Intrusion sur une piste
du Airbus Industrie A319-114 C-FYJG
d'Air Canada
à l'aéroport international de Montréal (Dorval) (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'avion de transport régional (Regional Jet) de Bombardier qui assurait le vol 381 (ACA381) d'Air Canada était en approche pour se poser sur la piste 24 droite (24R) de l'aéroport international de Montréal (Dorval). Le Airbus A319 de Airbus Industrie qui assurait le vol 567 (ACA567) d'Air Canada se préparait à décoller de l'aéroport de Dorval à destination de Denver, au Colorado (États-Unis). À 8 h 33, heure avancée de l'Est, ACA567 a contacté le contrôleur des autorisations sol et a reçu une autorisation IFR et des directives selon lesquelles il devait décoller sur la piste 24 gauche (24L). Lors du collationnement de l'autorisation, un membre de l'équipage de conduite de ACA567 a relu piste 24 droite (24R) au lieu de 24L, mais le contrôleur n'a pas remis cet énoncé en question. Lorsque ACA567 a contacté le contrôleur sol, qui occupait également le poste de contrôleur des autorisations sol, ce dernier lui a ordonné de rouler jusqu'à la piste 24R et lui a par la suite demandé de contacter la tour lorsqu'il serait arrivé à la plate-forme d'attente de la piste 24R.
Après son arrivée à la plate-forme d'attente de la piste 24R, l'équipage de ACA567 a signalé au contrôleur d'aéroport qu'il était « avec lui ». Quelque 30 secondes plus tard, le contrôleur d'aéroport a autorisé ACA567 à rouler jusqu'au point d'attente de la piste 24L. L'équipage de ACA567 a accusé réception de cette autorisation sans répéter le numéro de la piste et il a roulé jusqu'au point d'attente de la piste 24R. ACA381, qui se trouvait à un mille et demi en approche finale de la piste 24R, a été autorisé à atterrir par le contrôleur d'aéroport qui a par la suite remarqué la présence de ACA567 sur la piste 24R. Le contrôleur d'aéroport a alors autorisé ACA567 à décoller immédiatement, ce que l'équipage a fait. Toutefois, l'équipage de ACA381, jugeant qu'il lui était impossible d'atterrir en toute sécurité, a remis les gaz alors que l'appareil se trouvait à quelque 500 pieds au-dessus du sol.
Renseignements de base
Pendant la matinée, le surveillant de la tour agissait comme contrôleur d'aéroport. Il possédait 20 ans d'expérience en qualité de contrôleur de la circulation aérienne et il était qualifié depuis 16 ans pour travailler à la tour de Dorval. Deux autres contrôleurs étaient en service, mais au moment de l'incident, l'un d'entre eux faisait une pause. Celui qui était en service agissait comme contrôleur des autorisations sol et comme contrôleur sol. Le surveillant de la tour agissait comme contrôleur d'aéroport et comme coordonnateur radar. Pour simplifier les choses et diminuer la charge de travail du contrôle sol, le contrôleur d'aéroport s'était entendu avec les autres contrôleurs de la tour et avec le contrôleur des départs du centre de contrôle régional (ACC) de Montréal pour suivre une procédure normalisée voulant que tous les départs s'effectuent sur la piste 24L, et toutes les arrivées, sur la piste 24R. Les aéronefs de l'aviation générale devaient utiliser la piste 24L pour les arrivées et pour les départs. Au moment de l'incident, le volume du trafic était modéré et d'une complexité moyenne.
Dans les directives IFR (vol aux instruments) de départ qui ont été transmises à ACA567 en même temps que l'autorisation IFR, c'est la piste 24L qui était indiquée, mais ACA567 a relu 24R. Le contrôleur des autorisations sol a noté le changement et l'a accepté. Il a alors modifié la fiche de progression de vol de ACA567 sur laquelle figuraient les renseignements d'autorisation imprimés et les renseignements écrits concernant les pistes, en remplaçant la lettre « L »à côté du nombre 24 par la lettre « R ». Les pilotes d'avions lourds demandent souvent de décoller sur la piste 24R, car cette piste offre une distance utilisable au décollage plus longue de quelque 1 300 pieds. L'équipage en cause dans l'incident n'a pas demandé verbalement à utiliser la piste 24R, mais lors du collationnement de l'autorisation, il a relu 24R au lieu de 24L.
La rubrique 902 de la partie 9, Rédaction des fiches de progression de vol, du Manuel d'exploitation - Contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC)) de Nav Canada stipule que les informations qui ne sont plus valables doivent être biffées d'un simple trait et que les inscriptions ne doivent être ni effacées ni surchargées. Le chapitre 3 des Directives d'exploitation de la tour de Montréal stipule que les informations à corriger sur une fiche de progression de vol doivent être biffées d'un trait horizontal et que les nouvelles informations doivent être inscrites dans l'espace libre. La fiche de progression de vol de ACA567 n'a pas été modifiée conformément aux directives.
La procédure établie pour les départs et les arrivées à Dorval avait déjà fait l'objet d'une coordination. Toutefois, les directives d'exploitation de Dorval ne stipulent pas qu'il faut donner un exposé aux autres contrôleurs ou aux autres personnes concernées sur les modifications apportées aux procédures établies ni que les fiches de progression de vol doivent être annotées de façon lisible et très claire pour attirer l'attention du lecteur sur les modifications. Le contrôleur sol n'a pas prévenu le contrôleur d'aéroport qu'il avait autorisé un appareil à décoller de la piste 24R, et le contrôleur d'aéroport n'a pas remarqué que le numéro de piste avait été modifié sur la fiche de progression de vol de ACA567.
En juillet 2000, le BST a transmis à Nav Canada l'avis de sécurité aérienne A000035 (relatif au rapport no A99H0003 du BST) qui soulignait les risques liés à l'utilisation de pratiques de contrôle ad hoc, en particulier lorsqu'il n'y a pas de communication entre les contrôleurs. Nav Canada a réagi en publiant le bulletin de sécurité des Services de la circulation aérienne numéro 2000-3 (entrant en vigueur le 26 octobre 2000) concernant les dérogations aux procédures établies. Ce document signale les risques liés à ces pratiques et souligne l'importance de prendre des mesures pour empêcher l'accroissement des risques, quand il arrive qu'une dérogation aux procédures établies est jugée nécessaire. Ce bulletin a été publié deux mois après l'incident qui fait l'objet du présent rapport.
Vers 9 h 14, heure avancée de l'Est, quand ACA567 a contacté le contrôleur d'aéroport après le transfert effectué par le contrôleur sol, ACA567 a signalé qu'il était « avec lui ». Le contrôleur d'aéroport s'occupait alors de ACA381 qui était en approche finale de la piste 24R, ainsi que de plusieurs autres appareils en vol dans les environs et de trois autres aéronefs au sol. L'appareil du vol 386 de Canadien venait tout juste de se poser sur la piste 24R. L'appareil du vol 1933 de Delta avait été autorisé à décoller de la piste 24L, et le Boeing 737 du vol 869 de Canadien attendait sur la plate-forme d'attente de la piste 24L (voir l'annexe A).
L'appareil du vol 869 de Canadien se trouvait sur la plate-forme d'attente de la piste 24L. Il était peint dans la nouvelle livrée des Lignes aériennes Canadien. De loin, cette livrée ressemble à celle d'Air Canada. (La tour de contrôle de l'aéroport se trouve à quelque deux milles de la plate-forme d'attente de la piste 24L.) Le contrôleur d'aéroport a vu un appareil sur la plate-forme de la piste 24L, là où il s'attendait à voir ACA567. Après plusieurs transmissions, le contrôleur a autorisé ACA567 à s'aligner sur la piste 24L en réponse à l'appel dans lequel il disait qu'il était « avec lui ». ACA567 a accusé réception de l'autorisation, mais il n'a pas répété le numéro de la piste assignée, comme l'exige le manuel d'exploitation d'Air Canada.
Après avoir donné des directives au vol 386 de Canadien pour qu'il dégage la piste 24R et lui avoir demandé de contacter le contrôle sol, le contrôleur d'aéroport s'est concentré sur ACA381 qui était en approche finale de la piste 24R, et il a autorisé cet appareil à atterrir. Il a alors remarqué que ACA567 se trouvait sur la piste 24R plutôt que sur la piste 24L, comme prévu.
