Événement à l'atterrissage - Atterrissage dur
First Air Boeing 737-210C C-GNWI
Aéroport de Yellowknife
(Territoires du Nord-Ouest)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le vol First Air 953, assuré par le Boeing 737-210C portant le numéro de série 21066, effectuait la liaison régulière entre Edmonton (Alberta) et Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest). À son bord se trouvaient 2 membres d'équipage de conduite, 4 membres d'équipage de cabine et 98 passagers. Le vol est parti d'Edmonton à 11 h 30, heure avancée des Rocheuses, et la durée prévue en route était de 1 heure et 35 minutes. Alors que l'appareil était en approche de Yellowknife, les destructeurs de portance ont été sortis et l'appareil a été configuré pour une approche et un atterrissage à vue sur la piste 33. La Vref calculée était de 128 nœuds et la vitesse affichée de 133 nœuds. Alors qu'il se trouvait en arrondi, l'appareil a commencé à descendre avec un taux de descente supérieur à la normale et le pilote aux commandes (le copilote) a corrigé la puissance des réacteurs et l'angle de cabré. L'appareil a touché le sol sur son train d'atterrissage principal et a rebondi deux fois. Pendant que l'appareil était dans les airs, le commandant de bord a pris les commandes et a abaissé le nez de l'appareil afin de réduire le rebond. L'appareil a atterri, le train avant touchant le sol avant le train principal.
L'appareil a pour la première fois touché le sol à environ 1 300 pieds de l'extrémité d'approche de la piste 33. Cette zone présente de nombreuses traces de gommes laissées par les appareils, ce qui n'a pas permis d'effectuer une mesure précise. Lors du troisième toucher, sur le train d'atterrissage avant, le pneumatique avant gauche a éclaté, laissant sur la piste une trace de type shimmy. L'appareil a été amené jusque sur l'aire de trafic et ses moteurs ont été coupés. L'appareil a été sérieusement endommagé. Aucune blessure n'a été signalée chez l'équipage ni chez les passagers. L'accident s'est produit à 13 h 25, durant le jour.
Renseignements de base
Le commandant de bord détenait une licence de pilote de ligne canadienne et un contrôle de compétence de pilote (CCP) sur Boeing 737 en cours de validité. Il totalisait 16 400 heures de vol et, plus particulièrement, 8 000 heures en tant que commandant de bord (CdB), 7 000 heures sur Boeing 737, et 3 800 heures en tant que CdB sur Boeing 737. Il avait été, pour raisons médicales, absent du service de vol régulier du 22 novembre 2000 au 6 avril 2001. Son CCP avait expiré le 1er janvier 2001. Durant l'entraînement périodique effectué en vue de reprendre le service de vol, le commandant de bord avait subi, les 6 et 7 mai, deux sessions de 4 heures sur simulateur de vol avant de recevoir son CCP le 8 mai. Il avait ensuite effectué trois décollages et trois atterrissages sur Boeing 737. Le commandant n'a pas subi de vérification en ligne sur un minimum de trois secteurs, comme l'exigent les critères de renouvellement d'un CCP après son expiration. Le commandant était basé à l'aéroport de Yellowknife dont il était familier.
Le copilote détenait une licence de pilote de ligne canadienne et un CCP sur Boeing 737 en cours de validité. Il était entré chez First Air le 1er avril 1999. Il était progressivement passé de commandant de bord sur de Havilland DHC-6 à copilote sur Boeing 737. Il totalisait environ 9 500 heures de vol, dont 840 sur Boeing 737. Il avait effectué 1 atterrissage dans les 24 dernières heures, 2 atterrissages dans les 3 derniers jours et 15 atterrissages dans les 15 derniers jours. Le copilote était basé à l'aéroport de Yellowknife dont il était familier.
L'équipage de cabine était composé d'un commissaire de bord et de trois agents de bord. Tous possédaient les licences et les qualifications requises pour s'acquitter des fonctions qui leur étaient assignées.
Les conditions météorologiques à Yellowknife à 13 h, heure avancée des RocheusesNote de bas de page 1, étaient les suivantes : vents du 140° à 2 nœuds; visibilité de 15 milles terrestres; nuages épars à 3 000, 8 000 et 21 000 pieds; température de 10 °C; point de rosée à −2 °C; et calage altimétrique de 29,90 pouces de mercure.
L'aéroport de Yellowknife est exploité par le Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. La piste 33, longue de 7 500 pieds et large de 150 pieds, est asphaltée et l'altitude de son seuil est de 658 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). La piste est équipée d'un système d'atterrissage aux instruments et d'un radiophare non directionnel pour les approches aux instruments. La piste est également équipée d'un indicateur de direction du vent et d'un indicateur visuel de pente d'approche à deux barres.
La masse maximale au décollage du C-GNWI était de 53 071 kg. L'appareil était configuré en aéronef mixte et équipé d'un pare-gravier et d'une porte cargo. Les dossiers indiquent que l'appareil était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Le devis de masse et de centrage rempli pour le vol d'Edmonton (Alberta) à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) montre que la masse de l'appareil était inférieure aux limites maximales prescrites pour le décollage et l'atterrissage et que le centre de gravité se situait dans la plage normale.
D'autres données se sont superposées sur la bande de l'enregistreur de conversation dans le poste de pilotage et aucune donnée n'est disponible pour cet événement.
L'enregistreur de données de vol de l'appareil a été envoyé au laboratoire technique du BST et les données ont pu être récupérées. Il a été établi que l'appareil est descendu selon un taux de descente d'environ 700 à 800 pieds par minute (pi/min) entre 1 150 pieds asl et 670 pieds asl, juste avant le toucher (l'altitude de la piste étant de 660 pieds). À une altitude radio inférieure à 200 pieds, l'angle de cabré a baissé à − 2,3° et le taux de descente a augmenté jusqu'à 1 140 pi/min. L'arrondi a été entamé à une altitude d'environ 45 pieds, 2,3 secondes avant le toucher. Alors que l'appareil était mis en cabré, le rapport de pression moteur (EPR) est passé de 1,25 à 1,34. Le premier toucher a été effectué à un taux de descente de 400 pi/min, une vitesse indiquée en nœuds de 125 KIAS et sous une force d'accélération de 1,86 g. L'appareil a rebondi dans les airs et, 3,5 secondes plus tard, a touché la piste une seconde fois avec une vitesse de 122 KIAS et sous une force d'accélération de 1,75 g pour rebondir de nouveau. Durant ce second rebond, les manettes des gaz ont été placées au ralenti. Six secondes après le premier toucher, l'appareil a touché la piste sur le train avant à une vitesse de 128 KIAS et une accélération de 3,2 g. L'enchaînement des déplacements du manche durant les touchers a été le suivant : cabré de 7° une seconde avant le premier toucher, retour au point neutre après une seconde; cabré de 10° une seconde avant le deuxième toucher, piqué de 6° une seconde après et cabré de 2° lors du dernier toucher, piqué de 8° une seconde après.
Le First Air Boeing 737 Aircraft Operating Manual stipule que [traduction] « en cas de rebond à l'atterrissage, le pilote aux commandes doit maintenir ou rétablir une assiette d'atterrissage normale. Pousser les gaz au besoin pour contrôler le taux de descente. Ne pas pousser sur le manche, car cela risque d'entraîner un second rebond et d'endommager le train avant ».
Les commandes d'assiette en tangage, en roulis et en lacet du Boeing 737 sont hydrauliques. À ces commandes s'ajoutent des becs de bord d'attaque, des volets de bord d'attaque et deux volets de bords de fuite hypersustentateurs. Deux destructeurs de portance au sol et deux destructeurs de portance en vol jouent le rôle d'aérofreins en permettant un freinage aérodynamiques dans les airs. Au sol, ils augmentent la traînée et détruisent la portance, rendant le freinage plus efficace. Les aérofreins avaient été armés durant la vérification avant atterrissage. Pour un fonctionnement automatique nominal des aérofreins, les conditions suivantes doivent être réunies :
- la manette des aérofreins doit être armée;
- le voyant d'armement des aérofreins doit être allumé;
- les manettes des gaz doivent être ramenées au ralenti [angle de manette des gaz (TLA) inférieur à 12,5° +/− 1°];
- la jambe du train principale droit doit être comprimée de 5 pouces ou les roues du train principal, dans l'une des combinaisons suivantes, doivent tourner à une vitesse supérieure ou égale à 60 nœuds :
- deux roues gauches,
- deux roues droites,
- roues intérieures gauche et droite,
- roues extérieures gauche et droite.
Le fonctionnement de la commande hydraulique des aérofreins et des circuits de signalisation a été vérifié au moyen de l'appareil d'essai antidérapage - freinage automatique - aérofreinage automatique F80129-100, et cela, conformément au manuel de maintenance du Boeing 737. Aucune anomalie de fonctionnement n'a été constatée. Les deux microcontacts qui contrôlent la rentrée automatique des destructeurs de portance au sol se sont fermés à un TLA de 12,5°. Afin de déterminer si les manettes des gaz étaient en avant ou en arrière de la position correspondant à un TLA de 12,5° pour un EPR de 1,34, l'équipage de conduite d'un appareil identique de la flotte s'est vu demander de marquer sur le bloc-manettes la position correspondant à un EPR de 1,34 en configuration d'atterrissage en approche sur Yellowknife. L'équipage a placé la marque à deux pouces avant l'extrémité de la fente. À cet endroit, les manettes des gaz se trouvent à environ un pouce en avant du point où les microcontacts se ferment.
Analyse
Le profil d'approche, établi à partir des données de l'enregistreur des données de vol, était normal jusqu'à ce que l'appareil atteigne une altitude de 200 pieds sur le radioaltimètre. À ce moment, le pilote aux commandes a réduit l'assiette en cabré et le taux de descente a augmenté jusqu'à environ 1 080 pi/min. L'arrondi a été effectué tardivement (à environ 45 pieds de la zone de toucher) et a été accompagné d'une augmentation de puissance afin de réduire le taux de descente. L'appareil a touché la piste avec un taux de descente élevé et, en raison du TLA, les destructeurs de portance ne sont pas sortis. L'augmentation de puissance, combinée au taux de descente élevé et à la non-sortie des destructeurs de portance a entraîné un rebond de l'appareil. Les mesures prises pour remédier à ce rebond ont causé un second rebond. Lorsque le commandant de bord a pris les commandes, réduisant les gaz et abaissant le nez de l'appareil pour minimiser le rebond, le piqué induit a fait que l'appareil a atterri sur le train avant en premier.
L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :
- LP 036/2001 – FDR/CVR Analysis (Analyse du FDR/CVR)
- LP 066/2001 – Pilot Seat Load and Stress Analysis (Analyse des charges et des contraintes des sièges pilotes)
Faits établis
Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs
- De mauvaises procédures de sortie de rebond à l'atterrissage ont été employées lorsque le commandant de bord a poussé sur le manche afin d'éviter un nouveau rebond et que l'appareil a atterri sur le train avant en premier.
- Le fort taux de descente au moment du premier arrondi n'a pas été reconnu et corrigé à temps afin d'éviter un rebond à l'atterrissage suivi d'un second rebond à l'atterrissage.
Autres faits établis
- La remise des gaz durant l'arrondi a entraîné la rentrée des aérofreins/destructeurs de portance.
- Le commandant, avant de reprendre le service de vol, n'avait pas subi de vérification en ligne sur un minimum de trois secteurs comme l'exigent les critères de renouvellement d'un CCP qui a expiré.
Mesures de sécurité
À la suite de cet événement, la compagnie a modifié ses procédures de contrôle opérationnel afin de s'assurer qu'un membre d'équipage qui n'est pas disponible pour travailler en exploitation normale soit retiré de la banque de données de l'exploitation. Le membre d'équipage ne peut y être réinscrit qu'après que le pilote en chef s'est assuré que toutes ses qualifications sont à jour.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .