Impact sans perte de contrôle
Cessna 208B C-GGUH
Exploité par Stage Air Ltd.
À 4 NM au nord d'Inuvik
(Territoires du Nord-Ouest)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Cessna Caravan immatriculé C-GGUH et portant le numéro de série 208B0827 effectue, de nuit, un vol selon les règles de vol à vue entre Tuktoyaktuk (Territoires du Nord-Ouest) et l'aéroport d'Inuvik (Mike Zubco) quand il se retrouve dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Avant d'entrer dans la zone de contrôle d'Inuvik, le pilote communique avec le contrôleur de la circulation aérienne et obtient à 19 h 32, heure normale des Rocheuses, une autorisation d'approche aux instruments de la piste 23. Au cours de l'approche, l'avion percute le sommet d'une colline située à quatre milles marins (NM) au nord de l'aéroport avant de s'immobiliser à l'endroit. L'appareil est lourdement endommagé; quant au pilote et au passager, ils sont légèrement blessés.
Renseignements de base
Le pilote avait effectué le trajet entre Inuvik et Tuktoyaktuk plus tôt le même jour et c'est lors du vol de retour vers Inuvik que l'accident s'est produit. Le pilote a communiqué par radio avec la station d'information de vol (FSS) d'Inuvik pour la première fois alors qu'il se trouvait à 43 NM au nord de l'aéroport, sur le radial 330 degrés magnétiques (330 °M) du radiophare omnidirectionnel VHF (VOR) d'Inuvik. L'appareil était en palier à 2 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). Le responsable de la FSS a informé le pilote des conditions météorologiques qui prévalaient à Inuvik, lesquelles étaient inférieures aux minimums requis pour voler selon les règles de vol à vue (VFR). Lorsque le pilote a fait part de son intention de demander une autorisation de vol VFR spécial ou d'approche aux instruments, il a reçu l'instruction de communiquer avec le centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton.
Au cours du premier contact avec l'ACC, le pilote a été autorisé à se présenter, sur le radial 330° d'Inuvik et à 20 NM DME (équipement de mesure de distance), à une altitude de 3 000 pieds ASL dans l'espace aérien contrôlé. Lorsque l'avion s'est trouvé à 26 NM DME, le contrôleur de l'ACC a autorisé le C-GGUH à effectuer une approche de l'aéroport d'Inuvik. Le pilote a ensuite reçu l'instruction de communiquer avec la FSS d'Inuvik. Une fois en contact avec la FSS, le pilote a fait part de son intention d'effectuer une approche aux instruments de la piste 23. Compte tenu des développements ultérieurs qu'avait connus la circulation aérienne aux abords de l'aéroport, il a fallu que le contrôleur de l'ACC spécifie quelle approche devait effectuer le C-GGUH, ce qui explique pourquoi le pilote s'est fait dire une nouvelle fois de communiquer avec l'ACC. Le contrôleur de l'ACC a autorisé le C-GGUH à effectuer une approche directe de la piste 23 de l'aéroport d'Inuvik à l'aide du faisceau arrière du radiophare d'alignement de piste et du DME en suivant le radial 330° jusqu'à interception de la transition par arc 13 NM DME. Lorsque le pilote a de nouveau communiqué avec la FSS, l'avion se trouvait à 2 200 pieds ASL et à 21 NM DME du VOR. Dans le cas de cette approche, l'altitude minimale de secteur (MSA) à 25 NM ou moins du VOR d'Inuvik est de 2 200 pieds ASL (voir l'annexe A).
Les échos radar du C-GGUH enregistrés à North Bay par le ministère de la Défense nationale indiquent que le C-GGUH n'a jamais été établi en approche de la piste 23. L'avion a dépassé la position 13 NM DME de quelque trois milles marins tout en suivant le radial 330° d'une manière approximative, puis il a effectué un virage vers le sud-est. Après avoir suivi cette route pendant deux à trois milles marins, l'avion a viré vers le sud. L'appareil a percuté le sol quatre milles marins plus loin. Les enregistrements radar ne comprenaient pas de renseignements sur l'altitude.
Le C-GGUH a percuté le sol à 19 h 32 HNRNote de bas de page 1, à une altitude d'environ 750 pieds ASL, sur le sommet d'une colline relativement plate comportant quelques arbres, à 525 pieds au-dessus de l'altitude de l'aéroport et à un relèvement de 359 °M à partir de l'aéroport. Les traces laissées au sol et le sillon de l'épave, qui s'étendait sur une centaine de pieds, indiquent que l'avion suivait une route orientée à 142 degrés et qu'il se dirigeait tout droit vers le seuil de la piste 23. Cette route se trouve à environ 90 degrés de la route d'approche finale de la piste. Au moment de percuter le sol, l'avion avait les ailes à l'horizontale et il était dans une assiette de piqué peu prononcé. Le train d'atterrissage, la partie arrière droite du fuselage, l'aile gauche et le dessous du fuselage, y compris le conteneur de fret installé sous l'appareil, ont été lourdement endommagés. Les volets d'approche avaient été sortis, et le pilote avait réduit la vitesse de l'avion à environ 80 noeuds durant les dernières minutes de vol. Les dommages qu'a subis l'hélice laissent croire que le régime du moteur était relativement faible au moment de l'impact avec le sol.
Avant de quitter Inuvik, le pilote avait reçu par téléphone un exposé sur les conditions météorologiques à Inuvik et Tuktoyaktuk. Les conditions météorologiques qui prévalaient à Inuvik à 16 h 15 (23 h 15 UTC) étaient les suivantes : ciel partiellement obscurci; couche de nuages fragmentés mesurée à 5 500 pieds; ciel couvert à 10 000 pieds; visibilité de 3 milles terrestres (sm) dans de la neige légère; vents du 290 ° vrais à 5 noeuds. Les prévisions d'aérodrome terminus d'Inuvik valables entre 13 h et 23 h (20 h à 6 h UTC) faisaient état des conditions suivantes : vents du 330 ° vrais à 5 noeuds; visibilité supérieure à 6 milles terrestres, couche de nuages épars à 600 pieds; ciel couvert à 1 500 pieds; visibilité temporaire de 1 SM dans de la neige légère et de la faible bruine verglaçante; ciel couvert à 400 pieds. Le pilote n'a pas obtenu de mise à jour lors de son arrêt à Tuktoyaktuk. Selon les observations de la FSS d'Inuvik, les conditions météorologiques qui prévalaient à Inuvik après l'accident, soit à 19 h 42 (2 h 42 UTC), étaient les suivantes : plafond dû à des précipitations à 200 pieds et ciel obscurci; visibilité de 5/8 SM dans de la neige légère; température de moins 14 °C; point de rosée de moins 16 °C; calage altimétrique d'environ 29,59. Il y avait des averses de neige dans les environs. Un rapport provenant d'un pilote qui avait quitté Inuvik peu avant l'heure à laquelle l'accident s'est produit indiquait qu'à 8 NM au nord de l'aéroport d'Inuvik, la visibilité en vol était supérieure à 8 NM et qu'il n'y avait pas de plafond défini. L'accident s'est produit pendant les heures d'obsécuritéé.
Le pilote était titulaire d'une licence de pilote professionnel en cours de validité, d'une qualification de vol aux instruments et d'un certificat médical de catégorie 1. Il cumulait quelque 11 000 heures de vol, dont environ 400 sur type, et il avait suivi en février 2001 un cours de conversion sur Cessna Caravan donné par la compagnie Flight Safety International Ltd. Il avait effectué environ 150 heures de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR). Au cours d'un contrôle de compétence pilote (CCP) effectué par Transports Canada (TC) en février 2002, il avait été noté que le pilote n'utilisait pas efficacement l'altimètre radar durant les approches aux instruments. Le pilote avait échoué à un CCP/IFR subi en mars 2001 à bord d'un PA31 Navajo, parce qu'il avait laissé l'avion descendre au-dessous d'une altitude minimale pendant une approche aux instruments; il avait réussi à un contrôle CCP/IFR subséquent subi en mai 2001.
La compagnie était titulaire d'un certificat d'exploitation valide de TC dont les spécifications d'exploitation l'autorisaient à effectuer des vols de transport de passagers en IFR ou en VFR de nuit sans la présence d'un commandant en second. La base principale de la compagnie se trouvait à Penticton (Colombie-Britannique) et il y avait une base secondaire à Inuvik. Au moment de l'accident, le pilote du C-GGUH était le gestionnaire et le pilote principal de la base d'Inuvik.
Le C-GGUH venait d'être acheté par la compagnie afin d'effectuer des opérations à partir de la base d'Inuvik. Les dossiers indiquent que l'appareil était certifié, entretenu et équipé conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Tous les systèmes de bord fonctionnaient normalement lorsque l'avion a percuté le sol. D'après les calculs, la masse de l'avion au moment de l'accident était de 6 637 livres, ce qui ne dépassait pas la masse brute maximale de 8 756 livres. Le centrage calculé se trouvait à l'intérieur des limites. L'avion transportait des bouteilles d'eau vides qui étaient réparties entre la cabine et le conteneur de fret situé sous l'appareil. La quantité de carburant était suffisante pour effectuer le vol prévu.
Après l'accident, le pilote a réinitialisé les radios et l'équipement de navigation de l'avion afin de donner à l'équipe de secours des renseignements sur l'endroit de l'accident. L'avion était muni d'un altimètre radar, et le pilote en avait armé le système d'alerte de manière qu'il se déclenche à 500 pieds au-dessus du sol (AGL); le pilote n'a pas surveillé cet instrument pendant le vol en cause. Conformément à ce que prévoit l'article 703.66 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) en cas de vols effectués en IFR/VFR de nuit par un seul pilote, l'avion était équipé d'un pilote automatique, mais celui-ci n'a pas été utilisé pendant le vol. L'avion ne possédait pas de dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) ni de système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS). Au Canada, la présence d'un GPWS est obligatoire à bord de tous les avions à turboréacteurs ayant une masse maximale homologuée au décollage supérieure à 33 069 livres qui transportent au moins 10 passagers pendant des vols régis par la sous-partie 704 du RAC. Cette exigence ne s'étend pas aux vols régis par la sous-partie 703 du RAC - la compagnie Stage Air relève de la sous-partie 703 du RAC - alors que de tels vols peuvent être effectués par un seul pilote, de nuit ou dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), dans des régions à hauts risques, et ce, bien souvent sans le bénéfice de la surveillance radio et des autres aides dont disposent normalement les plus gros avions. Ce point a été identifié comme un facteur dans d'autres événements récents, à savoir dans les rapports d'enquête A98P0303, A00H0001, et A01W0261 du BST.
La Fondation pour la sécurité aérienne, définit un accident avec impact sans perte de contrôle (CFIT) comme en étant un [traduction] « au cours duquel un aéronef navigable sous la maîtrise de son équipage percute de façon non intentionnelle le relief, des obstacles ou un plan d'eau sans que l'équipage ne soit moindrement conscient de l'imminence de la collision ». Nous sommes donc ici en présence d'un accident CFIT caractéristiqueNote de bas de page 2.
TC définit la conscience de la situation comme « l'ensemble des connaissances accessibles qui peuvent être intégrées à un cadre cohérent, au besoin, pour évaluer une situation et y faire faceNote de bas de page 3 ». Il est nécessaire qu'un pilote ait une représentation mentale de l'endroit où son avion était, se trouve et de l'endroit où il va.
Un émetteur de localisation d'urgence (ELT) s'est déclenchée automatiquement, et le pilote l'a coupé après avoir établi le contact radio avec la FSS. Une équipe terrestre de recherches et de sauvetage, équipée de motoneiges envoyée immédiatement après les événements, n'a pas réussi à trouver le lieu de l'accident à cause de l'obsécuritéé, du relief accidenté et du manque de dispositif de radioralliement VHF portatif. Les deux occupants ont été secourus cinq heures après l'accident, une fois un hélicoptère dépêché sur les lieux. Quant au pilote du G-GGUH, il était en contact avec la FSS grâce à un téléphone cellulaire et à une liaison radio VHF, et il a aidé à coordonner les opérations de sauvetage.
Analyse
Le pilote avait reçu un exposé météorologique avant son départ d'Inuvik et, malgré la probabilité d'une arrivée en IFR à Inuvik, il avait planifié et a effectué un vol en VFR. Bien que conscient des conditions météorologiques probables au moment de son arrivée à Inuvik, le pilote n'était pas préparé à faire une approche dans des conditions de vol aux instruments. Si le pilote avait une grande expérience du vol en VFR, il était relativement peu expérimenté en matière de vol en IFR et en IMC et il n'était pas à l'aise avec de telles conditions de vol. D'autres faits sont là pour en témoigner :
- le pilote a demandé à voler en VFR spécial plutôt qu'en IFR lorsqu'il a été confronté à des conditions météorologiques inférieures aux limites VFR à Inuvik;
- il a eu recours au pilotage manuel de l'avion plutôt que d'utiliser le pilote automatique;
- il ne s'est pas servi de l'altimètre radar comme d'un outil efficace pour avoir conscience de l'altitude;
- à aucun moment il n'a établi son avion sur la trajectoire d'approche LOC/BC publiée pour la piste 23.
Une bonne transition du vol VFR au vol IFR ainsi que la préparation à l'approche auraient dû demander une bonne dose d'organisation de la part du pilote ainsi qu'un laps de temps relativement important pour y parvenir. Quand le pilote de C-GGUH a collationné son autorisation d'approche, l'avion se trouvait à 8 NM au nord de l'arc 13 NM DME et, comme le pilote était peu à l'aise avec les procédures IFR, il a donc eu relativement peu de temps pour préparer son approche.
D'après les renseignements radar disponibles portant sur la route, l'avion n'a jamais été établi sur la trajectoire d'approche aux instruments publiée. Il est probable que le pilote n'a pu se positionner sur l'arc 13 NM DME et qu'il a essayé de se rendre à l'aéroport en se servant de renseignements provenant du système mondial de localisation (GPS). Étant moins bien conscient de sa position et de son altitude, le pilote a laissé l'avion descendre au-dessous d'une altitude permettant un franchissement sécuritaire du relief (MSA). Quand il a percuté le sol, l'avion volait sur une route faisant un angle de quelque 90 ° par rapport à la route d'approche finale publiée pour la piste 23, se dirigeant directement vers l'aéroport. Comme le pilote avait la pleine maîtrise de son appareil, que le moteur fournissait de la puissance et que l'avion avait une assiette normale au moment de l'impact avec le sol, il est permis de dire que nous sommes ici en présence d'un accident CFIT.
Le pilote n'a pas surveillé l'altimètre radar pendant le vol en question, et son comportement pendant des vols de CCP/IFR permet de croire qu'il n'avait pas l'habitude de se servir de cet instrument. En exigeant la présence d'un pilote automatique en état de fonctionnement à bord des appareils de vols commerciaux en IFR effectués par un seul pilote, TC reconnaît que l'utilisation de pareil équipement dans cet environnement caractérisé par une lourde charge de travail augmente le rendement des pilotes notamment la nuit. Si la présence d'un pilote automatique est obligatoire, aucune disposition réglementaire n'oblige la pilote à l'utiliser dans de telles conditions. La présence d'un GPWS ou d'un TAWS en état de fonctionnement aurait peut-être pu alerter le pilote de l'imminence d'un contact avec le sol.
Le conteneur de fret rempli de bouteilles d'eau vides a amorti les forces d'impact et a probablement limité l'importance des dommages à l'avion et la gravité des blessures des occupants.
Si l'équipe de recherches au sol avait utilisé un dispositif de radioralliement VHF portatif, le sauvetage du pilote et du passager aurait peut-être pris moins de temps.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le pilote n'a pas planifié suffisamment bien son approche IFR et il n'a pas exécuté l'approche de manière à aligner l'avion avec la piste, d'où l'impact sans perte de contrôle.
- Le fait que le pilote ait été peu à l'aise avec les procédures IFR, ce à quoi il faut ajouter le laps de temps relativement court dont il a disposé pour préparer l'approche assignée, est fort probablement à l'origine de la perte de conscience de la situation par le pilote.
- Le pilote ne s'est pas servi du pilote automatique ou de l'altimètre radar pour réduire sa charge de travail et être alerté de la proximité du relief pendant l'approche.
Faits établis quant aux risques
- L'avion n'était pas muni d'un GPWS/TAWS et n'était pas tenu de l'être. La présence et l'utilisation d'un GPWS/TAWS auraient alerté le pilote de la marge de franchissement du relief qui diminuent.
Autres faits établis
- L'absence de dispositif de radioralliement VHF portatif a peut-être augmenté le temps qu'il a fallu à l'équipe de sauvetage au sol pour localiser et atteindre le lieu de l'accident.
Mesures de sécurité
À la suite de cet accident, la compagnie a instauré une politique voulant que l'équipage de ses avions comprenne un pilote en second qualifié pendant les vols IFR ou VFR de nuit.
TC a présenté l'Avis de proposition de modification 2001-131 visant l'article 605.37 du RAC et exigeant la pose d'un TAWS à bord des aéronefs commerciaux. Cette modification, si elle est approuvée, va exiger que la totalité des aéronefs régis par la sous-partie 705 du RAC, des aéronefs régis par la sous-partie 704 du RAC ayant 10 sièges ou plus et des aéronefs régis par la sous-partie 703 du RAC ayant six sièges ou plus construits après le 29 mars 2002, soient équipés d'un TAWS; quant aux aéronefs construits avant cette date, ils devront en être équipés d'ici au 29 mars 2005.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .
Annexes
Annexe A -Carte d'approche de l'aéroport d'Inuvik (Mike Zubco)
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