Analyse
Quand l'équipage de ACA567 a collationné l'autorisation, le contrôleur des autorisations sol n'a pas remis en question le numéro de piste. Il a modifié la fiche de progression de vol, mais il ne l'a pas fait conformément aux directives pertinentes. Si la fiche avait été modifiée selon les directives, il aurait été plus facile de remarquer la modification. Il se peut que le contrôleur d'aéroport n'ait pas remarqué la modification apportée au numéro de piste à cause de la façon dont la fiche a été modifiée.
Ce matin-là, la procédure consistait à faire décoller tous les aéronefs à partir de la piste 24L, mais la procédure a été modifiée sans coordination ni communication à ce sujet avec l'autre contrôleur. Les directives d'exploitation de la tour de Dorval n'exigent pas que les modifications apportées aux procédures établies soient coordonnées ni que les personnes apportant ces modifications prennent des mesures pour atténuer les dangers que présentent les dérogations aux procédures établies.
Le contrôleur d'aéroport a autorisé ACA381 à atterrir sur la piste 24R pendant que ACA567 roulait jusqu'au point d'attente de cette piste, ce qui révèle que le contrôleur n'a pas effectué un balayage visuel efficace de la piste avant de délivrer l'autorisation d'atterrissage. Le fait qu'un aéronef avec une livrée qui ressemblait à celle d'Air Canada se trouvait sur la plate-forme d'attente de la piste 24L peut avoir fait croire au contrôleur d'aéroport qu'il s'agissait bien de ACA567 qui roulait en direction de la piste qui lui avait été assignée.
Même si ACA567 n'avait pas été autorisé comme tel à rouler jusqu'au point d'attente de la piste 24R, le contrôleur des autorisations sol a accepté le collationnement de l'autorisation pour la piste 24R et, à titre de contrôleur sol, il a ensuite autorisé ACA567 à décoller de cette piste. L'équipage a alors cru que toute autorisation de rouler jusqu'à un point d'attente, ou de décoller, était valable pour la piste 24R. Du fait que le numéro de piste n'a pas été identifiée dans l'accusé de réception de l'autorisation de roulage jusqu'au point d'attente, des mesures n'ont pas pu être prises pour éviter le problème de communication subséquent.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Quand ACA567 a collationné l'autorisation IFR , le contrôleur des autorisations sol n'a pas remis en question la modification au numéro de piste, et en sa qualité de contrôleur sol, il a ordonné à l'équipage de ACA567 de rouler jusqu'à la piste 24R et de contacter la tour lorsqu'il se trouverait sur la plate-forme d'attente de la piste 24R; l'équipage de ACA567 a donc cru qu'il décollerait de la piste 24R.
- L'équipage de ACA567 a obtenu l'autorisation de rouler jusqu'au point d'attente de la piste 24L, mais, croyant qu'il allait décoller de la piste 24R, il a roulé jusqu'au point d'attente de la piste 24R, plaçant ainsi l'appareil sur la piste que devait utiliser ACA381.
- Quand il a obtenu l'autorisation de rouler jusqu'au point d'attente, l'équipage de ACA567 n'a pas relu le numéro de la piste sur laquelle il avait été autorisé à décoller; en conséquence, ni l'équipage de ACA 567 ni le contrôleur d'aéroport n'ont pu déceler l'erreur.
- Le contrôleur d'aéroport a autorisé un appareil à atterrir sur la piste 24R sans s'assurer qu'il n'y avait pas d'autre appareil sur la piste.
Faits établis quant aux risques
- À la tour de Dorval, il n'est pas nécessaire de discuter, avec les autres contrôleurs ou avec les personnes concernées, des modifications apportées aux procédures établies.
- La fiche de progression de vol n'a pas été modifiée conformément au MANOPS ATC de Nav Canada, ce qui peut avoir éliminé un moyen qui aurait permis au contrôleur d'aéroport de se rendre compte que le numéro de piste avait été changé.
Mesures de sécurité
Nav Canada a fait savoir que les cours de perfectionnement périodique donnés au personnel de contrôle de la tour au début du printemps 2001 portaient sur le travail d'équipe, les communications et l'importance de respecter les procédures d'utilisation normalisées.
De plus, les procédures relatives à la rédaction des fiches de progression de vol de la tour de contrôle de Dorval ont été modifiées à l'automne 2000. Maintenant, les procédures stipulent que le numéro de la piste qui a été assignée pour le décollage doit être mis en relief sur la fiche de progression de vol par le contrôleur, chaque fois que la piste n'est pas celle qui serait assignée selon les procédures établies.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes