Impact sans perte de contrôle (CFIT)
au Dassault-Breguet Falcon 20E N184GA
de Grand Aire Express Inc.
à 0,5 nm à l'ouest de l'aéroport de
Peterborough (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Falcon 20E de Dassault-Breguet effectuait un vol d'affrètement non régulier de transport de fret entre l'aéroport de Willow Run (Détroit, Michigan, aux États-Unis) et Peterborough (Ontario), de nuit selon les règles de vol aux instruments, dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. Alors qu'il approchait de sa destination, l'équipage de conduite a reçu l'autorisation de faire une approche au radiophare non directionnel (NDB) en vue de se poser sur la piste 09 de l'aéroport de Peterborough. Pendant l'approche, l'équipage de conduite n'a pas réussi à établir le contact visuel avec la piste et il a fait une approche interrompue.
Le centre de contrôle régional de Toronto a autorisé l'équipage à faire une autre approche semblable. Pendant l'approche, l'équipage a établi le contact visuel avec la piste et a aligné l'appareil pour atterrir sur la piste 09. L'appareil a touché des roues à mi-piste, et le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes, a décidé d'interrompre l'atterrissage. Il a ensuite effectué un circuit à vue à gauche pour tenter un autre atterrissage. Lorsque l'appareil a viré en finale, l'approche est devenue déstabilisée, et l'équipage a décidé de remettre les gaz, mais l'appareil s'est mis en piqué, s'est incliné sur la gauche et a percuté le sol. L'avion a poursuivi sa course sur 400 pieds dans un champ et a heurté des arbres avant de s'immobiliser à quelque 2 000 pieds avant le seuil de la piste 09. Il a fini sa course le nez en direction opposée. L'appareil a été lourdement endommagé. L'accident n'a pas fait de blessés graves.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
L'appareil avait décollé de Louisville (Kentucky, aux États-Unis) et avait atterri à Marion (Ohio, aux États-Unis) où il avait pris à son bord quelque 900 livres de pièces d'automobile. Il avait ensuite décollé de Marion, puis atterri à l'aéroport de Willow Run (Détroit, aux États-Unis) pour se ravitailler en carburant et passer à la douane afin de quitter les États-Unis. Le premier officier a communiqué avec la station d'information de vol (FSS) de Lansing (Michigan, aux États-Unis) pour vérifier les conditions météorologiques qui prévalaient à Peterborough (Ontario) et à l'aéroport de dégagement situé à Muskoka (Ontario), puis il a déposé un plan de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR). Au décollage de l'aéroport de Willow Run, le premier officier était en place gauche en tant que pilote aux commandes désigné, et le commandant de bord était en place droite en qualité de pilote non aux commandes. À cause des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) signalées à Peterborough, en début de descente vers Peterborough, l'équipage de conduite a décidé que le commandant de bord serait le pilote aux commandes et que le premier officier assumerait les fonctions de pilote non aux commandes.
L'équipage de conduite s'est préparé à effectuer une approche au radiophare non directionnel (NDB) en vue de se poser sur la piste 09 de l'aéroport de Peterborough. Il a également abordé la procédure d'approche interrompue publiée à suivre en cas d'atterrissage interrompu à cet aéroport. À 22 h 14, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1, le centre de contrôle régional (ACC) de Toronto a autorisé l'équipage de conduite à effectuer l'approche. Selon l'information recueillie, l'appareil est descendu jusqu'à l'altitude minimale de descente (MDA) pendant la première approche. En regardant vers le sud, l'équipage de conduite a aperçu l'aéroport et il a choisi d'effectuer l'approche interrompue publiée. À l'aéroport, le personnel au sol qui attendait le vol n'a pas vu l'appareil, mais il l'a entendu quand il est passé au-dessus de l'aérodrome lors de l'approche interrompue. L'ACC de Toronto a autorisé l'avion a faire une deuxième approche à 22 h 30.
Lors de la deuxième approche, l'équipage de conduite a établi le contact visuel avec la piste alors qu'il se trouvait au sud de la trajectoire de rapprochement. Le commandant de bord a aligné l'appareil avec la piste 09 en vue de l'atterrissage. L'appareil a touché des roues à mi-piste, et l'équipage de conduite a choisi d'interrompre l'atterrissage. Plutôt que de suivre la procédure d'approche interrompue publiée, le commandant de bord a fait un circuit à vue à gauche, à 1 300 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), selon l'information recueillie, c'est- à-dire à l'altitude minimale d'approche indirecte pour cette catégorie d'appareil. Ce circuit a été fait près de l'aéroport pour permettre à l'appareil de faire un virage continu pour passer de l'étape vent arrière à l'étape finale. Lorsque l'appareil a viré en finale, l'indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI) indiquait que l'appareil se trouvait trop bas. Le commandant de bord a alors dit au premier officier qu'il fallait descendre plus bas. Au moment où le PAPI est devenu complètement rouge, l'équipage de conduite a décidé de faire une approche interrompue, et le commandant de bord a mis pleins gaz pour remonter. Quelques secondes plus tard, l'appareil s'est mis en piqué, s'est incliné sur la gauche et a percuté le sol.
L'accident s'est produit de nuit vers 22 h 50, par 44°14′ de latitude nord et 078°22′ de longitude ouest, à une altitude de 628 pieds asl.
1.2 Victimes
Équipage | Passagers | Tiers | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | - | - | - | - |
Blessés graves | - | - | - | - |
Blessés légers/indemnes | 2 | - | - | 2 |
Total | 2 | - | - | 2 |
1.3 Dommages à l'aéronef
L'avion a été lourdement endommagé lors de l'impact avec les arbres et de sa course dans le champ.
1.4 Autres dommages
Du carburant, de l'huile et du liquide hydraulique se sont répandus et ont pénétré dans le sol, ce qui a légèrement endommagé l'environnement.
1.5 Renseignements sur le personnel
Personnel | Commandant de bord | Premier officier |
---|---|---|
Âge | 52 ans | 30 ans |
Licence | Pilote de ligne | Pilote de ligne |
Date d'expiration du certificat de validation | 1er novembre 2000 | 1er avril 2001 |
Heures totales de vol | 11 800 | 2 300 |
Heures de vol sur type | 9 400 | 150 |
Heures de vol dans les 90 derniers jours | 100 | 120 |
Heures de vol sur type dans les 90 derniers jours | 100 | 120 |
Heures de service avant l'accident | 4,5 | 4,5 |
Heures libres avant la prise de service | 72 | 72 |
1.5.1 Le commandant de bord
Le commandant de bord était le pilote instructeur de la compagnie et occupait depuis peu le nouveau poste d'agent de la sécurité aérienne de la compagnie. Il avait subi avec succès un contrôle de compétence pilote (PPC) sur le Falcon 20, et il possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Le commandant de bord était frais et dispos au début du vol. Il venait de bénéficier de trois jours de congé, et le vol ayant mené à l'accident était son premier vol de la journée.
1.5.2 Le premier officier
Il s'agissait d'un vol d'entraînement pour le premier officier qui travaillait depuis quelque temps pour la compagnie qu'il avait quittée en 1997. Il suivait une formation sur type. Il avait récemment obtenu une qualification sur type pour le Falcon 20 à la Flight Safety International de Teterboro (New Jersey, aux États-Unis). Il possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il avait fait deux vols comme membre d'équipage additionnel sur le strapontin pour observer les opérations courantes. C'est lors de l'un de ces vols qu'il a fait la connaissance du commandant de bord.
Le premier officier était frais et dispos au début du vol. Il venait de bénéficier de trois jours de congé, et le vol ayant mené à l'accident était son premier vol de la journée.
1.6 Renseignements sur l'aéronef
Constructeur | Dassault-Breguet |
---|---|
Type et modèle | Falcon 20E |
Année de construction | 1972 |
Numéro de série | 266 |
Certificat de navigabilité | 6 décembre 1994 |
Heures totales de vol cellule | 15 798 |
Moteurs | 2 moteurs General Electric CF-700-2D2 |
Masse maximale autorisée au décollage | 28 660 lb |
Types de carburant recommandés | Jet A, Jet A-1, Jet B |
Type de carburant utilisé | Jet A-1 |
L'aéronef était complet et intact, et fonctionnait normalement avant de heurter les arbres.
1.6.1 Masse et centrage
La masse et le centrage de l'avion se trouvaient dans les limites prescrites.
1.7 Renseignements météorologiques
Le premier officier a obtenu un exposé météorologique de la station d'information de vol (FSS) de Lansing. Les renseignements météorologiques qui prévalaient à l'aéroport de départ (Willow Run de Détroit) et à l'aéroport de destination (Peterborough) ainsi que les conditions météorologiques prévues pour l'aérodrome de dégagement (Muskoka) et pour Toronto ont été transmises.
L'aéroport de Peterborough est desservi par un système automatique d'observation météorologique (AWOS) dont l'utilisation est reconnue et approuvée pour l'aviation. L'exploitation et l'entretien de ce système sont assurés par Environnement Canada pour le compte de Nav Canada en vertu d'un contrat. Voici les rapports de l'AWOS pour Peterborough (CYPQ) :
METAR CYPQ 140000Z AUTO 09009KT 9SM OVC006 16/15 A3001
SPECI CYPQ 140018Z AUTO 09006KT 9SM OVC004 16/15 A3002
SPECI CYPQ 140054Z AUTO 06005KT 3 1/2SM OVC003 15/15 A3001
METAR CYPQ 140100Z AUTO 07006KT 3 1/2SM OVC003 15/15 A3002
METAR CYPQ 140200Z AUTO 05005KT 5SM OVC003 15/15 A3002
SPECI CYPQ 140237Z AUTO 07006KT 9SM OVC005 15/15 A3003
SPECI CYPQ 140238Z AUTO 07005KT 9SM OVC004 15/15 A3003
SPECI CYPQ 140259Z AUTO 05005KT 9SM OVC003 15/15 A3002
Pour ce vol IFR, l'aéroport de dégagement était l'aéroport de Muskoka (CYQA). Les conditions météorologiques prévues à cet aéroport étaient les suivantes : nuages épars à 1 500 pieds et ciel couvert à 3 000 pieds, visibilité supérieure à 6 milles terrestres (sm), ciel couvert à l'occasion avec plafond à 600 pieds et visibilité de 3 sm dans de la pluie faible.
1.8 Aides à la navigation
À l'aéroport de Peterborough, il est possible de faire une approche au NDB sur la piste 09 et de faire une approche au GPS (système de positionnement mondial) sur la piste 27. Le NDB de la piste 09 est situé à quelque 3,8 milles marins (nm) à l'ouest de la piste et est aligné avec la piste. Pour une approche de non-précision sur la piste 09, la MDA est de 1 200 pieds asl (575 pieds au-dessus de la hauteur de la zone de toucher des roues) et la visibilité minimale exigée est de 2 sm.
L'appareil était également équipé d'un GPS d'approche Trimble 2000. Il a été envoyé au Laboratoire technique du BST, puis à son fabricant à des fins de téléchargement de données. Les données de la base de données du GPS étaient valables et la base de données contenait des points de cheminement vers l'aéroport de Peterborough et ses différentes approches.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 66/00 - GPS Download (Téléchargement du GPS).
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
1.9 Télécommunications
Aucun problème de télécommunications n'a été signalé concernant la fréquence de 134,25 MHz de l'ACC de Toronto ou concernant la fréquence de 123,0 MHz du trafic de l'aérodrome.
1.10 Renseignements sur l'aérodrome
L'aéroport de Peterborough est situé au sud-ouest de la ville de Peterborough, et son altitude de référence est de 628 pieds asl. L'aéroport possède deux pistes : la 09/27 et la 13/31. La piste 09/27 mesure 5 000 pieds de long, et sa surface est asphaltée. La piste 13/31 mesure 2 000 pieds de long, et sa surface est gazonnée. Le balisage lumineux de piste était utilisable et il avait été activé par le personnel de l'aéroport. L'aéroport possède également un PAPI pour chacun des deux seuils de la piste 09/27. Les deux pilotes ont affirmé qu'ils voyaient le PAPI lorsque l'appareil a viré en finale, et aucun problème lié à ce système n'a été signalé, que ce soit avant ou après l'accident. La piste 09 est équipée de feux stroboscopiques unidirectionnels d'identification de piste, et ces feux fonctionnaient au moment de l'accident.
1.11 Enregistreurs de bord
L'avion n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR). La réglementation en vigueur n'imposait pas l'emport d'enregistreurs de bord pour ce type d'aéronef.
1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
Alors que l'appareil volait sur un cap magnétique orienté au 090 degrés, il a heurté le sol et une rangée d'arbres de l'aile gauche avant de pénétrer dans un champ. Les marques d'impact sur les arbres révèlent que l'appareil a heurté la rangée d'arbres alors qu'il présentait une inclinaison de quelque 45 degrés à gauche. Les marques au sol révèlent que le train d'atterrissage principal gauche de l'appareil a percuté le sol en premier, creusant un sillon de 1 à 2 pieds de profondeur qu'il a laissé sur presque toute la distance de 400 pieds parcourue par l'avion. L'avion a percuté une autre rangée d'arbres de l'aile droite, ce qui a fait pivoter l'avion sur 180 degrés avant de s'immobiliser sur un cap magnétique orienté au 270 degrés. Les deux ailes ont été arrachées à 10 pieds de leur saumon d'aile respectif, et le train d'atterrissage a été endommagé. Les deux moteurs ont subi de graves dommages, et l'ingestion de boue et de morceaux d'arbres a provoqué l'arrachement de nombreuses pales de soufflante. Certains interrupteurs de ravitaillement ont été trouvés sur des positions anormales pour l'atterrissage, mais cela n'a eu aucun effet sur le fonctionnement de l'appareil. Le calage de l'altimètre du premier officier ne correspondait pas à celui de l'altimètre du commandant de bord. L'altimètre du premier officier était calé à 30,90, alors que le calage altimétrique réel était de 30,02, ce qui signifie que l'altimètre affichait 880 pieds de plus que la hauteur réelle. L'aéronef n'était pas équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT), et la réglementation en vigueur n'en imposait pas l'emport.
1.13 Incendie
Il n'y a pas eu d'incendie, ni avant ni après l'impact.
1.14 Renseignements sur l'organisme et sur la gestion
La compagnie aérienne était titulaire d'un certificat d'exploitation aérienne en état de validité en date du 23 juillet 1986 ayant été délivré par la Federal Aviation Administration et le ministère des Transports des États-Unis. La base d'exploitation de la compagnie aérienne se trouve à l'aéroport express de Toledo, à Swanton (Ohio). La compagnie exploite 24 appareils, dont 13 Falcon 20. Le Falcon 20 est exploité en vertu de la Partie 135 des Federal Aviation Regulations (FAR).
1.15 Renseignements additionnels
1.15.1 Gestion des ressources de l'équipage
Pendant le vol, l'équipage de conduite a préparé l'approche ainsi que la procédure d'approche interrompue. Au cas où l'appareil ne réussirait pas à se poser à l'aéroport, il devait effectuer l'approche interrompue publiée qui consistait à monter jusqu'à 2 700 pieds sur un cap orienté au 087 degrés, à revenir au NDB de l'aéroport de Peterborough et à rester à l'est du NDB sur un cap de rapprochement orienté au 267 degrés. Lors de la première approche, l'appareil se trouvait au nord de la route prévue quand l'équipage a établi le contact visuel avec l'aéroport. L'équipage a alors amorcé la procédure d'approche interrompue, ce qui est la procédure IFR prévue. Lors de la seconde approche, l'équipage se trouvait au sud de la route de rapprochement prévue quand il a établi le contact visuel avec la piste et qu'il a dû faire des manoeuvres pour aligner l'appareil avec la piste en vue de l'atterrissage. Pour ce faire, il a dû modifier de façon importante l'inclinaison latérale et le tangage de l'appareil. Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie, basées sur le paragraphe FAR 91.175 (c) (1), stipulent que les critères d'exploitation de l'appareil au-dessous de la hauteur de décision (DH) ou de la MDA sont les suivants :
Après l'atterrissage interrompu, l'appareil a effectué un circuit vers la gauche. Le premier officier ne s'y attendait pas; il croyait plutôt que l'appareil effectuerait l'approche interrompue publiée. Il n'a cependant pas remis en question la décision du commandant de bord au sujet de cette manoeuvre et ne lui a pas demandé non plus pourquoi il n'effectuait pas l'approche interrompue publiée dont ils avaient discuté plus tôt. Lors du circuit, le premier officier et le commandant de bord n'ont pas perdu le contact visuel avec la piste. Lorsque l'appareil a fait le virage en finale, le premier officier a signalé au commandant de bord que le PAPI indiquait que l'appareil était trop bas. Tout en continuant de piloter, le commandant de bord a fait un balayage visuel des instruments de bord et des repères par rapport à la piste. Après le commentaire du premier officier concernant l'altitude, le commandant de bord l'a contredit en lui disant qu'il fallait descendre plus bas, ce qui a décontenancé le premier officier qui, une fois de plus, n'a pas remis en question la décision du commandant de bord. Quelques secondes plus tard, le commandant de bord s'est rendu compte que le PAPI indiquait que l'appareil était trop bas, et il a amorcé une approche interrompue.
1.15.2 Illusion somatogravique
Aucun pilote n'est à l'abri des effets de la désorientation spatiale quand il vole dans des conditions IMC. Ce phénomène est lié à de nombreux facteurs, comme les performances de l'aéronef ainsi que l'expérience et l'état de santé du pilote. L'extrait qui suit est tiré du livre Fundamentals of Aerospace Medicine et donne des détails sur le phénomène de désorientation ou d'illusion spatiale dont a pu être victime le pilote de l'avion accidenté sous l'effet des forces d'accélération qu'il a subies lors de la remise des gaz.
[TRADUCTION] Les organes otolithiques (oreille interne) sont responsables d'un ensemble d'illusions connues sous le nom d'illusions somatograviques. Le mécanisme des illusions de ce type entraîne le déplacement des membranes otolithiques sur leur macule sous l'effet des forces d'inertie de façon à signaler une fausse orientation lorsque la force d'inertie gravitationnelle résultante est perçue comme étant gravitationelle (donc verticale). L'exemple le plus courant de ces illusions, à savoir l'impression d'être en cabré après le décollage dans des conditions de visibilité réduite, est peut-être celui qui illustre le mieux le mécanisme qui entre en jeu.
Prenons le pilote d'un avion à hautes performances qui attend en bout de piste, prêt à décoller. À ce moment-là, la force de gravité est la seule force qui agit sur ses membranes otolithiques, et la position de ces membranes sur leurs macules indique avec précision que le bas se trouve vers le plancher de l'avion. Supposons maintenant que l'avion accélère en descendant la piste, qu'il fasse sa rotation, qu'il décolle, que le train et les volets soient rentrés et que l'appareil conserve une accélération avant de 1 g jusqu'à ce qu'il atteigne la vitesse ascensionnelle désirée. L'accélération de 1 g qui se produit entraîne un déplacement des membranes otolithiques vers l'arrière de la tête du pilote. En fait, la nouvelle position de ces membranes est presque la même que si le pilote avait mis son avion en cabré de 45 degrés, car la nouvelle direction du vecteur de la force de gravité qui en résulte (si l'on ne tient pas compte de l'angle d'attaque et de l'angle de montée) fait un angle de 45 degrés en arrière par rapport à la verticale de la force de gravité. Naturellement, la perception de l'assiette en tangage à partir de l'information fournie par les organes otolithiques du pilote est celle d'un cabré de 45 degrés, et l'information que le pilote obtient grâce à ses sens proprioceptifs non vestibulaires et mécanoréceptifs cutanés encourage cette fausse perception, car les organes sensoriels auxquels font appel ces sens réagissent également à la direction et à l'intensité de la force d'inertie gravitationnelle résultante.
Compte tenu de cette très forte sensation de cabré qui est alors présente, si elle n'est pas à toute fin pratique remise en question par les indices d'orientation visuelle focale de l'indicateur d'assiette, le pilote aura tendance à mettre l'avion en piqué pour éliminer cette sensation de cabré non souhaitée. Les pilotes qui succombent à cette tentation s'écrasent en piqué à quelques milles au-delà de l'extrémité de piste. Mais, parfois, on les voit descendre en piqué au-dessous du couvert nuageux et tenter, trop tard, de remonter, même s'ils retrouvent soudain la bonne orientation en apercevant le sol.
On croit que l'illusion somotogravique au décollage est à l'origine de plus d'une douzaine d'écrasements. Un appareil relativement lent qui passe de 100 à 130 noeuds en 10 secondes, juste avant de décoller, exerce 0,16 g sur le pilote. Même si la force résultante n'est que de 1,01 g, force à peine supérieure à la force de gravité, elle est exercée à 9 degrés vers l'arrière, ce qui produit un cabré de 9 degrés pour un pilote imprudent. La montée initiale de nombreux appareils lents s'effectuant à 6 degrés ou moins, une compensation de l'inclinaison longitudinale de 9 degrés vers le bas placerait de tels appareils dans un angle de descente d'au moins 3 degrés, ce qui correspond à une pente d'approche finale normale. En l'absence d'un horizon naturel visible à l'extérieur ou, pire encore, en présence d'un faux horizon visuel (comme la rive d'un plan d'eau) défilant sous l'avion et renforçant l'illusion vestibulaire, il se peut que le pilote ne puisse résister à la tentation de pousser sur le manche. Ce genre de situation s'est produit tellement souvent à un aéroport civil en particulier qu'une note a été placée sur les cartes de navigation pour mettre en garde les pilotes qui décollent de cet aéroport du danger de perte de référence d'assiette qui les guette.Note de bas de page 2
2.0 Analyse
2.1 Introduction
Les membres de l'équipage de conduite possédaient les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol. L'aéronef était complet et intact, et fonctionnait normalement avant de heurter les arbres. L'analyse portera sur les renseignements météorologiques, la prise de décision, la gestion des ressources de l'équipage ainsi que sur la désorientation spatiale.
2.2 Renseignements météorologiques
Les renseignements sur les conditions météorologiques qui prévalaient à l'aéroport de Peterborough ont été transmis à l'équipage de conduite à 22 h 14 par le contrôleur de l'ACC de Toronto, lorsque ce dernier a autorisé l'approche initiale. L'AWOS signalait que le plafond était à 300 pieds avec un ciel couvert, mais des rapports spéciaux émis avant et après l'accident indiquaient que la hauteur du plafond variait entre 300 et 500 pieds et que la visibilité était bonne. Cela explique pourquoi, pendant la première approche, le personnel au sol n'a pu apercevoir l'appareil quand il est passé au-dessus de l'aérodrome à 1 200 pieds asl (575 pieds au-dessus du sol (agl)) même s'il pouvait l'entendre.
2.3 Prise de décision et gestion des ressources de l'équipage
Conformément à l'exposé concernant l'approche, après avoir interrompu sa première approche, l'équipage de conduite a effectué l'approche interrompue publiée. Pendant cette seconde approche, l'appareil se trouvait au sud de la trajectoire de rapprochement et le commandant de bord a dû effectuer les manoeuvres nécessaires pour aligner l'avion avec la piste 09. D'après l'inclinaison de l'appareil au cours de ces manoeuvres et le point de toucher des roues sur la piste, pendant la seconde approche, l'appareil ne s'est en aucun temps trouvé dans une position permettant à l'équipage de poser l'appareil sur la piste en toute sécurité, et il aurait été prudent d'effectuer une seconde approche interrompue. La poursuite de l'approche déstabilisée n'était pas conforme aux SOP de la compagnie ni au paragraphe FAR 91.175 (c) (1).
L'appareil a touché des roues à mi-piste, et vu que la longueur de piste restante était insuffisante pour que l'appareil puisse se poser en toute sécurité, le commandant de bord a choisi d'interrompre l'atterrissage. Le premier officier s'attendait à ce que le commandant de bord effectue alors une autre approche interrompue publiée, mais, selon l'information recueillie, il a plutôt effectué un circuit à vue vers la gauche, à l'altitude minimale d'approche indirecte de 1 300 pieds asl (672 pieds agl). D'après les rapports météorologiques de l'AWOS, au moment de l'accident, le plafond se trouvait à 400 pieds agl. Il est peu probable que l'avion ait atteint cette hauteur à un moment donné pendant le circuit à vue, car l'appareil se serait probablement trouvé dans les nuages. Quand il s'est rendu compte que la trajectoire de l'appareil différait de celle dont il avait discuté avec le commandant de bord, le premier officier n'a pas posé de questions au commandant de bord.
Vu que le circuit à gauche a été fait très proche de la piste 09, l'appareil a dû effectuer un virage continu pour passer de l'étape vent arrière à l'étape finale. Pendant que le premier officier en place gauche exerçait la surveillance extérieure, le commandant de bord a balayé du regard les instruments de bord et l'extérieur de l'appareil. Lorsque l'appareil a fait le virage en finale, le premier officier a regardé le PAPI et a signalé au commandant de bord que l'appareil se trouvait trop bas. Lorsque le commandant de bord a dit qu'il voulait descendre plus bas, le premier officier a été décontenancé, mais une fois de plus il n'a rien dit. Quand le commandant de bord s'est rendu compte que le PAPI indiquait que l'appareil était trop bas, il a amorcé une approche interrompue.
La compagnie dispensait, et dispense toujours, aux équipages de conduite une formation interne en gestion des ressources de l'équipage. Même s'il s'agissait d'un vol d'entraînement et même si c'était la première fois que les deux pilotes volaient ensemble comme membres d'équipage de conduite, les procédures de base qui ont été suivies (comme le passage en revue des listes de vérifications et le réglage des altimètres au calage altimétrique approprié) n'étaient pas conformes aux SOP de la compagnie. Ce non-respect des SOP de la compagnie et le manque de coordination et de communication entre les membres de l'équipage de conduite après l'atterrissage interrompu révèlent qu'une amélioration s'impose en matière de gestion des ressources de l'équipage.
2.4 Désorientation spatiale
L'appareil volait dans des conditions IMC de nuit avec peu de repères visuels vers l'aéroport. Pendant l'approche interrompue au terme de la troisième tentative d'atterrissage à l'aéroport de Peterborough, le commandant de bord a mis pleins gaz. Selon toute vraisemblance, le commandant de bord a mal interprété les forces d'accélération qu'il a subies et comme il ne surveillait pas bien les instruments de bord, l'appareil s'est incliné sur la gauche et a piqué du nez. Les marques d'impact sur les arbres révèlent que l'avion était incliné d'environ 45 degrés à gauche quand il a heurté les arbres. Les marques au sol révèlent que l'appareil était en cabré quand il a heurté le sol.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Lors de la deuxième approche, le commandant de bord a tenté de poursuivre l'atterrissage, ce qui n'était pas conforme aux procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie ni aux exigences des Federal Aviation Regulations, car l'approche n'était pas stabilisée et la position de l'appareil ne permettait pas de poursuivre l'atterrissage en toute sécurité.
- Après l'atterrissage interrompu, l'équipage de conduite a effectué une approche indirecte de la piste 09 plutôt que la procédure d'approche interrompue prévue.
- Pendant la remise des gaz après la troisième tentative d'atterrissage qui a échoué, il semble que le pilote ait perdu conscience de la situation parce qu'il a été victime d'une illusion somatogravique.
- La mauvaise coordination entre les membres de l'équipage après l'atterrissage interrompu, le manque de planification et de communication en vue de l'approche suivante, le vol dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) de nuit avec peu de repères visuels et la mauvaise surveillance des instruments de bord ont contribué à la perte de conscience de la situation.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
Après l'accident, la compagnie a demandé à son service des opérations aériennes de dresser une liste des aéroports réglementés où le mauvais temps et/ou l'expérience des équipages de conduite pouvaient présenter des risques inacceptables.
La compagnie a par la suite informé les équipages de conduite de ses Falcon que le croisement des manoeuvresNote de bas de page 3 dans le poste de pilotage était inacceptable dans les régions terminales d'aéroport, quand les conditions météorologiques sont inférieures aux conditions minimales de vol à vue.
La compagnie a fourni les directives suivantes à tous ses équipages de conduite :
- Il doit être clair qu'une autorisation IFR permettant d'effectuer une approche directe ne constitue pas une autorisation permettant d'effectuer une manoeuvre d'approche indirecte, à moins d'une autorisation spécifique de la part du contrôle de la circulation aérienne (ATC).
- Après deux tentatives d'atterrissage, si la météo ou les procédures d'approche empêchent l'atterrissage, une troisième approche ne doit pas être entreprise avant une amélioration de la météo. Les équipages doivent effectuer l'approche interrompue publiée, se mettre en attente ou se dérouter vers l'aéroport de dégagement, selon les directives de l'ATC. Si l'approche interrompue publiée ou l'atterrissage interrompu sont dus au trafic sur l'aéroport ou à la présence d'un obstacle sur la piste, il demeure tout de même possible de faire une autre approche.
- Il faut passer en revue la méthode de calcul d'un point de descente à vue (VDP) ou d'un point de descente calculé (CDP). Cette directive ne s'applique qu'aux approches directes de non-précision. Si un VDP/CDP est atteint et que le terrain d'aviation n'est pas visible ou si l'appareil ne se trouve pas dans une position pour amorcer une descente en vue d'atterrir, la procédure d'approche interrompue doit être amorcée, à moins que l'ATC n'autorise l'équipage à suivre une autre procédure de dégagement.
La compagnie a chargé son responsable de la formation de coordonner un cours pratique de gestion des ressources de l'équipage (CRM) en collaboration avec la Flight Safety International ou la SimuFlite. Le service de formation de la compagnie élaborera d'autres cours qu'il incorporera à ses programmes de formation initiale et périodique.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A – Sigles et abréviations
- ACC
- centre de contrôle régional
- agl
- au-dessus du sol
- asl
- au-dessus du niveau de la mer
- ATC
- contrôle de la circulation aérienne
- AWOS
- système automatique d'observation météorologique
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- CDP
- point de descente calculé
- CRM
- gestion des ressources de l'équipage
- DH
- hauteur de décision
- FAA
- Federal Aviation Administration
- FAR
- Federal Aviation Regulations
- g
- facteur de charge
- GPS
- système de positionnement mondial
- h
- heure
- IFR
- règles de vol aux instruments
- IMC
- conditions météorologiques de vol aux instruments
- lb
- livre
- MDA
- altitude minimale de descente
- MHz
- mégahertz
- NDB
- radiophare non directionnel
- nm
- mille marin
- PAPI
- indicateur de trajectoire d'approche de précision
- sm
- mille terrestre
- SOP
- procédures d'utilisation normalisées
- ′
- minute
- ″
- seconde
- °
- degré