucune anomalie qui aurait pu provoquer la perte totale de puissance subie par le moteur. Après l'accident, les quatre cylindres étaient toujours en mesure de fournir la compression nécessaire, il n'y avait aucune défaillance mécanique des trains d'engrenages principal ou d'accessoires et les magnétos étaient en mesure de fournir les étincelles électriques au bon moment.
Le centre d'observation météorologique le plus près est situé à Brandon (Manitoba), à quelque 25 milles marins au sud-est du lieu de l'accident. À 20 h, la température était de 15 degrés Celsius (°C) et le point de rosée, de 7 °C. À 21 h, la température était de 13 °C et le point de rosée, de 9 °C. À 21 h, à Dauphin, qui est situé à environ 78 milles marins au nord-est du lieu de l'accident, la température était de 13 °C et le point de rosée, de 8 °C. Lorsqu'on porte ces températures et ces points de rosée sur le diagramme de givrage de carburateur, qui se trouve dans la Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) de Transports Canada, les résultats indiquent que ces conditions peuvent donner lieu à du givrage intense à tout régime. Harding, là où l'accident a eu lieu, est situé au nord-ouest de Brandon et au sud-ouest de Dauphin. Selon toute vraisemblance, des températures et des points de rosée similaires prévalaient à Harding au moment de l'accident.
Analyse
Le démontage et l'inspection du moteur n'ont révélé aucune anomalie qui aurait pu provoquer la perte totale de puissance subie par le moteur. L'incendie alimenté par le carburant qui a éclaté sur le lieu de l'accident indique que l'avion avait amplement de carburant, et la source de carburant de l'avion était propre et du bon indice. Il est donc peu probable que la perte de puissance du moteur ait été causée par une défaillance mécanique, une contamination du carburant ou une panne sèche.
Il est probable que le carburateur de l'avion accidenté a été contaminé par du givrage d'une importance telle que le moteur a perdu toute sa puissance. L'avion était exploité dans des conditions qui favorisaient le givrage intense du carburateur à tout régime. La mise en marche du réchauffage carburateur ne fait pas disparaître instantanément le givrage du carburateur; il faut du temps au réchauffage carburateur pour faire fondre le givre. La vanne du réchauffage carburateur a été trouvée en position neutre, soit en raison des dommages subis à l'impact, soit en raison de la défaillance du câble lorsque la commande du réchauffage carburateur a été placée en position réchauffage maximum. Le moteur a subi une perte de puissance alors que l'avion se trouvait à 300 pieds au-dessus du sol. La position neutre de la vanne du réchauffage carburateur signifie que le circuit aurait mis plus de temps à faire fondre la glace dans le carburateur. Cependant, étant donné la basse altitude à laquelle se trouvait l'avion, le réchauffage maximum n'aurait sans doute pas pu faire fondre la glace suffisamment vite pour que le pilote puisse empêcher l'avion de s'écraser.
La fracture et les nombreux endroits où l'usure était visible sur le câble de commande du réchauffage carburateur étaient situés à un point du câble qui est au-delà du blindage extérieur lorsqu'on met en marche le réchauffage carburateur, c'est pourquoi il est probable que l'usure n'a pas été détectée lors de l'inspection annuelle.
Le pilote a continué son virage et a prolongé son plané dans l'espoir d'atteindre un chemin non loin de là, ce qui a réduit la vitesse de l'avion à un point tel que l'avion a décroché et est descendu jusqu'au sol alors que le pilote n'en avait plus la maîtrise. Les forces d'impact auraient sans doute été beaucoup moins importantes si le pilote avait posé l'avion droit devant, dans le champ de blé, en étant toujours maître de la situation.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 89/00 - Carburettor heat control cable (Câble de commande du réchauffage carburateur).
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Selon toute vraisemblance, le moteur de l'avion a subi une perte de puissance en raison du givrage du carburateur.
- À la suite de la perte de puissance, le pilote a laissé la vitesse de l'avion diminuer à un point tel que l'avion a décroché et est descendu jusqu'au sol alors que le pilote n'en avait plus la maîtrise.
- Étant donné la basse altitude à laquelle la panne s'est produite, il est peu probable que le givrage du carburateur aurait pu être éliminé grâce à la mise en marche du réchauffage maximum.
Faits établis quant aux risques
- Le câble du réchauffage carburateur a été affaibli en raison de l'usure par frottement et des effets de la fatigue. Cet affaiblissement a causé la rupture du câble, soit à l'impact à partir de la position neutre, soit lorsque le pilote a sélectionné le réchauffage carburateur.
- L'usure par frottement subie par le câble de commande du réchauffage carburateur est sans doute passée inaperçue lors de l'inspection et de la certification annuelle, qui ont eu lieu environ deux mois ou 60 heures de vol avant l'accident.
- L'avion n'était pas équipé d'un réservoir à carburant souple optionnel, lequel avait été recommandé par l'avionneur le 18 janvier 1988.
Le présent rapport met fin à l'enquête du BST sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .