Perte de puissance moteur
de l'hélicoptère MD (Hughes) 369D C-GWPQ
exploité par Quantum Helicopters Ltd.
sur la piste d'atterrissage de Bob Quinn
(Colombie Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 11 juin 2004, l'hélicoptère MD (Hughes) 369D (immatriculation C-GWPQ, numéro de série 700755) est en train de soulever une élinguée de 900 livres lorsqu'une forte détonation se fait entendre, suivie d'une perte partielle de puissance moteur. Le pilote exécute un atterrissage forcé, et l'hélicoptère heurte le sol et bascule sur le côté droit alors que les pales du rotor principal tournent toujours. Le moteur continue de fonctionner au sol et est coupé par le pilote. Il n'y a pas d'incendie après impact. Quelque temps après l'accident, le pilote éprouve des ennuis de santé liés à cet événement.
Renseignements de base
L'hélicoptère était équipé d'un turbomoteur modulaire Rolls Royce Allison 250-C20B (numéro de série CAE-836346). L'ensemble compresseur (numéro de série CAC-35032) avait totalisé 7808,1 heures depuis sa mise en service initiale et 866,5 heures depuis la dernière révision. Il était monté sur cette cellule depuis 90,5 heures. Il avait précédemment été monté sur un hélicoptère Bell 206B et avait fonctionné avec un séparateur de particules centrifuge à prélèvement d'air. L'hélicoptère accidenté était équipé d'un séparateur de particules FDC/aérofiltre. On a découvert un dommage négligeable sur le bord d'attaque d'une aube de premier étage de compresseur lors de la dernière installation du moteur. Mais ce dommage avait été considéré comme acceptable par le technicien d'entretien d'aéronef (TEA).
Le moteur a été récupéré par Quantum Helicopters Ltd., et expédié à un atelier de réparation et de révision local pour être démonté et examiné sous la supervision de l'enquêteur du BST. L'inspection au démontage a révélé que le compresseur (réf. 6890550, numéro de série 35032) avait perdu toutes ses aubes rotor des 2e et 3e étages, la plupart ayant traversé les coquilles de carter et s'étant retrouvées dans le compartiment moteur avec d'autres débris.Le compresseur défectueux et ses composants connexes ont été expédiés au Laboratoire technique du BST pour un examen plus approfondi et une analyse de défaillances (voir la liste des composants à l'annexe A). Les composants dignes d'intérêt étaient les coquilles de carter compresseur et le rotor compresseur montrés sur la photo 1. La photo 2 montre l'entrée du compresseur, qu'on a examiné pour y déceler un dommage possible causé par un corps étranger.
Coquilles de carter compresseur
L'examen des coquilles de carter compresseur a révélé des dommages d'arrachement par éclatement sur le revêtement des deux coquilles, près du passage des 2e et 3e étages rotor. Dans tous les cas, la pénétration dans le revêtement s'était faite à partir de l'intérieur.
L'arrachement le plus important était un gros trou dans le revêtement d'une des coquilles de carter, sur le passage du 2e étage rotor, d'une longueur d'environ 70 mm sur 13 mm à son point d'ouverture le plus grand. On a conclu que la plupart des aubes mobiles, sinon toutes, du 2e étage étaient sorties du compresseur à cet endroit.
Les aubes fixes des 1er, 4e, 5e et 6e étages compresseur étaient intactes, mais leurs bords d'attaque et de fuite présentaient des signes de dommage par impact. Les dommages relevés correspondaient au passage de débris dans le compresseur alors qu'il continuait à tourner pendant une courte période après la défaillance. Cinq des aubes fixes du 2e étage s'étaient rompues au talon d'aube ou près de celui-ci. Les embouts d'aube fixe étaient pliés dans le sens de la rotation, et une sixième aube fixe avait été complètement arrachée de sa fente dans la bande de fixation. Toutes les aubes fixes du 3e étage s'étaient également rompues au talon d'aube ou près de celui-ci, et leurs embouts étaient pliés dans le sens de la rotation. Un examen au microscope optique des faciès de rupture des aubes fixes a révélé que les dommages étaient de façon prédominante des dommages par impact et de frottement dans le sens de la rotation du compresseur, lesquels avaient oblitéré la plus grande partie des détails des faciès de rupture d'origine. Néanmoins, les profils de rupture des aubes fixes et les types de dommage correspondaient à une défaillance en surcharge et à des dommages secondaires. Les bords d'attaque et de fuite des aubes fixes de tous les étages ont également fait l'objet d'un contrôle d'érosion; aucune érosion mesurable n'a été relevée.
Une bande de fixation des aubes fixes du 3e étage a été enlevée d'une des coquilles de carter afin qu'on puisse examiner le joint brasé se trouvant au dos de la bande de fixation. Tous les joints présentaient des rondelles intactes et une bonne pénétration du brasage dans le joint. La fente à partir de laquelle l'aube fixe avait été arrachée dans la rangée des aubes fixes du 2e étage montrait aussi une pénétration complète du matériau de brasage dans le joint. On a procédé à des coupes transversales des aubes fixes situées de part et d'autre de l'aube arrachée afin d'examiner l'état des joints. On a observé de légères porosités mais, en général, les joints étaient bien faits, il y avait pénétration complète du matériau de brasage, et les congés de raccordement étaient bien exécutés entre les aubes fixes et leur bande de fixation.
Rotor compresseur
On a examiné en détail le bord d'attaque de l'aubage directeur d'entrée du compresseur et les aubes mobiles du 1er étage pour y rechercher des signes de dommages causés par un corps étranger. Sur le bord d'attaque d'une aube fixe de l'aubage d'entrée se trouvant à peu près à la position une heure, il y avait deux petites marques (photo 2). La surface d'origine de l'aube fixe à chaque marque était toujours visible avec un peu d'oxydation et elle n'avait pas été touchée par le transfert de quelque matériau, ce qui indique que ces marques étaient présentes depuis un bon bout de temps. Le bord d'attaque des aubes mobiles du 1er étage présentait un peu de dommages à l'extrémité de quelques aubes, et une marque d'impact relativement légère près du talon d'une des aubes mobiles qui a justifié un examen plus approfondi.
Un examen optique de la marque d'impact a montré que le matériau du bord d'attaque de l'aube mobile avait été touché par un petit morceau de corps étranger ou de débris, et qu'une petite particule de matériau semblait piégée à l'intérieur de cette marque. Celle-ci a été examinée sous un grossissement plus fort au moyen d'un microscope électronique à balayage (MEB). L'analyse des éléments a confirmé la présence d'une petite particule riche en aluminium, étrangère au matériau environnant de l'aube mobile (annexe C, photos 9 et 10). Les débris de matériau recueillis du capotage moteur lors de la récupération et les morceaux d'aubes mobiles du compresseur ont fait l'objet d'un examen, et quatre morceaux de ce qui a semblé provenir de rivets brisés ont été identifiés. Une analyse de la composition des matériaux a montré des spectres contenant surtout du nickel pour l'échantillon numéro 1, surtout du titane et du cadmium pour l'échantillon numéro 2, et surtout du fer et du chrome pour l'échantillon numéro 3. L'échantillon numéro 4 était presque entièrement composé d'aluminium et de petites quantités de magnésium, ce qui correspond au matériau d'un rivet standard en aluminium.
Toutes les aubes mobiles des 2e et 3e étages s'étaient rompues au talon ou près de celui-ci. Toutes les aubes mobiles du 4e étage montraient de graves dommages par impact et un frottement des extrémités, et elles étaient pliées dans le sens contraire de la rotation. Trois de ces aubes mobiles s'étaient rompues au tiers de leur envergure ou un peu avant, et deux aubes mobiles s'étaient rompues en leur milieu. Les aubes mobiles des 5e et 6e étages présentaient des marques d'impact secondaires, surtout le long du bord d'attaque, les dommages des aubes diminuant progressivement vers l'arrière.
Un examen au microscope optique des fractures des aubes mobiles du 4e étage a révélé des signes de surcharge correspondant à des dommages secondaires. Toutefois, une des trois aubes mobiles du 4e étage qui s'étaient rompues proche du talon montrait ce qui a semblé être des signes macroscopiques d'une rupture par surcharge cyclique. On a pratiqué une coupe de cette fracture du rotor pour l'examiner au MEB sous un grossissement plus fort. L'examen n'a révélé que des signes de rupture en surcharge et des traces de frottement en surface, mais il donnait la fausse impression, à un grossissement plus faible, de la présence de caractéristiques cycliques.
Un examen au microscope optique des fractures des aubes mobiles des 2e et 3e étages a surtout révélé des signes de surcharge. Toutes les aubes mobiles s'étaient rompues au talon d'aube ou légèrement au-dessus, et les embouts d'aube étaient pliés dans le sens opposé à la rotation. Toutefois, une rupture d'aube mobile du 2e étage était particulière en ce qu'elle se présentait sous la forme d'une fracture transversale plate partant du bord d'attaque jusqu'à mi-envergure de l'aube pour devenir une fracture inclinée vers le bord de fuite. Des zones du faciès de rupture vers le bord d'attaque montraient de légères stries, révélatrices d'un mode de défaillance progressif. On a pratiqué une coupe de cette fracture de l'aube du rotor pour un examen détaillé au MEB.
Un examen au MEB de l'aube mobile du 2e étage, celle qui montrait de légères stries, a confirmé la présence de stries de fatigue bien nettes commençant près du bord d'attaque de l'aube et progressant vers l'arrière jusqu'à mi-envergure de cette dernière (voir l'annexe B, photos 3 à 8). La partie arrière de la fracture de l'aube mobile en direction du bord de fuite était caractéristique de la défaillance finale de l'aube en surcharge. Tous les détails de cette fracture sur le bord d'attaque où s'était amorcée la fatigue avaient été complètement oblitérés par les dommages par frottement occasionnés après la rupture.
On a pratiqué une coupe transversale de la fracture tout juste derrière le bord d'attaque afin de procéder à un examen métallurgique de l'aube mobile près de la zone d'amorçage de la fatigue. Aucune anomalie métallurgique n'a été relevée, et aucun autre défaut n'a permis de cerner la cause de l'amorce de fatigue. Une évaluation métallographique de cette coupe a révélé une structure uniforme du grain, caractéristique d'un acier inoxydable 17-4 PH durci par précipitation. La composition des éléments du matériau des aubes mobiles du compresseur a fait l'objet d'une vérification au moyen d'une analyse par rayons X à dispersion d'énergie pour vérifier qu'il s'agissait bien de l'alliage d'acier inoxydable 17-4 PH, le matériau spécifié pour le rotor compresseur. La dureté était uniforme, la valeur moyenne étant de 34,5 à l'échelle Rockwell C (HRC), ce qui est conforme au critère de dureté établi par le constructeur pour ce matériau, soit entre 30 et 38 HRC.
Analyse
Une rupture de fatigue mégacyclique a été confirmée pour une des aubes mobiles du 2e étage, et la séparation de cette aube est considérée comme l'élément déclencheur de la défaillance du compresseur. Cette constatation correspond aux types de dommage observés dans le compresseur, y compris la perte de toutes les aubes mobiles des 2e et 3e étages ainsi que le gros trou observé sur les coquilles de carter dans la zone de passage du 2e étage rotor. L'analyse de la défaillance des aubes fixes n'a révélé aucun signe de défaillance prématurée, et les défaillances de ces aubes ont été considérées comme étant un phénomène secondaire qui ont entraîné la rupture initiale des aubes mobiles de 2e étage. Cette constatation est appuyée par l'examen de plusieurs autres défaillances de compresseur pour ce type de moteur, lesquelles ont montré que dans tous les cas où une défaillance d'aubes fixes de compresseur était identifiée comme la cause initiale de défaillance, il n'y avait aucune perte connexe d'aubes mobiles de compresseur comme dans le présent accident.
On a envisagé la possibilité que des dommages par des corps étrangers aient précédé la défaillance des aubes mobiles de compresseur. Néanmoins, pour un certain nombre de raisons, on n'a pu déterminer avec certitude que c'était bien ce qui s'était passé. Le moteur en question était équipé d'un séparateur de particules; cependant, il semble y avoir eu impact par un petit corps étranger sur une des aubes mobiles du 1er étage, comme le montre ce qui semble être une marque d'impact récente et le transfert d'une particule d'aluminium. Le moteur avait continué à tourner pendant une courte période à la suite de l'impact, et il est possible que le compresseur ait ingéré quelque chose à ce moment-là, ce qui aurait laissé la marque observée sur l'aube mobile du 1er étage. Par ailleurs, la marque présente sur le bord d'attaque de l'aube directrice d'entrée était oxydée, indiquant qu'elle était présente depuis un certain temps. Comme les débris dans lesquels le morceau de rivet d'aluminium a été trouvé avaient été recueillis parmi l'ensemble des débris trouvés dans le capotage moteur après l'accident, on ne peut les lier à la présence de la petite particule d'aluminium dans la marque d'impact. Compte tenu de ces observations, on ne peut écarter l'hypothèse d'un dommage causé par des corps étrangers. Toutefois, l'absence de tout signe fractographique près de la zone d'amorçage de la crique rend son influence comme élément déclencheur probable d'une crique de fatigue sur l'aube mobile du 2e étage peu concluante.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 082/2004 – Compressor Failure (défaillance du compresseur)
Ce rapport peut être obtenu sur demande au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Faits établis
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La défaillance du compresseur a été causée par la séparation d'une aube mobile du 2e étage sous l'effet d'une fatigue mégacyclique, laquelle avait pris naissance au bord d'attaque de cette aube ou près de ce bord. Les dommages mécaniques causés après la rupture dans la zone d'origine ont empêché de déterminer la cause de l'amorce de fatigue.
Autre fait établi
- Des signes de dommages causés par des corps étrangers ont été relevés, mais leur influence à titre d'élément déclencheur de l'amorce de rupture de l'aube mobile du 2e étage compresseur n'est pas concluante.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Composants du compresseur expédiés pour analyse
Moteur Rolls Royce Allison 250-C20B,
numéro de série CAE-836346
Composant | Référence | Numéro de série |
---|---|---|
Volute | 6851574F | AP18581 |
Carter d'admission | 6890530-B | 22977 |
Support arrière | 6851430 | ER22658 |
Coquilles de carter | 23057142 | 26792 |
Diffuseur avant | 6870811 | ER-29772 |
Distributeur | 6870813 | |
Arbre porte pignons à accouplement droit | 23031922-C | CG124630 |
Boîtier de roulement | 6893617-C260 | 17 |
Boulons et écrous divers | N/D | N/D |
Roulement numéro 1 | 6898607 | HAZ101 |
Roulement numéro 2 | 6889093 | HAQ799 |
Bague d'appui du joint carbone | 23034513B | 63005SOCN |
1er étage rotor du compresseur | 6890501 | KR69611 |
2e et 3e étages rotor du compresseur | 23060422 | C36140 |
4e étage rotor du compresseur | 23060404 | C34556 |
5e étage rotor du compresseur | 23060405 | ER41944 |
6e étage rotor du compresseur | 23060406 | ER41335 |
Rouet centrifuge | 3058147-C | KR99876 |
Débris et morceaux d'aubes mobiles | N/D | N/D |
Annexe B - Photos 3 à 8 montrant la défaillance par fatigue de l'aube mobile du 2e étage compresseur
Annexe C - Analyse de la particule présente sur l'aube mobile du 1er étage
Les photos 9 et 10 sont des images du MEB montrant la marque d'impact au bord d'attaque de l'aube mobile du 1er étage où se trouve une petite particule incrustée.
Annexe D - Réexamen du rotor du 2e étage
Les photos 11 à 14 sont des images du microscope électronique à balayage de la région endommagée située près du bord d'attaque de l'aube du rotor du 2e étage qui montrent des signes de porosité ainsi que la direction dans laquelle s'est propagée la crique de fatigue.