Rapport d'enquête aéronautique A04C0051

Perte des repères visuels et collision avec le relief
de l'hélicoptère Bell 206B Jet Ranger C-FIHL
exploité par Standard Ag Helicopters
à 4 nm au sud-ouest de Swift Current (Saskatchewan)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    L'hélicoptère loué Bell 206B, portant l'immatriculation C-FIHL et le numéro de série 2077, et ayant à son bord deux pilotes, effectue un vol de convoyage entre Kitchener (Ontario) et Calgary (Alberta), où demeure le propriétaire de l'hélicoptère. Le jour de l'accident, l'hélicoptère quitte Régina (Saskatchewan), à 13 h 40, heure normale du Centre, pour suivre un plan de vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de Medicine Hat (Alberta). L'équipage comprend deux pilotes, un pilote débutant titulaire d'une licence, qui pilote l'hélicoptère à partir du siège droit, et le pilote en chef de la compagnie, qui prend place à gauche et qui agit à titre d'instructeur tout en participant aux tâches de navigation. Vers 14 h 55, ils rencontrent des averses de neige qui réduisent grandement la visibilité. Le pilote en chef prend alors les commandes de l'hélicoptère. La visibilité continue de se détériorer jusqu'à ce que les pilotes se trouvent en conditions de voile blanc et qu'ils perdent tous leurs repères visuels avec la surface. Peu après, l'hélicoptère heurte la surface couverte de neige d'un champ situé à quatre milles marins au sud-ouest de l'aéroport de Current (Saskatchewan). L'appareil est détruit, le pilote débutant est grièvement blessé, tandis que le pilote en chef n'est que légèrement blessé. L'accident a lieu pendant les heures du jour, vers 15 h.

    Renseignements de base

    L'exploitant était approuvé à la fois pour les opérations effectuées en vertu des sous-parties 702 (travail aérien) et 703 (taxi aérien) du Règlement de l'aviation canadien (RAC). La plupart des vols de la compagnie avaient lieu pendant l'été, et ses activités étaient réduites pendant l'hiver. De façon générale, la compagnie exploitait deux ou trois hélicoptères et elle employait un nombre équivalent de pilotes. Comme il y avait moins de travail disponible pour l'hélicoptère loué (C-FIHL), la compagnie avait décidé de mettre fin au contrat de location. Le retour de l'appareil avait cependant été retardé de plusieurs semaines à cause du mauvais temps et de travaux de maintenance qui devaient être faits.

    Au moment de l'accident, le pilote débutant totalisait quelque 200 heures de vol, et il avait travaillé pour la compagnie en question au cours de l'été précédent, mais non à titre de pilote. Comme c'est souvent le cas pour un poste de débutant dans le domaine de l'aviation, la compagnie avait l'habitude de permettre à ses pilotes moins expérimentés d'accumuler des heures de vol en pilotant sous supervision les aéronefs de la compagnie à l'occasion de vols non-payants sans passager. Subséquemment, lorsque le pilote débutant totalisait un nombre adéquat d'heures de vol, on pouvait lui offrir un poste à temps plein avec la compagnie. Le pilote débutant en cause avait maintenu le contact avec la compagnie après la saison de pilotage estivale et on lui avait donné l'occasion d'augmenter ses heures de vol à titre de commandant de bord (CdB) pendant le vol de convoyage à destination de Calgary.

    Le pilote en chef pilotait des hélicoptères depuis plus de 30 ans et il totalisait environ 13 000 heures de vol dans diverses régions géographiques et sur divers types d'hélicoptères, dont quelque 6 000 heures sur le Bell 206. Le vol de convoyage à destination de Calgary représentait une occasion pour le pilote en chef de donner des instructions et des conseils de navigation au pilote débutant. Le pilote en chef était un pilote instructeur de compagnie qui était qualifié et agréé pour dispenser de l'instruction à partir du siège de gauche. En sa qualité d'instructeur sur le vol en cause, il était prévu que le pilote en chef prenne les commandes de l'appareil en cas d'urgence.

    Les deux pilotes étaient titulaires d'une licence de pilote professionnel - hélicoptère canadienne valide, qui était annotée pour le type d'hélicoptère Bell 206. Selon les renseignements disponibles, le jour de l'accident, les deux pilotes étaient suffisamment reposés conformément aux exigences de la compagnie et de Transports Canada. Ni l'un ni l'autre des pilotes n'étaient qualifiés pour le vol aux instruments et, par conséquent, ils n'étaient pas autorisés à piloter un hélicoptère dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Les deux pilotes avaient reçu de la formation sur la prise de décision des pilotes plusieurs années auparavant.

    La veille de l'accident, l'équipage avait effectué un vol entre Kitchener (Ontario) et Kenora. Le jour de l'accident, les pilotes ont décollé de Kenora à 8 h 20, heure normale de l'Est, ils ont fait une escale de ravitaillement en carburant à Brandon (Manitoba), et de là, ils se sont rendus à Régina (Saskatchewan). Au cours de ces deux vols, les pilotes ont rencontré de légères chutes de neige en route. Ils ne s'attendaient pas à ce que les conditions météorologiques sur le tronçon entre Régina et Swift Current les empêchent de poursuivre leur vol, car elles étaient semblables aux conditions qu'ils avaient déjà rencontrées ce même jour.

    Avant le départ pour Régina, le pilote débutant a appelé le centre d'information de vol (FIC) d'Edmonton et a déposé un plan de vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de Medicine Hat avec une escale prévue à Swift Current. Le temps de vol estimé pour le tronçon de Régina à Swift Current était d'une heure et trente minutes. Les prévisions pour ce vol étaient des plafonds intermittents entre 400 et 3 000 pieds avec des visibilités en vol de 4 à 10 milles dans des averses de neige. Les conditions météorologiques réelles pour Swift Current à 13 h 16, heure normale du CentreNote de bas de page 1, qui avaient été transmises au pilote débutant par le FIC d'Edmonton, étaient les suivantes :

    vent 010°C vrai (T) à 8 mi/h; visibilité 1 mille; plafond 100 pieds couvert; température −6 °C; point de rosée −6 °C.

    Après le départ de Régina, vers 13 h 45, le pilote débutant a demandé au FIC d'Edmonton l'autorisation d'ouvrir leur plan de vol et de le modifier pour indiquer qu'ils n'allaient pas se poser à Swift Current. Les pilotes avaient calculé qu'ils avaient du carburant en quantité largement suffisante pour atteindre Medicine Hat. En supprimant cette escale, l'équipage augmentait ses chances d'arriver à Calgary plus tard le même jour. De cette façon, les pilotes pourraient remplir les documents requis pour mettre fin au bail avant l'heure de fermeture des bureaux le vendredi, ce qui pourrait épargner trois jours de location à la compagnie et pourrait peut-être leur permettre de retourner à la maison pour la fin de semaine. Les deux pilotes ont déclaré qu'il n'était pas essentiel pour leurs plans d'arriver à Calgary le vendredi et que, au besoin, ils pouvaient s'arrêter pour attendre que les conditions météorologiques s'améliorent. Si les conditions devenaient inférieures aux limites VFR, l'hélicoptère pouvait atterrir sur tout terrain approprié.

    À 14 h 49, le pilote débutant a contacté le FIC d'Edmonton sur la fréquence obligatoire (MF) de Swift Current et a annoncé que leur position était de 10 milles à l'est de Swift Current à une altitude de 2 800 pieds au-dessus du niveau de la mer (environ 150 pieds au-dessus du niveau du sol) et qu'ils désiraient survoler l'aérodrome de Swift Current en route vers Medicine Hat. Le FIC d'Edmonton a informé C-FIHL que le vol devrait demeurer à l'extérieur de la zone de contrôle de Swift Current parce que la visibilité verticale y était de 100 pieds et la visibilité au sol de 1/4 mille, et que les conditions météorologiques étaient inférieures aux minimums prescrits pour le vol VFR. Le pilote débutant a accusé réception des conditions météorologiques et il a répondu qu'ils allaient contourner la zone de contrôle par le sud. À ce point, l'équipage pouvait choisir entre contourner la zone de mauvais temps ou effectuer un atterrissage de précaution. Les pilotes ont subséquemment déclaré que les conditions météorologiques à l'endroit où ils se trouvaient alors étaient encore propices au vol VFR. Les pilotes auraient erronément cru que les conditions météorologiques réelles indiquées par la station étaient en fait des prévisions et ils ne s'attendaient pas à rencontrer des conditions aussi mauvaises dans la région de Swift Current.

    Peu après que les pilotes eurent reçu le bulletin météorologique, la visibilité s'est détériorée, et le pilote en chef a pris les commandes de l'hélicoptère. Le temps a continué à se détériorer, sous les minimums pour le vol VFR, et l'accident s'est produit sept ou huit minutes plus tard, lorsqu'ils ont rencontré des conditions de voile blanc.

    Le voile blanc est un phénomène météorologique au cours duquel une personne est incapable de discerner les nuages et l'horizon par rapport aux caractéristiques du relief environnant. Des conditions de voile blanc surviennent lorsque la lumière du soleil est diffusée par les nuages ou par tout autre phénomène obscurcissant comme le brouillard, la neige ou les cristaux de glace. Le vol dans des conditions de visibilité réduite augmente grandement la charge de travail des pilotes en vol VFR. Des études ont démontré que les pilotes non qualifiés pour le vol aux instruments perdaient généralement la maîtrise de leur appareil dans un délai compris entre 3 et 7 minutes après avoir pénétré dans des conditions IMCNote de bas de page 2.

    Les pilotes utilisaient un système de positionnement mondial (GPS) de concert avec des cartes topographiques pour assurer la navigation VFR dans les zones de leur itinéraire où la visibilité était mauvaise et le relief dépourvu de traits caractéristiques.

    L'examen de l'épave et de la zone environnante a révélé que les dommages subis par le rotor principal et par les supports de transmission laissent croire que le moteur fournissait de la puissance et tournait à régime élevé au moment de l'impact avec le sol. Rien ne permet de croire qu'il y aurait eu une quelconque défaillance de l'équipement de l'aéronef ou une quelconque anomalie mécanique antérieure à l'impact.

    • Le Règlement de l'aviation canadien stipule ce qui suit sur le vol VFR :
    • Conditions météorologiques de vol à vue minimales pour un vol VFR dans l'espace aérien contrôlé
    • 602.114 Il est interdit à quiconque d'utiliser un aéronef en vol VFR dans l'espace aérien contrôlé, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :
      1. l'aéronef est utilisé avec des repères visuels à la surface;
      2. la visibilité en vol est d'au moins trois milles;
      3. la distance de l'aéronef par rapport aux nuages est d'au moins 500 pieds, mesurée verticalement, et d'au moins un mille, mesurée horizontalement;
      4. à l'intérieur d'une zone de contrôle :
        1. lorsque la visibilité au sol est signalée, elle est d'au moins trois milles,
        2. sauf au décollage ou à l'atterrissage, la distance de l'aéronef par rapport à la surface est d'au moins 500 pieds.
    • Conditions météorologiques de vol à vue minimales pour un vol VFR dans l'espace aérien non contrôlé
    • 602.115 Il est interdit à quiconque d'utiliser un aéronef en vol VFR dans l'espace aérien non contrôlé, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :
      1. l'aéronef est utilisé avec des repères visuels à la surface;
      2. lorsque l'aéronef est utilisé à 1 000 pieds AGL ou plus :
        1. la visibilité en vol est d'au moins un mille le jour,
        2. la visibilité en vol est d'au moins trois milles la nuit,
        3. dans les deux cas, la distance de l'aéronef par rapport aux nuages est d'au moins 500 pieds, mesurée verticalement, et d'au moins 2 000 pieds, mesurée horizontalement;
      3. (Non pertinent.)
      4. dans le cas d'un hélicoptère, l'aéronef est utilisé à moins de 1 000 pieds AGL :
        1. sauf autorisation contraire aux termes d'un certificat d'exploitation aérienne ou d'un certificat d'exploitation d'une unité de formation au pilotage - hélicoptère, la visibilité en vol est d'au moins un mille le jour,
        2. la visibilité en vol est d'au moins trois milles la nuit,
        3. dans les deux cas, l'aéronef est utilisé hors des nuages.

    Analyse

    Les pilotes du C-FIHL effectuaient un vol VFR dans des conditions météorologiques appropriées lorsqu'on les a informés qu'il y avait des conditions IMC dans la région de Swift Current. Le pilote en chef a choisi de poursuivre le vol plutôt que de le dérouter ou de faire un atterrissage de précaution, et sa décision de poursuivre le vol en direction d'une zone d'IMC a fait que l'équipage a perdu ses repères visuels et qu'il s'est écrasé au sol. Après avoir pris la décision de poursuivre le vol, les pilotes sont arrivés à un point où les conditions météorologiques réelles étaient devenues IMC. L'utilisation du GPS a aidé l'équipage à poursuivre la navigation dans des conditions qui se sont détériorées au-delà du point où il était devenu impossible de piloter l'hélicoptère en toute sécurité. Par conséquent, les pilotes ont perdu la maîtrise de l'appareil et ils se sont écrasés au sol.

    Le fait que les pilotes avaient rencontré plus tôt des conditions moins mauvaises que celles signalées pour Swift Current et qu'ils s'attendaient à retrouver de telles conditions a influencé la décision du pilote en chef de poursuivre le vol en IMC. En outre, des considérations financières et personnelles reliées à la possibilité d'une arrivée tardive à Calgary ont pu contribuer à la pression ressentie par le pilote en chef de poursuivre le vol jusqu'à Calgary.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La décision du pilote en chef de poursuivre un vol selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments a fait que l'équipage n'a pu conserver la maîtrise de l'hélicoptère et qu'il s'est accidentellement écrasé sur un sol couvert de neige.
    2. La décision du pilote en chef de poursuivre le vol dans des conditions météorologiques qui se détérioraient a été influencée par l'attente erronée que les conditions à Swift Current soient meilleures que celles qui étaient rapportées et par le désir d'atteindre Calgary le jour même de l'accident.
    3. Les pilotes n'ont pas tenu compte des limites de sécurité pour le vol VFR qui sont stipulées dans le Règlement de l'aviation canadien.

    Faits établis quant aux risques

    1. L'utilisation du GPS par les pilotes leur a aidé à assurer la navigation dans des conditions météorologiques qui ne leur permettaient pas de piloter l'hélicoptère en toute sécurité.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Par conséquent, le Bureau a autorisé la publication du rapport le .